Voici une dizaine de jours, c’était le premier anniversaire de la présidence de François Hollande. Triste anniversaire.
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Ceux qui voudraient mettre quoi que ce soit à l’actif du « Président normal » auraient bien des difficultés à trouver quoi citer.
L’endettement du pays continue à se creuser. Les chiffres du chômage poursuivent leur ascension. Les pauvres se multiplient, comme toujours lorsque les socialistes sont au pouvoir. Les projets
fiscaux les plus ineptes énoncés lors de la campagne électorale n’ont pas vu le jour, mais la fiscalité ne s’en est pas moins trouvée alourdie. L’ombre de la duplicité et de l’hypocrisie, qui
s’est déployée avec l’affaire Cahuzac, ne cesse de projeter ses effets de délégitimation.
C’est sur ce fonds malsain que se sont déroulé les manifestations contre la seule « réforme » que François Hollande ait vraiment menée
jusqu’au bout : celle du mariage.
La dimension de destruction de la famille qui s’y love a suscité un vaste mouvement de rejet qui n’aurait sans doute pas acquis cette ampleur s’il
n’avait pris appui sur une inquiétude plus large.
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En sa grande majorité, la population française perçoit que le pays est en déclin et que le déclin s’accentue jusqu’à ressembler à une maladie en
phase terminale.
La perception du déclin, visible dans tous les sondages, s’accompagne d’un désarroi, d’une angoisse, d’une dépression collective tout à fait
explicables.
Sans doute parce que nous sommes au printemps, certains ont vu dans les réactions de dé sarroi, d’angoisse et de dépression collective les traces
d’un « printemps français ». J’aime rais penser qu’ils ont raison, mais je dois dire que je suis circonspect.
Il ne se dessine, en effet, aucun sursaut, aucune esquisse de perspective.
Les gens de gauche pensent, pour la plupart, que François Hollande n’est pas assez à gauche, autrement dit qu’il n’a pas été assez loin dans la
progressivité fiscale, et ils sont plus que jamais enferrés dans la débilité envieuse qui les conduit à considérer qu’il suffit de s’en prendre aux plus entreprenants pour que tout aille mieux.
Nombre de gens de droite sont porteurs de propositions teintées des mêmes idées stupides.
Les explications de l’évolution économique planétaire, des paramètres de la globalisation, de la croissance qui se poursuit ailleurs sur la planète,
et qui ne déserte que le continent européen, sont absentes.
Le vieillissement accéléré que connaît l’Europe, les incitations qui sous-tendent les flux migratoires complexes qui strient celle-ci et en font
fuir les porteurs de capital intellectuel, ne sont jamais évoqués.
La France, comme une part majeure du continent européen, est soumise au règne absolu d’une hégémonie marxiste, anticipée par le communiste italien
Antonio Gramsci dans les années 1930. Gramsci pensait que le capitalisme, dans la première moitié du XXe siècle, était en position hégémonique. Il préconisait une longue marche des adeptes
du dogme marxiste dans toutes les institutions, jusqu’à ce que l’hégémonie capitaliste soit remplacée par une autre hégémonie, marxiste celle-là.
Il précisait que, lorsque cette hégémonie marxiste serait en place, une irréversibilité serait atteinte. Tous les débats alors, disait-il, auraient
lieu au sein de l’hégémonie marxiste ainsi instaurée et sur son horizon. Toute possibilité de raisonner à l’extérieur de l’hégémonie marxiste serait condamnée à être marginalisée. Des mouvements
de colère contre l’hégémonie marxiste instaurée pourraient encore exister, mais ils ne pourraient plus se doter des paramètres indispensables pour constituer une alternance.
Gramsci voyait dans l’hégémonie marxiste instaurée la possibilité que vienne enfin une société socialiste. Il n’avait pas tort.
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Les Français perçoivent le déclin, disais-je. Ils sont imprégnés de désarroi, d’angoisse, de dépression collective. Ils peuvent être en colère. Ils
peuvent chercher des réponses en songeant qu’elles sont à gauche, à droite, ailleurs. Mais ils ne voient pas, dans leur majorité, que l’hégémonie marxiste ressemble à une nasse qui se referme.
Ils ressentent une mort qui vient. Ils ne discernent pas de quoi meurt la France.
Et ils ne discernent pas que la présidence Hollande est l’un des effets de la mort qui vient, pas la cause de cette mort.
Guy Millière est avec Yves Roucaute, l'un des rares professeurs d'université
français qui ait publiquement soutenu George Walker Bush aux élections présidentielles américaines de 2000 et
2004, et à prédire sa réélection en 2004. Il partage les analyses des "néo-conservateurs" américains, avec lesquels il entretient des liens étroits. Il plaide même depuis des années pour que
les États-Unis procèdent à une totale "recomposition" du monde (du monde arabe notamment), y compris par des moyens militaires.
En raison de sa formation en économie aux États-Unis, Guy Millière jette un regard très critique sur la France et est l'auteur de plusieurs ouvrages polémiques
qui la décrivent comme gangrenée et condamnée à terme par l'étatisme de droite comme de gauche. Il a concernant l'Islam des prises de positions en conformité avec les milieux néo-conservateurs auxquels il appartient, et en particulier proches de celles défendues
par FrontPage Magazine.
Le meilleur gouvernement est celui qu'apprend aux hommes de se gouverner eux-mêmes.
Goethe
Trois à quatre millions de personnes visitent chaque année la Statue de la Liberté. Ce monument, l’un les plus connus au monde, symbole de l’amitié
et de la coopération politique entre la France et les États-Unis, est né pourtant d’une initiative privée: c’est la passion de quelques individus –certes influents et visionnaires– qui lui a
donné le jour, et non les relations officielles entre gouvernements. On lui associe généralement le nom de Bartholdi. Sans doute, le sculpteur a façonné le visage et la célèbre torche qui ont
accueilli, dans le port de New York, tant de générations d’immigrants à l’époque des traversées maritimes ; mais c’est à Édouard Laboulaye que l’on doit l’idée de ce projet et c’est son
énergie et son amour de l’Amérique qui en ont permis la réalisation.
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L’Amérique dont il s’agit est celle de l’Union, celle du Nord anti-esclavagiste, dont Laboulaye s’était fait en France le champion, alors même que
l’Empire, comme l’Angleterre, semblaient pencher plutôt en faveur des confédérés sudistes, notamment pour des raisons économiques. Dans un article intitulé « Les États-Unis et la France», il
écrivait :
2 É. Laboulaye, « Les États-Unis et la France », L’État et ses limites, Paris, Charpentier, 1865, p. (...)
Quelles que soient les souffrances de l’industrie, quels que soient les calculs des diplomates, il y a un fait qui domine tout : c’est l’esclavage. La victoire du Nord, c’est la
rédemption de quatre millions d’hommes ; le triomphe du Sud, c’est la perpétuité, c’est l’extension de la servitude avec toutes ses misères et toutes ses infamies. […] Chez nous,
Français, est-il possible que la cause de l’esclavage soit jamais populaire ? Nos pères ont été en Amérique, avec Lafayette et Rochambeau, pour y soutenir la liberté. C’est là une de nos
gloires nationales ; c’est par ce service rendu aux États-Unis que nous sommes là-bas des frères et des amis. Effacerons-nous ce passé mémorable ? Le nom français sera-t-il associé
au triomphe du Sud, c’est-à-dire, quoi que nous fassions, à l’esclavage éternisé ? Cela ne se peut pas2.
Voilà tout Laboulaye, ses passions et son énergie. « Les États-Unis et la France» sont traduits et envoyés au président Lincoln par John
Bigelow, consul général des États-Unis à Paris et ami de Laboulaye. Bigelow fait réimprimer le document à ses frais et annonce qu’il en fait envoyer une copie à chaque membre de la
législature en France, à tous les diplomates, aux principaux organes de presse et aux grands industriels français. Le texte est reproduit dans de nombreux journaux outre-Atlantique. De la
même manière, Laboulaye s’engagera dans la campagne électorale américaine et, sollicité par ses amis américains, mettra sa plume au service de l’élection de Lincoln à la présidence. On le
voit, Édouard Laboulaye a été bien plus qu’un universitaire amoureux de l’Amérique : il fut un homme d’influence, qui marqua de son action les relations entre la France et les États-Unis
et joua un rôle important dans la vie intellectuelle et la vie politique de la France entre 1848 et 1883.
Qui était Édouard René Lefebvre de Laboulaye ? C’est d’abord comme juriste qu’il se fait connaître. Son premier ouvrage, L’histoire du
droit de la propriété foncière en Europe depuis Constantin jusqu’à nos jours, est couronné par l’Académie des inscriptions et des belles-lettres, où il est admis le 17 janvier 1844. Il
voyage en Europe, étudie l’histoire et le droit allemands. En 1849, à trente-sept ans, il devient professeur de législation comparée au Collège de France. Il en sera élu administrateur en
1873 et le restera jusqu’à sa mort. Ses début sont difficiles : « la première fois que je parlai, je vis tout rouge ; la crainte du public m’a donné des palpitations pendant
dix ans3». C’est pourtant là qu’il trouve sa voie : s’il a aimé l’Allemagne et
admiré le modèle prussien, il s’est tourné dès ses premiers cours au Collège de France vers l’Amérique, et n’en a plus détourné les yeux. Avec l’Amérique, il se découvre aussi une passion
pour la liberté: ce sont les clés de son engagement et de sa vie.
3 Cf. É. Laboulaye, « Horace Mann », Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger, 27 f (...)
En 1850, donner un cours sur les États-Unis était novateur, comme le rappelle Stephen Sawyer4. L’intérêt pour l’Amérique était en train de s’éveiller : Laboulaye en fut un catalyseur. L’opinion française avait été
sensibilisée à ce sujet par le marquis de Lafayette, réapparu dans la vie politique française en 1830. Victor Cousin avait apparemment incité Laboulaye à étudier l’Amérique. Tocqueville avait
marqué les esprits avec De la démocratie en Amérique, publié en 1835; Guizot avait écrit sur la vie de Washington en 1839. L’attention pour l’Amérique s’était accrue dans les années
1850 après l’expérience malheureuse, en France, d’un système républicain présidentiel assez proche du régime établi par la constitution américaine –le bicamérisme en moins, au grand regret de
Laboulaye. C’est aussi l’époque du début des grands développements industriels outre-Atlantique. La littérature n’est pas en reste: Baudelaire publie ses traductions de Poe en 1852, l’année
ou paraît aussi La Case de l’oncle Tom, de Harriet Beecher Stowe. Laboulaye était donc le précurseur d’un grand mouvement d’opinion. Et l’accent porté sur la question de l’esclavage
et la manière dont elle était traitée aux États-Unis est révélateur aussi d’un enjeu de politique nationale française : dans la période autoritaire des débuts du Second Empire,
l’opposition se jugeait prisonnière, et la critique de l’esclavage était perçue comme une attaque voilée contre le régime.
Les événements vont faire du professeur timide un tribun engagé. « La révolution de 1848 détruisit tous mes projets et bouleversa toutes
mes idées» écrit Édouard Laboulaye dans l’« Avertissement» qui ouvre en 1872 ses Questions constitutionnelles. Il ajoute : « ce sont les révolutions qui ont fait de
moi un écrivain politique». Pour contourner la censure et éviter d’être destitué comme certains de ses collègues, Laboulaye interrompt son cours sur les États-Unis et choisit des sujets moins
sensibles, comme l’histoire religieuse. Mais c’est encore la liberté, religieuse cette fois, qu’il défend, inspiré notamment par William Channing. Il soutient l’égalité des religions, mais
aussi la séparation de l’Église et de l’État5–au risque de déplaire aux catholiques alors qu’il est lui-même croyant et très attaché à la religion. Après le tournant libéral
du régime, ses critiques se font moins voilées: en 1868, il publie un conte satirique qui fait sensation, Le Prince Caniche.
À cette date, Laboulaye est déjà une figure de la scène intellectuelle et littéraire française. Éditorialiste et pamphlétaire brillant, il est
notamment un collaborateur régulier du Journal des Débats, et publie de nombreux articles dans la presse et dans des revues spécialisées. Paris en Amérique6, publié en 1863 sous le nom du Docteur René Lefebvre –la partie de son nom qu’il n’utilisait pas
ordinairement–, lui a valu un grand succès populaire. Le livre n’eut pas moins de trente-cinqéditions françaises et huit en anglais: ce roman philosophique, satire de la société parisienne et
plaidoyer pour la liberté et le self-government sur le modèle américain, fut un des grands succès de librairie de l’époque. Car outre l’homme politique et le jurisconsulte, Laboulaye
est aussi un conteur de talent, très attaché à la culture populaire. En outre, engagé activement dans le mouvement des bibliothèques de souscription et bibliothèques populaires, c’est un ardent
défenseur de la liberté de l’enseignement, combattant en la matière le monopole de l’état, avec le souci principal de l’éducation de tous:
« la liberté a pour condition première l’éducation de tous les citoyens7».
6 Ce roman, comme beaucoup d’œuvres de Laboulaye, est disponible en ligne sur le site internet Galli(...)
7 É. Laboulaye, « L’instruction publique et le suffrage universel », in L’État et ses limites, 1865, (...)
Lors de sa leçon inaugurale au Collège de France en 1884, Jacques Flach, qui succède à Laboulaye à la chaire d’Histoire des législations
comparées, dresse le portrait de son prédécesseur. Il voit dans le juriste le fondateur en France de l’école historique du droit. Il rend
hommage aussi à l’homme politique qui, en 1860, au moment où l’Empire autoritaire desserre son étreinte, saura utiliser la force nouvelle que représente l’opinion publique. « Avec uneénergie croissante, il revendique la liberté religieuse, la liberté d’enseignement, la liberté de la presse, la liberté municipale, la liberté d’association et, par-dessus tout, la liberté
individuelle8.». Laboulaye, élu député en 1871, devient le chef du centre gauche, pivot
de la politique à un moment crucial où le pays hésitait entre république et monarchie constitutionnelle. Flach rappelle que « si M. Laboulaye ne fut pas le père de la république, il en
fut du moins le parrain». C’est en effet Henri Wallon qui, le 30 janvier 1875, introduit dans les lois constitutionnelles le mot « république», avec une majorité d’une voix,
mais Laboulaye avait beaucoup contribué à ce succès par le discours qu’il avait prononcé pour déposer un amendement semblable –rejeté le 29 janvier sous la pression des monarchistes.
Républicain modéré, conservateur, attaché à la défense des libertés et méfiant à l’égard des révolutions9, il est élu sénateur inamovible en décembre 1875.
L’encrier de Laboulaye
En 1866, Édouard Laboulaye, candidat de l’opposition à Strasbourg, avait été défait « par les campagnes», malgré sa popularité auprès de l’électorat urbain. Après cet échec, des
électeurs de Strasbourg ouvrirent une souscription pour lui offrir un magnifique encrier. Quand l’auteur de Paris en Amérique appela à voter en faveur du plébiscite de 1870, un
journaliste radical, ami des républicains strasbourgeois, J. A. Lafont, plus tard conseiller et député de Paris, considéra que les donateurs de 1866 avaient été trahis par
ce ralliement au régime et réclamaient l’encrier. Les journaux d’opposition publièrent une lettre en ce sens. À l’ouverture du cours du semestre d’été de 1870, Laboulaye fut accueilli
au Collège de France aux cris de: « Rendez l’encrier !». Malgré le soutien d’une partie de son auditoire, il finit par demander la suspension provisoire du cours.
Laboulaye avait-il trahi ses principes ? En réalité, il s’était prononcé clairement pour le régime parlementaire, par exemple dans Le Parti libéral et son programme, publié en
1864. Il était donc fidèle à ses convictions, mais trop modéré pour les radicaux qui voulaient renverser le régime – Laboulaye n’aimait pas les révolutions.
8 Jacques Flach, Vie et œuvres de M. Laboulaye, Archives du Collège de France.
9 Il écrit par exemple : « L’objet constant de mes études est de démontrer que la liberté et la révo (...)
Cet homme d’allure austère, vêtu comme un Quaker, était selon ses interlocuteurs un esprit cultivé, affable, forçant la sympathie. Le véritable
couronnement de sa carrière et de son existence, alors qu’il s’est vu refuser l’entrée à l’Académie française, fut malheureusement posthume: lui qui avait tant étudié et admiré l’Amérique
sans avoir jamais traversé l’Atlantique dépensa ses dernières forces à faire aboutir un projet de statue monumentale à la gloire de l’amitié entre la France et les États-Unis10, qui fut érigé finalement en 1886, trois ans après sa mort. C’est justice d’associer le nom de
Laboulaye à ce monument, allégorie pesante, sans doute, mais porteuse d’un idéal impérissable, de cette liberté dont il avait fait, avec ses divers talents de juriste, de professeur, de
politique et de conteur, le combat de sa vie.
10 É. Laboulaye fut au cœur de la campagne de souscription pour la Statue de la Liberté lancée avec u (...)
« Je n’ai pas besoin de dire quelle est à mes yeux la seule politique qui soit bonne ; cette politique, elle est écrite dans
l’histoire de nos soixante-quinze dernières années. Monarchie, Assemblées, République, Empire, Royauté, légitime ou quasi-légitime, tout est tombé ; une seule chose est restée
debout : les principes de 1789. N’y a-t-il pas là un enseignement suprême ? Ne comprend-on pas qu’au milieu de toutes ces ruines, ni les idées, ni la foi, ni l’amour de la France
n’ont changé. C’est pour la liberté que nos pères ont fait en 1789 une révolution qui dure encore ; elle ne s’achèvera que par la liberté. » Édouard Laboulaye, Le Parti libéral, son programme et son avenir, 1863. Préface, p. XVI
Juriste de formation, il obtient une chaire à l'Institut en 1845, avant d'enseigner au Collège
de France la législation comparée à partir de 1848. A la fois continuateur de Benjamin Constant (dont il éditera les œuvres) et de Wilhelm von Humboldt, il professe un libéralisme
républicain, qui doit beaucoup à sa passion pour les États-Unis.
En 1863 sortent coup sur coup L'État et ses limites et Le Parti libéral, son programme et son avenir, dans lequel il énumère les principes auxquels doit
s'attacher, selon lui, tout programme politique visant à la liberté: aux éléments développés par les auteurs devenus
classiques (droit de propriété, limitation
de la souverainetéétatique, liberté de la presse, liberté de culte), il ajoute - à la suite de John Stuart Mill - le droit de coalition et le suffrage universel. Contrairement à Constant, il juge cette dernière réforme indispensable pour éduquer la majorité de ses
compatriotes à la raison et à la liberté.
Opposant résolu à Napoléon III, il publie aussi un pamphlet cinglant et au
succès retentissant: Le Prince caniche (1868).
Après la chute du Second Empire, élu député de Paris en 1871, il mène un combat en faveur de la liberté d'enseignement et en particulier contre le monopole universitaire. Élu sénateur inamovible en 1875, Il est le rapporteur de
la loi du 19 juillet 1875, qui instaure la liberté de l'enseignement supérieur. De même, son influence sera grande sur la Constitution de la Troisième République (1875). C'est également à son
initiative que le sculpteur Bartholdi concevra la Statue de la Liberté pour célébrer l'amitié franco-américaine.
Conçu pour durer 250 ans, le Bullitt Center, équipé de solaire photovoltaïque, est autonome en électricité, traite son eau et gère ses
déchets.
Il n’existe que trois bâtiments qui répondent aux critères du programme Living Building Challenge, les normes de construction écologique
les plus strictes.
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Toutefois, aucun ne ressemble au nouveau Bullitt Center de Seattle, qui est en passe d’être certifié Living Building
(bâtiment vivant). Ce bâtiment de 4.600 m2 sur six étages, qui a ouvert ses portes fin avril, est surnommé le « bâtiment de bureaux le plus écologique au monde ».
Ce qui est encore plus impressionnant, c’est qu’il est construit en plein cœur du quartier populaire de Capitol Hill à Seattle, ville où le
Code de l’urbanisme freinait au départ la construction de bâtiments écologiques. Les autres bâtiments qui ont décroché cette certification se situent quant à eux en zone rurale.
Alors qu’est-ce qui différencie au juste ce bâtiment des autres bâtiments verts? Il est avant tout autonome, générant sa propre électricité sur site, fournissant et traitant toute
son eau (grâce à un récupérateur d’eau de pluie enterré de 190.000 litres), et gérant ses propres déchets (cela implique des toilettes sèches), comme l’avait rapporté SmartPlanet
en 2011. De plus, l’utilisation de matériaux toxiques est interdite et le bâtiment est construit pour durer 250 ans (bonjour la pression pour les architectes...). L’idée n’est pas
d’être une tour d’ivoire de la durabilité.
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Comme le souligne Arch Daily: Étant sensibilisée à l’environnement, la Bullitt Foundation espère que le nouveau centre démontrera que des
locaux professionnels neutres en émissions de carbone peuvent être «commercialement viables et esthétiquement renversants », une série de systèmes pouvant être facilement copiés
ailleurs sans être trop contraignants en termes d’entretien. [...] Le plus formidable avec ces systèmes innovants est peut-être qu’ils seront tous visibles. Ainsi, les locaux
électriques et techniques du Bullitt Center comporteront de grandes fenêtres en verre pour mettre en vitrine l’ingénierie dernier cri, où les touristes pourront scanner des codes QR
avec un smartphone pour en savoir plus sur chacun des éléments. De plus, une borne sera mise en place pour permettre aux visiteurs de connaître les mesures en temps réel des niveaux
d’eau, de production d’électricité photovoltaïque, de consommation d’énergie et de qualité de l’air intérieur du bâtiment.
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Ce modèle montre que les bâtiments véritablement durables peuvent se développer,
moyennant finances, en l’occurrence 30 millions de dollars.
ENERGIE - ENVIRONNEMENT – CLIMAT
Le bâtiment de bureaux le plusécologique au monde a ouvert à Seattle
Alors que la France est en récession et que le pouvoir d'achat baisse, l'Ifop et la Fondation Jean Jaurès publient une étude sur
le "grand malaise des classes moyennes" qui se vivent comme les grands perdants de la mondialisation.
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François Hollande a tenu, jeudi 16 mai, sa deuxième grand-messe devant la presse, au lendemain d'une journée noire où la France est officiellement
entrée en récession. Difficile d'imaginer que cet exercice suffira à remonter le moral des Français dont le pouvoir d'achat a subi une baisse record.
Et leur redonner espoir va s'avérer encore plus compliqué alors que l'inquiétude touche tout le monde, et s'accentue fortement au sein des classes
moyennes, si l'on en croit l'enquête de la Fondation Jean Jaurès intitulée "Le grand malaise" (-> Lire l'essai dans son intégralité en cliquant ici). Dans
cette vaste étude, le think tank de gauche a voulu prendre le pouls de cette catégorie sur son sentiment de "déclassement", deux ans après une précédente enquête et alors que la crise s'est
durablement installée. Et le résultat est sans appel. Le "descenseur social" a gagné en puissance. [Le descenseur social est une notion inventée par Alain Mergier et
Philippe Guibert en 2006. D’après eux, pour les milieux populaires, non seulement l’ascenseur social n’était pas en panne mais il s’était mis à fonctionner à l’envers, entraînant vers le bas
des pans entiers des catégories modestes, ndlr] Les principales victimes ne sont donc plus seulement les classes populaires, mais aussi les classes moyennes.
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Qui sont les Français qui se rangent dans la catégorie "classe moyenne"
Ainsi, selon une enquête de l'Ifop réalisée pour le compte de la Fondation Jean Jaurès, la proportion d’ouvriers se définissant comme appartenant à
la classe moyenne recule de 5 points, par rapport à 2010. Celle des professions intermédiaires, tout comme celle des commerçants, artisans et chefs d’entreprise chute de 7 points. Dans le même
temps, ceux qui se perçoivent comme des défavorisés ou des membres des catégories modestes en gagne 7.
Mais il y a pire encore dans le constat de l'Ifop. Car en séparant schématiquement la société selon une ligne passant au sein des classes moyennes,
l'institut relève une tendance nouvelle qui interpelle: en moins de deux ans, les défavorisés, les catégories modestes et les classes moyennes inférieures a augmenté de 10 points au moins
(passant de 57 % à 67 %). Tandis que l'autre bloc constitué par les classes moyennes véritables, les classes moyennes supérieures et les favorisés ou les aisés a plongé de 43 % à 33 %.
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"Trop riches pour être aidés, mais pas assez pour nous en sortir"
"Cette classe moyenne a le sentiment d'être prise entre deux feux, relate Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l'Ifop. Dans nos
enquêtes, une phrase revient systématiquement de la part de cette population: 'Nous sommes trop riches pour être aidés, mais pas assez pour nous en sortir'. Ce qui implique que ces personnes
n'ont plus un ressentiment seulement vis-à-vis de ceux qui sont en haut de la pyramide, mais aussi et surtout vis-à-vis de ceux qui sont en dessous d'eux". Ils ont ainsi l'impression de "se
situer juste au-dessus du filet protecteur du modèle social à la française et d’y contribuer fortement sans en percevoir de bénéfices suffisants génère un très puissant rejet de l’assistanat",
comme l'indique l'étude.
Le poids de la fiscalité
Et ce d'autant que les classes moyennes véritables se distinguent comme étant le groupe qui, avec les favorisés et aisés, estime le plus que le
montant de l’impôt acquitté est élevé. Et que cette catégorie de la population n'arrive plus à épargner à la fin du mois (47% contre 57% en 2010)
"Ce sentiment d'être tiré vers le bas est ressenti par à peu près tous les Français, souligne Alain Mergier, sociologue et un des auteurs du rapport
'Le grand malaise'. On assiste à une fragmentation de la société". La faute à qui? "Aujourd'hui, la mondialisation est centrale. Jusqu'alors, on s'en prenait à l'Etat quand quelque chose n'allait
pas. Mais depuis la crise, on s'est rendu compte que ce n'était pas l'Etat qui avait le pouvoir, mais les marchés financiers!", rapporte le sociologue.
Problème, cet état d'esprit ouvre un boulevard aux partis autoritaires et conservateurs. Dans les travaux qu'il effectue, Alain Mergier constate en
effet que de nombreux électeurs qui votent traditionnellement PS ou UMP se disent que la mondialisation est un danger et qu'il vaut mieux "s'enfermer chez nous", que ce serait, la moins pire des
solutions.
"C'est sur cet axe que Marine le Pen, leader du Front national peut séduire, note Alain Mergier, surtout avec une Europe qui n'apparaît pas comme
protectrice aux yeux de beaucoup. Elle peut séduire avec ce discours même des personnes qui ne partagent en rien son discours xénophobe et raciste".
Retrouvez l'intégralité de l'enquête IFOP ci-dessous:
Les thèses niant que le changement climatique soit d’origine anthropique sont fortement minoritaires,
contrairement à ce que croient beaucoup de gens... et de médias.
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Selon plusieurs sondages*, beaucoup croient encore que les scientifiques sont partagés sur la question du réchauffement
climatique. Une étude parue hier dans la revue Environmental Research Letters montre que c’est faux: pour une très forte majorité des publications sur 20 ans, le réchauffement climatique
est dû à l’activité humaine (ce qu’on appelle une origine anthropique du changement climatique). Plus précisément, entre 1991 et 2011, sur près de 4.000 articles (3.896 exactement)
exprimant une opinion à ce sujet et écrits dans des revues scientifiques à comité de lecture par des chercheurs du même domaine (« évaluation par les pairs ») par plus de 10.000
scientifiques (10.188), 97,1% entérinent la thèse de l’origine humaine du changement climatique.
Reste qu’entre l’attitude de certains médias qui donnent la parole à égalité entre tenants et détracteurs de
l’explication anthropique et les gros tirages d’un auteur comme Claude Allègre – « populiste scientifique » selon l’expression du journaliste du Monde Stéphane Foucart, l’ancien ministre
relativisait naguère les dangers de l’amiante (« psychose collective » à Jussieu) et truffe ses livres de citations truquées et d’erreurs jamais rectifiées -, les climato-sceptiques
risquent d’avoir encore de beaux jours devant eux. Gagnant ainsi encore des années avant l’adoption de politiques concrètes, comme autrefois autour des dangers du tabac (ô surprise, on
retrouve parfois les mêmes lobbyistes « marchands de doute ») ou du diesel.
* Surtout outre-Atlantique: 43% des Américains sondés pour Pew Research en octobre 2012 pensaient que les scientifiques ne
s’accordent pas sur le sujet. Selon un sondage Ipsos (janvier 2010), 22% des Français sondés estimaient que la réalité du réchauffement climatique n’est pas scientifiquement
fondée.
ENERGIE - ENVIRONNEMENT – CLIMAT
Le réchauffement climatique d’originehumaine selon 97% des publications scientifiques
Quelles avancées pour le respect des libertés individuelles dans le rapport parlementaire sur les services de
renseignement ? À dire vrai, pas beaucoup...
Le rapport présenté au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale par son président, le député
socialiste Jean- Jacques Urvoas, définit un nouveau cadre pour les services français. Il est aussi marqué par quelques lacunes, parfois gênantes. Axé sur le cadre juridique du
fonctionnement des services de renseignement, le rapport Urvoas prône, entre autres, des innovations majeures, qui posent bien des questions. Notamment pour la garantie des libertés
individuelles.
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Nouveaux moyens techniques
La première concerne la possibilité pour les services de renseignement de recourir à certains moyens et méthodes
autorisés à la police judiciaire, celle-ci sous le contrôle des magistrats. Il s'agit notamment des infiltrations (de groupes suspects), de la sonorisation clandestine de locaux ou de
véhicules, de l'installation de caméras dans des lieux privatifs, y compris les véhicules qui pourraient de surcroît être équipés de balises, etc. En fait, chacun sait que les
services ont déjà recours à ces techniques, mais hors de toute légalité.
La commission craint qu'à défaut de
légiférer rapidement sur ces points la France puisse de nouveau se faire étriller par la Cour européenne des droits de l'homme, comme ce fut déjà le cas dans l'affaire Christophe
Vetter, dont le jugement condamnant l'État français a été publié le 31 mai 2005 . Jean-Jacques Urvoas réclame également la possibilité pour les services de renseignement de
recourir à l'interconnexion des fichiers informatiques, évolution jugée "fondamentale". Et le rapport de préciser : "À l'heure où les nouvelles technologies facilitent grandement
les entreprises terroristes, il semble contre-productif de se priver d'un tel outil dont l'exploitation peut aisément s'effectuer si des précautions sont prises en matière de contrôle
de l'accès et de l'utilisation de ces fichiers, dans le respect des droits et des libertés." Analyse très contestable, évoquant une pratique à haut risque sur laquelle la Cnil
(Commission nationale de l'informatique et des libertés) se montre à juste titre particulièrement vigilante. Mais la commission répond qu'il n'y a pas d'inquiétude à concevoir dès
lors qu'une nouvelle structure de contrôle des services, la CCAR (commission de contrôle des activités de renseignement) sera précisément chargée de superviser la légalité de ces
nouvelles pratiques. Qui ne fonctionnent pourtant dans le respect des libertés individuelles que dans un seul pays : celui des Bisounours !
Privatisation oubliée
Un aspect pourtant très important est ignoré - à notre humble avis, à tort - par le rapport Urvoas. Il s'agit de
ce phénomène explosant depuis l'essor de la société de l'information : la privatisation du renseignement. Justement, depuis qu'il est devenu si facile d'accéder aux fichiers que
détiennent en propre les services ou des entreprises privées (opérateurs internet, fournisseurs d'accès, entreprises de télécommunications, moteurs de recherche, services de mails,
entre autres), la tentation est forte pour ceux qui détiennent légalement ces informations de les revendre aux sociétés privées de renseignement. Quoi qu'en disent le gouvernement et
les services, quelles que soient les précautions prises, le phénomène est massif, extraordinairement juteux, et repose sur la relation consanguine entre anciens des services passés au
privé et collègues toujours en fonction. Cette pratique est particulièrement inquiétante et a fait l'objet de très nombreuses dérives dont on ne connaît que celles, très rares,
passées devant la justice. Mais le rapport Urvoas n'en dit malheureusement pas un mot, alors que le phénomène ne fait que croître et qu'empirer !
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Que décidera le gouvernement ?
À ce stade, le rapport Urvoas ne doit pas faire l'objet d'une proposition de loi. Le député du Finistère
préférerait de très loin que le gouvernement s'en empare et fasse passer tout ou partie de ses idées dans un projet de loi présenté au Conseil des ministres. Lors de la
présentation du document en conférence de presse, il a fait part de sa confiance sur ce point, tout en estimant qu'un calendrier législatif chargé ne permettrait pas que le
gouvernement soit saisi avant 2015. Se hâter lentement n'est pas un signe d'absence de volonté, mais il est clair que le gouvernement a d'autres priorités. Déjà auteur d'une
proposition de loi avortée et passée inaperçue, sauf des lecteurs du Point, Jean-Jacques Urvoas n'avait pas obtenu de François Hollande qu'elle soit présentée au début de 2012. Le
président de la République voit - certes sans hostilité - le même plat repasser, alors qu'il a endossé en matière de renseignement les institutions rénovées laissées par Nicolas
Sarkozy. François Hollande donne à ce stade l'impression de s'en accommoder parfaitement, et nous verrons bien s'il donne suite, ou pas, aux propositions de Jean-Jacques Urvoas.
Des socialistes très actifs
Une chose est sûre : jamais, depuis l'origine de la Ve République, des parlementaires n'ont montré autant d'intérêt
pour les affaires de renseignement. D'abord dans l'équipe de Dominique Strauss-Kahn, puis dans celle de François Hollande, la préparation de l'élection présidentielle avait permis à
une poignée de parlementaires, de hauts fonctionnaires et d'anciens cadres dirigeants des services de renseignement de plancher sur une réorganisation institutionnelle des services. Ces
réflexions pas toujours très bien coordonnées aboutissent aujourd'hui à une vraie prise en charge parlementaire des problématiques liées au renseignement. Il est d'ailleurs utile de
constater que le rapport de la commission des Lois a été approuvé à l'unanimité de ses membres, démontrant ainsi que les réformes sont demandées par-delà les divergences
politiques. Jusqu'à présent située très loin en queue de peloton international sur l'intégration de cette communauté spécialisée dans la pratique institutionnelle de la démocratie,
la France pourrait bien être en train de changer d'époque. Pour l'instant, rien n'est joué, mais une étape a été franchie. Attendons les suivantes...
ENJEUX DE LA DEFENSE - DOCTRINE - CONCEPTS - MISSIONS
Renseignement : les lacunes du rapportUrvoas
Source, journal ou site Internet : Le Point
Date 19 mai 2013
Auteurs : Jean Guisnel
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Un renseignement est une information estimée pour sa valeur et
sa pertinence. Le renseignement se définit ainsi par opposition à la donnée (qui se réfère à la précision de l'information), ou d'un fait (constatation objective). Le renseignement se définit aussi par son usage : c'est une information délivrée (à un gouvernement ou une
institution) pour guider des prises de décisions et des actions.
Par extension, le renseignement est l'ensemble des activités dédiées au traitement des renseignements (orientation, recherche, analyse,
diffusion). Pour les non spécialistes et la littérature de fiction, toutes ces activités sont généralement désignées sous le terme péjoratif « espionnage », en
les définissant de manière dépréciative, imaginaire ou réductrice sous le seul angle de la collecte clandestine d'informations secrètes ou privées1. Pour les spécialistes, l'espionnage définit néanmoins certaines actions de renseignement :
celles de l'ennemi.
Par extension, le renseignement est enfin l'ensemble des organismes qui se consacrent à ces activités. Dans ce sens, le renseignement
désigne notamment les services gouvernementaux de renseignement ou
bien les unités militaires spécialisées2.
Les réformes sont freinées en France par deux convictions intimes des
Français.
Un, ils pensent que la crise vient d'ailleurs: du capitalisme libéral mondialisé, de la Chine, de «la finance», de l'Allemagne et autres
boucs émissaires.
Et, deux, qu'elle détruit le social. Qu'y a- t-il de
vrai?
Première croyance: la crise vient d'ailleurs. Selon les dernières prévisions du FMI, la croissance dans les pays
émergents et les pays en développement devrait atteindre 5,3% en 2013 et 5,7% en 2014. Aux Etats-Unis, elle serait de 1,9% en 2013 et de 3% en 2014. En revanche, l'Europe est en
récession cette année (-0,3%) et la reprise ne sera qu'atone (+1,1%) en 2014.Ces chiffres sont accusatoires: la crise
n'est plus qu'européenne.De 1960 à 2000, les Etats-Unis, leader du monde riche, ont crû en moyenne
de 2,5% l'an. Vingt pays pauvres ont fait mieux, 4% l'an, en somme 1,5% plus vite, selon des calculs de l'économiste Arvind Subramanian, du Peterson Institute. Ces pays sont connus: Japon,
Corée, Chine, Inde...
Puis, entre 2000 et 2010, ce sont quatre-vingts pays, cette fois de toute l'Amérique latine et d'Afrique, qui
dépassent la vitesse américaine de non plus 1,5% mais 3,25% l'an.
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Rattrapage
Autrement dit, quatre fois plus de pays vont deux fois plus vite que leurs prédécesseurs! Si le rythme perdure,
l'Afrique subsaharienne devrait dans cinquante ans atteindre le niveau actuel du Chili, pays appartenant au club de l'OCDE. La crise a-t-elle cassé ce mécanisme de rattrapage accéléré?
De 2008 à 2012, le rythme de croissance du Sud a ralenti de 4,5% à 3%. Mais le gap avec les pays riches s'est grosso modo maintenu, comme le montrent les chiffres de 2013. La croissance
des émergents a été affectée conjoncturellement par la crise dessubprimes et la crise del'Eurozone.
Mais pas structurellement. Ces pays ne sont nullement en «crise». Ce phénomène de rattrapage a un autre nom: la réduction
rapide des inégalités «entre» les pays. Cette convergence prouve que, non, la planète ne devient pas de façon unidirectionnelle plus inégalitaire. L'examen des inégalités «à
l'intérieur» des pays est, lui, plus complexe.
Prenons d'abord la pauvreté. L'Objectif du millénaire pour le développement qui visait à réduire de moitié la part de
la population mondiale vivant dans l'extrême pauvreté d'ici à 2015 a été atteint avec une avance de cinq ans. Il reste, certes, encore 1,3 milliard de personnes qui vivent avec moins de
1,25 dollar par jour et plus de 2 milliards qui vivent avec moins de 2 dollars. Mais l'éradication, le nouvel objectif de l'ONU, est possible grâce au «rattrapage accéléré» des pays du
Sud.
Moins de pauvres, plus de riches
Cette victoire contre la pauvreté ne se traduit pas sur les inégalités. S'il y a moins de pauvres, il y a aussi plus de
riches. Dans les pays émergents, une classe moyenne et une élite de milliardaires sont nées du boom. En conséquence, de la Chine au Brésil, les revenus se sont écartés et les indices
d'inégalités internes à chaque pays ont fortement augmenté. Dans les pays développés, que s'est-il passé? Avant la crise, on le sait, l'évolution des revenus avait défavorisé la
classe moyenne et privilégié des super-riches. Les impôts ont corrigé cette tendance, avec succès dans certains pays comme la France. Mais ensuite, quel a été l'effet de la crise? Une
étude de l'OCDE portant sur 2007-2010 est très instructive. On y lit que l'effet sur les ménages a fait mal: les inégalités de revenus privés (avant les prestations sociales) ont crû
dans pratiquement tous les pays. L'indice Gini qui mesure les inégalités a gagné 1,4%. Mais les transferts sociaux sont parvenus à entièrement corriger cette dégradation. Les aides
reçues par les ménages ont été d'autant plus élevées que leur pays était en difficulté. En clair, l'Etat social n'est pas mort: il a fonctionné. En Finlande ou en Norvège, le gain
total a même été positif avec au bout du compte une réduction des inégalités. En revanche, en Pologne ou en République tchèque, c'est le contraire, les aides de l'Etat sont si
mal distribuées, qu'elles ont encore accru les inégalités au lieu de les réduire.
Deux leçons
L'examen de la pauvreté confirme le tableau: les transferts ont limité les méfaits de la crise sur la pauvreté. Celle-ci
a crû un peu en Italie et en Espagne mais a reculé au Portugal et au Royaume-Uni. Le détail mérite d'être regardé: la pauvreté a augmenté chez les enfants, les jeunes et les adultes
mais elle a épargné les seniors. Voilà qui en dit long sur le pouvoir des cheveux gris dans nos démocraties. Ces résultats, souligne l'OCDE, s'arrêtent à 2010. La poursuite de la crise
en Europe et les programmes d'ajustement budgétaire vont conjointement mettre à rude épreuve les systèmes d'Etat providence. Mais tous ces chiffres donnent deux leçons claires.
Premièrement, la crise ne frappe plus le monde entier
mais l'Europe. Il faut cesser de voir dans «la crise» une calamité venue d'en haut et chercher d'abord chez soi, les bonnes politiques. Les dirigeants européens sont les responsables de la
persistance de la crise en Europe; ni individuellement ni ensemble, ils n'ont pris conscience de l'ampleur des problèmes.
Deuxièmement: l'économie mondialisée n'impose pas un
recul du social. La lutte n'est certes pas facile mais son issue dépend, elle aussi, des choix politiques dans chaque pays. La crise comme ses ravages dépendent de nous. Il n'y a pas de
fatalité, mais des bons et des mauvais gouvernements.
La crise ne vient pas d’ailleurs, elle esteuropéenne
Source, journal ou site Internet : slate avec les Echos
Une énorme batterie permettra d’emmagasiner de l’électricité issue du solaire photovoltaïque. Un nouvel exemple du
développement rapide des énergies renouvelables au Japon.
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Voilà une batterie que vous ne trouverez pas dans votre provision de piles de rechange: le Japon va dépenser 204
millions de dollars pour installer une batterie géante qui emmagasinera l’électricité photovoltaïque dans une sous-station électrique. Le pays a besoin de cette batterie afin de ne pas
gaspiller la production des nouveaux parcs
solaires en train de voir le jour sur l’île
septentrionale d’Hokkaidō, indiqueBloomberg. Hokkaidō compte également au moins un nouveau projet d’énergie éolienne. C’est la deuxième plus grande île du Japon, l’une de ses 47
préfectures, qui abrite la ville de Sapporo. Plusieurs sources, dont le Japan Times, décrivent la batterie de 60 mégawatheures comme la plus grande au monde. L’an dernier, Popular Science
avaitaccordécette distinction à un mastodonte de 36 mégawatheures en Chine. La batterie japonaise fera près du double de sa taille. Peu de détails ont filtré sur la technologie de la
batterie. Le stockage d’électricité solaire est habituellement associé aux centrales solaires thermiques, et non à la production photovoltaïque. Les systèmes solaires thermiques chauffent
un liquide qui aide à créer de la vapeur pour faire tourner les turbines. Certains liquides, comme les sels fondus, peuvent retenir la chaleur et ainsi emmagasiner l’énergie. Les systèmes
photovoltaïques génèrent de l’électricité directement, sans l’aide de turbines. La batterie géante d’Hokkaidō emmagasinera la production photovoltaïque.
Mise en œuvre d’ici mars 2015
Bloomberg indique que le ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie prévoit d’installer la batterie
d’ici mars 2015 dans le cadre d’un plan « pour répondre à la forte concentration de projets solaires à Hokkaidō». Il est à noter que «les réseaux d’électricité de l’île ont presque
atteint leur limite s’agissant de gérer l’afflux d’énergies propres, selon une déclaration du ministère ». Le Japon a perdu environ 30% de son alimentation en électricité lorsqu’il a
fermé la quasi-totalité de ses centrales nucléaires après le séisme et le tsunami de Fukushima il y a plus de deux ans. Depuis, il comble le manque en important des combustibles fossiles,
coûteux aussi bien sur le plan économique qu’environnemental. Le nouveau premier ministre Shinzō Abe pousse quant à lui à la relance du nucléaire.
ENERGIE - ENVIRONNEMENT – CLIMAT
La plus grande batterie au mondestockera l’électricité solaire au Japon
Source, journal ou site Internet : smartplanet
Date : 18mai 2013 Auteur : Mark Halper
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Le conglomérat japonais, Sumitomo Electric Industries a annoncé mardi avoir terminé la réalisation d'un système de génération et de
stockage d'électricité (1 MW) sur les lieux de Yokohama Works, situés à 30 km au sud de Tokyo, au Japon.
Le système qui est entré hier en fonctionnement comprend un accumulateur 'redox-flow' et des unités photovoltaïques à concentration (CPV), les
plus puissantes du Japon. Pour la mise au point de ce système, la société a coopéré avec Nissin Electric, Sumitomo Densetsu et Meidensha Corporation dans leurs domaines techniques
respectifs.
La mise sur le marché d'une énergie renouvelable intermittente, telle que le solaire ou l'éolien, nécessite l'utilisation d'accumulateur et le
type 'redox-flow' aiderait à stabiliser l'offre d'électricité, contribuant ainsi à diminuer les coupures de courant sur l'archipel.
Le système se compose de 28 unités CPV, (puissance totale : 200 kW**)
et d'un accumulateur redox-flow (capacité : 1 MW x 5 heures), qui fonctionnent respectivement comme sources d'énergie renouvelable et installation de stockage de
l'électricité produite par les unités CPV.
L'accumulateur redox-flow est une batterie de stockage qui se compose d'un compartiment cellule de charge / décharge et d'un réservoir rempli
d'électrolyte d'ions de métal. Il se charge / décharge grâce à la réaction d'oxydoréduction du vanadium et d'autres ions.
L'accumulateur posséderait une grande longévité, les électrodes et l'électrolyte n'étant pas sujets à détérioration même après des opérations
répétées de charge / décharge. Par ailleurs, son entretien serait aussi facilité car l'accumulateur utiliserait le même électrolyte dans la cathode que dans l'anode. Il offrirait également
une plus grande sécurité car il ne nécessiterait aucune substance combustible et fonctionnerait à des températures ambiantes. Selon ses concepteurs, cet accumulateur conviendrait à des
opérations de charge / décharge irrégulières en raison de ses capacités de surveillance et de contrôle précis. Ces caractéristiques feraient donc de
cet accumulateur redox-flow une batterie de stockage optimale pour l'utilisation efficace d'énergie renouvelable et du surplus d'électricité produit.
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L'Unité photovoltaïque à concentration (CPV) est un système photovoltaïque qui convertit les rayons solaires concentrés par une lentille en
électricité à l'aide de petites cellules photovoltaïques. Grâce à ces dernières qui sont fabriquées à partir d'un matériau composite semi-conducteur spécial, un panneau CPV possède une efficacité de génération d'électricité deux fois supérieure à celle d'un panneau solaire au silicium actuellement sur le
marché. Les panneaux concentrateurs peuvent être installés en position surélevée, permettant d'utiliser l'espace qui se trouve en dessous.
Relié aux réseaux électriques commerciaux externes, le système peut également stocker de l'électricité fournie par les entreprises productrices
d'électricité durant la nuit. Ce système utilise un système de gestion de l'électricité qui surveille la quantité d'électricité générée par les unités CPV, le stockage par l'accumulateur et
la consommation, et qui entrepose les données des mesures dans le serveur central.
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Le système de gestion d'énergie surveille et gère l'intégralité du flux d'énergie, y compris
l'électricité fournie par 28 unités CPV et les réseaux électriques commerciaux, l'accumulateur redox-flow et la consommation d'électricité d'un bureau ou d'une usine. Les données obtenues
sont envoyées au serveur central de contrôle via des réseaux de communication optiques et contrôlées collectivement. La société prévoit d'utiliser ce système dans le cadre du test de
démonstration du système de gestion de centrale d'énergie, dans lequel les générateurs d'électricité à moteur à gaz existants sont connectés à
l'accumulateur redox-flow et aux unités CPV afin d'obtenir un équilibre optimal entre l'offre et la demande d'électricité et un contrôle de la demande en électricité au sein de la
Works.
Les fonctionnalités et objectifs du système
- Le système devra équilibrer la consommation d'électricité (contrôle de la demande maximum de 1 MW), contribuant ainsi à atténuer la forte
pénurie d'électricité au Japon.
- Le système doit permettre de délivrer une offre stable d'électricité selon les prévisions établies en associant un accumulateur 'redox-flow' à
des générateurs d'électricité solaire. Cette amélioration donnera plus de valeur à la production d'électricité solaire, qui dépend de la météo, et accélèrera la mise sur le marché de cette
source naturelle d'électricité.
- Le système contrôlera la quantité d'électricité déchargée de l'accumulateur selon les charges électriques de façon à stabiliser la
consommation, ce qui minimisera la dépendance vis-à-vis des centrales électriques.
- Le système équilibrera les fluctuations dans la production d'énergie solaire en chargeant/déchargeant l'accumulateur, diminuant ainsi la
dépendance vis-à-vis de la génération d'électricité thermique et augmentant la taille des générateurs d'électricité solaire connectés.
Par ailleurs, Sumitomo Electric envisage également de débuter le test de démonstration d'un système de gestion de centrale d'énergie, qui
associe les générateurs d'électricité à moteur à gaz existants à l'accumulateur redox-flow et aux unités CPV afin de former un système de gestion optimal pouvant contrôler l'ensemble du flux
d'énergie dans la Yokohama Works. La société va coopérer avec Meidensha Corporation pour la démonstration, qui constituera la première tentative dans le cadre du Projet Yokohama, ville
intelligente (Yokohama Smart City Project), l'un des projets 2012 d'énergie prochaine génération et de démonstration de système social à l'initiative du Ministère de l'économie, du commerce
et de l'industrie (MECI).
Sumitomo Electric prévoit de mettre ces systèmes en pratique, particulièrement pour les gros
consommateurs d'électricité comme les usines et les installations commerciales, dans le but de promouvoir l'utilisation de sources d'énergie renouvelable et une consommation d'énergie
plus efficace. La société, qui prévoit une commercialisation durant l'exercice 2013 continue d'œuvrer à la réduction du coût et à d'autres améliorations du système.
* Le système se compose de 15 unités CPV et produit une puissance maximum d'environ 100 kW à la date de la démonstration. Le système atteindra la puissance
maximum d'environ 200 kW une fois que 28 unités seront connectées à la fin de l'exercice en cours.
Le ministre français n'arrive qu'à la 16e place sur 19 d'un classement des meilleurs ministres des finances de l'Union européenne établi par le
Financial Times. Encore un coup de la perfide Albion?
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Après The Economist, le Financial Times... France a décidément du mal avec la presse financière britannique. Pierre Moscovici
n'arrive en effet qu'en 16ème position sur les 19 du traditionnel palmarès des ministres européens des Finances établi par le FT .
Autrement dit, en queue de peloton. L'Allemand Wolfgang Schäuble, en revanche, recueille les lauriers de la première place pour la deuxième année consécutive, suivi par le Suédois Anders Borg et le Polonais Jacek
Rostowski.
Pour établir son classement des meilleurs argentiers des 19 plus grandes économies de l'Union européenne, le quotidien britannique a évalué leurs
performances économiques (à la fois sur les critères de la croissance et de l'équilibre budgétaire), leur crédibilité vis à vis des marchés financiers (mesurée par l'évolution du rendement des
obligations d'Etat) et enfin leur habileté politique, tant au niveau national qu'international (le FT a dmandé à 7 économistes de noter les ministres en fonction des défis et des réponses qu'il
leur ont apportées et de leur influence internationale).
En fait, le piètre classement du Pierre Moscovici s'explique avant tout par sa mauvaise performance "politique", pour laquelle il
ne décroche que la 17ème position, juste devant le grec Yannis Stournaras. Alors qu'en termes économique et financier, il obtient des place équivalentes à la moyenne. L'Allemand, lui, tout
champion qu'il soit, au 1er rang en terme d'habileté politique et au 3ème pour ses résultats économiques, est para doxalement pénalisé par la dégradation de sa crédibilité vis à vis des marchés
financiers pour laquelle il est relégué au 12ème rang.
Notons au passage la dégringolade du ministre britannique, Georges Osborne, de la 3ème place obtenue l'an passé, à la 15ème aujourd'hui. Ses
résultats sont plombés par son 16ème rang au niveau économique. Quant à la plus forte progression, elle est à mettre à l'actif de l'Italien VittorioGrilli, qui passe de la 18e place à l'an dernier à la 10e en
2012. Comme quoi, il y a de l'espoir pour Pierre Moscovici...
Rang général
Ministres des Finances
Rang économique
Rang de la crédibilité sur les marchés financiers
Rang politique
1
Wolfgang Schäuble (Allemagne)
3
12
1
2
Anders Borg (Suède)
2
13 ex aequo
2
3
Jacek Rostowski (Pologne)
4
9 ex æquo
6
4
Jutta Urpilainen (Finlande)
5
7 ex æquo
10 ex æquo
5
Michael Nooman (Irlande)
13
6
4
6
Jean-Claude Juncker (Luxembourg)
10
4 ex æquo
7
7
Peter Kazimir (Slovaquie)
1
18
13
8
Vittorio Grilli (Italie)
15
9 ex æquo
5
9
Steven Vanackere (Belgique)
6
1 ex æquo
14
10
Vitor Gaspar (Portugal)
18
15 ex æquo
3
11 ex æquo
Miroslav Kalousek (République tchèque)
8
1 ex æquo
15
11 ex æquo
Jan Kees de Jager (Pays Bas)
14
7 ex æquo
9
13
Bjarne Corydon (Danemark)
12
3
12
14
Maria Fekter (Autriche)
7
4 ex æquo
16
15
Georges Osborne (Royaume-Uni)
16
13 ex aquo
10 ex æquo
16
Pierre Moscovici (France)
9
9 ex æquo
17
17
Yannis Stournaras (Grèce)
19
15 ex æquo
8
18
Gyorgy Matolcsy (Hongrie)
11
17
19
19
Luis de Guindos (Espagne)
17
19
18
Moscovici parmi les plus mauvais ministres des finances, selon le Financial Times
Il quitte la LCR d’Alain Krivine en 1984. Sous l'impulsion de Dominique
Strauss-Kahn, qui fut son professeur à l'ENA, il se rapproche du PS, dont il devient en 1986 secrétaire du « groupe des
experts » constitué par Claude Allègre. Considérant ses engagements de jeunesse, il affirmera en
2006 : « Le Parti socialiste me paraissait opportuniste »4.
En 1990, il entre au Commissariat général au Plan et devient Chef de service de financement et de la modernisation de l'économie. Fidèle de
Lionel Jospin, il devient en 1990 le plus jeune
secrétaire national du PS. En 1991, il publie avec François Hollande (secrétaire général des clubs « Témoins ») L’Heure des choix, un réquisitoire contre la politique
économique de Pierre Bérégovoy. En 1992, il devient trésorier du PS5 et
le reste jusqu'en 1994.
La Constitution de 1793, très démocratique, n'avait jamais été appliquée. Les Thermidoriens, répétant les principes qui l'avaient inspirée,
rédigèrent une nouvelle Constitution. Celle-ci, sans renier aucun des grands principes de la Révolution, prit des dispositions pour éviter à la fois le danger populaire et le retour d'un
dictateur. D'ou le retour au régime électoral censitaire et la création d'un pouvoir législatif partagé entre deux assemblées - les Cinq Cents et les Anciens - et d'un pouvoir éxécutif sur cinq
têtes - les cinq membres du "Directoire". Ce système, destiné à conjurer les erreurs du passé, était lourd de conflits pour l'avenir et préparait l'anarchie ou le coup de force. Cette
Constitution soumise à la ratification du peuple, devint la Constitution de l'An III, Boissy d'Anglas exposa, le 23 juin 1795, la philosophie de ce nouveau texte. Après avoir démontré le risque
que faisait courir à la Nation la Constitution de 1793, il présenta cette nouvelle version comme un gage de sagesse politique et de reconnaissance de la vertu civique.
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Ici le passage le plus caractéristique du désir des Thermidoriens d'assurer la paix publique en réservant aux plus riches propriètaires la capacité
politique et le droit de suffrage aux seuls contribuables. Il convient de se souvenir que les excès des mouvements populaires et la dictature de Robespierre étaient encore présents dans l'esprit
des rescapés de la Terreur et alimentaient leur défiance.
Voici l'exposé de Boissy d'Anglas: A MEDITER!!
"La convention est arrivée au terme ou, planant au-dessus de tous les intérêts particuliers, des fausses vues, des petites idées, elle doit
se livrer sans crainte à l'impulsion de ses propres lumières; elle doit se garantir avec courage des principes illusoires d'une démocratie absolue et d'une égalité sans limites, qui sont
inconstestablement les écueils les plus redoutables pour la véritable Liberté. L'égalité civile, en effet, voilà tout ce que l'homme raisonnable peut exiger. L'égalité absolue est une chimère;
pour qu'elle pût exister, il faudroit qu'il existât une égalité entière dans l'esprit, la vertu, la force physique, l'éducation, la fortune de tous les hommes.
En vain la sagesse s'épuiserait-elle pour créer une Constitution, si l'ignorance et le défaut d'intérêt à l'ordre avoient le droit d'être reçus
parmi les gardiens et les administrateurs de cet édifice. Nous devons être gouvernés par les meilleurs; les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois:
or, à peu d'exceptions près, vous ne trouvez de pareils hommes que parmi ceux qui, possédant une proprièté, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité qui
la conserve, et qui doivent à cette proprièté et à l'aisance qu'elle donne, l'éducation qui les a rendus propres à discuter avec sagacité et justesse les avantages et les inconvénients des lois
qui fixent le sort de leur patrie. L'homme sans proprièté, au contraire, a besoin d'un effort constant de vertu pour s'intéresser à l'ordre qui ne lui conserve rien, et pour s'opposer aux
mouvements qui lui donnent quelques espérances. Il lui faut supposer des combinaisons bien fines et bien profondes pour qu'il préfère le bien réel au bien apparent, l'intérêt de l'avenir
à celui du jour. Si vous donnez à des hommes sans proprièté les droits politiques sans réserve, et s'ils se trouvent jamais sur les bancs des législateurs, ils exciteront ou laisseront
exciter des agitations sans en craindre l'effet; ils établiront ou laisseront établir des taxes funestes au commerce et à l'agriculture, parce qu'ils n'en auront senti, ni redouté, ni prévu les
déplorables résultats; et ils nous précipiteront enfin dans ces convulsions violentes dont nous sortons à peine, et dont les douleurs se feront si longtemps sentir sur toute la surface
de la France.
Un pays gouverné par les propriètaires est dans l'ordre social; celui ou les non-propriètaires gouvernent est dans l'état de nature. Les anciens
l'ont ainsi consacré dans leurs brillantes allégories, lorsqu'ils ont dit que Céres, qui étoit la déesse de l'agriculture et par conséquent des propriètés, avoit, la première, bâti des villes,
organisé les sociètés, et donné des lois aux peuples. Nous vous proposons donc de décréter que pour être éligible au corps législatif, il faut posséder une proprièté foncière quelconque. Vous
verrez si la valeur de cette proprièté doit être fixée, ou si, comme nous l'avons pensé, sa quotité étant toujours relative à la fortune du propriètaire, la garantie n'est pas la même quelle que
soit son étendue. Ce n'est point gêner la liberté des élections; c'est présenter aux électeurs, c'est présenter au corps social un moyen d'épurer les choix; c'est un cautionnement en quelque
sorte, c'est un gage de responsabilité que la socièté entière réclame losqu'elle va investir un de ses membres de la fonction de stipuler en son nom.
Mais nous n'avons pas cru qu'il fût possible de restreindre le droit de citoyen, de proposer à la majorité des Français, ou même à une portion
quelconque d'entre eux, d'abdiquer ce caractère auguste. Tous ont également combattu et avec le même courage, pour l'affranchissement du corps social, tous doivent donc en faire partie. La
garantie que la socièté demande lorsqu'elle va déléguer un de ses pouvoirs, est un résultat de son droit collectif, de sa volonté générale; c'est après s'être organisée qu'elle délibère sur les
conditions qu'elle exigera de ses magistrats; son intérêt est son principe, et il ne peut y avoir d'autre; mais lorsqu'elle se rassemble pour exercer cette première fonction, elle est composée de
membres tous égaux: elle ne peut en expulser aucun de son sein. La condition de proprièté n'est point la base de l'association dont chaque homme fait également partie indépendamment de ce qu'il
possède. La pauvreté de l'indigent a le droit d'être protégée comme l'opulence du riche, et l'industrie de l'artisan comme la moisson du cultivateur. D'ailleurs, seroit-il
politique, seroit-il utile à la tranquillité de séparer un peuple en deux portions, dont l'une seroit évidemment sujette, tandis que l'autre seroit souveraine?
Cette usurpation feroit-elle autre chose qu'armer la portion opprimée contre celle qui l'opprimeroit; et ne seroit-ce pas établir dans l'état un
germe éternel de division, qui finiroit par renverser votre gouvernement et vos lois? En retranchant du corps social une portion aussi nombreuse d'hommes, ne les condamneriez-vous pas à se
considérer comme sans patrie; et n'en feriez-vous pas à perpétuité les satellites du premier brigand qui sauroit se montrer à eux comme digne de venger leur outrage?
Nous avons toutefois examiné s'il n'étoit pas quelques exceptions indispensablement nécéssaires et rigoureusement justes à l'exercice des droits
politiques. Nous avons cruque tout citoyen devait, pour les exercer, être libre et indépendant; ainsi l'homme en état de domesticité nous a paru n'être ni l'un ni l'autre: il ne possède plus en
effet son indépendance naturelle; il a changé contre un salaire quelconque une portion de sa liberté; il est soumis à un autre homme dont il emprunteroit malgré lui les opinions et les pensées,
et dont il doubleroit l'influence dans les délibérations publiques. Il perd donc momentanément l'exercice du droit de citoyen. Il en sera de même à l'avenir de celui qui ne saura ni lire ni
écrire, ou qui n'aura pas appris un art méchanique. Un homme n'est vraiment libre en effet que lorsqu'il a dans son propre travail les moyens de subvenir à son existence; un homme n'est vraiment
indépendant que lorsqu'il n'a besoin de personne pour l'éclairer sur ses devoirs et pour transmettre ses idées. depuisl'usage de l'imprimerie, la faculté de savoir lire doit être regardée comme
un sixième sens, dont le développement peut seul nous rendre vraiment hommes et par conséquent citoyens. Enfin c'est un bel hommage rendu à l'égalité civile que l'obligation imposée à chacun
d'apprendre une profession méchanique; c'est effacer sans retour les distinctions odieuses tirées de la distinction des états; c'est agrandir pour toute la Nation les sources de sa richesse avec
la sphère de son industrie; c'est arracher l'homme au vice et à l'ennui qui ne l'affligent le plus souvent que parce qu'il n'est point occupé. Les mendiants et les vagabonds ne font point partie
du corps social: les uns parce qu'ils lui sont à charge, les autres parce qu'ils n'appartiennent à aucun pays. Enfin les banqueroutiers sont redevables à la socièté toute entière; ils ont trahi
le premier devoir imposé par elle, celui de respecter ses engagements; ils sont en présomption de mauvaise foi. Ordonner que nul citoyen ne pourra en exercer les droits s'il n'est inscrit au rôle
des contributions publiques, ce n'est pas non plus en gêner l'exercice, c'est consacrer le principe que tout membre de la socièté doit contribuer à ses dépenses, quelque faible que soit sa
fortune (...)."
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François-Antoine de Boissy d'Anglas
De Wikiberal:
François-Antoine, comte de Boissy d'Anglas, né à Saint-Jean-Chambre, Vivrais (auj. Ardèche), le 8 décembre1756 et mort à Paris le 20 octobre1826, est un homme de lettres et homme politique français. Membre actif de
toutes les assemblées révolutionnaires, libéral sans être extrémiste, un peu thermidorien, fructidorisé, rallié à l’Empire, et à nouveau opposant libéral aux rois restaurés. D'origine bourgeoise, il a été « un grand notable libéral ».
Un libéralisme de compromis
En se maintenant constamment dans une position « centriste », Boissy d'Anglas s'est assuré une carrière politique bien remplie à la fois sous la Révolution, sous l'Empire et sous la Restauration. Les idées politiques de Boissy
d’Anglas sont caractéristiques du « libéralisme français de compromis » (Christine Le Bozec) : égalité
civile fondée sur les droits naturels, défense des libertés individuelles, notamment en matière de foi, tolérance religieuse, essentielle pour ce bourgeois protestant, attachement à la monarchie constitutionnelle, à la liberté du commerce, au développement de l’éducation, volonté d’établir une très nette séparation
entre la sphère du privé et celle du public.
Le rapport que les mouvements intégristes entretiennent avec la violence peut prendre des formes
différentes selon la nature du courant considéré, son école théologico-politique, son encrage social, les profils et les trajectoires de ses dirigeants et selon le contexte socio-
politique du pays concerné.
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Dans le contexte de la Tunisie postrévolutionnaire, on peut noter une nette radicalisation du discours
religieux due essentiellement à la mutation de l’islamisme dans un bon nombre de régions, en particulier dans les régions de l’intérieure ; discriminées sur les plans culturel,
économique, social et politique. En effet, quand on s’attache à l’étude du terrorisme, il est difficile de disposer de définitions, d’approches et d’appréciations très précises, tant
les réseaux et les acteurs sont opaques, entremêlés, trop imbriqués et en constante métamorphose. Le travail de réflexion effectué par une sorte de comité international de sages et
initié par le Secrétaire général des Nations Unis, il y a quelques années, n’a pas pu clore les débats et autres polémiques sur la définition du terme.Le comité ad hoc n’a pas
trouvé meilleure définition que ce vague agencement qui définit le terrorisme comme :
«toute action qui a pour intention de
causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d’un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d’intimider une population, ou
de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s’en abstenir».
A) Les formes élémentaires du terrorisme : Les origines
historiques
En Tunisie comme ailleurs dans le monde arabe, l’État n’a pas toujours été irréprochable dans sa
gestion du terrorisme. Certains spécialistes, ont tenté de faire accréditer l’idée que le terrorisme a des bases culturelles et historiques. Ils ont essayé de trouver dans le passé de
la région les sources d’inspiration des méthodes d’AlQaïda. Bernard Lewis, un bon spécialiste de l’Islam médiéval, rappelle que le terme arabe de «fidaï» a été employé pour la
première fois au Moyen-âge, en Syrie et en Perse. Ce mot signifie littéralement «quelqu’unqui est prêt à donner sa vie
pour un autre», il était utilisé pour la première fois pour désigner les émissaires du chef ismaélien, Hassan Ibn Al Sabbah. Leur mission
consistait à servir leur maître et à terroriser ses ennemis par le meurtre de quelque personnage éminent. Ils revenaient rarement vivants de ces missions. Parfois visés, les Croisés
les ont appelés «hachachin», d’où le mot «assassins». Pourquoi hachachin ? Car
ils étaient censés consommer de la drogue(hachich) pour conforter leur courage à affronter indifféremment la mort et ainsi terroriser leur ennemi. Par ailleurs, les «Hachachin» étaient
une secte ismaélite ultra-minoritaire, et c’est elle qui donnera naissance à la lignée de l’Aga Khan, champion de l’islam pan-humaniste. Mais certains auteurs continuent à utiliser la
terminologie de la violence d’origine arabe pour signifier que le terrorisme trouve le meilleur terreau culturel et psychologique dans la région. Ainsi, en français, ils se servent du mot
«assassin» qui vient de «hachachin», mais font aussi remonter «massacre» au mot
arabe «majzara» et citent «razzia» qui trouve son origine étymologique dans le
mot arabe «Ghazouâ’»....(etc.) D’autres historiens et spécialistes de la
région, comme Edward Saïd, ne nient pas ces faits historiques, mais affirment que l’histoire humaine, toutes ethnies et zones culturelles confondues, regorge d’exemples de
violence
politique extrême, comme
le nazisme et le fascisme européens, avec le soutien agissant d’une bonne partie de la population.
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B) Les réseaux transnationaux du
terrorisme
Les mouvements néofendamentalistes des années 90 étaient, d’une manière générale, moins orientés
vers les dimensions étatiques et stratégiques du combat politique. Ils accordent plutôt la prééminence à la lutte contre la société ; ce qui ne manque pas de les conduire à un
ultra- conservatisme juridique et social voire à la pratique d’une violence extrême et destructrice comme est le cas des Taliban en Afghanistan, de BokoHaram à Nigéria et des Ansar
el-Dine au Mali. En effet, ce qui les différencie des mouvements islamistes classiques, c’est que le recrutement, l’implantation et la stratégie de ces derniers semblent indiquer une
permanence des clivages nationaux. Or, les aires culturelles et les stratégies stato-nationales semblent plutôt absentent des groupes néofondamentalistes qui, sont, soit cantonnés à
des niveaux locaux, voire ethnique ou tribaux, soit s’attachant à porter leur intérêt au niveau de l’ensemble de la communauté des Musulmans. Autrement-dit, pour les
néofondamentalistes, les États- nationaux actuels n’ont pas de légitimité ; et à leurs yeux, être musulman, c’est d’abord respecter un code juridique et comportemental minimum
(Charî’a). Ainsi, les appartenances socio-culturelles, nationales et historiques n’ont, pour eux, que très peu de sens et les différentes attaches et les multiples appartenances de
l’homo islamicus sont considérés par eux comme un redoutable facteur de dissension ou de discorde (fitna) entre Musulmans. Par conséquent, on voit se développer, de plus en plus, chez
ce type mouvement le besoin d’adhérer à des réseaux transnationaux, où le conservatisme social et l’action violente, voire les pratiques terroristes, semblent l’emporter sur
l’idéologie et les programmes politiques. Ces réseaux transnationaux ne sont donc pas fondés sur une allégeance prioritaire à un État ou à un parti islamiste d’implantation
nationale. D’autre part, ces réseaux sont fondés sur la modalité et la circulation des djihadistes. À dire vrai, il n’y a pas d’organisation supranationale, mais une nébuleuse
complexe et mobile qui ignore les frontières et utilise des individus souvent marginalisés, déracinés et faiblement intégrés à la société. Les supports de circulation
internationale de cet islamisme «cosmopolite» sont moins les organisations
politiques traditionnelles que des organisations plus souples telles les ONG islamiques. L’exemple type de cette nouvelle pratique, qui concerne une nouvelle génération d’activistes est
celui fourni par les «moudjahidines» d’Afghanistan qui n’ont cessé, depuis le
départ des troupes américaines, de se déplacer, au gré des crises, en Irak, en Syrie, en Libye, en Tunisie et au Mali... (etc.). En effet, ce qui complique singulièrement la
connaissance de ce type de réseaux, c’est qu’on se trouve, en fait, en présence des petits chefs régionaux qui s’imposent sur le plan socio-religieux, entraînant un groupe de
partisans venus d’autres pays, mais aussi des prêcheurs, ressemblant autour d’eux un noyau de disciples. Il s’agit d’ailleurs, dans la plus part des cas d’un néofondamentalisme
extrémiste et réactionnaire sans projet étatique ni programme pour la société ou idéologie précise, à la différence de l’islamisme politique traditionnel. La perception et
l’usage de la violence visait les emblèmes de l’État tel que le drapeau, le système républicain, ou encore les institutions. La violence qui s’exprime actuellement, dans un bon nombre
de pays arabe, frappe aveuglement la société civile, souvent au non d’un «ordre morale islamique», parfois sans autre objectif que de jeter l’effroi. Pire encore, la violence politico-religieuse de ses groupes se trouve de plus en plus mêlées avec la
délinquance et la criminalité. Par conséquent, il devint de plus en plus difficile de définir «l’espace vital» de ces mouvements fondamentalistes dans un monde arabe en forte gestation.
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C) Le trou sécuritaire et les enjeux du
contexte
Depuis quelques mois, la Tunisie a connu une augmentation des actes de violence. Parmi leurs causes, le nombre élevé
d’attaques et d’agressions contre les personnes et les biens attribués aux courants salafistes et, en particulier, leurs actions dites de vigilantisme. Le meurtre du leader
ChokriBelaïd, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates, est devenu emblématique de cette réalité. Menacé à plusieurs reprises par des individus portant barbes et
kamis, il a été attaqué dans le Nord-Ouest du pays lors d’une réunion de sa formation politique, le 2 février 2013, soit quatre jours avant son assassinat. Quelques heures après son
décès, nombre de militants de partis sécularistes désignaient déjà des individus proches du salafisme comme premiers responsables de ce crime. Bien que cet assassinat soit toujours
inexpliqué et que la participation des salafistes ne soit pas prouvée, leurs actes de violence ont été nombreux depuis le départ du dictateur. Dès janvier-février 2011, ils ont
pris pour cible un centre culturel dans la médina de Tunis et assailli des maisons closes à Kairouan, à Sfax et dans la capitale. Il n’est pas rare que dans certains quartiers
populaires des groupes salafistes patrouillent discrètement pour traquer les vendeurs d’alcool. Dans ce nouveau contexte, on note l’apparition d’un nombre important d’associations
d’ampleur nationale ayant pour objectif d’appeler les citoyens à la droiture morale et à suivre les règles de la Chariâ’. Certains incidents suscitent l’attention des médias
internationaux : le 26 juin 2011, une centaine de salafistes saccagent le cinéma Afric’Art à Tunis où devait se tenir la projection d’un film controversé de la réalisatrice Nadia
Féni. Le 9 octobre, quinze jours avant les élections pour l’Assemblée nationale constituante (ANC), 200 salafistes tentent d’incendier le siège d’une chaine de télévision privée à
Tunis, laquelle vient de diffuser Persépolis, un film franco-iranien de MarjaneSatrapi.Après la prise de fonction en décembre2011 du nouveau gouvernement, les actions violentes se
multiplient et se diversifient. Artistes et associations réputées laïques en font d’abord les frais. Les locaux de la principale centrale syndicale, l’Union générale tunisienne du
travail (UGTT), sont parfois visés,les réunions des partis politiques d’opposition également. Au début relativement marginales, ces violences se banalisent, si bien que certaines
associations hésitent à se déplacer dans l’intérieur du pays où les agressions sont plus nombreuses.Ainsi, le 23 février 2012, dans le Nord-Ouest du pays, à Jendouba, des
affrontements ont lieu entresalafistes et forces de l’ordre. Le 7 mars, un épisode marque les esprits : un salafiste retire le drapeau national du toit de la faculté des lettres et des
humanistes de la Manouba pour le remplacer par le drapeau noir de la mouvance. L’étudiante Khaoula Rachidi tente de l’en empêcher et une violente rixe éclate. Le 25 mars, au moment des
manifestations pour l’intégration de la Chariâ’ dans la constitution, des salafistes escaladent l’horloge de l’avenue Habib Bourguiba, l’artère principale de la capitale, et y plantent
à nouveau le drapeau noir, pendant que quelques centaines de mètres plus loin des artistes sont violemment pris à partie. Du 12 au 15 juin 2012, le pays connait une série d’émeutes
qui aboutit au rétablissement du couvre-feu pendant deux nuits etcrée un climat d’inquiétude et une atmosphère socio-politique très tendue.Ces émeutes suivent l’assaut par des
salafistes d’une exposition de peinture dans une banlieue nord de la capitale. Certains salafistes semblent galvanisés par un message d’un des idéologues d’al-Qaïda au Maghreb,
diffusé deux jours plus tôt.Des commissariats, des tribunaux, des locaux de partis d’opposition, de l’UGTT et d’autres biens publics sont incendiés. Les affrontements avec les forces
de sécurité durent plusieurs jours, jusqu’à ce que des brigades d’élites interviennent dans des zones périurbaines de la capitale et que des négociations entre islamistes et
salafistes ramènent le calme. Durant le mois de Ramadan au cours de l’été 2012, des affrontements réguliers à coup d’armes blanches et de bombes lacrymogènes éclatent autour des
mosquées entre groupes salafistes et djihadistes ou entre des groupes de salafistes etislamistes. C’est le cas les 6 et 7 août devant la mosquée de la cité An- Nour dans le
gouvernorat de Siliana et à l’intérieur de celle d’al-Hidayadans la région de Béja.Le 16 août, une centaine de salafistes mettent fin à une manifestation culturelle
à l’aide de sabres et blessent
plusieurs personnes présentes. Cette attaque est liée à la présence parmi les invités d’honneur du grand militant libanais Samir Kantarque les assaillants considéraient comme hérétique.
Le 14 septembre, pour protester contre la diffusion d’un extrait du film «Innocence of Muslims» sur YouTube, une centaine d’assaillants pénètrent dans l’enceinte de l’ambassade américaine à Tunis, exaltés par plus d’un millier de manifestants dont les meneurs
agitent des drapeauxnoirs salafistes.
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Les dégâts matériels sont importants et l’école américaine, située de l’autre côté de la voie rapide,
est pillée par des salafistes et des habitants des quartiers populaires environnants. Àla fin du mois d’octobre, d’intenses affrontements éclatent dans la zone péri-urbaine défavorisée de
Douar Hicher : Des salafistes agressent un directeur de la sécurité publique après qu’il s’est interposé dans une rixe les opposant à des trafiquants d’alcool. Suite à l’arrestation de
l’agresseur, des salafistes attaquent le commissariat à l’aide de longs couteaux. De violentes échauffourées entre salafistes et garde nationale s’ensuivent, entrainant la mort d’unautre
salafiste et plusieurs blessés parmi les forces de l’ordre.Plusieurs Zaouïa (sanctuaires des saints musulmans), appartenant à des confréries soufies et abritant des Walis (saints) ont été
profanées ou incendiées. C’est le cas notamment, le 16 octobre 2012, du mausolée de Saïda Manoubia à Tunis,ou de ceux de Sidi Abdelaziz al-Mahdaouiet de Sidi Bou Saïd les 10 et 12 janvier
2013, dans la banlieue nord de la capitale. Dernièrement, dans la région Kasserine, non loin de l’Algérie, un affrontement entre un groupe d’individus armés et des membres de la garde
nationale conduit à 9 blessés graves parmi les forces de l’ordre. Il a fallu plus de deux semaines pour arriver à débusquer un bon nombre de suspects alors que plus de 20 djihadistes sont
encore retranchés sur le mont Châambi. Après un bon moment d’affrontements et de traque de groupuscules djihadistes, les événements de djebel Châambi contraignent les autorités tunisiennes
à voir la réalité en face : la menace terroriste doit être prise au sérieux. Dans ce nouveau contexte marqué par la transformation des pratiques de la violence, il est important de
développer le dispositif sécuritaire du pays qui a besoin de gagner en efficacité afin de rassurer les citoyens, éviter les débordements et se préparer à toute éventualité de
développement du terrorisme sur le sol de la Tunisie qui était, depuis l’antiquité, la terre du dialogue des civilisations et des cultures.
Le choc du terrorisme: lenéofondamentalisme et la réapparition de la culture du
glaive
L'Ancien Régime disposait de 22 universités et de plusieurs centaines de collèges qui dépendaient des congrégations religieuses (surtout des jésuites avant leur
expulsion, et des Oratoriens) ou de l'université. De petites écoles, nombreuses, apprenaient aux enfants à lire, écrire et compter. Cependant l'obligation scolaire n'était qu'en partie respectée.
A la veille de la Révolution, 71% des hommes et 44% des femmes savaient signer leur nom dans la moitié Nord de la France, et seulement 27% des hommes et 12% des femmes dans le sud. En outre il
existait de grandes disparités entre les villes et les campagnes et la signature n'est pas un signe décisif de la maîtrise de la lecture. Les principes de la Révolution étaient hostiles à
l'enseignement des congrégations. La Législative créa donc un comité d'instruction publique pour proposer un projet d'éducation nationale. Condorcet en fut le rédacteur et proposa dans un exposé
didactique et un peu froid une organisation de l'école, des enseignements et des principes d'une grande modernité. Son rapport, très applaudi, est long et d'une grande précision. On en trouvera
ici les arguments et les dispositions. On en retiendra au moins l'affirmation du caractère universel et gratuit de l'enseignement élémentaire. Mais il faudra attendre le 19 décembre 1793 pour que
la Convention adopte la loi rendant l'instruction obligatoire et gratuite pour tous les enfants de six à huit ans. Condorcet, mais aussi Grégoire et Lindet auront apporté leur efficace concours à
cette décision qui, malgré son importance, avait été longtemps renvoyée au second plan par des problèmes plus urgents.
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Voici l'exposé:
Rapport et projet de décret
relatifs à l'organisation générale de l'instruction publique
Présentation à l'Assemblée législative : 20 et 21 avril 1792
" Messieurs,
Offrir à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d'assurer leur bien-être, de connaître et d'exercer leurs
droits, d'entendre et de remplir leurs devoirs ; Assurer à chacun d'eux la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d'être
appelé, de développer toute l'étendue des talents qu'il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi .
Tel doit être le premier but d'une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice. Diriger l'enseignement de manière que la perfection
des arts augmente les jouissances de la généralité des citoyens et l'aisance de ceux qui les cultivent ; qu'un plus grand nombre d'hommes deviennent capables de bien remplir les fonctions
nécessaires à la société, et que les progrès toujours croissants des lumières ouvrent une source inépuisable de secours dans nos besoins, de remèdes dans nos maux, de moyens de bonheur individuel
et de prospérité commune ; cultiver enfin, dans chaque génération, les facultés physiques, intellectuelles et morales, et, par là, contribuer à ce perfectionnement général et graduel de l'espèce
humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée : tel doit être l'objet de l'instruction ; et c'est pour la puissance publique un devoir imposé par l'intérêt commun
de la société, par celui de l'humanité entière.
Mais en considérant sous ce double point de vue la tâche immense qui nous a été imposée, nous avons senti, dès nos premiers pas, qu'il existait une
portion du système général de l'instruction qu'il était possible d'en détacher, sans nuire à l'ensemble, et qu'il était nécessaire d'en séparer, pour accélérer la réalisation du nouveau système :
c'est la distribution et l'organisation générale des établissements d'enseignement public.
En effet, quelles que soient les opinions sur l'étendue précise de chaque degré d'instruction ; sur la manière d'enseigner ; sur le plus ou moins
d'autorité conservée aux parents ou cédée aux maîtres ; sur la réunion des élèves dans des pensionnats établis par l'autorité publique ; sur les moyens d'unir à l'instruction proprement dite le
développements des facultés physiques et morales, l'organisation peut être la même ; et, d'un autre côté, la nécessité de désigner les lieux d'établissements, de faire composer les livres
élémentaires, longtemps avant que ces établissements puissent être mis en activité, obligeaient à préciser la décision de la loi sur cette portion du travail qui nous est confié.
Nous avons pensé que, dans ce plan d'organisation générale, notre premier soin devait être de rendre, d'un côté, l'éducation aussi égale, aussi
universelle ; de l'autre, aussi complète que les circonstances pouvaient le permettre, qu'il fallait donner à tous également l'instruction qu'il est possible d'étendre sur tous ; mais ne refuser
à aucune portion de citoyens l'instruction plus élevée, qu'il est impossible de faire partager à la masse entière des individus ; établir l'une, parce qu'elle est utile à ceux qui la reçoivent ;
et l'autre, parce qu'elle l'est à ceux même qui ne la reçoivent pas. La première condition de toute instruction étant de n'enseigner que des vérités, les établissements que la puissance publique
y consacre doivent être aussi indépendants qu'il est possible de toute autorité politique ; et comme, néanmoins, cette indépendance ne peut être absolue, il résulte du même principe, qu'il faut
ne les rendre dépendants que de l'Assemblée des représentants du peuple, parce que, de tous les pouvoirs, il est le moins corruptible, le plus éloigné d'être entraîné par des intérêts
particuliers, le plus soumis à l'influence de l'opinion générale des hommes éclairés, et surtout parce qu'étant celui de qui émanent essentiellement tous les changements, il est dès lors le moins
ennemi du progrès des lumières, le moins opposé aux améliorations que ce progrès doit amener. Nous avons observé, enfin, que l'instruction ne devait pas abandonner les individus au moment où il
sortent des écoles ; qu'elle devait embrasser tous les âges ; qu'il n'y en avait aucun où il ne fût utile et possible d'apprendre, et que cette seconde instruction est d'autant plus nécessaire,
que celle de l'enfance a été resserrée dans des bornes plus étroites. C'est là même une des causes de l'ignorance où les classes pauvres de la société sont aujourd'hui plongées.; la possibilité
de recevoir une première instruction leur manquait encore moins que celle d'en conserver les avantages.
Nous n'avons pas voulu qu'un seul homme dans l'Empire pût dire désormais : la loi m'assurait une entière égalité de droits, mais on me refuse les
moyens de les connaître. Je ne dois dépendre que de la loi, mais mon ignorance me rend dépendant de tout ce qui m'entoure. On m'a bien appris dans mon enfance que j'avais besoin de savoir ; mais
forcé de travailler pour vivre, ces premières notions se sont bientôt effacées ; et il ne m'en reste que la douleur de sentir, dans mon ignorance, non la volonté de la nature, mais l'injustice de
la société.
Nous avons cru que la puissance publique devait dire aux citoyens pauvres : la fortune de vos parents n'a pu vous procurer que les connaissances les
plus indispensables ; mais on vous assure des moyens faciles de les conserver et de les étendre. Si la nature vous a donné des talents, vous pouvez les développer, et ils ne seront perdus ni pour
vous, ni pour la patrie.
Ainsi, l'instruction doit être universelle, c'est à dire s'étendre à tous les citoyens. Elle doit être répartie avec toute l'égalité que permettent
les limites nécessaires de la dépense, la distribution des hommes sur le territoire, et le temps, plus ou moins long, que les enfants peuvent y consacrer. Elle doit, dans ses divers degrés,
embrasser le système tout entier des connaissances humaines, et assurer aux hommes, dans tous les âges de la vie, la facilité de conserver leurs connaissances et d'en acquérir de
nouvelles.
Enfin, aucun pouvoir public ne doit avoir l'autorité ni même le crédit, d'empêcher le développement des vérités nouvelles, l'enseignement des
théories contraires à sa politique particulière ou à ses intérêts momentanés. Tels ont été les principes qui nous ont guidés dans notre travail.
Nous avons distingué cinq degrés d'instruction sous le nom : 1° d'écoles primaires, 2° d'écoles secondaires, 3° d'instituts, 4° de lycées, 5° de
société nationale des sciences et des arts.
On enseigne dans les écoles primaires ce qui est nécessaire à chaque individu pour se conduire lui-même et jouir de la plénitude de ses droits.
Cette instruction suffira même à ceux qui profiteront des leçons destinées aux hommes pour les rendre capables des fonctions publiques les plus simples, auxquelles il est bon que tout citoyen
puisse être appelé, comme celle de juré, d'officier municipal. Toute collection de maisons renfermant quatre cents habitants aura une école et un maître.
Comme il ne serait pas juste que dans les départements où les habitations sont dispersées ou réunies par groupes plus petits, le peuple n'obtînt pas
des avantages égaux, on placera une école primaire dans tous les arrondissements où se trouveront des villages éloignés de plus de mille toises, d'un endroit qui renferme quatre cents habitants.
On enseignera dans ces écoles, à lire, à écrire, ce qui suppose nécessairement quelques notions grammaticales; on y joindra les règles de l'arithmétique, des méthodes simples de mesurer
exactement un terrain, de toiser un édifice, une description élémentaire des productions du pays, des procédés de l'agriculture et des arts, le développement des premières idées morales et des
règles de conduite qui en dérivent, enfin ceux des principes de l'ordre social qu'on peut mettre à la portée de l'enfance.
Ces diverses instructions seront distribuées en quatre cours dont chacun doit occuper une année les enfants d'une capacité commune. Ce terme de
quatre ans qui permet une division commode, pour une école où l'on ne peut placer qu'un seul maître, répond aussi assez exactement à l'espace de temps qui, pour les enfants des familles les plus
pauvres, s'écoule entre l'époque où ils commencent à être capables d'apprendre, et celle où ils peuvent être employés à un travail utile, assujettis à un apprentissage régulier.
Chaque dimanche l'instituteur ouvrira une conférence publique à laquelle assisteront les citoyens de tous les âges : nous avons vu dans cette
institution un moyen de donner aux jeunes gens celles des connaissances nécessaires qui n'ont pu cependant faire partie de leur première éducation. On y développera les principes et les règles de
la morale avec plus d'étendue, ainsi que cette partie des lois nationales dont l'ignorance empêcherait un citoyen de connaître ses droits et de les exercer.
Ainsi, dans ces écoles les vérités premières de la science sociale précèderont leurs applications. Ni la Constitution française ni même la
Déclaration des droits ne seront présentées à aucune classe de citoyens, comme des tables descendues du ciel, qu'il faut adorer et croire. Leur enthousiasme ne sera point fondé sur les préjugés,
sur les habitudes de l'enfance ; et on pourra leur dire : « Cette Déclaration des droits qui vous apprend à la fois ce que vous devez à la société et ce que vous êtes en droit d'exiger d'elle,
cette Constitution que vous devez maintenir aux dépens de votre vie ne sont que le développement de ces principes simples, dictés par la nature et par la raison dont vous avez appris, dans vos
premières années, à reconnaître l'éternelle vérité. Tant qu'il y aura des hommes qui n'obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d'une opinion étrangère, en vain toutes les
chaînes auront été brisées, en vain ces opinions de commande seraient d'utiles vérités ; le genre humain n'en resterait pas moins partagé en deux classes, celle des hommes qui raisonnent et celle
des hommes qui croient, celle des maîtres et celle des esclaves.» (Applaudissements, plusieurs membres réclament l'exécution du décret rendu dans cette séance relativement aux
applaudissements.)
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M. Ducos : L'Assemblée a entendu défendre
seulement d'applaudir les personnes et non pas les choses.
M. de Condorcet : En continuant ainsi
l'instruction pendant toute la durée de la vie, on empêchera les connaissances acquises dans les écoles de s'effacer trop promptement de la mémoire, on entretiendra dans les esprits une activité
utile ; on instruira le peuple des lois nouvelles, des observations d'agriculture, des méthodes économiques qu'il lui importe de ne pas ignorer. On pourra lui montrer enfin l'art de s'instruire
par soi-même, comme à chercher des mots dans un dictionnaire, à se servir de la table d'un livre à suivre sur une carte, sur un plan, sur un dessin, des narrations ou des descriptions, des notes
ou des extraits. Ces moyens d'apprendre, que dans une éducation plus étendue on acquiert par la seule habitude, doivent être directement enseignés dans une instruction bornée à un temps plus
court, et à un petit nombre de leçons.
Nous n'avons ici parlé, soit pour les enfants, soit pour les hommes, que de l'enseignement direct, parce que c'est le seul dont il soit nécessaire
de connaître la marche, la distribution, l'étendue, avant de déterminer l'organisation des établissements d'instruction publique. D'autres moyens seront l'objet d'une autre partie de notre
travail. Ainsi, par exemple, les fêtes nationales, en rappelant aux habitants des campagnes, aux citoyens des villes, les époques glorieuses de la liberté, en consacrant la mémoire des hommes
dont les vertus ont honoré leur séjour, en célébrant les actions de dévouement ou de courage dont il a été le théâtre, leur apprendront à chérir les devoirs qu'on leur aura fait connaître. D'un
autre côté, dans la discipline intérieure des écoles, on prendra soin d'instruire les enfants à être bons et justes ; on leur fera pratiquer, les uns à l'égard des autres, les principes qu'on
leur aura enseignés ; et par là, en même temps qu'on leur fera prendre l'habitude d'y conformer leur conduite, ils apprendront à les mieux entendre, à en sentir plus fortement l'utilité et la
justice.
On fera composer, soit pour les hommes, soit même pour les enfants, des livres faits pour eux, qu'ils pourraient lire sans fatigue, et qu'un
intérêt, soit d'utilité prochaine, soit de plaisir, les engagerait à se procurer. Placez à côté des hommes les plus simples une instruction agréable et facile, surtout une instruction utile, et
ils en profiteront. Ce sont les difficultés rebutantes de la plupart des études, c'est la vanité de celles à qui le préjugé avait fait donner la préférence, qui éloignaient les hommes de
l'instruction.
La gymnastique ne sera point oubliée ; mais on aura soin d'en diriger les exercices de manière à développer toutes les forces avec égalité, à
détruire les effets des habitudes forcées que donnent les diverses de travaux. Si l'on reproche à ce plan de renfermer une instruction trop étendue, nous pourrons répondre qu'avec des livres
élémentaires bien faits et destinés à être mis entre les mains des enfants, avec le soin de donner aux maîtres des ouvrages composés pour eux, où ils puissent s'instruire de la manière de
développer les principes, de se proportionner à l'intelligence des élèves, de leur rendre le travail plus facile, on n'aura point à craindre que l'étendue de cet enseignement excède les bornes de
la capacité ordinaire des enfants. Il existe, d'ailleurs, des moyens de simplifier les méthodes, de mettre les vérités à la portée des esprits les moins exercés ; et c'est d'après la connaissance
de ces moyens, d'après l'expérience, qu'a été tracé le tableau des connaissances élémentaires qu'il était nécessaire de présenter à tous les hommes, qu'il leur était possible d'acquérir.
On pourrait aussi nous reprocher d'avoir, au contraire, trop resserré les limites de l'instruction destinée à la généralité des citoyens ; mais la
nécessité de se contenter d'un seul maître pour chaque établissement, celle de placer les écoles auprès des enfants, le petit nombre d'années que ceux des familles pauvres peuvent donner à
l'étude, nous ont forcés de resserrer cette première instruction dans des bornes étroites ; et il sera facile de les reculer lorsque l'amélioration de l'état du peuple, la distribution plus égale
des fortunes, suite nécessaire des bonnes lois, les progrès des méthodes d'enseignement, en auront amené le moment ; lorsque enfin la diminution de la dette, et celle des dépenses superflues,
permettra de consacrer à des emplois vraiment utiles une plus forte portion des revenus publics.
Les écoles secondaires sont destinées aux enfants dont les familles peuvent se passer plus longtemps de leur travail et consacrer à leur éducation
un plus grand nombre d'années ou même quelques avances. Chaque district, et, de plus, de plus chaque ville de quatre mille habitants aura une de ces écoles secondaires. Une combinaison analogue à
celle dont nous avons parlé pour les écoles primaires assure qu'il n'y aura point d'inégalité dans la distribution de ces établissements. L'enseignement sera le même dans tous ; mais ils auront
un, deux, trois instituteurs suivant le nombre d'élèves qu'on peut supposer devoir s'y rendre.
Quelques notions de mathématiques, d'histoire naturelle et de chimie nécessaires aux arts ; des développements plus étendus des principes de la
morale et de la science sociale ; des leçons élémentaires de commerce y formeront le fond de l'instruction.
Les instituteurs donneront des conférences hebdomadaires ouvertes à tous les citoyens. Chaque école aura une petite bibliothèque, un petit cabinet
où l'on placera quelques instruments météorologiques, quelques modèles de machines ou de métiers, quelques objets d'histoire naturelle, et ce sera pour les hommes un nouveau moyen d'instruction.
Sans doute, ses collections seront d'abord nulles ; mais elles s'accroîtront avec le temps, s'augmenteront par des dons, se compléteront par des échanges ; elles répandront le goût de
l'observation et de l'étude et ce goût contribuera bientôt à leur progrès. Ce degré d'instruction peut encore, à quelques égards, être envisagé comme universel, une égalité plus absolue. Les
cultivateurs, à la vérité, en sont réellement exclus lorsqu'ils ne se trouvent pas assez riches pour déplacer leurs enfants ; mais ceux des campagnes, destinés à des métiers, doivent
naturellement achever leur apprentissage dans les villes voisines, et ils recevront, dans les écoles secondaires, du moins la portion de connaissances qui leur sera le plus nécessaire. D'un autre
côté, les cultivateurs ont dans l'année des temps de repos dont ils peuvent donner une partie à l'instruction, et les artisans sont privés de cette espèce de loisir. Ainsi, l'avantage d'une étude
isolée et volontaire balance, pour les uns, celui qu'ont les autres de recevoir des leçons plus étendues ; et, sous ce point de vue, l'égalité est encore conservée, plutôt que détruite, par
l'établissement des écoles secondaires.
Il y a plus : à mesure que les manufactures se perfectionnent, leurs opérations se divisent de plus en plus, ou tendent sans cesse à ne charger
chaque individu que d'un travail purement mécanique et réduit à un petit nombre de mouvements simples ; travail qu'il exécute mieux et plus promptement, mais par l'effet de la seule habitude, et
dans lequel son esprit cesse presque entièrement d'agir. Ainsi, le perfectionnement des arts deviendrait, pour une partie de l'espèce humaine, une cause de stupidité ; ferait naître dans chaque
nation une classe d'hommes incapables de s'élever au-dessus des plus grossiers intérêts ; y introduirait, et une inégalité humiliante, et une semence de troubles dangereux, si une instruction
plus étendue n'offrait aux individus de cette même classe une ressource contre l'effet infaillible de la monotonie de leurs occupations journalières. L'avantage que les écoles secondaires semble
donner aux villes n'est donc encore qu'un nouveau moyen de rendre l'égalité plus entière.
Les conférences hebdomadaires proposées pour ces deux premiers degrés ne doivent pas être regardées comme un faible moyen d'instruction. Quarante ou
cinquante leçons par année peuvent renfermer une grande étendue de connaissances, dont les plus importantes répétées chaque année, d'autres tous les deux ans, finiront par être entièrement
comprises, retenues, par ne pouvoir plus être oubliées. En même temps, une autre portion de cet enseignement se renouvellera continuellement, parce qu'elle aura pour objet, soit des procédés
nouveaux d'agriculture ou d'arts mécaniques, des observations, des remarques nouvelles, soit l'exposition des lois générales, à mesure qu'elles seront promulguées, le développement des opérations
du gouvernement d'un intérêt universel. Elle soutiendra la curiosité, augmentera l'intérêt de ces leçons, entretiendra l'esprit public et le goût de l'occupation.
Qu'on ne craigne pas que la gravité de ces instructions en écarte le peuple. Pour l'homme occupé de travaux corporels, le repos seul est un plaisir,
et une légère contention d'esprit un véritable délassement : c'est pour lui ce qu'est le mouvement du corps pour le savant livré à des études sédentaires, in moyen de ne pas laisser engourdir
celle des facultés que ses occupations habituelles n'exercent pas assez. L'homme des campagnes, l'artisan des villes, ne dédaignera point des connaissances dont il aura une fois connu les
avantages par son expérience ou celle de ses voisins. Si la seule curiosité l'attire d'abord, bientôt l'intérêt le retiendra. La frivolité, le dégoût des choses sérieuses, le dédain pour ce qui
n'est qu'utile, ne sont pas les vices des hommes pauvres ; et cette prétendue stupidité, née de l'asservissement et de l'humiliation, disparaîtra bientôt, lorsque des hommes libres trouveront
auprès d'eux les moyens de briser la dernière et la plus honteuse de leurs chaînes.
Le troisième degré d'instruction embrasse les éléments de toutes les connaissances humaines. L'instruction, considérée comme partie de l'éducation
générale, y est absolument complète. Elle renferme ce qui est nécessaire pour être en état de se préparer à remplir les fonctions publiques qui exigent le plus de lumières, ou de se livrer avec
succès à des études plus approfondies : c'est là que se formeront les instituteurs des écoles secondaires, que se perfectionneront les maîtres des écoles primaires déjà formés dans celles du
second degré. Le nombre des instituts a été porté à cent dix, et il en sera établi dans chaque département. On y enseignera non seulement ce qu'il est utile de savoir comme homme, comme citoyen,
à quelque profession qu'on se destine ; mais aussi tout ce qui peut l'être pour chaque grande division de ces professions, comme l'agriculture, les arts mécaniques, l'art militaire ; et même on y
a joint les connaissances médicales, nécessaires aux simples praticiens, aux sages-femmes, aux artistes vétérinaires.
En jetant les yeux sur la liste des professeurs, on remarquera peut-être que les objets d'instruction n'y sont pas distribués suivant une division
philosophique, que les sciences physiques et mathématiques y occupent une très grande place, tandis que les connaissances qui dominaient dans l'ancien enseignement y paraissent négligées. Mais
nous avons cru devoir distribuer les sciences d'après les méthodes qu'elles emploient, et par conséquent d'après la réunion de connaissances qui existe le plus ordinairement chez les hommes
instruits, ou qu'il leur est plus facile de compléter. Peut-être une classification philosophique des sciences n'eût été dans l'application qu'embarrassante, et presque impraticable. En effet,
prendrait-on pour base les diverses facultés de l'esprit ? Mais l'étude de chaque science les met toutes en activité, et contribue à les développer, à les perfectionner. Nous les exerçons même
toutes à la fois, presque dans chacune des opérations intellectuelles. Comment attribuerez vous telle partie des connaissances humaines à la mémoire, à l'imagination, à la raison, si lorsque vous
demandez par exemple à un enfant de démontrer sur une planche une proposition de géométrie, il ne peut y parvenir sans employer à la fois sa mémoire, son imagination et sa raison ? Vous mettrez
sans doute la connaissance des faits dans la classe que vous affectez à la mémoire ; vous placerez donc l'histoire naturelle à côté de celle des nations, l'étude des arts auprès de celle des
langues ; vous les séparerez de la chimie, de la politique, de la physique, de l'analyse métaphysique, sciences auxquelles ces connaissances de faits sont liées, et par la nature des choses et
par la méthode même de les traiter. Prendra-t-on pour base la nature des objets ? Mais le même objet, suivant la manière de l'envisager, appartient à des sciences absolument différentes. Ces
sciences ainsi classées exigent des qualités d'esprit qu'une même personne réunit rarement ; il aurait été très difficile de trouver, et peut-être de former des hommes en état de se plier à ces
divisions d'enseignement. Les mêmes sciences ne se rapporteraient pas aux mêmes professions, leurs parties n'inspireraient pas un goût égal aux mêmes esprits, et ces divisions auraient fatigué
les élèves comme les maîtres. Quelque autre base philosophique que l'on choisisse, on se trouvera toujours arrêté par des obstacles du même genre. D'ailleurs, il fallait donner à chaque partie
une certaine étendue, et maintenir entre elles une espèce d'équilibre ; or, dans une division philosophique, on ne pourrait y parvenir qu'en réunissant par l'enseignement ce qu'on aurait séparé
par la classification. Nous avons donc imité dans nos distributions la marche que l'esprit humain a suivie dans ses recherches, sans prétendre l'assujettir à en prendre une autre, d'après celle
que nous donnerions à l'enseignement. Le génie veut être libre, toute servitude le flétrit, et souvent on le voit porter encore, lorsqu'il est dans toute sa force, l'empreinte des fers qu'on lui
avait donnés au moment où son premier germe se développait dans les exercices de l'enfance. Ainsi, puisqu'il faut nécessairement une distribution d'études, nous avons dû préférer celle qui
s'était d'elle-même librement établie, au milieu des progrès rapides que tous les genres de connaissances ont fait depuis un demi-siècle. Plusieurs motifs ont déterminé l'espèce de préférence
accordée aux sciences mathématiques et physiques.
D'abord, pour les hommes qui ne se dévouent point à de longues méditations, qui n'approfondissent aucun genre de connaissances, l'étude même
élémentaire de ces sciences est le moyen le plus sûr de développer leurs facultés intellectuelles, de leur apprendre à raisonner juste, à bien analyser leurs idées. On peut sans doute, en
s'appliquant à la littérature, à la grammaire, à l'histoire, à la politique, à la philosophie en général, acquérir de la justesse, de la méthode, une logique saine et profonde, et cependant
ignorer les sciences naturelles. De grands exemples l'ont prouvé ; mais les connaissances élémentaires dans ces mêmes genres n'ont pas cet avantage ; elles emploient la raison, mais elles ne la
formeraient pas. C'est que dans les sciences naturelles, les idées sont plus simples, plus rigoureusement circonscrites ; c'est que la langue en est plus parfaite, que les mêmes mots y expriment
plus exactement les mêmes idées. Les éléments y sont une véritable partie de la science, resserrée dans d'étroites limites, mais complète en elle-même. Elles offrent encore à la raison un moyen
de s'exercer, à la portée d'un plus grand nombre d'esprits, surtout dans la jeunesse. Il n'est pas d'enfant, s'il n'est absolument stupide, qui ne puisse acquérir quelque habitude d'application,
par des leçons élémentaires d'histoire naturelle ou d'agriculture. Ces sciences sont contre les préjugés, contre la petitesse d'esprit, un remède sinon plus sûr, du moins plus universel que la
philosophie même. Elles sont utiles dans toutes les professions ; et il est aisé de voir combien elles le seraient davantage, si elles étaient plus uniformément répandues. Ceux qui en suivent la
marche voient approcher l'époque où l'utilité pratique de leur application va prendre une étendue à laquelle on n'aurait osé porter ses espérances, où les progrès des sciences physiques doivent
produire une heureuse révolution dans les arts ; et le plus sûr moyen d'accélérer cette révolution, est de répandre ces connaissances dans toutes les classes de la société, de leur faciliter les
moyens de les acquérir.
Enfin, nous avons cédé à l'impulsion générale des esprits, qui en Europe semblent se porter vers ces sciences avec une ardeur toujours croissante.
Nous avons senti que, par une suite des progrès de l'espèce humaine, ces études qui offrent à son activité un aliment éternel, inépuisable, devenaient d'autant plus nécessaires, que le
perfectionnement de l'ordre social doit offrir moins d'objets à l'ambition ou à l'avidité ; que dans un pays où l'on voulait unir enfin par des noeuds immortels la paix et la liberté, il fallait
que l'on pût sans ennui, sans s'éteindre dans l'oisiveté, consentir à n'être qu'un homme et un citoyen ; qu'il était important de tourner vers des objets utiles ce besoin d'agir, cette soif de
gloire, à laquelle l'état d'une société bien gouvernée n'offre pas un champ assez vaste ; et de substituer enfin l'ambition d'éclairer les hommes à celle de les dominer.
Dans la partie de l'ancien enseignement qui répond à ce troisième degré d'instruction, on se bornait à un petit nombre d'objets : nous devons les
embrasser tous. On semblait n'avoir voulu faire que des théologiens ou des prédicateurs : nous aspirons à former des hommes éclairés. L'ancien enseignement n'en était pas moins vicieux par sa
forme que par le choix et la distribution des objets. Pendant six années, une étude progressive du latin faisait le fond de l'instruction ; et c'était sur ce fond qu'on répandait les principes
généraux de la grammaire, quelques connaissances de géographie et d'histoire, quelques notions de l'art de parler et d'écrire. Quatre professeurs sont ici destinés à remplir les mêmes indications
; mais les objets des études sont séparés, mais chaque maître enseigne une seule connaissance ; et cette disposition plus favorable aux progrès des élèves, fera plus que compenser la diminution
du nombre des maîtres. On pourra encore trouver la langue latine trop négligée. Mais sous quel point de vue une langue doit-elle être considérée dans une éducation générale ? Ne suffit-il pas de
mettre les élèves en état de lire les livres vraiment utiles écrits dans cette langue, et de pouvoir, sans maîtres, faire de nouveaux progrès ? Peut-on regarder la connaissance approfondie d'un
idiome étranger, celle des beautés de style qu'offrent les ouvrages des hommes de génie qui l'ont employé, comme une de ces connaissances générales que tout homme éclairé, tout citoyen qui se
destine aux emplois de la société les plus importants, ne puisse ignorer ? Par quel privilège singulier, lorsque le temps destiné pour l'instruction, lorsque l'objet même de l'enseignement force
de se borner dans tous les genres à des connaissances élémentaires, et de laisser ensuite le goût des jeunes gens se porter librement vers celles qu'ils veulent cultiver, le latin seul serait-il
l'objet d'une instruction plus étendue ? Le considère-t-on comme la langue générale des savants, quoiqu'il perde tous les jours cet avantage ? Mais une connaissance élémentaire du latin suffit
pour lire leurs livres ; mais il ne se trouve aucun ouvrage de science, de philosophie, de politique vraiment important, qui n'ait été traduit ; mais toutes les vérités que renferment ces livres
existent, et mieux développées, et réunies à des vérités nouvelles, dans des livres écrits en langue vulgaire. La lecture des originaux n'est proprement utile qu'à ceux dont l'objet n'est pas
l'étude de la science même, mais celle de son histoire. Enfin, puisqu'il faut tout dire, puisque tous les préjugés doivent aujourd'hui disparaître, l'étude longue, approfondie des langues des
anciens, étude qui nécessiterait la lecture des livres qu'ils nous ont laissés, serait peut-être plus nuisible qu'utile. Nous cherchons dans l'éducation à faire connaître des vérités, et ces
livres sont remplis d'erreurs. Nous cherchons à former la raison, et ces livres peuvent l'égarer. Nous sommes si éloignés des anciens, nous les avons tellement devancés dans la route de la
vérité, qu'il faut avoir sa raison déjà tout armée, pour que ces précieuses dépouilles puissent l'enrichir sans la corrompre. Comme modèles dans l'art d'écrire, dans l'éloquence, dans la poésie,
les anciens ne peuvent même servir qu'aux esprits déjà fortifiés par des études premières. Qu'est-ce, en effet, que des modèles qu'on ne peut imiter sans examiner sans cesse ce que la différence
des moeurs, des langues, des religions, des idées, oblige d'y changer ? Je n'en citerai qu'un exemple. Démosthène, à la tribune, parlait aux Athéniens assemblés ; le décret que son discours avait
obtenu était rendu par la nation même, et les copies de l'ouvrage circulaient ensuite lentement parmi les orateurs ou leurs élèves. Ici nous prononçons un discours non devant le peuple, mais
devant ses représentants ; et ce discours, répandu par l'impression, a bientôt autant de juges froids et sévères qu'il existe en France de citoyens occupés de la chose publique. Si une éloquence
entraînante, passionnée, séductrice, peut égarer quelquefois les assemblées populaires, ceux qu'elle trompe n'ont à prononcer que sur leurs propres intérêts ; leurs fautes ne retombent que sur
eux-mêmes. Mais des représentants du peuple, qui, séduits par un orateur, céderaient à une autre force qu'à celle de la raison, trahiraient leur devoir, puisqu'ils prononcent sur les intérêts
d'autrui, et perdraient bientôt la confiance publique, sur laquelle seule toute constitution représentative est appuyée. Ainsi, cette même éloquence, nécessaire aux constitutions anciennes,
serait, dans la nôtre, le germe d'une corruption destructrice. Il était alors permis, utile peut-être, d'émouvoir le peuple. Nous lui devons de ne chercher qu'à l'éclairer. Pesez toute
l'influence que ce changement dans la forme des constitutions, toute celle que l'invention de l'imprimerie peuvent avoir sur les règles de l'art de parler, et prononcez ensuite si c'est aux
premières années de la jeunesse que les orateurs anciens doivent être donnés pour modèles. Vous devez à la nation française une instruction au niveau de l'esprit du dix-huitième siècle, de cette
philosophie qui, en éclairant la génération contemporaine, présage, prépare et devance déjà la raison supérieure à laquelle les progrès nécessaires du genre humain appellent les générations
futures.
Tels ont été nos principes ; et c'est d'après cette philosophie, libre de toutes les chaînes, affranchie de toute autorité, de toute habitude
ancienne, que nous avons choisi et classé les objets de l'instruction publique. C'est d'après cette même philosophie que nous avons regardé les sciences morales et politiques comme une partie
essentielle de l'instruction commune. Comment espérer, en effet, d'élever jamais la morale du peuple, si l'on ne donne pour base à celle des hommes qui peuvent l'éclairer, qui sont destinés à
diriger, une analyse exacte, rigoureuse des sentiments moraux, des idées qui en résultent, des principes de justice qui en sont la conséquence ? Les bonnes lois, disait Platon, sont celles que
les citoyens aiment plus que la vie. En effet, comment les lois seraient-elles bonnes, si, pour les faire exécuter, il fallait employer une force étrangère à celle du peuple, et prêter à la
justice l'appui de la tyrannie ? Mais pour que les citoyens aiment les lois sans cesser d'être vraiment libres, pour qu'ils conservent cette indépendance de la raison, sans laquelle l'ardeur pour
la liberté n'est qu'une passion et non une vertu, il faut qu'ils connaissent ces principes de la justice naturelle, ces droits essentiels de l'homme, dont les lois ne sont que le développement ou
les applications. Il faut savoir distinguer dans les lois les conséquences de ces droits et les moyens plus ou moins heureusement combinés pour en assurer la garantie ; aimer les unes parce que
la justice les a dictées ; les autres, parce qu'elles ont été inspirées par la sagesse. Il faut savoir distinguer ce dévouement de la raison qu'on doit aux lois qu'elle approuve, de cette
soumission, de cet appui extérieur que le citoyen leur doit encore, lors même que ses lumières lui en montrent le danger ou l'imperfection. Il faut qu'en aimant les lois, on sache les juger.
Jamais un peuple ne jouira d'une liberté constante, assurée, si l'instruction dans les sciences politiques n'est pas générale, si elle n'y est pas indépendante de toutes les institutions
sociales, si l'enthousiasme que vous excitez dans l'âme des citoyens n'est pas dirigé par la raison, s'il peut s'allumer pour ce qui ne serait pas la vérité, si en attachant l'homme par
l'habitude, par l'imagination, par le sentiment à sa constitution, à ses lois, à sa liberté, vous ne lui préparez, par une instruction générale, les moyens de parvenir à une constitution plus
parfaite, de se donner de meilleures lois, et d'atteindre à une liberté plus entière. Car il en est de la liberté, de l'égalité, de ces grands objets des méditations politiques, comme de ceux des
autres sciences, il existe dans l'ordre des choses possibles un dernier terme dont la nature a voulu que nous puissions approcher sans cesse, mais auquel il nous est refusé de pouvoir atteindre
jamais.
Ce troisième degré d'instruction donne à ceux qui en profiteront une supériorité réelle que la distribution des fonctions de la société rend
inévitable ; mais c'est un motif de plus pour vouloir que cette supériorité soit celle de la raison et des véritables lumières pour chercher à former des hommes instruits, et non des hommes
habiles ; pour ne pas oublier enfin que les inconvénients de cette supériorité deviennent moindres à mesure qu'elle se partage entre un plus grand nombre d'individus ; que plus ceux qui en
jouissent sont éclairés, moins elle est dangereuse et qu'alors elle est le véritable, l'unique remède contre cette supériorité d'adresse qui, au lieu de donner à l'ignorance des appuis et des
guides, n'est féconde qu'en moyens de la séduire.
L'enseignement sera partagé par cours, les uns liés entre eux, les autres séparés, quoique faits par le même professeur. La distribution en sera
telle, qu'un élève pourra suivre à la fois quatre cours, ou n'en suivre qu'un seul ; embrasser, dans l'espace de cinq ans environ, la totalité de l'instruction, s'il a une grande facilité ; se
borner à une seule partie dans le même espace de temps, s'il a des dispositions moins heureuses. On pourra même, pour chaque science, s'arrêter à tel ou tel terme, y consacrer plus ou moins de
temps ; en sorte que ces diverses combinaisons se prêtent à toute les variations de talents, à toutes les positions personnelles. Les professeurs tiendront une fois par mois des conférences
publiques. Comme elles sont destinées à des hommes déjà plus instruits, plus en état d'acquérir des lumières par eux-mêmes, il est moins nécessaire de les multiplier. Elles auront pour objet
principal les découvertes dans les sciences, les expériences, les observations nouvelles, les procédés utiles aux arts ; et, par nouveau, l'on entend ici ce qui, sans sortir des limites
d'une instruction élémentaire, n'est pas encore placé au rang des connaissances communes, des procédés généralement adoptés. Auprès de chaque collège on trouvera une bibliothèque, un cabinet, un
jardin de botanique,un jardin d'agriculture. Ces établissements seront confiés à un conservateur ; et l'on sent que des hommes qui ne sont pas sans quelques lumières, peuvent apprendre beaucoup,
en profitant de ces collections et des éclaircissements que le conservateur, que les professeurs ne leur refuseront pas.
Enfin, comme dans ce degré d'instruction il ne faut pas se borner à de simples explications, qu'il faut encore exercer les élèves, soit à des
démonstrations, à des discussions, soit même à quelques compositions ; qu'il est nécessaire de s'assurer s'ils entendent, s'ils retiennent ; si leurs facultés intellectuelles acquièrent de
l'activité et de la force ; on pourra réserver dans chaque salle une place destinée à ceux qui, sans être élèves, sans être, par conséquent, assujettis aux questions qu'on leur fait, aux travaux
qu'on leur impose, voudraient suivre un cours d'instruction, ou assister à quelques leçons. Cette espèce de publicité, réglée de manière qu'elle ne puisse troubler l'ordre de l'enseignement,
aurait trois avantages : le premier, de procurer des moyens de s'éclairer, à ceux des citoyens qui n'ont pu recevoir une instruction complète, ou qui n'en ont pas assez profité ; de leur offrir
la faculté d'acquérir à tous les âges les connaissances qui peuvent leur devenir utiles, de faire en sorte que le bien immédiat qui peut résulter du progrès des sciences ne soit pas exclusivement
réservé aux savants et à la jeunesse : le second, que les parents pourront être témoins des leçons données à leurs enfants : le troisième, enfin, que les jeunes gens mis en quelque sorte sous les
yeux du public, en auront plus d'émulation, et prendront de bonne heure l'habitude de parler avec assurance, avec facilité, avec décence , habitude qu'un petit nombre d'exercices solennels ne
pourrait leur faire contracter. Dans les villes de garnison, on pourra charger le professeur d'art militaire d'ouvrir, pour les soldats, une conférence hebdomadaire, dont le principal objet sera
l'explication des lois et des règlements militaires, le soin de leur en développer l'esprit et les motifs ; car l'obéissance du soldat à la discipline ne doit plus se distinguer de la soumission
du citoyen à la loi ; elle doit être également éclairée et commandée par la raison et l'amour de la patrie, avant de l'être par la force ou la crainte de la peine.
Tandis qu'on enseignera, dans les instituts, la théorie élémentaire des sciences médicales, théorie suffisante pour éclairer la pratique de l'art,
les médecins de hôpitaux pourront enseigner cette pratique, et donner des leçons de chirurgie ; de manière qu'en multipliant les écoles où l'on recevra ces connaissances élémentaires, mais
justes, on puisse assurer à la partie la plus pauvre des citoyens les secours d'hommes éclairés, formés par une bonne méthode, instruits dans l'art d'observer, et libres des préjugés de
l'ignorance comme de ceux des doctrines systématiques.
Dans les ports de mer, des professeurs particuliers d'hydrographie, de pilotage, pourront enseigner l'art nautique à des élèves que les leçons de
mathématiques, d'astronomie, de physique, qui font partie de l'enseignement général, auront déjà préparés. Ailleurs, à l'aide de ces mêmes leçons, un petit nombre de maîtres suffira pour former
d'autres élèves à la pratique de l'art des constructions ; et dans tous les genres, cette distribution de l'instruction commune rendra plus simple et moins dispendieuse toute espèce d'instruction
particulière dont l'utilité publique exigerait l'établissement.
Les principes de la morale enseignés dans les écoles et dans les instituts, seront ceux qui, fondés sur nos sentiments naturels et sur la raison,
appartiennent également à tous les hommes. La Constitution, en reconnaissant le droit qu'a chaque individu de choisir son culte, en établissant une entière égalité entre tous les habitants de la
France, ne permet point d'admettre, dans l'instruction publique, un enseignement qui, en repoussant les enfants d'une partie des citoyens, détruirait l'égalité des avantages sociaux, et donnerait
à des dogmes particuliers un avantage contraire à la liberté des opinions. Il était donc rigoureusement nécessaire de séparer de la morale les principes de toute religion particulière, et de
n'admettre dans l'instruction publique l'enseignement d'aucun culte religieux. Chacun d'eux doit être enseigné dans les temples par ses propres ministres. Les parents, quelle que soit leur
opinion sur la nécessité de telle ou telle religion, pourront alors sans répugnance envoyer leurs enfants dans les établissements nationaux ; et la puissance publique n'aura point usurpé sur les
droits de la conscience, sous prétexte de l'éclairer et de la conduire. D'ailleurs, combien n'est-il pas important de fonder la morale sur les seuls principes de la raison ! Quelque changement
que subissent les opinions d'un homme dans le cours de sa vie, les principes établis sur cette base resteront toujours également vrais, ils seront toujours invariables comme elle ; il les
opposera aux tentatives que l'on pourrait faire pour égarer sa conscience ; elle conservera son indépendance et sa rectitude, et on ne verra plus ce spectacle si affligeant d'hommes qui
s'imaginent remplir leurs devoirs en violant les droits les plus sacrés, et obéir à Dieu en trahissant leur patrie. Ceux qui croient encore à la nécessité d'appuyer la morale sur une religion
particulière, doivent eux-mêmes approuver cette séparation : car, sans doute, ce n'est pas la vérité des principes de la morale qu'ils font dépendre de leurs dogmes ; ils pensent seulement que
les hommes y trouvent des motifs plus puissants d'être justes ; et ces motifs n'acquerront-ils pas une force plus grande sur tout esprit capable de réfléchir, s'ils ne sont employés qu'à
fortifier ce que la raison et le sentiment intérieur ont déjà commandé ? Dira-t-on que l'idée de cette séparation s'élève trop au-dessus des lumières actuelles du peuple ? Non, sans doute ; car,
puisqu'il s'agit ici d'instruction publique, tolérer une erreur, ce serait s'en rendre complice ; ne pas consacrer hautement la vérité, ce serait la trahir. Et quand bien même il serait vrai que
des ménagements politiques dussent encore, pendant quelque temps, souiller les lois d'une nation libre ; quand cette doctrine insidieuse ou faible trouverait une excuse dans cette stupidité,
qu'on se plaît à supposer dans le peuple pour avoir un prétexte de le tromper ou de l'opprimer ; du moins, l'instruction qui doit amener le temps où ces ménagements seront inutiles, ne peut
appartenir qu'à la vérité seule, et doit lui appartenir tout entière.
Nous avons donné le nom de lycée au quatrième degré d'instruction ; toutes les sciences y sont enseignées dans toute leur étendue. C'est là que se
forment les savants, ceux qui font de la culture de leur esprit, du perfectionnement de leurs propres facultés une des occupations de leur vie, ceux qui se destinent à des professions où l'on ne
peut obtenir de grands succès que par une étude approfondie d'une ou plusieurs sciences. C'est là aussi que doivent se former les professeurs. C'est au moyen de ces établissements que chaque
génération peut transmettre à la génération suivante ce qu'elle a reçu de celle qui l'a précédée, et ce qu'elle a pu y ajouter.
Nous proposons d'établir en France neuf lycées. Les lumières, en partant de plusieurs foyers à la fois, seront répandues avec plus d'égalité, et se
distribueront dans une plus grande masse de citoyens. On sera sûr de conserver dans les départements un plus grand nombre d'hommes éclairés, qui, forcés d'aller achever leur instruction à Paris,
auraient été tentés de s'y établir, et d'après la forme de la Constitution cette considération est très importante.
En effet, la loi oblige à choisir les députés à la législature parmi les citoyens de chaque département, et quand elle n'y obligerait pas, l'utilité
commune l'exigerait encore, du moins pour une très grande partie. Les administrateurs, les juges sont pris également dans le sein du département où ils exercent leurs fonctions. Comment
pourrait-on prétendre qu'on n'a rien négligé pour préparer à la Nation des hommes capables des fonctions les plus importantes, si une seule ville leur présentait les moyens de s'instruire ?
Comment pourrait-on dire que l'on a offert à tous les talents les moyens de se développer, qu'on en a laissé échapper aucun, si, dans un Empire aussi étendu que la France, ils ne trouvaient que
dans un seul point la possibilité de se former ?
D'ailleurs, il n'aurait pas été sans inconvénient pour le succès, et surtout pour l'égalité de l'instruction commune, de n'ouvrir aux professeurs
des instituts qu'une seule école, et de l'ouvrir à Paris. On a fixé le nombre des lycées à neuf parce qu'en comparant ce nombre à celui des grandes universités d'Angleterre, d'Italie,
d'Allemagne, il a paru répondre à ce qu'exigeait la population de la France. En effet, sans que le nombre des élèves puisse nuire à l'enseignement, un homme sur 1 600 pourra suivre un cours
d'études dans les lycées ; et cette proportion est suffisante pur une instruction nécessaire seulement à un petit nombre de professions où l'on n'enseigne que la partie des sciences qui l'élève
au-dessus des éléments.
L'enseignement que nous proposons d'établir est plus complet, la distribution en est plus au niveau de l'état actuel des sciences en Europe, que
dans aucun des établissements de ce genre qui existe dans les pays étrangers : nous avons cru qu'aucune espèce d'infériorité ne pouvait convenir à la Nation française et puisque chaque année est
marquée dans les sciences par des progrès nouveaux, ne pas surpasser ce qu'on trouve établi, ce serait rester au-dessous.
Quelques-uns de ces lycées seront placés de manière à y attirer les jeunes étrangers. L'avantage commercial qui en résulte, est peu important pour
une grande Nation : mais celui de répandre sur un plus grand espace les principes de l'égalité et de la liberté, mais cette réputation que donne à un peuple l'affluence des étrangers qui viennent
y chercher des lumières, mais les amis que ce peuple s'assure parmi ces jeunes gens élevés dans son sein, mais l'avantage immense de rendre sa langue plus universelle, mais la fraternité qui peut
en résulter entre les nations, toutes ces vues d'une utilité plus noble ne doivent pas être négligées.
Quelques lycées doivent donc être placés à portée des frontières dans leur distribution générale sur la surface de l'empire, on doit éviter toute
disproportion trop grande entre leurs distances respectives. Les villes qui renferment déjà de grands établissements consacrés, soit à l' instruction, soit au progrès des sciences, ont droit à
une préférence fondée sur des vues d'économie, et sur l'intérêt même de l'enseignement. Enfin, nous avons pensé que des villes moins considérables, où l'attention générale des citoyens pourrait
se porter sur ces institutions, où l'esprit des sciences ne serait pas étouffé par de grands intérêts, où l' opinion publique n'aurait pas assez de force pour exercer sur l'enseignement une influence dangereuse, et l'asservir à des vues
locales, présenteraient plus d'avantages que les grandes villes de commerce, d' où une plus grande cherté des choses nécessaires à la vie éloignerait les enfants des familles pauvres, tandis que
les parents pourraient encore y craindre des séductions plus puissantes, des occasions plus multipliées de dissipation et de dépense. Nous n'avons pas étendu cette dernière considération jusque
sur Paris. La voix unanime de l'Europe, qui, depuis un siècle, regarde cette ville comme une des capitales du monde savant, ne le permettrait pas. C'est en combinant entre eux ces divers
principes, en accordant plus ou moins à chacun d'eux, que nous avons déterminé l'emplacement des lycées. Le lycée de Paris ne différera des autres que par un enseignement plus complet des langues
anciennes et modernes, et peut-être par quelques institutions consacrées aux arts agréables ; objets qui, par leur nature, n'exigeaient qu'un seul établissement pour la France. Nous avons cru qu'
une institution où toutes les langues connues seraient enseignées, où les hommes de tous les pays trouveraient un interprète, où l'on pourrait analyser, comparer toutes les manières suivant lesquelles les hommes ont formé et classé leurs idées, devait conduire à des découvertes
importantes, et faciliter les moyens d'un rapprochement entre les peuples, qu'il n'est plus temps de reléguer parmi les chimères philosophiques.
C'est dans les lycées que des jeunes gens dont la raison est déjà formée, s'instruiront par l'étude de l'Antiquité, et s'instruiront sans danger,
parce que, déjà capables de calculer les effets de la différence des moeurs, des gouvernements, des langages, du progrès des opinions ou des idées, ils pourront à la fois, sentir et juger les
beautés de leurs modèles. L'instruction dans les lycées sera commune aux jeunes gens qui complètent leur éducation, et aux hommes. On a vu plus d'une fois, à Paris, des membres des académies
suivre exactement les leçons du collège royal et plus souvent assister à quelques-unes dont l'objet leur offrait un intérêt plus vif. D'ailleurs, des bibliothèques plus complètes, des cabinets
plus étendus, de plus grands jardins de botanique et d'agriculture sont encore un moyen d'instruction, et on y joint celui de conférences publiques entre les professeurs, parce qu'on peut y
traiter des questions vers lesquelles les circonstances appellent la curiosité ; et qui ne peuvent entrer dans des leçons nécessairement assujetties à un ordre régulier.
Dans ces quatre degrés d'instruction, l'enseignement sera totalement gratuit. L'Acte constitutionnel le prononce pour le premier degré et le second,
ce qui peut aussi être regardé comme général, ne pourrait cesser d'être gratuit sans établir une inégalité favorable à la classe la plus riche, qui paye les contributions à proportion de ses
facultés, et ne payerait l'enseignement qu'à raison du nombre d'enfants qu'elle fournirait aux écoles secondaires.
Quant aux autres degrés, il importe à la prospérité publique de donner aux enfants des classes les plus pauvres, qui sont les plus nombreuses, la
possibilité de développer leurs talents : c'est un moyen non seulement d'assurer à la patrie plus de citoyens en état de servir, aux sciences plus d'hommes capables de contribuer à leurs progrès,
mais encore de diminuer cette inégalité qui naît de la différence des fortunes de mêler entre elles les classes que cette différence tend à séparer. L'ordre de la nature n'établit dans la société
d'autre inégalité que celle de l'instruction et de la richesse, et en étendant l'instruction, vous affaiblirez à la fois les effets de ces deux causes de distinction. L'avantage de l'instruction,
moins exclusivement réuni à celui de l'opulence, deviendra moins sensible, et ne pourra plus être dangereux ; celui de naître riche sera balancé par l'égalité, par la supériorité même des
lumières que doivent naturellement obtenir ceux qui ont un motif de plus d'en acquérir.
D'ailleurs, ni les lycées, ni les instituts n'attirant un nombre égal d'élèves, il résulterait de la non gratuité une différence trop grande dans
l'état des professeurs. Les villes opulentes, les pays fertiles auraient tous les instituteurs habiles, et ajouteraient encore cet avantage à tous les autres. Comme il existe des parties de
sciences, et ce ne sont pas toujours les moins utiles, qui appelleront un plus faible concours, il faudrait, ou établir des différences dans la manière de payer les professeurs, ou laisser entre
eux une excessive inégalité qui nuirait à cet espèce d'équilibre entre les diverses branches des connaissances humaines, si nécessaires à leurs progrès réels. Observons encore que l'élève d'un
institut ou d'un lycée dans lequel l'instruction est gratuite, peut suivre à la fois un grand nombre de cours, sans augmenter la dépense de ses parents ; qu'il est alors le maître de varier ses
études, d'essayer son goût et ses forces ; au lieu que si chaque nouveau cours nécessite une dépense nouvelle, il est forcé de renfermer son activité dans des limites plus étroites, de sacrifier
souvent à l'économie une partie importante de son instruction : et cet inconvénient n'existe encore que pour les familles peu riches. D'ailleurs, puisqu'il faut donner des appointements fixes aux
professeurs, puisque la contribution qu'on exigerait des écoliers devrait être nécessairement très faible, l'économie le serait aussi ; et la dépense volontaire qui en résulterait, tomberait
moins sur les familles opulentes que sur celles qui s'imposent des sacrifices pour procurer à des enfants, dont les premières années ont annoncé des talents, les moyens de les cultiver et de les
employer pour leur fortune.
Enfin, l'émulation que ferait naître, entre les professeurs, le désir de multiplier des élèves, dont le nombre augmenterait leur revenu, ne tient
pas à des sentiments assez élevés, pour que l'on puisse se permettre de la regretter. Ne serait-il pas à craindre qu'il ne résultât plutôt de cette émulation des rivalités entre les
établissements d'instruction ; que les maîtres ne cherchassent à briller plutôt qu'à instruire ; que leurs méthodes, leurs opinions même ne fussent calculées d'après le désir d'attirer à eux un
plus grand nombre d'élèves ; qu'ils ne cédassent à la crainte de les éloigner en combattant certains préjugés, en s'élevant contre certains intérêts ? Après avoir affranchi l'instruction de toute
espèce d'autorité, gardons-nous de l'assujettir à l'opinion commune : elle doit la devancer, la corriger, la former, et non la suivre et lui obéir.
Au-delà des écoles primaires, l'instruction cesse d'être rigoureusement universelle. Mais nous avons cru que nous remplirions le double objet, et
d'assurer à la patrie tous les talents qui peuvent la servir, et de ne priver aucun individu. de l'avantage de développer ceux qu'il a reçus, si les enfants qui en avaient annoncé le plus dans un
degré d'instruction, étaient appelés à en parcourir le degré supérieur, et entretenus aux dépens du trésor national, sous le nom d'élèves de la patrie.
D'après le plan du comité, trois mille huit cent cinquante enfants, ou environ, recevraient une somme suffisante pour leur entretien ; mille
suivraient l'instruction des instituts, six cents celle des lycées ; environ quatre cents en sortiraient chaque année pour remplir dans la société des emplois utiles, ou pour se livrer aux
sciences ; et jamais dans aucun pays la puissance publique n'aurait ouvert à la partie pauvre du peuple une source si abondante de prospérité et d'instruction ; jamais elle n'aurait employé de
plus puissants moyens de maintenir l'égalité naturelle.
On ne s'est pas même borné à encourager l'étude des sciences ; on n'a pas négligé la modeste industrie, qui ne prétendrait qu'à s'ouvrir une entrée
plus facile dans une profession laborieuse ; on a voulu qu'il y eût aussi des récompenses pour l'assiduité, pour l'amour du travail, pour la bonté, lors même qu'aucune qualité brillante n'en
relevait l'éclat ; et d'autres élèves de la patrie recevront d'elle leur apprentissage dans les arts d'une utilité générale.
Dans les écoles primaires et secondaires, les livres élémentaires seront le résultat d'un concours ouvert à tous les citoyens, à tous les hommes qui
seront jaloux de l'instruction publique ; mais on désignera les auteurs des livres élémentaires pour les instituts. On ne prescrira rien aux professeurs du lycée, sinon d'enseigner la science
dont les cours qu'ils sont chargés de donner porteront le nom. L'étendue des livres élémentaires destinés aux instituts, le désir de voir des hommes célèbres consentir à s'en charger, le peu
d'espérance qu'ils le voulussent, s'ils n'étaient pas sûrs que leur travail fût adopté, la difficulté de juger, tous ces motifs nous ont déterminés à ne pas étendre à ces éléments la méthode d'un
concours.
Nous nous sommes dit : toutes les fois qu'un homme justement célèbre dans un genre de science quelconque, voudra faire, pour cette science, un livre
élémentaire, qu'il regardera ce travail comme une marque de son zèle pour l'instruction publique, pour le progrès des lumières, cet ouvrage sera bon. C'est un homme célèbre en Europe qu'il faut
entendre ici ; et dès lors on n'a pas à craindre de se tromper sur le choix. Si, au contraire, on propose un concours, qui répondra d'obtenir un bon livre élémentaire ? Comment prononcer entre
dix ouvrages, par exemple, dont chacun serait un cours élémentaire de mathématique ou de physique, en deux volumes ? Est-on bien sûr que les juges se dévoueront à l'ennui de cet examen ? Est-on
bien sûr qu'il leur soit même possible de bien juger ? Quelques vues philosophiques, quelques idées fines, ingénieuses, qu'ils remarqueront dans un ouvrage,ne feront-elles point pencher la
balance en sa faveur, avec dépens de la méthode ou de la clarté ?
Dans les trois premiers degrés d'instruction, on n'enseigne que des éléments plus ou moins étendus : il est pour chaque science, pour chacune de ses
divisions, une limite qu'il ne faut point passer. Il faut donc que la puissance publique indique les livres qu'il convient d'enseigner ; mais dans les lycées où la science doit s'enseigner tout
entière, alors c'est au professeur à choisir les méthodes. Il en résulte un avantage inappréciable : c'est d'empêcher l'instruction de jamais se corrompre : c'est d'être sûr que si, par une
combinaison de circonstances politiques, les livres élémentaires ont été infectés de doctrines dangereuses, l'enseignement libre des lycées empêchera les effets de cette corruption ; c'est de
n'avoir pas à craindre que jamais le langage de la vérité puisse être étouffé.
Enfin, le dernier degré d'instruction est une société nationale des sciences et des arts, instituée pour surveiller et diriger les établissements
d'instruction, pour s'occuper du perfectionnement des sciences et des arts, pour recueillir, encourager, appliquer et répandre les découvertes utiles. Ce n'est plus de l'instruction particulière
des enfants, ou même des hommes, qu'il s'agit, mais de l'instruction de la génération entière, du perfectionnement général de la raison humaine ; ce n'est pas aux lumières de tel individu en
particulier qu'il s'agit d'ajouter des lumières plus étendues ; c'est la masse entière des connaissances qu'il faut enrichir par des vérités nouvelles ; c'est à l'esprit humain qu'il faut
préparer de nouveaux moyens d'accélérer les progrès, de multiplier ses découvertes.
Nous proposons de diviser cette société en quatre classes, qui tiendront séparément leurs séances. Une société unique trop nombreuse eût été sans
activité : ou bien réduite à un trop petit nombre de membres pour chaque science, elle n'eût plus excité d'émulation ; et les mauvais choix, qu'il est impossible d'éviter toujours, y auraient été
trop dangereux. D'ailleurs, elle aurait été formée de trop de parties hétérogènes ; les savants qui l'auraient composée, y auraient parlé trop de diverses langues, et la plupart des lectures, ou
des discussions, y auraient été indifférentes à un trop grand nombre des auditeurs. D'un autre côté, nous avons voulu éviter la multiplicité des divisions : une société, occupée d'une seule
science, est trop facilement entraînée à contracter un esprit particulier, à devenir une espèce de corporation. Enfin, il importe au progrès des sciences de rapprocher, et non de diviser celles
qui se tiennent par quelques points. Tandis que chacune fait des progrès, s'enrichit des découvertes qui lui sont propres, ces points de contact se multiplient, ces applications d'une science à
une autre offrent une moisson féconde en découvertes utiles ; et tel doit être l'effet de l'accroissement des lumières, que bientôt aucune science ne sera plus isolée, qu'aucune ne sera
totalement étrangère à aucune autre.
C'est d'après ces vues que nous avons formé les divisions de la société nationale. La première classe comprend toutes les sciences mathématiques.
Depuis un siècle aucune société savante n'a imaginé de les séparer. Passant, par d'insensibles degrés, de celles qui n'emploient que le calcul, à celles qui ne se fondent que sur l'observation,
presque toutes, aujourd'hui, peuvent employer ces deux moyens de reculer les bornes des connaissances humaines ; et il est utile que ceux qui savent le mieux employer l'un ou l'autre de ces
instruments de découvertes, s'entr'aident, s'éclairent mutuellement; que le chimiste, que le physicien empêchent le botaniste de se borner à la simple nomenclature des noms, à la description trop
nue des objets, ou rappellent à des travaux plus utiles le géomètre qui emploierait ses forces à des questions sur les nombres, à des subtilités métaphysiques.
La seconde classe renferme les sciences morales et politiques. Il est superflu, sans doute, de prouver qu'elles ne doivent pas être séparées, et
qu'on n'a pas dû les confondre avec d'autres.
La troisième comprend l'application des sciences mathématiques et physiques aux arts. Ici nous sommes écartés davantage des idées communes. Cette
classe embrasse la médecine et les arts mécaniques, l'agriculture et la navigation. Mais, d'abord nous avons cru devoir faire pour les applications usuelles des sciences, ce que nous avons fait
pour les sciences elles-mêmes. Nous avons trouvé que même les distances étaient moins grandes, et les communications plus multipliées ; qu'un médecin, par exemple, qui s'occuperait des hôpitaux,
de la manière de placer ou de remuer les malades dans certaines maladies, pour de grandes opérations, pour des pansements difficiles, trouverait de l'avantage dans sa réunion avec des mécaniciens
et des constructeurs ; qu'aucune distinction aussi marquée que celle des mathématiques pures, et de certaines parties des sciences physiques, ne pouvait être appliquée à ces arts ; qu'il ne
fallait pas séparer la médecine de l'art vétérinaire de l'agriculture, ni l'agriculture de l'art des constructions, de celui de la conduite des eaux, et qu'on ne pouvait rompre cette chaîne sans
briser une liaison utile. Il restait donc à voir si une de ces parties pouvait exiger pour elle seule la création d'une société isolée. La médecine, l'agriculture, la navigation, étaient celles
qui, pouvaient le plus y prétendre, et même elles auraient pu alléguer des établissements déjà formés en leur faveur. Mais, d'abord une société de marine, par exemple, ne peut subsister qu'en y
supposant réunies toutes les sciences sur lesquelles l'art naval est appuyé. Elle serait donc une société des sciences particulièrement appliqué à la marine, et une sorte de double emploi. De
même une société de médecine ne peut se soutenir qu'en appelant des anatomistes, des botanistes, des chimistes. Celle d'agriculture aura des botanistes, des minéralogistes, des chimistes, des
hommes occupés d'économie politique et de commerce etc.
Or, qu'en résultera-t-il ? Une diminution de considération pour ces sociétés particulières, parce que les savants qui les composeront regarderont
une place dans la société qui embrassera la généralité des sciences, comme un objet plus digne d'exciter leur émulation. Il faudra donc, ou que l'on soit de deux, de trois sociétés à la fois ; ce
qui n'a aucun avantage que de nourrir la vanité, ce qui nuit à l'égalité : ou bien qu'il soit permis de passer de l'une à l'autre; ce qui produirait des changements continuels, nuisibles à celle
qui, ayant une moindre considération, serait habituellement abandonnée : ou enfin, qu'on reste irrévocablement fixé dans l'une d'elles ; ce qui aurait l'inconvénient non moins grand d'exclure des
sociétés consacrées à une seule science, les hommes qui prétendraient à celle où elles sont toutes réunies. D'ailleurs, je demanderai combien, par exemple, on trouvera d'hommes qui, n'étant ni
assez grands géomètres, ni assez habiles mécaniciens, pour être placés comme tels dans une société savante, peuvent cependant accélérer les progrès de la science navale ; combien vous trouverez
d'agriculteurs qui, sans avoir un nom dans la botanique, auront réellement contribué à quelque grand progrès de l'agriculture ; combien de médecins ou de chirurgiens célèbres comme tels, et non
par leurs découvertes dans les sciences. Le talent pour ces applications, en le séparant du génie des sciences, ne peut être le partage d'un assez grand nombre d'hommes, pour en former un corps à
part ; et loin de nuire à ces arts importants, c'est au contraire les servir que de les réunir dans une grande société, où chacun d'eux obtienne un petit nombre de places. D'ailleurs, ces
sociétés, si elles étaient séparées, deviendraient en quelque sorte une puissance élevée au-dessus de ceux qui cultivent chacune des professions qui y répondent ; réunies, elles ne peuvent en
être une à l'égard de la généralité des citoyens partagés entre ces professions diverses.
La quatrième classe renferme la grammaire, les lettres, les arts d'agrément, l'érudition. Dans l'enseignement public, dans la société nationale, les
arts d'agrément, comme les arts mécaniques, ne doivent être considérés que relativement à la théorie qui leur est propre. On a pour objet de remplir cet intervalle qui sépare la science
abstraite, de la pratique ; la philosophie d'un art, de la simple exécution. C'est dans les ateliers du peintre comme de l'artisan ou du manufacturier, que l'art proprement dit doit être enseigné
par l'exercice même de l'art. Aussi nos écoles ne dispensent point d'aller dans les ateliers ; mais on y apprend à connaître les principes de ce qu' on doit ailleurs apprendre à exécuter. C'est
le moyen d' établir dans tous les arts, dans tous les métiers même, une pratique éclairée ; de réunir par le lien d'une raison commune, d'une même langue, les hommes que leurs occupations
séparent le plus. Car jamais nous n' avons perdu de vue cette idée de détruire tous les genres d'inégalité, de multiplier entre les hommes que la nature et les lois attachent au même sol et aux
mêmes intérêts, des rapports qui rendent leur réunion plus douce et plus intime.
La distribution du travail dans les grandes sociétés établit entre les facultés intellectuelles des hommes une distance incompatible avec cette
égalité, sans laquelle la liberté n'est, pour la classe moins éclairée, qu' une illusion trompeuse ; et il n'existe que deux moyens de détruire cette distance : arrêter partout, si même on le
pouvait, la marche de l' esprit humain ; réduire les hommes à une éternelle ignorance, source de tous les maux ; ou laisser à l'esprit toute son activité, et rétablir l'égalité en répandant les
lumières. Tel est le principe fondamental de notre travail ; et ce n'est pas dans le dix-huitième siècle que nous avons à craindre le reproche d'avoir mieux aimé tout élever et tout affranchir,
que de tout niveler par l'abaissement et la contrainte. Cet enseignement des arts s'élevant par degrés depuis les écoles primaires jusqu' aux lycées, portera dans toutes les divisions de la
société la connaissance des principes qui doivent y diriger la pratique de ces arts, répandra partout et avec promptitude les découvertes et les méthodes nouvelles, et ne répandra que celles dont
la bonté sera prouvée par l'expérience : il excitera l' industrie des artistes, et, l'empêchant en même temps de s' égarer, préviendra la ruine à laquelle leur activité et leur talent les
exposent lorsque l' ignorance de la théorie les abandonne à leur imagination ; et rien peut-être n'accélérera davantage le moment où la nation française atteindra dans les manufactures, dans les
arts, le point où elle se serait élevée dès longtemps, si les vices de la constitution et de ses lois n' avaient arrêté ses efforts et comprimé son industrie.
Dans le plan que nous proposons, chaque individu ne pourra être membre que d'une seule classe ; il pourra passer de l'une à l'autre ; ce qui n' a
point d'inconvénient, parce que chaque classe est trop bornée pour y admettre des savants qui n'y appartiennent pas essentiellement, qu'aucune n'admet de membre appartenant naturellement à une
autre, qu' aucune, enfin, n'a d'infériorité dans l'opinion. Par les mêmes raisons, ces passages seront très rares. Nous avons déjà observé que chaque classe de la société tiendrait des séances
séparément ; elles seront ouvertes au public, mais seulement pour que ceux qui cultivent les sciences puissent écouter les lectures, suivre les discussions, et sans que la nécessité de se faire
entendre des spectateurs, de se mettre à leur portée, de les intéresser ou de les amuser, influe sur l' ordre des séances, la forme des discussions ou le choix des lectures. Les membres d'une
classe auront droit de siéger dans toutes les autres, pourront prendre part aux discussions, lire des mémoires, insérer leurs ouvrages dans les recueils publiés par chacune ; et, par ce moyen, la
règle de n' appartenir qu' à une seule ne privera d' aucun avantage réel, ni les sciences, ni ceux qui en cultiveraient à la fois plusieurs. La vanité seule perdra celui d' allonger un nom de
quelques mots de plus. Chaque classe est divisée en sections ; chaque section a un nombre déterminé de membres, moitié résidant à Paris, moitié répandus dans les départements.
Cette division en sections est nécessaire, par la raison que la société est chargée de la surveillance de l'instruction ; et elle est encore utile
pour être sûr qu'aucune partie des sciences ne cessera un moment d'être cultivée. Or, c'est un des plus grands avantages qui puissent résulter de l'établissement d'une société savante. En effet,
chaque science a ses moments de vogue et ses moments d'abandon. Une pente naturelle porte les esprits vers celle où de nouveaux moyens ouvrent un champ vaste à des découvertes utiles ou
brillantes ; tandis que, dans une autre, le talent a presque épuisé les méthodes connues, et attend que le génie lui en montre de nouvelles. Ainsi, ces divisions seront utiles jusqu'au moment où
les sciences, s' étendant au delà de leurs limites actuelles, se rapprocheront, se pénétreront en quelque sorte, et n' en feront plus qu' une seule. La fixation du nombre des membres nous a paru
également utile. Sans cela, une société savante n' est plus un objet d' émulation ; d' ailleurs, elle cesse de pouvoir se gouverner elle-même ; elle est forcée de confier les travaux
scientifiques à un comité, et l'égalité y est détruite. C'est ce qu'on voit à la société royale de Londres.
Comment sept ou huit cents membres pourraient-ils avoir un droit égal de lire et de faire imprimer des mémoires, de prononcer sur ceux qui méritent
la préférence ? N'est-il pas évident que la très grande majorité serait hors d' état de produire de bons ouvrages, et même de bien juger ? Il faut donc ou borner le nombre des membres, ou avoir,
comme à Londres, un comité aristocratique, ou se réduire à une nullité absolue. La moitié de ces savants auront leur résidence habituelle dans les départements ; et cette distribution plus égale,
nécessaire au progrès des sciences d'observation, de celles dont l'utilité est la plus immédiate, aura encore l'avantage de répandre les lumières avec plus d'uniformité ; de les placer auprès d'
un plus grand nombre de citoyens ; d'exciter plus généralement le goût de l'étude et des recherches utiles ; de faire mieux sentir le prix des talents et des connaissances ; d' offrir partout à
l'ignorance des instructeurs et des appuis ; au charlatanisme, des ennemis prompts à le démasquer et à le combattre ; de ne laisser aux préjugés aucune retraite où ils puissent jeter de nouvelles
racines, se fortifier et s'étendre. Les membres de la société nationale se choisiront eux-mêmes.
La première formation une fois faite, si elle renferme à peu près les hommes les plus éclairés, on peut être sûr que la société en présentera
constamment la réunion. Depuis deux ans que l'on a beaucoup écrit contre l'esprit dominateur des académies, on a demandé de citer un seul exemple d'une découverte réelle qu'elles aient repoussée
; d'un homme dont la réputation lui ait survécu, et qui en ait été exclu autrement que par l'effet de l'intolérance politique ou religieuse ; d' un savant célèbre par des ouvrages connus dans
l'Europe, qui ait essuyé des refus répétés ; et personne n'a répondu. C'est que les choix se font d'après des titres publics, des titres qui ne disparaissent point ; c'est que l'erreur des
jugements peut être prouvée ; c'est que les savants et les gens de lettres dépendent de l'opinion publique ; c'est surtout qu' ils répondent de leurs choix à l'Europe entière. Cette dernière
observation est si vraie, que plus un genre de science a pour juges les hommes qui les cultivent dans les pays étrangers, plus aussi l'expérience a prouvé que les choix étaient à l'abri de tout
reproche ; et c'est encore un des motifs qui nous ont déterminés à borner le nombre des membres de la société nationale. En effet, tant que les noms connus dans l'Europe pourront remplir à peu
près la liste entière, les mauvais choix ne seront pas à craindre.
Cependant, on a pris de nouvelles précautions. D' abord, on formera une liste publique de candidats : ainsi, tous ceux qui cultivent les sciences,
qui les aiment, pourront, en connaissant les concurrents, apprécier les choix et exercer sur la société l'unique censure vraiment utile, celle de l' opinion armée du seul pouvoir de la vérité. La
classe entière, composée de savants dans plusieurs genres, qui prononcent d' après la renommée comme d'après leur jugement, réduira cette liste à un moindre nombre d' éligibles ; enfin, la
section choisira ; et la responsabilité, portant alors sur un petit nombre d' hommes qui ne jugent que de talents qu' ils doivent bien connaître, deviendra suffisante pour les contenir. Les
membres de la société nationale résidant dans les départements concourront aux élections avec une entière égalité ; ce qui oblige à prendre un mode d' élire tel, que la présentation et l'élection
se fassent nécessairement chacune par un seul voeu. L'exemple de la société italienne formée de membres dispersés, suffit pour en prouver la possibilité. Chaque classe de la société nationale
élit sous les mêmes formes les professeurs des lycées, dont l'enseignement correspond aux sciences qui sont l'objet de cette classe. Les professeurs du lycée nomment ceux des instituts ; mais la
municipalité aura le droit de réduire la liste des éligibles.
Quant aux instituteurs des écoles secondaires et primaires, la liste d'éligibles sera faite par les professeurs des instituts de l'arrondissement,
et le choix appartiendra pour les premiers, au corps municipal du lieu où l'école est située, pour les derniers à l'assemblée des pères de famille de l' arrondissement de l' école. En effet, les
professeurs, comme les instituteurs, doivent avoir des connaissances dont les corps administratifs ne peuvent être juges, qui ne peuvent être appréciées que par des hommes en qui l'on ait droit
de supposer une plus grande instruction. La liste d' éligibles qui constate la capacité doit donc être formée par les membres d' un établissement supérieur.
Mais, si dans le choix d'un professeur entre les éligibles, il faut préférer le plus savant, le plus habile ; dans celui des instituteurs, où les
élèves sont plus jeunes, où les qualités morales du maître influent sur eux davantage, où il ne s'agit que d'enseigner des connaissances très élémentaires, on doit prendre pour guide l'opinion,
ou de ceux que la nature a chargés du bonheur de la génération naissante, ou du moins de leurs représentants les plus immédiats.
C'est dans les mêmes vues que l'on donne aux municipalités le droit de réduire la liste des éligibles pour les professeurs des instituts. Les
convenances personnelles et locales y ont déjà quelque importance ; et ce droit d'exclusion suffit pour répondre qu'elles ne seront point trop ouvertement blessées. Des directoires formés dans la
société nationale, les lycées, les instituts, seront chargés de l'inspection habituelle des établissements inférieurs. Dans les circonstances importantes, la décision appartiendra à une des
classes de la société nationale, ou à l'assemblée des professeurs, soit du lycée, soit des instituts. Par ce moyen, l'indépendance de l'instruction sera garantie, et l'inspection n'exigera point
d'établissement particulier où l'on aurait pu craindre l'esprit de domination.
Comme la société nationale est partagée en quatre classes correspondantes à des divisions scientifiques ; comme, sur chaque objet important, le
droit de prononcer appartient à une classe seulement, on voit combien, sans nuire cependant à la sûreté de l'inspection, on est à l'abri de la crainte de voir les corps instruisants élever dans
l'état un nouveau pouvoir. L'unité n'est pas rompue, parce que les questions générales qui intéresseraient un établissement entier, ne peuvent être décidées que par des lois qu'il faudrait
demander au corps législatif. Si l'on compte toutes les sommes employées pour les établissements littéraires remplacés par les nouvelles institutions, les biens des congrégations enseignantes,
ceux des collèges, les appointements que les villes donnaient aux professeurs, les revenus des écoles de toute espèce ; si on y ajoute enfin ce qu'il en coûtait au peuple pour payer les maîtres
de ces écoles, on trouvera que la dépense de la nouvelle organisation de l' instruction publique ne surpassera pas de beaucoup, et peut-être n' égalera point ce que les institutions anciennes
coûtaient à la nation.
Ainsi, une instruction générale, complète, supérieure à ce qui existe chez les autres nations, remplacera, même avec moins de frais, ce système d'
éducation publique dont l'imperfection grossière offrait un contraste, si honteux pour le gouvernement, avec les lumières, les talents et le génie qui avaient su briser parmi nous tous les liens
des préjugés, comme tous les obstacles des institutions politiques.
Nous avons présenté dans ce plan l'organisation de l'instruction publique telle que nous avons cru qu'elle devait être, et nous en avons séparé la
manière de former les nouveaux établissements. Nous avons pensé qu'il fallait que l'Assemblée nationale eût déterminé ce qu'elle voulait faire, avant de nous occuper des moyens de remplir ses
vues. Dans les villages où il n'y aura qu'une seule école primaire, les enfants des deux sexes y seront admis, et recevront d'un même instituteur une instruction égale.
Lorsqu'un village ou une ville auront deux écoles primaires, l'une d'elles sera confiée à une institutrice, et les enfants des deux sexes seront
séparés. Telle est la seule disposition relative à l'instruction des femmes, qui fasse partie de notre premier travail ; cette instruction sera l'objet d'un rapport particulier ; et, en effet, si
l'on observe que dans les familles peu riches, la partie domestique de l'éducation des enfants est presque uniquement abandonnée à leurs mères ; si l'on songe que sur vingt-cinq familles livrées
à l'agriculture, au commerce, aux arts, une au moins a une veuve pour son chef, on sentira combien cette portion du travail qui nous a été confié est importante, et pour la prospérité commune, et
pour le progrès général des lumières. On pourra reprocher à ce système d'organisation de ne pas respecter assez l'égalité entre les hommes livrés à l'étude, et d'accorder trop d'indépendance à
ceux qui entrent dans le système de l' instruction publique.
Mais, d'abord, ce n'est pas ici une distinction qu'il s'agit d'établir, mais une fonction publique qu'il est nécessaire de conférer à des hommes
dont le nombre soit déterminé, dont la réunion soit assujettie à des formes régulières. La raison exige que les hommes chargés d'instruire, ou les enfants ou les citoyens, soient choisis par ceux
qu' on peut supposer avoir des lumières égales ou supérieures. La surveillance des établissements d'instruction n'exige-t-elle pas aussi cette même égalité, s'il s'agit de l'enseignement dans les
lycées ; cette supériorité, s'il s'agit de celui des établissements inférieurs ? Il fallait donc remonter à une réunion d'hommes qui pussent satisfaire à cette condition essentielle.
Laisserait-on le choix de ces hommes à la masse entière de ceux qui cultivent les sciences et les arts, ou qui prétendent les cultiver ?
Mais il n'y aurait plus aucun motif de ne pas appeler à ce choix la généralité des citoyens ; car si la prétention d' être savant suffisait pour
exercer ce droit, s'il suffisait de se réunir en un corps qui se donnât pour éclairé, il est bien évident que ces conditions n'excluraient, ni la profonde ignorance, ni les doctrines les plus
absurdes. D'ailleurs, ce serait autoriser de véritables corporations, des jurandes proprement dites ; car toute association libre à laquelle on donnerait une fonction publique quelconque,
prendrait nécessairement ce caractère. Ce n'est pas l'ignorance seule qui serait à craindre, c'est la charlatanerie qui bientôt détruirait, et l'instruction publique, et les arts et les sciences,
ou qui du moins emploierait pour les détruire tout ce que la nation aurait consacré à leurs progrès.
Enfin, la puissance publique choisirait-elle entre ces sociétés ; et alors à un corps composé d'hommes très éclairés, elle en substituerait de plus
nombreux où les lumières seraient plus faibles, où les hommes médiocres s'introduiraient avec plus de facilité, seraient moins aisément contenus par l'ascendant du génie et des talents
supérieurs, où enfin régnerait bientôt un ostracisme d'autant plus effrayant, que la médiocrité est facilement dupe ou complice de la charlatanerie, et n'étend pas sur elle cette haine de tout
succès brillant ou durable qui lui est si naturelle. Ou bien la puissance publique reconnaîtrait-elle toute espèce de société libre ; et alors chaque classe de charlatans aurait la sienne. Ce ne
serait pas l'ignorance modeste qui jugerait les talents d'après l'opinion commune, ce qui déjà serait un mal ; mais l'ignorance présomptueuse qui les jugerait d' après son orgueil ou son intérêt.
Au contraire, dans le plan que nous proposons, les sociétés libres ne peuvent que produire des effets salutaires. Elles serviront de censeurs à la société nationale, qui exercera sur elles en
même temps une censure non moins utile. Celles où le charlatanisme dominerait, s'anéantiraient bientôt, parce qu'aucune espérance de séduire l'opinion publique ne les soutiendrait. Chacune
d'elles, suivant l'étendue qu' elle donnerait à ses occupations, chercherait à n'être inférieure. Elles seraient surtout les juges naturels des choix de cette société, et par là elles
contribueraient plus à en assurer la bonté, que si elles y concouraient d' une manière directe.
Enfin, la société chargée de surveiller l'instruction nationale, de s'occuper des progrès des sciences, de la philosophie et des arts, au nom de la
puissance publique, doit être uniquement composée de savants ; c'est-à-dire, d'hommes qui ont embrassé une science dans toute son étendue, en ont pénétré toute la profondeur, ou qui l'ont
enrichie par des découvertes. Sans une telle société, puisque la connaissance des principes des arts est encore étrangère à presque tous ceux qui les cultivent ; puisque leur histoire n'est
connue que d'un petit nombre de savants, comment ne serait-on pas exposé à voir la nation et les citoyens accueillir, récompenser, mettre en oeuvre, comme autant de découvertes utiles, des
procédés ou des moyens depuis longtemps connus, et rejetés par une saine théorie, ou abandonnés après une expérience malheureuse ?
Les sociétés libres ne peuvent exister si elles n'admettent à la fois, et les savants, et les amateurs des sciences ; et c'est par là surtout qu'
elles en inspireront le goût, qu'elles contribueront à les répandre, qu'elles soutiendront, qu'elles perfectionneront les bonnes méthodes de les étudier ; c'est alors que ces sociétés
encourageront les arts sans en protéger le charlatanisme, qu' elles formeront pour les sciences une opinion commune des hommes éclairés qu' il sera impossible de méconnaître, et dont la nationale
ne sera plus que l'interprète.
En même temps, tout citoyen pouvant former librement des établissements d'instruction, il en résulte encore pour les écoles nationales l'invincible
nécessité de se tenir au moins au niveau de ces institutions privées ; et la liberté, ou plutôt l'égalité, reste aussi entière qu'elle peut l'être auprès d' un établissement public. Il ne faut
pas confondre la société nationale telle que nous l' avons conçue, avec les sociétés savantes qu'elle remplace. L'égalité réelle qui en est la base, son indépendance absolue du pouvoir exécutif,
la liberté entière d'opinions qu'elle partage avec tous les citoyens, les fonctions qui lui sont attribuées relativement à l'instruction publique, une distribution de travail qui la force à ne
s'occuper que d' objets utiles, un nombre égal de ses membres répandu dans les départements : toutes ces différences assurent qu' elle ne méritera pas les reproches souvent exagérés, mais
quelquefois justes, dont les académies ont été l'objet.
D'ailleurs, dans une constitution fondée sur l'égalité, on ne doit pas craindre de voir une société d'hommes éclairés contracter aisément cet esprit
de corporation si dangereux, mais si naturel dans un temps où tout était privilège. Alors chaque homme s'occupait d'obtenir des prérogatives ou de les étendre ; aujourd'hui tous savent que les
citoyens seuls ont des droits, et que le titre de fonctionnaire public ne donne que des devoirs à remplir. Cette indépendance de toute puissance étrangère, où nous avons placé l'enseignement
public, ne peut effrayer personne, puisque l'abus serait à l'instant corrigé par le pouvoir législatif, dont l'autorité s'exerce immédiatement sur tout le système de l' instruction.
L'existence d'une instruction libre et celle des sociétés savantes librement formées, n'opposeront-elles pas encore à cet abus une puissance
d'opinion d' autant plus imposante, que, sous une constitution populaire, aucun établissement ne peut subsister, si l'opinion n'ajoute sa force à celle de la loi ? D'ailleurs, il est une dernière
autorité à laquelle, dans tout ce qui appartient aux sciences, rien ne peut résister : c'est l'opinion générale des hommes éclairés de l'Europe ; opinion qu'il est impossible d'égarer ou de
corrompre : c'est d'elle seule que dépend toute célébrité brillante ou durable ; c'est elle qui, revenant s'unir à la réputation que chacun a d'abord acquise autour de lui, lui donne plus de
solidité et plus d'éclat ; c'est, en un mot, pour les savants, pour les hommes de lettres, pour les philosophes, une sorte de postérité anticipée dont les jugements sont aussi impartiaux, presque
aussi certains : et une puissance suprême au joug de laquelle ils ne peuvent tenter de se soustraire.
Enfin, l'indépendance de l'instruction fait en quelque sorte une partie des droits de l' espèce humaine. Puisque l'homme a reçu de la nature une
perfectibilité dont les bornes inconnues s'étendent, si même elles existent, bien au delà de ce que nous pouvons concevoir encore, puisque la connaissance de vérités nouvelles est pour lui le
seul moyen de développer cette heureuse faculté, source de son bonheur et de sa gloire, quelle puissance pourrait avoir le droit de lui dire : voilà ce qu'il faut que vous sachiez ; voilà le
terme où vous devez vous arrêter ? Puisque la vérité seule est utile, puisque toute erreur est un mal, de quel droit un pouvoir, quel qu' il fût, oserait-il déterminer où est la vérité, où se
trouve l' erreur ?
D'ailleurs, un pouvoir qui interdirait d'enseigner une opinion contraire à celle qui a servi de fondement aux lois établies, attaquerait directement
la liberté de penser, contredirait le but de toute institution sociale, le perfectionnement des lois ; suite nécessaire du combat des opinions et du progrès des lumières.
D'un autre côté, quelle autorité pourrait prescrire d'enseigner une doctrine contraire aux principes qui ont dirigé les législateurs ? On se
trouverait donc nécessairement placé entre un respect superstitieux pour les lois existantes, ou une atteinte indirecte, qui, portée à ces lois au nom d' un des pouvoirs institués par elles,
pourrait affaiblir le respect des citoyens ; il ne reste donc qu' un seul moyen : l'indépendance absolue des opinions, dans tout ce qui s' élève au-dessus de l'instruction élémentaire. C'est
alors qu' on verra la soumission volontaire aux lois, et l'enseignement des moyens d'en corriger les vices, d'en rectifier les erreurs, exister ensemble, sans que la liberté des opinions nuise à
l' ordre public, sans que le respect pour la loi enchaîne les esprits, arrête le progrès des lumières, et consacre des erreurs.
S'il fallait prouver par des exemples le danger de soumettre l'enseignement à l'autorité, nous citerions l'exemple de ces peuples, nos premiers
maîtres dans toutes les sciences, de ces indiens, de ces égyptiens, dont les antiques connaissances nous étonnent encore, chez qui l'esprit humain fit tant de progrès, dans les temps dont nous ne
pouvons même fixer l'époque, et qui retombèrent dans l'abrutissement de la plus honteuse ignorance, au moment où la puissance religieuse s'empara du droit d'instruire les hommes. Nous citerions
la Chine, qui nous a prévenus dans les sciences et dans les arts, et chez qui le gouvernement en a subitement arrêté tous les progrès, depuis des milliers d'années, en faisant de l'instruction
publique une partie de ses fonctions. Nous citerions cette décadence où tombèrent tout à coup la raison et le génie chez les romains et chez les grecs, après s'être élevés au plus haut degré de
gloire, lorsque l'enseignement passa des mains des philosophes à celles des prêtres. Craignons, d'après ces exemples, tout ce qui peut entraver la marche libre de l'esprit humain. à quelque point
qu'il soit parvenu, si un pouvoir quelconque en suspend le progrès, rien ne peut garantir même du retour des plus grossières erreurs ; il ne peut s'arrêter sans retourner en arrière : et du
moment où on lui marque des objets qu'il ne pourra examiner ni juger, ce premier terme mis à sa liberté, doit faire craindre que bientôt il n' en reste plus à sa servitude.
D'ailleurs, la constitution française elle-même nous fait de cette indépendance un devoir rigoureux. Elle a reconnu que la nation a le droit
inaliénable et imprescriptible de réformer toutes ses lois : elle a donc voulu que, dans l'instruction nationale, tout fût soumis à un examen rigoureux. Elle n'a donné à aucune loi une
irrévocabilité de plus de dix années. Elle a donc voulu que les principes de toutes les lois fussent discutés, que toutes les théories politiques pussent être enseignées et combattues, qu'aucun
système d'organisation sociale ne fût offert à l'enthousiasme ni aux préjugés, comme l'objet d' un culte superstitieux, mais que tous fussent présentés à la raison, comme des combinaisons
diverses entre lesquelles elle a le droit de choisir. Aurait-on réellement respecté cette indépendance inaliénable du peuple, si on s'était permis de fortifier quelques opinions particulières de
tout le poids que peut leur donner un enseignement général ; et le pouvoir qui se serait arrogé le droit de choisir ces opinions n'aurait-il pas véritablement usurpé une portion de la
souveraineté nationale ?
Le plan que nous présentons à l'Assemblée a été combiné d'après l'examen de l'état actuel des lumières en France et en Europe ; d'après ce que les
observations de plusieurs siècles ont pu nous apprendre sur la marche de l' esprit humain dans les sciences et dans les arts ; enfin, d'après ce qu' on peut attendre et prévoir de ses nouveaux
progrès. Nous avons cherché ce qui pourrait plus sûrement contribuer à lui donner une marche plus ferme, à rendre ses progrès plus rapides. Il viendra, sans doute, un temps où les sociétés
savantes, instituées par l'autorité, seront superflues, et dès lors dangereuses, où même tout établissement public d'instruction deviendra inutile : ce sera celui où aucune erreur générale ne
sera plus à craindre, où toutes les causes qui appellent l'intérêt ou les passions au secours des préjugés, auront perdu leur influence ; où les lumières seront répandues avec égalité et sur tous
les lieux d'un même territoire, et dans toutes les classes d'une même société ; où toutes les sciences et toutes les applications des sciences seront également délivrées du joug de toutes les
superstitions et du poison des fausses doctrines ; où chaque homme, enfin, trouvera dans ses propres connaissances, dans la rectitude de son esprit, des armes suffisantes pour repousser toutes
les ruses de la charlatanerie : mais ce temps est encore éloigné ; notre objet devait être d'en préparer, d'en accélérer l'époque ; et, en travaillant à former ces institutions nouvelles, nous
avons dû nous occuper sans cesse de hâter l'instant heureux où elles deviendront inutiles."
Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat,
marquis de Condorcet
Les collectivistes aiment à brandir comme étendard un soi-disant « problème de la dette » qui démontrerait comment « les pays
pauvres » sont victimes de « l'exploitation » des « pays riches » et surtout de leurs « méchants capitalistes ». Ils appellent les « pays riches » à
« annuler la dette » des « pays pauvres » — c'est-à-dire qu'ils veulent forcer les contribuables des pays encore relativement libres à financer les dépenses des dictateurs des
pays les plus totalitaires.
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Pour un libéral, il n'y a pas a priori d'entité morale « pays » capable de prêter ou d'emprunter. Seuls des individus peuvent
accorder crédit ou s'endetter. Certes, des individus peuvent s'organiser, les uns en une banque, les autres en une entreprise, et se répartir volontairement les décisions, les charges, les
risques et les bénéfices, lors d'opérations de crédit, ou toutes autres sortes d'opérations. Mais la légitimité de telles organisations tient précisément au caractère volontaire du contrat qui
les noue; ce volontariat assure que la liberté-responsabilité des participants est conservée et répartie entre eux, et non pas dissociée pour être tantôt confisquée par les uns et tantôt rejetée
sur les autres.
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Or, dans un État, il n'y a rien de volontaire — et ce d'autant moins lorsque les États desdits « pays pauvres » n'ont même pas le prétexte
d'être démocratiques. Même quand ces États sont « démocratiques », un libéral avancera que les citoyens n'avaient pas le choix de ne pas en faire partie: seule la reconnaissance du
droit pour chacun de faire sécession individuellement et unilatéralement peut redonner une quelconque légitimité aux entités appelées « États ». On peut en conclure que les dettes
contractées « par les États », et qui servent principalement à enrichir les gouvernants et leurs amis, ne peuvent aucunement engager les citoyens opprimés par ces États, — pas plus que
la dette d'un d'esclavagiste ne peut retomber sur ses anciens esclaves une fois affranchis.
Dès lors, la solution est simple: les dettes n'engagent que les décisionnaires qui les contractent, ainsi que leurs complices directs. Présidents,
ministres, hommes politiques, hauts fonctionnaires, chefs militaires, activistes des principaux lobbies et syndicats, dirigeants de grandes entreprises publiques, semi-publiques ou
para-publiques, et autres hommes de l'État, tous ceux qui possèdent un quelconque pouvoir politique, direct ou indirect, officiel ou officieux, formel ou informel — chacun d'entre eux est
responsable à hauteur de son rôle dans la décision d'emprunter. Face à un éventuel refus de payer de la part des citoyens ou d'un gouvernement suivant, les prêteurs (banques, autres États)
peuvent légitimement se retourner contre ceux qui se sont personnellement engagés à la légère (les hommes de l'État précédemment cités), mais pas contre ces tiers innocents que sont les citoyens
opprimés, victimes des emprunteurs.
Par suite, les prêteurs pourront recouvrer auprès des hommes d'État corrompus toutes les sommes détournées, moins bien sûr celles que ces
spoliateurs auront dilapidées. Quant au reste non recouvrable, ces prêteurs en resteront pour leurs frais; cela leur apprendra à prêter à des irresponsables! Ainsi, une fois que le risque
financier des prêts gouvernementaux retombera sur les contractants plutôt que sur les tiers innocents (les contribuables des États prêteurs et emprunteurs), on verra se tarir les sources de
financement pour de telles opérations.
Plus personne ne voudra prêter aux États, et, par manque de moyens, les systèmes d'exploitation politique cesseront les uns après les autres, de par
le monde. Il y aura certes des faillites — celles de tous ceux vivant directement ou indirectement de l'exploitation politique de l'homme par l'homme; mais ces faillites, loin de correspondre à
un appauvrissement global, correspondront au rétablissement de la justice, à la réappropriation par les citoyens spoliés de la liberté qui est la leur, à la restitution de biens qui sont à eux et
que d'aucuns exploiteurs avaient usurpés.
La conclusion libérale est qu'il n'y a pas de « problème de la dette » — il y a un problème de l'illégitimité des États. La solution n'est
donc pas une pseudo annulation, mais un rétablissement des droits légitimes des individus concernés.[1]
Il est clair qu'aucun dirigeant d'aucun État, ni aucun homme politique aspirant à le devenir, n'est prêt à reconnaître une telle conclusion, ni même
à en discuter l'argument. La vision libérale est bien trop subversive! Les partisans de l'ordre étatiste mondial sont au contraire bien aises de discuter les arguments marxistes en terme
d'exploitation de pays par des capitalistes, délires qui servent à justifier toujours davantage d'institutions technocratiques internationales « régulatrices » financées à gros coups
d'impôts. Accuser les institutions archi-étatistes d'être « libérales » pour justifier davantage d'institutions étatistes, voilà l'imposture étatiste à l'œuvre!
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C'est pourquoi sur ce sujet comme sur tant d'autres, nous faire entendre, arriver à faire reconnaître notre perspective comme celle qui mérite
d'être discutée, ce serait déjà gagner la bataille.
[1]: Le terme « annulation » d'une
dette lui-même est trompeur. Comme s'il y avait un mal qui pouvait être résolu d'un coup de baguette magique. Cf. mon autre article magie blanche contre magie noire.
En fait, la soi-disant « annulation » n'est qu'un déplacement: à partir du moment où des richesses ont été dissipées pour satisfaire les lubies des
dictateurs, il faudra bien que quelqu'un paie — qui que ce soit. En réalité, ce que les étatistes exigent sous couvert d'« annulation », est que les contribuables des pays libres paient
pour les dépensent somptuaires des dictateurs, bureaucrates, technocrates et démagogues de tous les pays. Une telle mesure, loin d'annuler le mal, ne fait que le déplacer — et dans le sens de
davantage de mal, dans le sens d'un pouvoir accru des dictateurs, non seulement sur leur propre population, mais sur les citoyens du monde entier. Cette pseudo « annulation » prônée par
les socialistes de tout poil n'est que l'approbation des malversations étatistes, et l'encouragement à davantage de telles malversations. C'est la porte ouverte à davantage de dons au bénéfice
des dictateurs, sous couvert de pseudo-« prêts » qui auront vocation à être annulés plus tard et payés par les contribuables des pays relativement libres.
Ce que les libéraux exigent est aussi un déplacement — et contrairement aux ignoramus économiques qui se cachent derrière les revendications étatistes, je n'ai pas
l'outrecuidance imbécile ou hypocrite de prétendre qu'il s'agisse d'une « annulation ». La différence essentielle entre le déplacement étatiste et le déplacement libéral, est que le
déplacement étatiste se fait dans le sens de davantage de spoliation, d'injustice et d'irresponsabilité, tandis que le déplacement libéral se fait dans le sens de davantage de respect des droits,
de justice, et de responsabilité.
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Dette publique
De Wikiberal:
La dette publique est constituée du montant total de tous les emprunts de l'État
et des autres administrations publiques (collectivités territoriales et protection sociale). La
dette intérieure est contractée auprès des agents économiques intérieurs (ménages, entreprises, institutions financières) tandis que la dette extérieure est financée par des intervenants
étrangers.
Pour les libertariens (voir par exemple Murray Rothbard, Repudiating the National Debt), l'État ne peut être
mis sur le même pied qu'un débiteur privé. Son engagement n'a pas de valeur, puisqu'il ne crée pas de richesse, mais vit de
l'argent volé aux contribuables ou de cet impôt caché qu'est l'inflation. Les créditeurs de l'État sont eux-mêmes
éthiquement répréhensibles, puisqu'en tant que « receleurs d'impôt » ils seront remboursés grâce à la coercition fiscale. La dette publique ne peut être considérée à l'égale d'un contrat entre propriétaires légitimes. Elle ne fait qu'augmenter le fardeau fiscal. Plutôt que l'augmentation des impôts ou l'inflation, Rothbard propose une solution révolutionnaire : la répudiation de la dette publique. Il n'y a pas de raison que la
population paie pour les dettes contractées par les classes dirigeantes ; de plus, cela empêchera les gouvernements, faute de créanciers, de continuer à détourner des ressources privées pour les gaspiller dans les projets étatiques. La répudiation
de la dette est donc un moyen radical de diminuer l'emprise de l'État sur la société civile, en lui
"coupant les vivres". Rothbard propose aussi de traiter l'État comme une entreprise en faillite et de vendre tous ses
biens.
La répudiation de la dette, une solution "de
gauche" ?
Les "solutions" habituellement proposées par les hommes politiques sont celles qui sont indiquées plus haut dans la section "Comment liquider la dette
publique".
Les solutions nationalistes consistent à se refermer sur le pré carré national et à
agir sur la monnaie (en Europe, sortir de l'euro pour revenir à une monnaie nationale qui permettra un plus grand laxisme budgétaire).
Une partie de l'intelligentsia de gauche pratique le déni, estimant qu'il se trouvera toujours des créanciers pour acheter la dette, ou que la création monétaire
illimitée permettra de régler tous les problèmes (illusion monétaire).
D'autres solutions "de gauche" (par exemple celles d'Attac dans Le Piège de
la dette publique, 2011) proposent un "mix" variable de répudiation d'une partie de la dette et de monétisation d'une autre partie par la banque centrale.
Ces "solutions" étatistes, qui admettent implicitement que la dépense publique est toujours justifiée et ne saurait être remise en question, ne s'attaquent
évidemment pas à la racine du problème, qui n'est pas la "toute puissance des marchés financiers", mais bien le surendettement des États (ce sont bien eux qui se sont mis sous la coupe des
marchés financiers).
Alors que ces "solutions" ne font que prolonger le problème, la solution de répudiation libertarienne est la plus radicale ; elle a le mérite de montrer la réalité de l’État, voleur et irresponsable par nature. L'endettement est
supprimé, en même temps que la capacité d'emprunt, ce qui contraint les hommes de l’État à restreindre drastiquement son périmètre et à mieux le gérer :
« Le principal problème de la dette est de permettre une expansion de l'État qui semble sans douleur — jusqu'à ce que la douleur devienne insupportable et
menace l'ensemble de l'économie. Mais le problème porte peut-être en lui sa propre solution, la crise actuelle des dettes souveraines offrant une chance inespérée : enchaîner Léviathan. Presque partout, l'État est fauché, et devra réduire fortement ses dépenses ou faire défaut sur sa dette. En vérité,
un défaut l'obligerait également à réduire ses dépenses en bloquant son accès aux marchés financiers. »
La question juive était largement débattue en France, surtout depuis 1785. L'abbé Grégoire et Mirabeau avaient pris la
défense de cette minoritée persécutée.
L'abbé Grégoire, lorrain, et l'un des plus diserts orateurs de l'Assemblée, séleva contre la haine, les insultes et les humiliations subies par les fidèles de
cette religion et contre les interdictions qui les frappaient. Il réclama pour eux l'accession à la citoyenneté. Il se livra aussi à un long historique de leurs malheurs depuis les origines de la
diaspora. Il ne put prononcer son discours mais il lui assura une large diffusion en le publiant. Il fut ainsi le principal acteur de l'émancipation des juifs de France qui fut acquise en
plusieurs étapes au cours des années 1790 et 1791. Son zèle s'explique en partie par son origine; les provinces de l'Est, Alsace et Lorraine, regroupant les importantes communautés juives du
royaume, Grégoire les avait côtoyées, s'alarmait du rejet dont elles étaient victimes et n'accordait aucun crédit aux fables désobligeantes qui couraient sur leur compte et qui étaient répandues
dans toute la chrétienté. Ici une publication, infime partie de ce grand plaidoyer qui retrace le long parcours des Hébreux à travers les siècles, pour ne retenir que l'énoncé des principes et
les arguments les plus décisifs.
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Photographie du détail de l'intérieur de l'Arc de Titus (Forum de Rome, Iè S.) qui représente la destruction de Jérusalem et du Temple de Salomon par l'armée romaine
et qui symbolise la Diaspora juive en Méditerranée.
La citoyenneté des Juifs
Assemblée constituante, séance du 23 décembre 1789
La dispersion des juifs, errants, malheureux, proscrits dans tout l'univers depuis dix-huit siècles, est un événement unique dans l'histoire. J'ai
toujours cru qu'ils étaient hommes ; vérité triviale, mais qui n'est pas encore démontrée pour ceux qui les traitent en bêtes de somme, et qui n'en parlent que sur le ton du mépris ou de la
haine. J'ai toujours pensé qu'on pourrait recréer ce peuple, l'amener à la vertu, et partant au bonheur.
Messieurs, vous avez consacré les droits de l'homme et du citoyen, permettez qu'un curé catholique élève la voix en faveur de 50 000 juifs épars
dans le royaume, qui, étant hommes, réclament les droits de citoyens.
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Depuis quinze ans j'étudie les fastes et les usages de ce peuple singulier, et j'ai quelque droit de dire qu'une foule de personnes prononcent
contre lui avec une légèreté coupable. Des préventions défavorables infirmeraient d'avance tous mes raisonnements, si je ne parlais à des hommes qui, supérieurs aux préjugés, n'interrogeront que
la justice. C'est avec confiance, Messieurs, que plaidant la cause des malheureux juifs devant cette auguste Assemblée, j'adresse à vos esprits le langage de la raison, à vos coeurs celui de
l'humanité [...]. Depuis dix-sept siècles les juifs se débattent, se soutiennent à travers les persécutions et le carnage. Toutes les nations se sont vainement réunies pour anéantir un peuple qui
existe chez toutes les nations. Les Assyriens, les Perses, les Mèdes, les Grecs et les Romains ont disparu, et les juifs, dont ils ont brisé le sceptre, survivent avec leurs lois aux débris de
leur royaume et à la destruction de leurs vainqueurs. Tel serait un arbre qui n'aurait plus de tige, et dont les rameaux épars continueraient de végéter avec force. La durée de leurs maux s'est
prolongée jusqu'à nos jours. Pour eux la vie est encore un fardeau ; pour eux le jour s'écoule sans autre consolation, a dit un d'entre eux, que d'avoir fait un pas de plus vers le
tombeau.
[...] En peu de mots, on peut résumer les objections formées contre les juifs. Ils sont, nous dit-on, corrompus et dégradés ; et de là on conclut, à
la honte de la raison, qu'il ne faut pas chercher à les régénérer ; on objecte que la chose est impossible. Et quand on répond victorieusement que la possibilité est établie par le fait des juifs
de Hambourg, Amsterdam, La Haye, Berlin, Bordeaux, etc., et qu'une expérience infaillible anéantit toute réclamation et lève tous les doutes, la haine et la prévention sont telles, qu'on répond
en répétant des objections anéanties. Il semble que sur cet article la pauvre raison soit en possession de délirer.
On voit trop souvent des hommes de fer, qui profanent le terme de bonté ; ils ont la générosité de chérir les humains à deux mille ans ou 2 000
lieues de distance ; leurs coeurs s'épanouissent en faveur des ilotes et des nègres, tandis que le malheureux qu'ils rencontrent obtient à peine d'eux un regard de compassion ; et voilà à notre
porte les rejetons de ce peuple antique, des frères désolés, à la vue desquels on ne peut se défendre d'un déchirement de coeur ; sur qui, depuis la destruction de leur métropole, le bonheur n'a
pas lui ; ils n'ont trouvé autour d'eux que des outrages et des tourments, dans leurs âmes que des douleurs, dans leurs yeux que des larmes ; s'ils ne sont point assez vertueux pour mériter des
bienfaits, ils sont assez malheureux pour en recevoir : tant qu'ils seront esclaves de nos préjugés et victimes de notre haine, ne vantons pas notre sensibilité. Dans leur avilissement actuel,
ils sont plus à plaindre que coupables ; et telle est leur déplorable intention, que pour n'en être pas profondément affecté, il faut avoir oublié qu'ils sont hommes, ou avoir soi-même cessé de
l'être.
Depuis dix-huit siècles, les nations foulent aux pieds les débris d'Israël ; la vengeance divine déploie sur eux ses rigueurs ; mais nous a-t-elle
chargés d'être ses ministres ? La fureur de nos pères a choisi ses victimes dans ce troupeau désolé ; quel traitement réservez-vous aux agneaux timides échappés du carnage et réfugiés dans vos
bras ? Est-ce assez de leur laisser la vie en les privant de ce qui peut la rendre supportable ? Votre haine fera-t-elle partie de l'héritage de vos enfants ? Ne jugez plus cette Nation que sur
l'avenir ; mais si vous envisagez de nouveau les crimes passés des juifs, que ce soit pour déplorer l'ouvrage de nos aïeux. Acquittons leurs dettes et la nôtre, en rendant à la société un peuple
malheureux et nuisible, que d'un seul mot vous pouvez rendre plus heureux et utile.
Arbitres de leur sort, vous bornerez-vous, Messieurs, à une stérile compassion ? N'auront-ils conçu des espérances que pour voir doubler leurs
chaînes et river leurs fers, et par qui ?... Par les représentants généreux d'un peuple dont ils ont cimenté la liberté, en abolissant l'esclavage féodal. Certes, Messieurs, le titre de citoyen
français est trop précieux, pour ne pas le désirer ardemment ; des nations voisines ont recueilli avec bonté les débris de ce peuple ; nous avons reçu d'elles l'exemple ; il est digne de nous de
le donner au reste des nations. Vous avez proclamé le Roi restaurateur de la liberté ; il serait humilié de régner sur des hommes qui n'en jouiraient pas : 50 000 Français se sont levés
esclaves, il dépend de vous qu'ils se couchent libres.
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Un siècle nouveau va s'ouvrir, que les palmes de l'humanité en ornent le frontispice, et que la postérité, bénissant vos travaux, applaudisse
d'avance à la réunion de tous les coeurs. Les juifs sont membres de cette famille universelle qui doit établir la fraternité entre les peuples ; et sur eux comme sur vous la révolution étend son
voile majestueux. Enfants du même père, dérobez tout prétexte à la haine de vos frères, qui seront un jour réunis dans le même bercail ; ouvrez-leur des asiles où ils puissent tranquillement
reposer leurs têtes et sécher leurs larmes ; et qu'enfin le juif, accordant au chrétien un retour de tendresse, embrasse en moi son concitoyen et son ami [...].
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Judaïsme
De Wikiberal:
Le judaïsme est une tradition définissant à la fois la culture religieuse et le mode de vie des Juifs, descendants des Israélites provenant de l'antique terre d'Israël et des quelques minorités les ayant rejoints par la conversion. Le judaïsme comporte des éléments religieux mais ne s'y limite pas puisqu'il
contient, outre ses codes de conduite, des lois, des rites, et des coutumes non spécifiquement religieuses.
Le judaïsme est l'une des plus anciennes traditions religieuses du monothéisme exclusif encore pratiquées aujourd'hui. Les valeurs et l'histoire du peuple juif sont
à la source des deux autres religions abrahamiques, le christianisme et l'islam.
Les juifs (sans majuscule quand il s'agit d'appartenance religieuse, pour les distinguer des Juifs, membres du peuple juif) constituent un groupe ethnoreligieuxévalué à 13,4 millions de personnes dans le monde, résidant principalement en Israël (42 %), en Amérique du Nord
(42 % : États-Unis et Canada), le resteétant surtout en Europe.
Dans son ouvrage Le Judaïsme antique (1917-1918), Max Weber s'intéresse à
l'histoire du « peuple paria » et souligne le rôle crucial du judaïsme dans l’histoire des religions, notamment son « éthique religieuse du comportement social, éthique hautement rationnelle, c’est-à-dire libre de toute magie comme de toute quête irrationnelle du salut ; […] dans une
large mesure, cette éthique sert encore de fondement à l’éthique religieuse actuelle des civilisations de l’Europe et de l’Asie Mineure. »
Le sentiment croissant d’incapacité des politiques à sauver notre pays alimente la montée en puissance des
extrêmes.
Cette tarte à la crème sera d’autant plus nimbée de cyanure quand les prochaines élections accorderont des scores jamais atteints à Le Pen et
Mélenchon. Les votes protestataires ou désabusés s’ajoutent à la séduction des foules par des messages similaires : décapiter les élites, fermer les frontières, se replier sur soi, dénoncer
l’étranger tout autant que le marché, et donner un grand coup de barre à gauche sur le plan économique. Alors que nous fonçons dans le mur, on nous propose d’en construire un, plus
proche !
Il faut donc réagir. Maintenant. Intensément. Joyeusement. Bien entendu, l’inattractivité des partis tétanise. A gauche, Harlem
ne provoque aucun désir. A droite, la lutte fratricide domine, chacun pensant qu’il suffit de terminer la course à sac en tête pour battre le « nul de l’Elysée » (sic). Les couteaux sont plus
acérés que les claviers, la bataille des idées étant reléguée à plus tard, c’est-à-dire à jamais. Jean-François Copé a toutefois innové avec son excellente initiative citoyenne d’une UMP
mobilisant ses militants, Camille Bedin en tête, pour apporter du soutien scolaire, de l’aide aux personnes âgées ou de la formation aux chômeurs au sein de leur fédération. Enfin la solidarité
privée, alternative incontournable à la faillite de la générosité publique, irrigue un parti. Saluons-le.
Encore dans l’ombre, certaines initiatives spontanées fleurissent. Ici, des entrepreneurs ambitionnant de sortir de leur sphère réservée. Là, des
hommes et des femmes de bonne volonté, unis par des qualités humaines et le désir de résister, comme au temps de la France Libre, et bientôt emmenés par un romancier à grand succès. La France
n’ayant pas connu son printemps libérateur vivra peut-être son été indien de la révolution civile.
Car oui, les extrêmes n’ont pas le monopole de la révolution. La vraie révolution est en nous. Sans la société civile, tout s’effondre.
Le vrai pouvoir, nous en sommes l’essence, et nous le méritons. C’est donc à vous, à nous, de prendre des initiatives et de nous
unir pour contraindre les politiques à nous le restituer. Via les partis et ces nouveaux mouvements, qu’il faut noyauter de « gens biens ». A travers nos comportements quotidiens, aussi. Et il
en va des plus anonymes comme des plus médiatiques. Dès lors que la BPI existe, Nicolas Dufourcq a raison de préférer aider l’industrie innovante à conquérir le monde au « sauvetage » à fonds
perdus des causes désespérées. Xavier Niel est révolutionnaire quand il investit 50 millions dans « 42 », son école novatrice qui formera les stars de l’Internet de demain, bacheliers ou non.
Maurice Lévy l’est aussi en appliquant, le premier, le « say-on-pay » chez Publicis pour redonner aux actionnaires le pouvoir perdu de discuter des mécanismes de rémunération des managers. La
révolution, c’est remettre le pays à l’endroit en pariant — quelle audace ! — sur chacun de nous.
Par Mathieu Laine, Fondateur de Altermind, professeur à Sciences Po Altermind
La révolution, c'est nous!
Source:
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Mathieu Laine dirige la société de conseil en stratégie Altermind. Son dernier ouvrage, avec Patrice Huerre, La France adolescente (Lattès, 2013).
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Mathieu Laine
De Wikiberal:
Mathieu Laine (né le 9 avril 1975à Lille) est un essayiste français, engagé dans
le mouvement libéral français et dans le débat d'idées avec des ouvrages comme La Grande
nurserie[1] et Post politique, lauréat du prix Edgar Faure du
meilleur essai politique 2009[2].
Petit rappel de feu Raymond ARON sur la politique de F. MITTERRAND du 5 au 11 août 1983 ou la "Fin des
illusions". Comment notre présidence actuelle avec M. F. HOLLANDE dit "le social-démocrate" ne se situe pas en similitude politique "idéologique" avec cette période?
Les mêmes causes pour les mêmes effets!
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Raymond ARON: Je me demandais, depuis les élections municipales, si, et dans quelle mesure,
François Mitterrand avait pris conscience des erreurs commises au cours de la première année du septennat. Les indiscrétions d'un journaliste, rapportant des propos tenus en privé par le
chef de l'Etat, satisfont quelque peu ma curiosité.
Au-delà de l'aveu que les socialistes avaient vécu dans l'illusion ou le rêve après leur victoire, le président de la République regrette de n'avoir pas dévalué
immédiatement le franc.
Sur ce point, le gouvernement de 1981 a suivi l'exemple de celui de 1936, bien que ces deux cas fussent différents à certains égards. Le gouvernement Laval
avait poussé la déflation si loin que la reprise de l'économie, en dépit de la surévaluation du franc, avait commencé. Il suffisait de dévaluer à froid pour dissuader les spéculateurs et
amplifier la reprise. Cependant le programme d'augmentation du pouvoir d'achat des masses rendait encore plus nécessaire une modification de la parité de change du franc par rapport à la livre
sterling et au dollar, les deux monnaies mondiales qui avaient été dévaluées par rapport à l'or et, du même coup, aux monnaies qui s'obstinaient à maintenir telle quelle la définition de leurs
monnaies en or.
En 1981, avant l'arrivée au pouvoir des socialistes, le franc n'était pas sérieusement attaqué; la confiance qu'inspirait Raymond Barre au-dehors y était pour
beaucoup. Mais le différenciel d'inflation devait entraîner un jour ou l'autre, un rajustement monétaire. L'ancien pouvoir aurait pu opérer ce rajustement à froid, à un moment choisi. Dès lors
qu'ils se jetaient dans une politique de relance par le pouvoir d'achat et par le déficit budgétaire, les socialistes devaient de toute évidence dévaluer le franc par rapport au mark et aux
monnaies liées à ce dernier; ils auraient eu avantage à prendre quelque distance, à la manière d'Olof Palme, quitte à sortir provisoirement du Système monétaire européen. En1981, la Banque de
France possédait un stock de devises qui aurait permis, à condition de gérer raisonnablement à l'intérieur, de maîtriser les fluctuations d'un franc flottant. Je suppose que Jacques Delors,
soucieux de sauvegarder le SME, n'a pas envisagé une dévaluation de quelque 12% qui aurait eu des conséquences sur le mouvement des prix.
Le chef de l'Etat s'étonne aussi de la vigueur des résistances qu'opposent les "groupes sociaux", les "corporations" au changement. Il faudrait une étude
détaillée pour formuler un jugement sur le bien-fondé des diverses manifestations ou grèves que déclenchent les paysans, les chefs de petites entreprises, les médecins, les pharmaciens. Les
violences paysannes se reproduisent chaque année au moment de la fixation des prix agricoles à Bruxelles. La réduction de une heure de travail hebdomadaire, le relèvement du Smic constituaient
souvent, en particulier pour les petites entreprises, une charge difficilement supportable. La première de ces mesures apportait une légère satisfaction à un grand nombre de salariés, mais
l'insatisfaction d'un nombre plus réduit de personnes était grande. Quant au relèvement du Smic, il entraîne un resserrement de la hiérarchie des salaires.
Le resserrement est-il toujours économiquement souhaitable?
Certains des ministres ont mené une politique résolument partisane. Le ministre de la Santé, membre du parti communiste, s'aliéna la majorité des médecins parce
qu'il leur donna l'impression, probablement exacte, qu'en dernière analyse il voulait progressivement étouffer la médecine libérale. Alain Savary ne parvient pas à obtenir le soutien des
universitaires de haut niveau et dévoué à la gauche; il les a heurté par le choix de ses conseillers, désignés pour leurs opinions politiques plutôt que pour leur réputation scientifique; il
donne l'impression qu'il veut soumettre les universitaires à des personnalités extérieures, elles aussi probablement choisies pour des raisons plus politiques qu'intellectuelles. Par sa loi et
ses décrets, il abaisse, il humilie les professeurs, enviés et attaqués par les enseignants de niveau inférieur.
Malgré tout, le gouvernement socialiste ne se heurte pas à une opposition aussi virulente que celle qui combattit Léon Blum. Certes, les porte-parole des
partis, certains journaux critiquent systématiquement toutes les décisions du pouvoir. Je n'ai pas souvenir que les socialistes (mises à part les réformes de moeurs au début du septennat de
Giscard d'Estaing) aient jamais approuvé les initiatives de la "droite".
Les municipalités de droite reçoivent, comme il convient, le président de la République quand il visite une province. Les socialistes faisaient valoir leur sens
civique quand ils recevaient Giscard d'Estaing; le parti ne reprochait rien à ceux des leurs qui, maîtres d'une municipalité, ignoraient le chef de l'Etat. je me demande si jamais un homme de
droite, investi de fonctions importantes, ait jamais injurié la gauche aussi grossièrement que Jack Lang (ministre de la Culture !) et autres Paul Quilès et Max Gallo injurient la "droite" à
chaque occasion. L'atmosphère de "guerre civile froide" entre la majorité et l'opposition, tous les français en portent une part de responsabilité, mais l'expression "le peuple de gauche", qui
suggère deux peuples parmi les français, ce ne sont pas les écrivains de l'opposition qui l'ont inventée.
La Constitution de la Vème République, nous le savons tous, et le président de la République le sait mieux que personne, assure au parti socialiste le bénéfice
du temps. François Mitterrand a raison de dire que, à la différence de Léon Blum, il peut lui-même réparer les dégats qu'il a commis. C'est lui qui aurait, avant ses camarades, au printemps de
1982, imposé une première rectification de tir, la réduction des dépenses étatiques, le début de la rigueur. Je me réjouis que le président de la République ait pris conscience
des contraintes qui pèsent sur l'économie française et imposé à ses ministres d'en tenir compte eux aussi. Michel Rocard, ayant été mis dans un placard, s'est tenu, selon François Mitterrand, en
dehors des débats interministériels, mais il se rattrapait en privé. "Il critique le gouvernement beaucoup plus sévèrement que vous", me dit un journaliste de gauche.
Le bénéfice du temps accordé à la majorité socialiste est-il aussi un bienfait pour le pays?
Réservons la réponse et réfléchissons sur le sort singulier d'un gouvernement qui reçoit la mission de mener une politique radicalement opposée à celle qu'il
inaugura dans l'ivresse de la Bastille ou du Panthéon. Voici l'un des notables du PS qui présente comme un bulletin de victoire que les deux tiers des 110 propositions aient été déjà réalisées.
le paysan du Danube ne peut pas s'empêcher de se dire: " Ou en serions-nous si toutes les propositions avaient été réalisées?" Le Premier Ministre, après avoir déclaré, à l'automne de
1981, que la relance était au rendez-vous, change de refrain: " Notre malheur, c'est que nous sommes le seul gouvernement de gauche dans une Europe gouvernée par des gouvernements de droite." La
lutte contre l'inflation appartient-elle à la droite, et la gauche possède-t-elle le secret de la lutte conjointe contre l'inflation et pour la relance? Les socialistes ont dit et répété qu'ils
détenait ce secret. Certains économistes affirment que ce secret existe ( dans la théorie). Il reste que , jusqu'à présent, aucun pays ne l'a découvert.
La politique de Ronald Reagan (un déficit budgétaire considérable, un taux d'intérêt élevé, la surévaluation du dollar) ne facilite pas les affaires de la
France et de l'Europe. Le déficit de la balance commerciale des Etats-Unis démontre que les exportateurs japonais et européens peuvent conquérir des marchés outre-Atlantique ou dans des pays
tiers.
Que les porte-parole socialistes cessent de rejeter sur d'autres leurs responsabilités, même si ces "autres", les gouvernants français d'hier et les
gouvernants étrangers d'aujourd'hui, ont aussi leur part de responsabilité. Les socialistes doivent convaincre les milieux économiques et financiers, à l'étranger, qu'ils ont compris la
leçon, qu'ils avaient accepté, par discipline de parti, les imprudences qu'ils désapprouvaient au fond d'eux-mêmes. Les indiscrétions de journaliste d'Europe 1 ne desservent pas le chef de
l'Etat. Tout au contraire. Beaucoup d'observateurs lui feront davantage confiance dès lors qu'il ne partage plus la naïveté ou les illusions des porte-parole officiels.
Dans un article récent, j'avis écrit que le choix de François Mitterrand était irrréversible. Un lecteur m'a objecté que le président de la République a hésité
pendant dix jours entre les deux chemins. Le choix portait-il exclusivement sur le SME ou sur l'ensemble de la politique, ouverture ou fermeture relative des frontières? Quoi qu'il en soit, ce
choix, à mes yeux, engage la majorité pour plusieurs années. Il devrait être soutenu, confirmé, ratifié par tous les dirigeants du parti. Ceux qui doutent du succès de Jacques Delors risquent de
devenir plus nombreux si les résultats espérés tardent à venir. Le président de la République accepte la poursuite de la rigueur jusqu'en 1984; il pense que l'année 1985 marquera le début d'une
action plus conforme à la doctrine et aux aspirations de sa clientèle.
A l'automne, Jacques Delors devra l'emporter dans l'épreuve de force prévisible sur les salaires. Le ministre a usé jusqu'à présent de l'arme fiscale et il a
réduit d'une quarantaine de milliards de francs le pouvoir d'achat disponible. Même s'il accroît encore les impôts directs en 1984, la lutte contre l'inflation exige aussi et avant tout une
limitation de la hausses des salaires, plus précisément une hausse des salaires inférieure à la hausse des prix. La crise financière dont souffrent les entreprises ne peut pas être résolue
autrement. Si les entreprises n'accroissent pas leurs investissements, c'est qu'elles n'ont pas le moyen de les financer.
La grève des investissements va-t-elle remplacer le mur d'argent dans la mythologie de la
gauche?
Elle n'aurait plus guère de succès, puisque l'Etat s'est emparé d'un coup du système bancaire et des principaux groupes
industriels. Il ne s'en trouve pas mieux pour cela.
Monsieur le Président,
Messieurs les ministres, mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord de dire ma satisfaction de me retrouver aujourd’hui parmi vous, ici, à Moscou, dans cette conférence générale sur la sécurité européenne voulue par nos
hôtes et notamment par Sergei Choïgou que je souhaite ici remercier pour son initiative et son hospitalité.
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Monsieur le Président,
Vous avez placé cette réunion sous le signe d’un échange approfondi et nécessaire sur notre espace commun de sécurité. J’y vois beaucoup d’intérêt, tant il est vrai que l’actualité
de ces dernières années pourraient faire oublier que notre continent n’a pas encore résolu toutes les incompréhensions et tous les problèmes qui nous préoccupent, et alors même que
la sécurité de l’espace européen ne saurait aujourd’hui être assurée sans prendre en compte les bouleversements d’une zone immense qui va de l’Afrique de l’Ouest à Kandahar. Comme
vous, je pense que nous avons le devoir de traiter ces questions dans ce type d’enceinte comme dans les forums dédiés. Je pense ici à l’OSCE ou au conseil OTAN/Russie. Il y a quelques
jours, en France, se sont conclus les travaux de notre nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Le Livre
blanc de 2013 présente une vision clarifiée
et renouvelée, en distinguant trois catégories de dangers : les menaces de la force, les risques de la faiblesse, et l’impact de la mondialisation. Les menaces dites de la force
recouvrent au moins trois phénomènes : les possibilités de résurgence de conflits entre Etats pouvant toucher la sécurité de l’Europe ; la prolifération nucléaire, balistique ou
chimique ; le développement des capacités informatiques offensives de certaines puissances. Les risques de la faiblesse, quant à eux, rassemblent les conséquences négatives, pour la
stabilité et la sécurité internationale, donc très vite celle des Européens, de la défaillance de certains Etats, lorsqu’ils ne sont plus en mesure d’exercer les fonctions de base
de la souveraineté, favorisant le terrorisme, les trafics ou les atteintes à nos voies d’approvisionnement par exemple. Nous l’avons vu en particulier au Mali. La mondialisation, enfin,
intensifie la puissance d’un certain nombre de menaces : terrorisme d’inspiration djihadiste ; trafics de groupes criminels disposant de moyens et d’une organisation quasi militaires ;
attaques dans le cyberespace ; ou encore agressions dans l’espace extra-atmosphérique.
L'interdépendance entre sécurité régionale et sécurité globale est l'une des réalités nouvelles de la
mondialisation. Le Livre blanc français le met en lumière. Face à la complexité de ces menaces, aucun Etat n'est à l'abri. Aucun Etat ne peut agir seul. La paix et la stabilité
mondiale exigent des coopérations sans faille. Elles supposent aussi l'émergence d'acteurs disposant de la taille critique pour faire respecter le droit international et intervenir là
où la situation l'exige. Elles soulignent plus que jamais la nécessité accrue d’une coordination internationale, au sein de laquelle la France et la Russie se doivent d’être des
partenaires crédibles et disponibles. Le Livre blanc met dans ce contexte l’accent sur une définition claire des trois priorités de notre stratégie de défense : la protection de la
France et des Français, la dissuasion nucléaire, et l’intervention extérieure. Ces priorités ne sont pas dissociables. Elles se renforcent mutuellement. Le président de la
République le rappellera dans un discours concernant la défense, vendredi 24 mai. La protection du territoire et de la population reste première dans notre stratégie, mais elle ne
saurait être assurée sans la capacité de dissuasion et d’intervention. Nous devons veiller à protéger nos compatriotes, y compris face aux risques de la cybermenace. Dans ce dernier
domaine, un effort significatif sera conduit pour développer nos capacités à détecter les attaques, à en déterminer l’origine, à organiser la résilience de la Nation et à y
répondre, y compris par la lutte informatique offensive. C’est là une orientation majeure du Livre blanc de 2013. La dissuasion, quant à elle, continue de demeurer la garantie ultime
de la sécurité, de la protection et de l’indépendance de la Nation. Elle nous protège de toute agression ou menaces d’agression contre nos intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et
qu’elle qu’en soit la forme. Elle écarte toute menace de chantage qui paralyserait notre liberté d’appréciation, de décision et d’action. L’intervention des forces à l’extérieur du
territoire national, enfin, confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable, bien au-delà de son territoire. Elle conforte par là même la
crédibilité de la dissuasion et assure la protection de nos intérêts de sécurité dans le monde. Nous n’entendons pas laisser le moindre doute sur notre volonté et notre capacité
d’agir, conformément à nos intérêts, dans le respect du droit international.
Dans cette logique, la France entend disposer des capacités militaires lui permettant de s’engager dans les zones
prioritaires pour sa défense et sa sécurité : la périphérie européenne, le bassin méditerranéen, une partie de l’Afrique – du Sahel à l’Afrique équatoriale -, le Golfe
arabo-persique et l’Océan indien. Ces capacités doivent aussi lui permettre d’apporter sa contribution à la paix et à la sécurité internationales dans l’ensemble du monde. Face aux
risques et aux menaces qui nous entourent, la première condition du succès demeure bien la volonté déterminée d’y faire face en consentant l’effort nécessaire. Comme nous l’avons
fait au Mali, en Libye ou en Afghanistan, cette même volonté, la France n’a de cesse de la mettre en œuvre. C’est cette même volonté qui, malgré la contrainte financière, sous-tend
aujourd’hui le choix majeur du Président de la République, dans notre dernier livre blanc, de maintenir à son niveau
actuel notre effort de défense, permettant ainsiune capacité d’intervention
extérieure forte et la constitution d’un nouveau modèle d’armée garantissant notre capacité d’entrée en premier sur les théâtres d’opérations. Dans le même esprit, nous avons décidé le
maintien de notre effort industriel, des moyens consacrés à la recherche de défense : notre industrie et notre technologie sont des atouts majeurs pour notre autonomie stratégique, comme pour
la compétitivité de notre économie. La France dans ce nouveau Livre blanc a également clarifié sa position et sa vision de l’Europe de la défense et de l’OTAN. Elle l’a fait en préservant
le principe d’une coopération plus étroite avec Moscou, qui reste l’un de ses objectifs politiques depuis les sommets de Lisbonne et de Chicago. Je voudrais à cet égard revenir sur deux
points :
- notre vision de l’Europe de la défense, de l’OTAN, de la relation OTAN-Russie et, plus particulièrement du dossier
de la défense anti-missile ;
- le besoin de renforcement de notre dialogue stratégique et de défense, nécessaire pour construire la confiance.
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Le livre blanc de 2013 ne manque pas de rappeler l’engagement historique de la France avec ses partenaires européens
dans une communauté de destin. La construction européenne reste, malgré ses lenteurs, un axe important de notre stratégie. J’en ai fait un axe politique majeur. Je pense à la
contribution russe au Tchad et dans le golfe d’Aden. Nous considérons qu’il peut y avoir d’autres champs de coopération future dans le domaine des opérations. Cet engagement va de pair
avec notre engagement plein et entier dans l’OTAN. Le Livre blanc 2013 tire toutes les conséquences de la mission confiée par le Président de la République à M. Hubert Védrine. La
France entend jouer dans ce qui est notre Alliance un rôle actif, déterminé et décomplexé, dans tous les domaines, y compris de l’organisation et de la doctrine. Notre ambition y
reste intacte s’agissant du dialogue OTAN-Russie. Des avancées ont certes déjà pu être réalisées dans des domaines aussi divers que la coopération sur l’Afghanistan, la
coopération aérienne, le soutien logistique, la lutte antiterroriste... Mais les progrès que pouvait laisser espérer le sommet de Lisbonne sont malheureusement demeurés l’otage des
suspicions. Je veux le redire ici. L’Alliance n’est pas une menace pour la Russie. La France ne l’accepterait pas. De la même façon, la défense anti-missile que l’Alliance entend
mettre en place n’est motivée que par le déploiement et la croissance rapides des potentiels balistiques de certains proliférateurs au premier rang desquels l’Iran. Permettez-moi d’y
revenir en rappelant ce que n’est pas la défense anti-missile de l’OTAN. Ce n’est pas un bouclier. Le système envisagé n’a pas pour vocation de contrer une frappe massive. Ce n’est pas
non plus un substitut à la dissuasion nucléaire.
La défense anti-missile de l’OTAN n’a pas pour but de remettre en cause la dissuasion russe. Techniquement, elle en
est incapable. La défense anti- missile de l’OTAN ne doit donc pas conduire à une nouvelle course aux armements avec la Fédération de Russie. Ce n’est pas notre volonté. Plus
largement, ce que ce dossier de la défense anti-missiles nous montre, c’est l’impérieuse nécessité d’un dialogue euro-russe et OTAN/Russie plus substantiel, plus sincère et plus
fréquent. Nous ne devons pas nous satisfaire de nos perceptions mutuelles actuelles, trop souvent marquées par des incompréhensions et des manifestations de puissance qui n’ont plus
lieu d’être. Nous avons besoin de davantage de dialogue de sécurité et de plus de transparence dans nos politiques de défense. En ce sens, le livre blanc de 2013, en présentant par
le détail le modèle d’armée souhaité pour la France à l’horizon 2020, en détaillant le cadre financier de son effort, en rappelant le maintien de notre effort de dissuasion à un
niveau de stricte suffisance, offre un exemple de transparence que nous aimerions également voir adopter par tous, et qui contribuerait utilement à la sécurité de notre espace
européen commun.
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QUE METTRE EN PLACE POUR LA SECURITE DE NOTRE ESPACE ?
Car notre défi, c’est bien de trouver les moyens pour construire un espace européen commun plus sûr et plus stable. En matière de maîtrise des armements, nous pouvons et devons
avoir
l’ambition de lancer un nouveau partenariat et de jeter les fondements d'une communauté de sécurité dans les espaces
euro-atlantique et euro-asiatique.
Qu’entendre par là ?
- une communauté qui repose sur l’acquis de l'Acte final d’Helsinki et de la Charte de Paris ;
- une communauté basée sur le respect de l’intégrité territoriale, qui s’appuie sur un régime fiable de maîtrise des armements, c’est-à-dire aussi sur de nouvelles négociations pour
définir l’avenir du régime des Forces conventionnelles en Europe, et sur l’exclusion du recours à la force pour résoudre les différends ;
- une communauté qui reconnaît la liberté pour les Etats de choisir leurs alliances, tout comme elle reconnaît le
caractère indivisible de la sécurité de notre espace commun;
- une communauté, enfin, qui se souvienne que pour garantir une sécurité durable, nous avons besoin d’une approche globale.
L’OSCE n’est bien sûr par la seule organisation apte à assurer ces missions. Mais elle est unique, tant par le nombre de
ses membres, que par la diversité de ses mandats. Fut-ce au prix d’une réforme certainement nécessaire de cette institution, cette enceinte doit pour la France être maintenue et
revitalisée. Comme je l’ai souligné au début de mon propos, n’oublions pas que la sécurité de notre espace ne peut être assurée sans prendre en compte les bouleversements et les défis
de sécurité d’une zone plus large qui va du sud Sahel à l’Afghanistan. La France a, à cet égard, des relations de confiance avec la Russie. Je pense notamment au Mali et à l’Afghanistan.
Elle a aussi des divergences, il ne faut pas s’en cacher, sur le dossier syrien.
En conclusion, je veux dire à cette tribune la certitude qui est la mienne que, pour travailler à un monde plus sûr, nous
avons besoin d’une coopération forte avec la Russie. Il ne s’agit pas là d’une option, pas plus pour les pays de l’Union européenne que pour la Russie. Plus encore qu’une conviction, il
s’agit d’un choix raisonné, d’une ligne de fond, d’une nécessité pour notre sécurité commune. Ma présence ici aujourd’hui est en le témoin. Il n’est pas d’autre chemin, à l’exception de
celui, dévastateur, de la méfiance, du doute et in fine du repli sur soi. Son aboutissement, au profit de notre sécurité à tous, impose que ce choix soit naturellement partagé par tous
pour produire tous ses effets. J’en forme ici le voeu et l’espérance et veux redire mon engagement plein et entier à travailler sans relâche à son renforcement. L’an prochain, la France
avec d’autres pays entamera les cérémonies commémoratives du déclenchement de la Grande Guerre et de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Je veux à ce titre saluer, ici à Moscou, le soixante-dixième anniversaire de la bataille de Stalingrad qui a beaucoup
marqué et permis que de nouvelles perspectives s’ouvrent lors du dernier conflit mondial.
Je vous remercie de votre attention.
ENJEUX DE LA DEFENSE - DOCTRINE - CONCEPTS - MISSIONS
Allocution à la conférenceinternationale sur la sécurité en Europe
Source, journal ou site Internet : ministère de la défense
Date 23 mai 2013
Auteurs : Discours de M. Jean-Yves Le Drian
La Russie va évacuer d’urgence sa station polaire installée sur la banquise du pôle Nord, en raison de la fonte
anormale des glaces, a annoncé hier le ministère russe des Ressources naturelles et de l’Écologie dans un communiqué.
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Le ministre Sergueï Donskoï a ordonné « d’élaborer en trois jours un plan d’évacuation de la station polaire scientifique
Severny Polious 40 » où se trouvent actuellement 16 personnes, indique le communiqué. Cette décision s’explique par «un développement anormal de processus naturels dans le bassin Arctique qui
a abouti à la destruction des champs de glaces autour de la station », selon la même source. « La glace se crevasse.
Des fissures sont apparues sur la banquise », a précisé un porte-parole du ministère. La destruction des glaces « menace
non seulement la poursuite des activités de la station et la vie de son personnel, mais aussi l’environnement dans la zone de sa dérive, située non loin de la zone économique du Canada »,
souligne le communiqué. L’éventuel recours à un brise-glace afin de déplacer la station sur la Terre du Nord, un archipel russe dans l’océan Arctique, doit notamment être étudié,
ajoute-t-il. Severny Polious 40, la quarantième station polaire russe déployée dans cette région depuis le début de la conquête de l’Arctique par l’URSS en 1937, a été ouverte en octobre
2012 afin notamment de surveiller l’environnement de l’océan Arctique et d’effectuer des observations météorologiques. Début mai, l’Organisation météorologique mondiale (OMM), une agence
spécialisée de l’ONU, s’est alarmée de la « fonte record des glaces de l’Arctique en août-septembre », dans son rapport annuel sur le climat 2012, publié à Genève. L’OMM a en outre
confirmé que l’année 2012 se classe parmi les dix années les plus chaudes jamais observées, depuis le début des relevés en 1850. Le précédent record de fonte de la banquise datait de
2007. Ainsi, la Russie a dû évacuer en 2008 les employés de sa station polaire Severny Polious 35, qui étaient à la dérive sur une banquise d’une superficie réduite à 300 mètres de large
et 400 mètres de long. Au début de leur travail, la superficie totale de la banquise était de 15 km2, selon l’agence publique RIA-Novosti.
ENERGIE - ENVIRONNEMENT – CLIMAT
Fonte anormale des glaces, la Russieva évacuer d’urgence sa station polaire
Source, journal ou site Internet : L’Orient le Jour
62 milliards d’euros ! C’est le budget annuel de l’Education nationale, un cinquième
du budget de l’Etat.
Et dans ces 62 milliards d’euros, près de 50 milliards d’euros servent à payer les enseignants. Mais face à cet effort financier
comparable voire supérieur aux pays ayant les meilleurs résultats, le succès n’est pas du tout au rendez-vous : « les enquêtes internationales situent la France à un niveau moyen, voir
médiocre, par rapport aux autres Etats développés. » Ces mots prononcés le 22 mai 2013 par Didier Migaud, président de la Cour des Comptes, lors de la présentation du rapport de la Cour « Gérer
les enseignants autrement », ont mis fin à l’omerta éducative française et révélé du même coup que les contribuables financent un système éducatif inefficace, démotivant et inégalitaire.
L’école républicaine est à l’image de l’Etat : en faillite. Une double faillite :
intellectuelle et financière. Le rapport de la Cour des Comptes n’est au fond pas une surprise car il ne fait que confirmer ce que tout le monde savait, mais c’est à présent officiellement écrit.
Qui plus est sous l’autorité d’un président qui n’est autre qu’un ancien député socialiste, ami de François Hollande.
L’Education nationale est tout sauf un sujet marginal. C’est l’administration la plus importante, elle est le premier employeur de France et à ce
titre pèse lourdement sur les finances des contribuables. Le sujet va donc bien au-delà de l’éducation : c’est bien du management de l’argent des contribuables dont il s’agit.
Ce que coûte l’éducation nationale aux contribuables
Pour bien comprendre ce que déboursent les contribuables pour l’éducation, qu’elle soit primaire ou secondaire, tant publique que privée – car les
enseignants des deux secteurs sont tous rémunérés par l’Etat – sans oublier l’enseignement supérieur public, un tour d’horizon est nécessaire. Cela ne donnera que plus de sens aux remarques de la
Cour des Comptes.
Globalement, en 2011, la dépense intérieure d’éducation ce que l’on se monte à 6,9% du PIB, c’est-à-dire à
137,4 milliards d’euros. Selon la définition du ministère de l’Education nationale, cette dépense d’éducation représente « toutes les dépenses effectuées par l’ensemble des
agents économiques, administrations publiques centrales et locales, entreprises et ménages, pour les activités d’éducation.» Elle se monte à 8 250 euros par élève ou étudiant, soit une
somme de 2 110 euros par habitant.
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L’enseignement primaire a bénéficié de 39,6 milliards d’euros soit une dépense moyenne pour un élève du premier degré qui se monte à 5 870
euros en 2011.
L’enseignement secondaire a reçu, toujours en 2011, l’enveloppe de 57,1 milliards d’euros. La dépense moyenne par élève se chiffre donc à 9 660
euros.
Quant à l’enseignement supérieur, 28 milliards d’euros ont été dépensé en 2011. Ainsi la dépense moyenne par étudiant s’élève à 11 630 euros.
Ce n’est pas tout. La formation continue doit être prise en compte puisqu’en 2011, ce sont 10 milliards d’euros qui lui ont été consacrés ainsi que
2,7 milliards pour les formations extrascolaires.
N’oublions pas enfin les aides sociales. Il faut savoir que 25% des collégiens et des lycées bénéficie d’une aide de l’Etat : ce sont les bourses.
En lycée professionnel, il faut noter que 36,2% des lycéens sont boursiers. Le montant de ces aides est donc de 604 millions d’euros en 2011.
Concernant les dépenses de personnel, le ministère de l’Education nationale déclare qu’en janvier 2012, quelques 1 043 500 fonctionnaires ont été
rémunérées pour un total de 49,9 milliards d’euros, soit 17% du budget général de l’Etat.
Parmi ces fonctionnaires 906 500 sont dans le secteur public tandis que 137 000 sont dans le secteur privé sous contrat. Dans le détail, 849 700 de
ces fonctionnaires sont des enseignants et 168 800 autres remplissent des postes administratifs, techniques, d’encadrement et d’assistance éducative.
Que les contribuables ne se laissent pas abuser par les tableaux statistiques qui affichent les parts de dépenses de l’Etat, des entreprises et des
ménages. Cette répartition est fallacieuse car l’argent de l’Etat et des collectivités publiques n’est autre que celui des entreprises et des contribuables car, insistons sur cette vérité trop
souvent oubliée mais Frédéric Bastiat a clairement formulée :
«l’Etat, ne l’oublions jamais, n’a pas de ressources qui lui soit propres. Il n’a rien, il ne possède rien qu’il ne le prenne aux
travailleurs»
c’est-à-dire chacun d’entre nous. En conséquence, lorsque le ministère de l’Education nationale déclare que 137,4 milliards d’euros sont
consacrés à la dépense intérieure d’éducation, il faut comprendre que chaque euro de ces 137 milliards d’euros vient de la poche des contribuables. Cela ne rend que plus choquant ce que
dévoile le rapport de la Cour des Compte sur l’Education nationale.
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Ce que financent réellement les contribuables
Car derrière le satisfecit bon ton que se délivre régulièrement l’Education nationale se cache une réalité peu glorieuse : une gabegie, un gâchis,
un gaspillage, bref des milliards d’euros versés pour obtenir… pas grand-chose ou en tout cas un résultat qui nécessiterait moins d’argent. La Cour des Comptes, et donc son président Didier
Migaud, est sans pitié avec l’Education nationale.
Les contribuables financent une éducation et une instruction de faible niveau. Ainsi, la Cour
considère que « l’éducation nationale ne parvient pas à répondre aux besoins des élèves», précisant que « notre pays se situe au 18e rang de l’OCDE pour la performance de ses élèves
; le système français est un de ceux où le poids des origines socio-économiques des élèves pèse le plus sur les résultats scolaires, et cette situation s’aggrave.» Le mythe selon lequel le
système scolaire français est un des meilleurs au monde n’a pas résisté à l’analyse objective.
Les contribuables financent un management catastrophique des enseignants. La Cour affirme que
l’Education nationale « ne parvient pas davantage à répondre aux attentes des enseignants.» La Cour constate ainsi que « la France connaît une inquiétante crise d’attractivité du
métier : en 2011 et 2012, plus de 20% des postes proposés au concours du CAPES externe n’ont pu être pourvus dans six disciplines, dont l’anglais et les mathématiques.» Il est loin le temps
des hussards noirs de la République qui étaient considérés comme des notables dans chaque commune de France et qui étaient respectés. Aujourd’hui, on est plus enseignant par envie, mais par
dépit.
Les contribuables financent des incompétents pour gérer l’éducation de leurs enfants. On
entend déjà les syndicats prêts à réciter leur rengaine habituelle en disant qu’ils manquent de moyens, etc. Mais la Cour des Comptes coupe court : ce genre d’argument ne fonctionne pas. Tout
d’abord parce que « la France consacre à l’éducation des moyens globaux comparables, voire supérieurs, à ceux de pays qui assurent mieux la réussite de leurs élèves.» Ensuite et surtout
parce que « ces résultats insatisfaisants ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants.»
La vérité est enfin au grand jour : l’Education nationale ne sait pas manager et c’est son problème majeur.
Les contribuables financent un système éducatif incapable de s’adapter pour répondre aux besoins des
élèves. La Cour est directe : « Le ministère de l’éducation nationale ne sait pas mesurer les besoins scolaires des élèves de façon fiable et représentative pour en tirer les
conséquences sur les moyens à mettre en œuvre au sein de chaque établissement. Les postes d’enseignants sont répartis sur le territoire selon des critères qui ne caractérisent que partiellement
et indirectement les difficultés des élèves.» Il s’agit donc d’une administration aveugle et sans intelligence des problèmes.
Les contribuables financent l’inégalité croissante entre enseignants. La Cour relève que «
les règles de gestion créent des effets pervers au détriment des jeunes enseignants et des postes les plus sensibles pour les élèves», précisant que « dans le second degré, 45 % des
jeunes enseignants affectés sur leur premier poste le sont dans les deux académies les moins attractives, provoquant par la suite des départs massifs. Le système fonctionne donc au détriment des
établissements qui accueillent les élèves les plus fragiles et des enseignants les moins expérimentés.» C’est le seul corps de métier qui envoie les novices dans les zones les plus
difficiles tandis que les plus expérimentés exercent dans les établissements faciles. C’est comme si on envoyait la police municipale d’une sous-préfecture combattre Al Qaïda en Afghanistan :
c’est ridicule et on court à la catastrophe.
Les contribuables financent des enseignants de plus en plus pauvres. La Cour affirme que «
le choix a donc été fait de favoriser le nombre d’enseignants plutôt que le niveau de leur rémunération.» L’enseignant français n’est pas bien payé, souligne la Cour car « la
rémunération nette annuelle des enseignants est inférieure de 35 % à celle d’un cadre non enseignant de la fonction publique, essentiellement en raison d’un niveau de primes plus faible.»
Ce n’est pas mieux si l’on compare aux autres pays : « les enseignants français gagnent entre 15 et 20% de moins que leurs homologues des États membres de l’Union européenne et des pays
membres de l’OCDE, à leur début de carrière comme après 15 ans d’ancienneté.» Or, pour attirer les meilleurs cerveaux, les meilleurs pédagogues, ceux qui savent transmettre et retenir
l’élite du savoir, il faut les payer.
Les contribuables financent des enseignants de plus en plus démotivés car sans perspective de
carrière. La Cour fait étalage de cette cruelle réalité : « les enseignants, dans leur grande majorité, n’ont pas de perspective de carrière autre qu’une mobilité
géographique. A défaut de parcours de carrière se traduisant par une prise de responsabilité progressive, la plupart des enseignants exercent les mêmes fonctions tout au long de leur vie
professionnelle.» Prof tu es, prof tu resteras : sans évolution comment motiver ?
Les contribuables financent le mensonge de l’égalité républicaine. Car la Cour conclut qu’il
faut « renverser la logique, issue de la massification de l’enseignement et de la pression d’un égalitarisme de façade, selon laquelle tous les enseignants sont interchangeables et tous
les élèves ont les mêmes besoins.» Adaptation et flexibilité sont deux mots que les idéologues marxistes de l’Education nationale vont devoir accepter.
Ce que peuvent espérer les contribuables
Le service public de l’éducation fonctionne donc très mal. Il est inefficace, démotivant et gaspille l’argent. Mais pour autant, peut-il être
réformé ? Car la refondation de l’école tant annoncée par le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, est remise à sa place par la Cour des Comptes : en fait de refondation, il n’y a
que reconduction d’un statu quo qui fossilise l’enseignement français.
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La Cour des Comptes recommande à Vincent Peillon de « redéfinir le métier enseignant», de « mieux valoriser les ressources
humaines» en affectant « les enseignants en fonction de la réalité des postes et des projets d’établissement» et enfin de veiller à « assurer une gestion de proximité.».
Didier Migaud estime qu’il faut une bonne dizaine d’année pour réformer le système scolaire français. Sera-t-il écouté ?
Selon Didier Migaud, Vincent Peillon assure « qu’il partageait l’orientation des recommandations de la Cour pour une gestion plus qualitative et
individualisée des ressources humaines.» Et d’ajouter que le ministre « a annoncé de futures discussions sur la refondation du métier d’enseignant.» Autant dire que ce n’est guère
rassurant. Le constat est déjà fait, alors pourquoi discuter ?
Il faut agir et vite.
Education nationale : ce que les contribuables financent réellement
L'éducation est l'ensemble des moyens permettant le développement des facultés physiques, morales et intellectuelles d'un être humain. Par
extension, l'éducation désigne également les moyens mis en place pour permettre cet apprentissage.
L’État, bien loin de ses obligations régaliennes, prétend se
charger de l'éducation des enfants : l'Éducation Nationale a ainsi succédé, en France et dans d'autres pays, à la plus
modeste Instruction Publique, ce que les libéraux considèrent comme une immixtion dans la sphère privée et familiale.
Position libérale
Pour certains libéraux, l'État a un rôle à jouer dans l'éducation, en permettant aux personnes
issues des milieux les moins favorisés d'accéder à un niveau d'instruction qui dépend plus d'eux-mêmes que des ressources de leur famille. Cependant, et contrairement à la pratique répandue,
cette participation de l'État ne se ferait pas par l'existence et le maintien d'établissements scolaires publics mais par une distribution de moyens directement auprès des personnes concernées -
par exemple sous forme de chèque éducation, acceptés par certains établissements privés. C'est par
exemple la position que défend Friedrich Hayek dans La Constitution de la liberté (Chap. 24) et dans Droit, législation et liberté (Chap. 14). Il écrit ainsi dans ce dernier ouvrage :
«Concernant l'éducation, l'argument primordial en faveur de son assistance par le gouvernement est que les enfants ne sont pas encore des citoyens responsables
et ne peuvent être supposés capables de savoir ce dont ils ont besoin, ni ne possèdent de ressources qu'ils pourraient consacrer à l'acquisition du savoir. […] Ce raisonnement s'applique
seulement aux enfants et mineurs. Mais il est complété par une autre considération qui s'applique aussi aux adultes, c'est que l'éducation peut éveiller en ceux qui la reçoivent des capacités
dont ils n'avaient pas encore conscience. […] Qu'il y ait de solides arguments pour que le gouvernement finance au moins une instruction générale n'implique pas que cette éducation doive aussi
être administrée par l'État, et encore moins qu'il doive en avoir le monopole » — Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté[1]'
Les libéraux sont en général opposés aux règlementations étatiques contraignantes qui aboutissent à l'absence de sélection au mérite (et, partant, à la
dévalorisation des diplômes), au « collège unique », à la « carte scolaire » (interdiction de choisir son établissement), au monopole universitaire, à l'enseignement indifférencié, etc.
Position libertarienne
Pour les libertariens, il est injuste de forcer une personne, via l'impôt, à financer l'éducation d'autrui. L'enseignement est donc un service comme les autres, que des individus ou des entreprises vendent à des
clients. S'il était appliqué, ce modèle aurait de nombreux avantages sur le plan de la qualité de l'enseignement. Outre les bénéfices tirés de la concurrence entre établissements scolaires et écoles de pédagogie, la délivrance des principaux diplômes ne serait plus un monopole, ce qui permettrait de valoriser de manière optimale les acquis des étudiants.
Le financement des études qui pourrait résulter de ce système est aussi supérieur à la formule de l'instruction publique gratuite. Ce marché, en plus d'intéresser les banques, pourrait voir fleurir les associations
délivrant des bourses aux étudiants. Dans les deux cas, l'obtention de prêts serait soumise à la capacité des candidats à convaincre les prêteurs, et donc à fournir des résultats. Ce principe de
responsabilisation favoriserait la réussite scolaire et permettrait aux plus méritants de poursuivre des études.
La conséquence directe montrerait l'inutilité voire le caractère nocif d'un ministère de l’Éducation Nationale, dont la mainmise idéologique et politique sur les
jeunes esprits n'est pas le moindre défaut.
«Le libertarien, alors, se fondant sur la tradition libérale classique ancienne, ne doit pas seulement abandonner l'utilitarisme et le positivisme; il doit
aussi abandonner cette tendance du culte de la démocratie et d'une haine irraisonnée envers le catholicisme qui le mène, entre autres défauts, vers la croissance d'un vaste fardeau d'étatisme et
de tyrannie, l'école publique. » — Murray Rothbard, Conservatism and Freedom: A
Libertarian Comment[2]
Si Bertrand de Jouvenel a toujours cultivé le goût des réseaux internationaux, il se retrouve au lendemain du second conflit mondial fort dépourvu en la matière,
puisque le milieu franco-allemand, dans lequel il a baigné des années durant, est désormais disqualifié.
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Acquis au principe du rapprochement franco-allemand, Bertrand de Jouvenel ne peut jouer sur ce plan un rôle à sa mesure. Il trouve cependant une opportunité de
rebondir au plan international via la naissance de la Socièté du Mont-Pélerin, créée par Friedrich von Hayek lors d'un "meeting" tenu près de Vevey en Suisse du 1er au 10 avril 1947
(pour la naissance et les débuts du Mont-Pélerin, nous suivons les développements que lui consacre François Denord,
Néo-libéralisme version française, op.cit.,p.219 et suiv. François Denord a en particulier utilisé les papiers de Friedrich von Hayek. Voir aussi Yves Steiner, "Louis Rougier et la
Mont-Pélerin Society", in Jean-Claude Pont, Flavia Padovani Flavia (ed.), Louis Rougier: vie et oeuvre d'un philosophe engagé. Témoignages - Ecrits politiques. Philosophia Scientiae,
op. cit., p.71-77.)
Reconnu hors du milieu des économistes depuis la parution en 1944 de son livre La Route de la servitude, Hayek, installé à Londres au début de 1944,
réfléchit alors avec Lionel Robbins à une future Fédération économique européenne et songe à mettre sur pied une conférence internationale. Cette première tentative n'est pas isolée: à Londres se
met en place un think tank libéral, l'International Liberal Exchange, de même qu'à l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Wilhelm Röpke envisage la
création d'un journal. Après différents échecs, Hayek réussit, avec l'appui du Suisse Albert Hunold, à trouver des fonds auprès d'hommes d'affaires et d'industriels suisses. En avril 1947, 39
participants se retrouvent sur les bords du Léman pour mettre sur pied la Socièté du Mont-Pélerin, qui compte à l'origine une majorité d'universitaires, principalement des économistes, et qui ne
cesse de s'étoffer jusqu'au début des années cinquante (173 membres issus de 21 pays en 1951.
Bertrand de Jouvenel connaît personnellement Hayek. Il l'a rencontré lors d'un dîner à Londres au lendemain de la guerre (Bertrand de Jouvenel, Problèmes de l'Angleterre socialiste, La Table ronde, 1947, p. 97. ) et a entretenu avec lui une correspondance régulière de 1949 à
1954. (Si l'on se réfère aux archives de BdJ. ) Bertrand de Jouvenel entre à la Socièté du Mont-Pélerin dès la première
réunion et y reste jusqu'au début des années soixante. Sa participation à la rencontre du lac Léman en 1947 a été très active, ainsi que le souligne une correspondance de William Rappard à André
Siegfried:
"Hayek avait de plus invité Jouvenel qui habitait dans les environs du lieu de notre réunion. Grâce à son intelligence et à sa connaissance de l'anglais, il fut
celui des Français qui prit la part la plus active aux discussions, tous se rendaient compte cependant, et lui, je crois, le tout premier, que pour des raisons que vous comprendrez sans peine, il
ne serait pas opportun de l'appeler à représenter votre pays au sein du conseil." (Lettre du 9 mai 1947, conservée dans les papiers de
Friedrich von Hayek et citée in François Denord, Génèse et institutionnalisation du néo-libéralisme en France (années 1930 - années 1950), op.cit.,p. 393-394 (note 277) )
Quelques mois plus tard, bertrand de Jouvenel n'a cependant pas manqué de reconnaitre publiquement sa dette à l'égard des hommes du Mont-Pélerin qu'il remercie
chaleureusement, en qualifiant de "précieux stimulant" le " commerce intellectuel" qu'il a entretenu avec eux. (Bertrand de Jouvenel,L'Amérique en Europe. Le plan Marshall et la coopération internationale, op. cit., p.II. )
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Bertrand de Jouvenel participe pendant près de dix ans à la vie du Mont-Pélerin et joue au tournant des années cinquante auprès de Hayek un rôle de conseiller pour
les questions françaises. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'organiser le congrès de Beauvallon de 1951, Hayek installé à Chicago, sollicite Jouvenel et lui demande de l'aider à le préparer. S'il a trouvé
des intervenants pour ce qui concerne les pays "sous-développés", le second thème choisi, " le traitement du capitalisme par les historiens", est beaucoup plus délicat. Hayek a des désirs précis:
il veut en finir avec la "propagande socialiste". Selon l'économiste, "très peu a été fait pour détruire ces mythes" créés selon lui depuis Engels jusqu'aux Webb. Le seul intervenant potentiel,
T. S. Ashton, devrait n'évoquer que le cas Engels et Hayek voudrait prolonger la réflexion; il propose à Jouvenel de s'en charger. Il déplore d'autre part l'absence de réponse des participants
français à ses demandes (Louis Baudin lui a répondu, mais ce n'est pas le cas de Roger Truptil ou de Raymond Aron). (Lettre du 30 mai
1951(FBJ) ) Bertrand de Jouvenel réagit très vite, assure Hayek de sa présence, lui dit qu'il est en mesure de briguer le titre de participant le plus assidu aux rencontres
("I am trying to qualify for the title of the most assiduous member"), et l'informe que son intervention livrera une
analyse de la condamnation morale du capitalisme à travers les facteurs variés qui l'ont générée. Surtout, Jouvenel lui propose une liste d'invités possibles pour Beauvallon: Robert
Strausz-Hupé, professeur de science politique à l'université de Pennsylvanie, Louis Salleron, qui vient de publier un livre sur Les Catholiques et le capitalisme, sans oublier des hommes qu'il se
propose de lui faire rencontrer à l'occasion de son prochain passage à Paris: le banquier Alexandre de Saint-Phalle, le Suisse Silberschmidt et son jeune ami Patrice Blank.
Cette proximité entre Jouvenel et Hayek marque l'acmé de la représentation française au Mont-Pélerin. Avec 18 membres en 1951, la section française tient le second
rang europée, derrière la section britannique. Présidée par Jacques Rueff, elle est principalement composée d'économistes, professeurs agrégés d'économie politique comme Louis Baudin, René
Courtin, Charles Rist ou Daniel Villey, mais aussi d'ingénieurs-économistes tels que Maurice Allais et Jacques Rueff. On y trouve aussi des représentants du monde des affaires, principalement
membres de l'Association de la libre-entreprise, à l'instar de Roger Truptil, P-DG du groupement de la construction navale, d'Ernest Mercier, de Louis Marlio ou de Georges Villiers, le patron du
CNPF. Une troisième catégorie est formée d'intellectuels, de publicistes et d'écrivains (Raymond Aron, qui a connu Hayek à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale(Raymond Aron, Mémoires, Julliard, 1983, p. 167 et p. 191. Il évoque la "générosité" de Hayek et de Lionel Robbins, enseignant
alors à la London School of Economics. Il les rencontre dans le cadre du Reform Club et dîne avec eux presque chaque jeudi.),Jacques Chastenet, André
Maurois). Le financement de la section française est principalement assuré par le CNPF, qui a par exemple pris en charge l'intendance du quatrième "meeting" de la socièté, tenu en septembre 1951
sur la Côte d'Azur, et qui a réuni 68 participants. Trois Français y ont présenté des contributions: Raymond Aron, Louis Baudin et Bertrand de Jouvenel. La liste des intervenants montre que les
suggestions de Jouvenel n'ont pas été retenues. Plus largement d'ailleurs, l'influence des Français est en baisse. Ainsi, une circulaire du Mont-Pélerin (Hayek), datée du 29 novembre 1952,
indique une liste de nouveaux membres: aucun nom de Français n'apparaît. De son côté, Jouvenel commence à prendre ses distances avec Hayek. Les deux dernières années de leur relation épistolaire
sont principalement occupées par un conflit sur la publication de sa conférence de Beauvallon.
(Tout est parti d'un courrier de hayek du 21 mars 1952 dans lequel il explique à Jouvenel que les actes du congrès de
Beauvallon doivent paraître aux Presses universitaires de Chicago, et lui demande une petite révision de son texte, "The intellingentsia and capitalism". Quelques mois plus tard, l'affaire n'est
toujours pas close et, le 13 novembre 1952, Hayek informe Jouvenel que l'éditeur se propose de revoir un peu le style pour l'angliciser, et d'intituler la contribution: "Le traitement du
capitalisme par les historiens continentaux". Jouvenel répond le 17 novembre qu'il n'a pas le temps de s'occuper de l'affaire. l'éditeur remanie le texte, ce qui suscite de la part de Jouvenel
protestation et courriers irrités. L'affaire n'est pas sans intérêt, car la même situation se reproduit une dizaine d'années plus tard avec Irving Kristol.)
De plus, Jouvenel, qui s'emploie à diversifier ses activités, prétexte une surcharge de travail pour ne pas se rendre au congrès de la Socièté à Venise en
1954.
(Lettre de Bertrand de Jouvenel à Friedrich von Hayek, 5 septembre 1954 (FBJ). C'est la dernière lettre conservée
dans le fond Jouvenel.)
L'implication de Bertrand de Jouvenel dans les réseaux néo-libéraux se mesure aussi à sa participation à des ouvrages collectifs. Il figure ainsi dans un volume
publié en 1954 par Friedrich von Hayek (congrès de Beauvallon) ("The Treatment of Capitalism by Continental Intellectual", fromCapitalism and the Historians, edited by FA von Hayek, Chicago, University of Chicago Press, 1954, p. 91-121, repris in Bertrand de Jouvenel, Economics and the good life. Essays on
political economy, edited with an introduction by Dennis Hale and Marc Landy, New Brunswick (USA) and London (UK), transaction publishers, 1999, p. 137-154.) et compte parmi
les contributeurs d'un volume d'hommage à Ludwig von Mises publié aux Etats-Unis. ("Order versus Organization", in On Freedom
and Free Enterprise: Essays in Honor of Ludwig von Mises, edited by Mary Sennholtz, Princeton, N.J.: Van Nostrand, 1956, repris in Bertrand de Jouvenel,Economics and the good life. Essays on political economy, op.cit., p. 65-75.) On retiendra de ces participations son étude sur le traitement du capitalisme par les intellectuels européens. Jouvenel y met en cause les écrits des économistes et des
historiens, qui livreraient une vision tendancieuse et par trop dépréciative du capitalisme et de son histoire, n'épargnant pas le système soviètique, le Magnitogorsk des années trente
supporte-t-il la comparaison avec le Manchester des années 1830? (Bertrand de Jouvenel, "The treatment of Capitalism by Continental
Intellectuals", op.cit.,p. 140-142 ) et rappelant avec une ironie mordante que l'hostilité des intellectuels aux hommes d'argent ne saurait faire oublier l'importance de ces
derniers dans le développement des Lumières. Bertrand de Jouvenel stigmatise en particulier les motivations de l'anti-capitalisme: raisons affectives et éthiques. Elles lui paraissent
superficielles et apparentées aux motivation du clergé médiéval: la sécularisation des intellectuels (Jouvenel joue avec l'emploi des
termes intellectuels et clercs et compare l'accumulation de capital de l'Etat et le secteur public à celle opérée par les monastères (ibid.,p. 143-144). ) ne serait donc qu'une
apparence. Replacés dans leur contexte, les propos de Bertrand de Jouvenel ne sont pas sans évoquer des passages de l'ouvrage de Raymond Aron, L'Opium des intellectuels, paru en
1955.
(Nous songeons en particulier au chapitre IV, intitulé "Hommes d'Eglise et hommes de
foi". )
Cela étant, on retrouve ici, vingt-cinq ans après L'Economie dirigée, le "réaliste" Bertrand de Jouvenel qui entend, par une
rationalité maîtrisée, aménager un système capitaliste qui lui paraît positivement en voie de transformation ( et Jouvenel de se référer à l'amélioration du niveau de vie des masses dans les
démocraties capitalistes). A l'inverse, les intellectuels dans leur majorité seraient en décalage profond avec les réalités.
A la fin des années cinquante, le Socièté du Mont-Pélerin marque le pas. L'organisation a du mal à se renouveler et à remplacerles
figures de proue décédées (comme Charles Rist, ‡ 1955). la socièté est aussi traversée par des divisions idéologiques profondes qui opposent Hayek au secrétaire européen Hunold. Au coeur de la
controverse réside le sens à donner au libéralisme: aspiration libertarienne ou libéralisme social? La querelle Hayek/Hunold, qui combine dissensions personnelles et divergences idéologiques, se
solde par le départ du second. Il entraîne dans son sillage Röpke et une quinzaine d'Européens parmi lesquels les Français sont nombreux. C'est ainsi que Raymond Aron et Bertrand de Jouvenel
quittent la Socièté du Mont-Pélerin tandis que Maurice Allais, qui n'a jamais accepté de considérer comme intangible le principe de supériorité de la proprièté privée sur la proprièté collective,
fonde une nouvelle organisation, le Mouvement pour une socièté libre, qui n'est pas sans rappeler l'expérience des Nouveaux Cahiers à la veille de la guerre. (François Denord, Néo-libéralisme, version française, op. cit., p. 235 )
Le clivage entre les libéraux au début des années soixante est donc profond et se décline en deux alternatives: refus de principe ou
acceptation d'une dose d'intervention étatique en matière économique et sociale; place du marché dont la centralité est remise en question par des libéraux sociaux soucieux, comme Bertrand de
Jouvenel, de conférer une place au politique et de rester fidèles à l'héritage contractualiste de libéralisme, lequel ne saurait être assimilé à un simple économisme.
Bertrand de Jouvenel a fort bien identifié ces enjeux dans une longue lettre amicale, en anglais, adressée à Milton Friedman le 30
juillet 1960.
(Je remercie beaucoup François Denord de m'avoir communiqué une copie intégrale de
cette lettre conservée dans les papiers de Friedman (86/2). Les citations en français résultent de notre traduction )
Il n'hésite pas à rappeler sa dette à l'égard de la Socièté et " l'immense faveur" que lui fit Hayek en l'invitant à la première
rencontre. Il regrette à cet égard que la Socièté n'ait pas retenu le nom de socièté Tocqueville, comme cela semble avoir été un moment envisagé; cela aurait empêchéselon lui les dérives qu'il
pointe crûment.
La Socièté "s'est orientée de plus en plus vers un manichéisme selon lequel l'Etat ne peut rien faire de bien tandis que
l'entreprise privée ne peut faire rien de mal".
Pour Bertrand de Jouvenel, l'entreprise privée ne saurait être " l'incarnation de la liberté". Il met en avant l'exemple français,
qui lui semble un compromis raisonnable entre public et privé. Il ne se limite pas à ce constat et entend voir le rôle de l'Etat redéfini. Renouant avec l'héritage de son premier essai,
L'Economie dirigée, dont il se réclame explicitement, Jouvenel propose de distinguer les actions de l'Etat en deux catégories: les actions à caractère technique et celles à caractère idéologique.
Concernant les premières, il se déclare prêt à collaborer avec un gouvernement sur ce terrain et condamne le culte absolu de la libre entreprise: "Je n'ai pas d'objection vis à vis de l'Etat,
mais seulement contre les "méthodes coercitives". A cette divergence doctrinale s'ajoute une remise en cause des méthodes et des buts de la Socièté du Mont-Pélerin. Bertrand de Jouvenel trace les
contours d'un contre-modèle qui préfigure son nouveau grand projet, Futuribles. La Socièté du Mont-Pélerin devrait selon lui "s'attaquer de façon constructive aux problèmes du présent et du
futur", ce qui, admet-il volontiers, est " très différent" de ce qu'est alors l'organisation, à laquelle il reproche de se complaire dans l'idéalisation d'un "XIXème siècle mythique". Le
Mont-Pélerin est sans avenir à ses yeux et Milton Friedman, impuissant à redresser une telle situation. Quant à lui, il a d'autres activités en vue et ne compte pas se rendre à la prochaine
réunion, prévue à Kassel.