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DES PROFITS INDECENTS ? par Jean Yves Naudet ."En France les profits ne sont pas honteux par leur énormité, mais par leur précarité."

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Comme chaque année, les principales entreprises françaises cotées en bourse, celles du CAC 40, ont publié leurs résultats : 53 milliards de bénéfices. Et comme chaque année, on a entendu des commentaires dénonçant le caractère « indécent » de ces « superprofits », au moment où l’économie est en crise et où le chômage augmente. Une analyse plus sérieuse montre qu’en réalité les profits sont au plus bas, ce qui n’est pas un signe de bonne santé économique : l’économie se porterait bien mieux si les profits étaient plus élevés. Mais en France, la cause est entendue : le profit, c’est le mal.

 

 

 

 

 

53 milliards de profits pour les entreprises du CAC 40

Les principales entreprises françaises, du moins les 40 les plus importantes, ont annoncé leurs résultats pour l’année 2012. Les profits se sont au total élevés à 53 milliards. De quoi faire rêver ceux qui pensent que le « partage des profits » permettrait l’accès de tous à la fortune. Est-ce beaucoup ? D’abord, c’est moins que l’an dernier : le recul est de 28%, les profits s’étant élevés l’an dernier à 73 milliards. C’est la deuxième année de suite de baisse, car le recul avait été déjà de 3% en 2011. Le point le plus bas avait été atteint au plus fort de la crise, en 2009, avec 47 milliards, bien loin du record absolu de 2007 (101 milliards).

Le résultat de 2012 est assez médiocre, moins de la moitié du sommet de 2007 si l’on tient compte de l’inflation : la crise est toujours là. Le « scandale » est donc à relativiser. C’est d’autant plus vrai que quatre entreprises sur 40 ont connu une perte en 2012 : Crédit Agricole SA, Arcelor Mittal, St Micro-electronics et Accor. Ceux qui protestent contre les profits préfèrent-ils les pertes et se réjouissent-ils des difficultés de certaines banques (Crédit Agricole avait une filiale grecque qui a plombé ses comptes) ; faut-il ériger Arcelor Mittal en modèle dont tout le monde rêve ?

 

Un taux de marge en chute libre

Sur les 53 milliards de profits, Total seul en représente près de 11 : il reste donc seulement 42 milliards pour les 39 autres. Et Total est un cas un peu à part, dans un secteur bien particulier. La moitié des entreprises du CAC 40 ont un profit inférieur à un milliard. La crise est donc bien là et ce n’est pas une bonne nouvelle. La situation est loin d’être bonne par rapport aux autres années. Qu’en est-il par rapport au chiffre d’affaires ? Le chiffre d’affaires total de ces 40 entreprises est de près de 1300 milliards. Ces « fabuleux profits » représentent donc 4% du chiffre d’affaires. Est-ce une marge « extravagante » ?

Les entreprises du CAC 40 sont loin de représenter toute la diversité du tissu économique français. Les PME jouent aussi un rôle important, de même que d’autres grandes entreprises. Le rapport Gallois (pourtant politiquement correct, demandé par le Président Hollande et confié à un ami du pouvoir), tirait le signal d’alarme en montrant que dans l’industrie le taux de marge (plus large que les seuls profits) était passé de 30% à 21% entre 2000 et 2011, soit un recul d’un tiers, au moment où ce même taux de marge progressait de sept points en Allemagne.

 

Le profit rémunère la création faite par l’entrepreneur

Une nouvelle fois, les réactions en France montrent une incompréhension totale de ce qu’est le profit et de ce à quoi il sert. D’abord, ceux qui critiquent les « superprofits » préfèrent-ils les pertes ? Leur rêve est-il celui d‘entreprises en déficit durable, incapables de financer leurs dépenses et conduites vers la faillite, avec ce que cela implique pour l’emploi ? Seules les entreprises rentables créent des emplois.

Ensuite, il faut que le marxisme soit encore présent dans les esprits, pour considérer le profit comme illégitime en soi, car représentant une « plus-value » créée par les salariés et que s’approprierait le capitaliste, un exploiteur qui ne créerait rien. Quand comprendra-t-on que chacun apporte quelque chose à l’entreprise et reçoit une légitime contrepartie. Le salarié apporte son travail et reçoit un salaire, l’épargnant apporte son capital et reçoit un intérêt. Quant à l’entrepreneur -et au-delà les actionnaires- ils reçoivent un profit.

Est-ce légitime ? Evidemment, car l’entrepreneur a créé quelque chose qui n’aurait pas existé sans lui. Son rôle spécifique est d’être en alerte pour voir ce que les autres n’ont pas vu, saisir les opportunités, répondre mieux aux besoins. Il accepte en outre pour cela, avec les actionnaires, de s’exposer aux aléas, le profit est un revenu variable, tandis que les salaires et les intérêts sont des revenus fixés par contrat et connus à l’avance. Les actionnaires acceptent que leur apport créatif soit rémunéré de manière variable et résiduelle : c’est ce qu’il reste après avoir payé les autres facteurs sur la base de contrats stables. Comme l’ont montré Jean-Baptiste Say, et mieux encore Israël Kirzner, le profit rémunère la création nette faite par l’entrepreneur, ce qui n’aurait pas existé sans lui. Il n’y a là en soi rien d’immoral et dans une économie de marché concurrentielle, rien de plus légitime ; ce n’est que lorsque l’Etat intervient, en accordant des privilèges, que le profit peut devenir immoral ; ce n’est alors plus un profit, mais une rente.

 

Que faire des profits ?

Une autre question que laissent de côté ceux qui se plaignent des super profits est celle de leur usage. On oublie que la première utilisation des profits est de payer l’impôt. En France, l’impôt sur les bénéfices absorbe le tiers des profits. C’est le taux le plus élevé d’Europe, car à Bercy on pense que pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, il faut des taux élevés d’impôts, alors que c’est l’inverse : l’argent rentre mieux quand le taux est plus faible car cela stimule l’activité (effet Laffer) et, la base imposable s’étant élargie, l’impôt rentre mieux. Pour avoir de bonnes recettes fiscales, il faut des taux d’imposition plus faibles.

Le reste des profits va soit à l’autofinancement, c’est-à-dire qu’il reste dans l’entreprise pour financer les investissements, soit aux actionnaires sous forme de dividende, ou à l’entrepreneur individuel sous forme de bénéfice personnel. Il faut bien qu’il y ait des dividendes si on ne veut pas que les actionnaires abandonnent l’entreprise. Mais la majorité des profits reste en autofinancement. C’est là que la faiblesse des marges et des profits en France pose un vrai problème que le rapport Gallois dénonce : le taux d’autofinancement des entreprises françaises en 2000 était de 85% ; il est désormais de 64% en 2012 : il n’y a pas assez de profits pour financer les investissements dont nos entreprises ont besoin. En revanche, en moyenne dans la zone euro, le taux d’autofinancement est de près de 100%. Les entreprises peuvent se passer des banques et de leurs services fort onéreux.

 

Rappelons-nous toujours la formule d’Helmut Schmidt :

 

« les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les investissements de demain font les emplois d’après-demain ».


En France, on déteste les profits, on empêche les entreprises d’en faire, on les leur confisque par l’impôt et on montre actionnaires et entrepreneurs du doigt.

 

Le résultat est clair : nous investissons moins qu’ailleurs, nos entreprises sont moins compétitives et l’emploi est en chute libre. Oui, il y a bien quelque chose d’indécent en France dans le domaine des profits, c’est leur faiblesse et leur insuffisance.

En France les profits ne sont pas honteux par leur énormité, mais par leur précarité.

 

 


Source: Libres.org , Alepspar Jean Yves Naudet


Information de wikibéral sur

 

Jean-Yves Naudet, né le 16 juillet 1948, est un économiste français. Il enseigne à la faculté de droit de l'Université Aix-Marseille III, dont il aété vice-président. Il travaille principalement sur les sujets liés à l'éthiqueéconomique.

 

Il est diplômé de Sciences Po Aix (1970). Il suit dans la même ville un cursus en économie et obtient son DESS en 1972 et son doctorat en 1976, avec une thèse sur les problématiques monétaristes de la politique monétaire automatique[1].

Il enseigne depuis 1971 à Sciences Po Aix (1971-1977) ou à l'université d'Aix-Marseille III.

Il est directeur du Centre de Recherches en Éthique Economique et des Affaires et Déontologie professionnelle (CREEADP), directeur du Magistère Média et Formation économique et directeur du département économie de la Faculté de Droit.

Il écrit régulièrement dans La Nouvelle Lettre de l'ALEPS.

Il est président de l'Association des Économistes Catholiques.

 

 

Question de profit:

 

Dans les différents manuels économiques d'inspiration néo-classique, dans la lignée de Léon Walras, le profit est une aberration qui s'élimine par un processus d'ajustement automatique qui équilibre la quantité offerte et la quantité demandée. Dans d'autres ouvrages scolaires, le profit est le gain réalisé (quand il existe) lors de la cession d'un bien ou d'un service quand on calcule la différence entre le prix retiré de l'échange et l'ensemble des coûts entrepris pour l'élaboration de ce bien ou de ce service. Le profit, lorsqu'il est réalisé, bénéficie alors au(x) propriétaire(s) du capital qui ont porté le risque du projet.


Une définition large du profit considère celui-ci comme étant composé des revenus de l'entreprise, qui vont permettre de rémunérer ses propriétaires (bénéfices distribués) ou qui vont constituer de nouveaux moyens de financement pour l'entreprise (bénéfices non distribués et amortissement). Le défaut de cette définition, est qu'elle n'explique en rien les origines de ce que l'on nomme "profit". Elle ne nous permet pas de comprendre les phénomènes qui l'engendrent. Réfléchir sur le concept de profit, c'est se plonger dans la catallaxie et lapraxéologie pour expliquer le profit comme une récompense nécessaire pour les personnes qui trouvent et corrigent les "erreurs" précédentes. Si tout le monde anticipait parfaitement l'état futur du marché, les entrepreneurs ne feraient aucun profit et ne subiraient aucune perte.


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