Les socialistes ont convaincu l’opinion publique que le capitalisme devait nécessairement évoluer vers des entreprises de plus en plus concentrées. Les grandes sociétés feront disparaître les PME, les artisans, les paysans.
Deux raisons à cette inéluctable évolution : la recherche du profit, le profit de monopole.
Le profit est une rente servie aux propriétaires : maîtres du capital, ils imposent des salaires qui ne rémunèrent pas la valeur créée par les travailleurs. C’est cette confiscation qui permet d’accumuler toujours plus de capital, pour accumuler toujours plus de profits.
On débouche ainsi sur la « loi de concentration ». L’avantage des entreprises de plus grande taille tiendrait à la structure des coûts de production. Produire à grande échelle permettrait d’amortir les coûts fixes sur un plus grand nombre d’unités produites : les coûts décroissent avec les quantités produites. Les courbes de coûts finissent par devenir « plates » (Piero Srafa), et la multiplication des produits sera donc source de profit. Avantage immédiat pour l’entreprise : elle constitue un monopole, et empoche la rente du monopoleur. Inconvénient pour le capitalisme à plus long terme : on débouche sur la sur-production et la crise.
Du pouvoir de monopole au monopole du pouvoir
Toutes ces tares du système capitaliste disparaissent si le monopole est confisqué par le pouvoir politique. Il faut donc passer du pouvoir de monopole au monopole du pouvoir. La collectivisation ou la nationalisation des monopoles permet de bénéficier de toutes les « économies d’échelle » sans enrichir les propriétaires ni appauvrir les prolétaires.
A la loi du profit va se substituer la loi de l’intérêt général. Ayant reconstitué les droits qu’ils avaient sur leur propre production, les travailleurs pourront obtenir à bas prix les biens fabriqués dans des entreprises monopolistiques. La rente du monopoleur passe alors au bénéfice de la collectivité entière. Se référant à la pensée de Schumpeter, qui prophétisait la concentration sans limite de l’industrie, Kenneth Galbraith va prophétiser à son tour le monopole du pouvoir, la convergence des systèmes capitaliste et socialiste dans un « Etat industriel », une société où s’équilibrent grandes entreprises, grandes administrations, grands syndicats, grandes associations de consommateurs. La société de Galbraith perd toute fluidité, elle devient équilibre entre macro-cellules sociales.
La concurrence tue la concurrence
Les socialistes n’aiment pas la concurrence. C’est qu’ils n’y croient pas. Logiques avec leur analyse du profit et de l’entreprise capitaliste, ils sont persuadés que les gros mangeront toujours les petits. Ils en ont les moyens : disposant de leurs économies d’échelle, ils peuvent pratiquer des prix inférieurs ; ils n’hésiteront pas à étouffer les concurrents en pratiquant des prix inférieurs aux coûts de production : c’est le fameux « dumping », sacrifice transitoire qui permet d’espérer ensuite des profits encore plus élevés après élimination des concurrents.
Pour des raisons de taille la concurrence est donc nécessairement « déloyale » et le pouvoir du monopole a toujours la même origine : la spoliation des travailleurs. Ainsi les grandes multinationales font-elles travailler les peuples pauvres : honte à la mondialisation !
Les bienfaits du monopole public
Avec la collectivisation des moyens de production, la rente du monopoleur disparaît et la production est désormais orientée vers l’intérêt général, c'est-à-dire qu’elle se fond dans le projet collectif de construction du socialisme.
Le monopole permet au pouvoir politique de reprendre en mains le destin commun. Alors que l’économie de marché crée le désordre, l’anarchie et le gaspillage, la planification ou la direction de l’économie permet de répondre aux besoins de la population et de garantir les droits économiques fondamentaux : au travail, à la santé, au logement, à l’éducation, etc.
Il n’y a plus aucun danger de confiscation dans un monopole transformé en service public.
Jean Monnet, qu’on ne cesse d’encenser comme fondateur de l’Europe – ce qui est très exagéré – a dénoncé le danger d’une économie européenne obéissant aux lois du marché et de la concurrence : « ce sera l’anarchie », et le haut fonctionnaire qu’il était ne voyait qu’une seule Europe possible : celle qu’organiserait une Haute Autorité. Sa thèse a été bien reçue par les socialistes et les étatistes, et elle continue à empoisonner la vie des Européens.
Concentrer, encore et toujours
Les socialistes (de tous partis) ne rêvent que de « grands pôles d’excellence », d’aménagement, de nouvelles constructions. Ils créent la société des grands ensembles, qu’ils contrôlent plus facilement. Ils jouent au lego industriel, à la banque publique, à l’université de masse, ils sont aménageurs, planificateurs. Ils construisent avec application et efficacité leur monopole. C’est l’essence du socialisme, je le répète : construire la société d’en haut, à partir du pouvoir politique concentré, au lieu de subir une société inégalitaire, diversifiée, « livrée aux appétits personnels ». La concurrence, c’est la diversité, donc l’inégalité : pouah !
Une société concentrée est plus facile à contrôler : les communistes ont logé le peuple dans des cités conçues comme de vrais camps de « concentration » : vive le logement « social » et la loi Gayssot ! De leur côté les syndicalistes ne voient qu’avantages dans le service public, qui conforte leur monopole et les privilèges qu’il leur apporte.
Monopole ou protection du monopole ?
Je ne rappellerai pas ici toutes les erreurs de l’analyse marxiste, qu’elles portent sur la nature du profit, sur la propriété, sur la concentration du capital, sur les économies d’échelle, sur la crise générale de surproduction. Mais les socialistes n’ont pas compris ni la concurrence, ni le monopole. La concurrence, comme dit Israel Kirzner, est un processus de découverte : c’est une recherche permanente d’innovations, qui débouche sur des produits et des procédés de mieux en mieux adaptés aux besoins exprimés sur le marché. Evidemment l’innovateur est un monopoleur : il est le premier à proposer un service qui n’existait pas, et cette avancée lui permet en effet de réaliser des profits, rémunérant son art d’entreprendre. Mais si le marché est ouvert, des concurrents apparaîtront bien vite sur le même créneau, et les profits d’innovation s’estompent avec l’irruption de nouveaux venus sur le marché. Après l’innovation vient l’imitation. Dans ces conditions, le monopole ne représente aucun danger. En fait, pour que le monopole devienne dangereux, il faut supposer que le marché soit fermé. Les seuls monopoles durables sont ceux que protègent les pouvoirs publics, qu’il s’agisse des monopoles publics ou des monopoles privés « régulés » par l’Etat.
La concentration du pouvoir n’est pas dans la nature d’une économie de marché ni d’une société de libertés. Elle est le résultat de la centralisation politique chère aux socialistes.
Source: Libres.org , Aleps