Ces 24 et 25 février se déroulent en Italie les élections législatives pour renouveler les deux chambres du Parlement. Les élections vont se tenir dans une atmosphère d'incertitude et de fragmentation politique.
Le favori dans la course pour former le nouveau gouvernement demeure la coalition de gauche, guidée par Pierluigi Bersani, mais son avantage sur la coalition de droite de l'éternel Silvio Berlusconi s'est réduit pendant la campagne. Dans ce contexte le nouveau rassemblement de centre, mené par le premier ministre sortant Mario Monti, pourrait jouer un rôle décisif dans le nouveau parlement et en particulier au Sénat. À côté des ces trois pôles « institutionnels », de nouvelles forces politiques sont en train de faire leur entrée dans l'arène. En particulier le mouvement populiste et protestataire du showman Beppe Grillo paraît destiné à une poussée spectaculaire, étant crédité de 15 à 18 % des voix.
Pourtant, l'une des nouveautés de cette campagne est la formation d'un nouveau parti politique d'inspiration libérale qui a des chances réelles d'élire des députés. C'est un parti qui a un nom inusuel et un peu compliqué : Fare per Fermare il Declino (Opérer pour Arrêter le Déclin). Il a été fondé par le journaliste économique Oscar Giannino et par un groupe de professeurs italiens qui enseignent dans des universités américaines, parmi lesquels figurent Luigi Zingales et Michele Boldrin.
Fare per Fermare il Declino ne se qualifie pas ouvertement de « libéral », en partie en raison de l'abus et de l'inflation du terme « libéral » ces dernières années. Plus que de « libéralisme », on préfère parler de « réformes », mais c'est surtout un choix de marketing politique, parce que les bases culturelles de Fare per Fermare il Declino sont ancrées solidement dans le libéralisme classique : baisse des impôts, privatisation des entreprises sous contrôle public, libéralisation des services et du marché du travail, réduction des dépenses publiques et réduction de la dette à travers la vente d'une partie du patrimoine de l'État. Les pivots du programme du parti de Giannino sont clairement caractérisés dans la direction libérale, même si, il faut le dire, on reconnaît çà et là quelques concessions au politiquement correct, notamment sur les dossiers de l'école et de l'égalité des chances.
Ce qui est remarquable, en tout cas, c'est que Fare per Fermare il Declino représente la première tentative d'organiser un véritable parti libéral comportant une large base militante et une organisation capillaire. Au cours des 3 ou 4 derniers mois, Giannino a créé à partir de rien un mouvement disposant de 70 000 inscrits et d'une capacité de mobilisation inédite.
En effet, l'une des raisons de la faiblesse historique du libéralisme en Italie a été la réticence manifestée par les rares politiciens libéraux à s'engager dans des projets de longue haleine. Jusqu'à présent, ils n'étaient jamais allés au delà de la constitution de minuscules « one man parties » ou « one man associations », ayant généralement comme objectif de négocier une place à titre individuel dans les listes d'un des principaux partis. Au contraire, les leaders de « Fare » ont voyagé inlassablement dans leur tour de campagne qui a inclus des centaines d'événements locaux. Le succès a été sans précédent, attirant 200 à 500 participants à chaque rencontre locale et presque 5 000 présents à la « convention » de Milan du 9 février (qui a également été suivie par 40 mille personnes en diffusion sur le net). Cela a été possible en dépit d'une exposition médiatique très limitée, compte tenu du fait que les principales chaînes télévisées ont ignoré ce nouveau parti, au bénéfice des forces politiques plus consolidées.
L'offre politique de « Fare » vise les citoyens déçus par les partis traditionnels et en particulier tous ces électeurs qui se sentent trahis par un « berlusconisme » qui a longtemps tiré profit d'une rhétorique « libérale » mais qui concrètement laisse un héritage désastreux de taxes, d'étatisme et d'immobilisme économique et social. Il n'est pas surprenant que la poussée de « Fare » soit plus prononcée dans le Nord « productif » du pays et en particulier dans des régions comme la Lombardie et la Venetie qui ont été traditionnellement des fiefs du centre-droit.
« Fare » fait cavalier seul, refusant toute alliance avec les partis traditionnels. C'est un choix compliqué et ambitieux, parce que la participation solitaire implique la nécessité de franchir le seuil de 4% à la Chambre de Députés et de 8% au Sénat pour obtenir des sièges. Le seuil du Sénat est au-delà de tout espoir réaliste et l'accès à la Chambre paraît aussi compliqué, étant donné qu'à présent la plupart des sondages situent « Fare » autour de 2% des voix. En tout cas, même si l'objectif d'entrer au parlement ne devait pas aboutir, « Fare » semble toutefois avoir obtenu ses lettres de noblesse dans le système politique italien et pouvoir aspirer à jouer un rôle de long terme.
Quant à lui, Oscar Giannino est un personnage qui ne passe pas inaperçu. Le grand public des talk-shows télévisés l'a connu comme un dandy excentrique, avec ses costumes en soie aux couleurs improbables. Ses supporteurs les plus chaleureux ont appris à le connaître grâce à l'émission radiophonique qu'il a longtemps conduite sur Radio 24, où il a bâti sa réputation de critique implacable de la prédation fiscale et de la dégénérescence étatiste. Cohérent et préparé, il ne se limite pas à essayer d'épater la galerie ; il fait des propositions d'avant-garde, mais qui ont toujours derrière des bases économiques solides. S'il promet de baisser les impôts, il sait aussi quelles dépenses il faut couper et il n'a pas honte de le dire. Giannino ne sera pas le prochain premier ministre italien. Il ne sera peut-être même pas élu au Parlement, mais après cette élection, on ne pourra pas ignorer son défi politique. « On est ici pour rester », affirme-t-il convaincu.
Par Marco Faraci, membre d'Alternative Libérale en Italie