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L’UE, entre fédération et confédération

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Un système institutionnel hybride

Si le projet de Jean Monnet créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier opte clairement pour la supranationalité, le traité de Rome de 1957 est un compromis comportant des éléments supranationaux et intergouvernementaux.

La Commission européenne est un organe supranational qui dispose du monopole de proposition, pour tout ce qui relève à l’époque du domaine communautaire, mais elle n’a pas de pouvoir de décision. Celui-ci est dévolu au Conseil des Ministres, qui vote les propositions de la Commission. Or, le Conseil peut voter à la majorité, ce qui est un élément clairement supranational, puisque des États s’étant opposés à un texte se voient dans l’obligation de l’appliquer s’il a été adopté. Cependant, il peut aussi, dans certains domaines, comme le social ou la fiscalité, voter à l’unanimité, ce qui constitue un élément intergouvernemental préservant la souveraineté des États.

Le compromis de Luxembourg en janvier 1966, issu de la "crise de la chaise vide" (juin 1965-janvier 1966), permet à un État estimant que ses intérêts vitaux sont en jeu d’exiger le report du vote et la poursuite de la négociation jusqu’au compromis. Ceci a bloqué le recours au vote à la majorité pendant vingt ans jusqu’à sa réhabilitation par l’Acte unique en 1986 pour tout ce qui concernait la réalisation du marché intérieur. L’utilisation du vote à la majorité, étendue par les traités de Maastricht, de Nice puis enfin de Lisbonne qui la redéfinit (double majorité), redonne un aspect plus fédéral à l’Union européenne (UE).

Un droit d’essence fédérale

L’élément sans doute le plus fédéral du système européen est le droit. En effet, l’existence d’une Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) – devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par le traité de Lisbonne – disposant de l’autorité de la chose jugée et dont les décisions s’imposent aux États membres constitue le fondement du fédéralisme européen. Sur cette base, la Cour a en outre développé une jurisprudence qui a confirmé l’essence fédérale du droit dit alors communautaire. En affirmant l’applicabilité directe de ce droit (arrêts "Van Gend en Loos", 1963 ; "Van Duyn", 1974) et sa primauté sur les droits nationaux (arrêts "Costa contre ENEL", 1964 et Simmenthal", 1978), elle a posé les principes même d’un droit dans une fédération.

Pourtant, l’UE n’est toujours pas une véritable fédération et reste un "objet politique non identifié" selon la formule de Jacques Delors.

L’affirmation du Conseil européen

L’instauration en 1974 du Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement sur une base strictement intergouvernementale, a redonné du poids à l’Europe des nations. Le Conseil se tient quatre fois par an – périodicité décidée au Conseil de Séville (juin 2002) et maintenue par le traité de Lisbonne (art. 15 TUE) –, sauf si les circonstances nécessitent des réunions plus fréquentes, comme cela est le cas depuis 2008 avec la crise de la zone euro. L’importance que le Conseil a prise dans le processus de construction européenne au cours des quatre dernières décennies et le fait qu’il soit devenu, avec le traité de Lisbonne, une institution à part entière montrent à quel point la coopération intergouvernementale fait partie intégrante du processus d’unification européenne.

L’apport du Conseil a parfois été essentiel, comme lors des années 1984-1994. Ainsi, le Conseil européen de Fontainebleau de juin 1984 a permis de régler la crise de la contribution britannique qui bloquait l’Europe depuis 1979. Le Conseil européen de Hanovre en juin 1988 a décidé la création du comité Delors chargé de réfléchir à la mise en place d’une union économique et monétaire, tandis que le Conseil européen de juin 1990 à Dublin a, quant à lui, ouvert la voie à l’ouverture d’une conférence intergouvernementale sur l’union politique.

Cependant, depuis le milieu des années 1990, les conseils européens se sont avérés moins fructueux, ce qui montre la limite du fonctionnement intergouvernemental. Lorsqu’il est composé de dirigeants politiques moins "européistes" et qu’il n’est pas accompagné d’une Commission européenne volontariste, le Conseil européen a du mal à être le moteur des avancées de la construction européenne. Dès lors, son renforcement par le traité de Lisbonne (reconnaissance comme une institution et présidence stable) a été l’objet de débats entre partisans d’une Europe intergouvernementale et avocats d’une Europe supranationale qui auraient souhaité un renforcement de la Commission européenne ou, à tout le moins, que le président stable du Conseil européen soit le président de la Commission européenne. Cette possibilité de fusion des deux postes, qui présenterait l’avantage d’une visibilité accrue de l’UE en interne comme sur la scène internationale, n’est d’ailleurs pas explicitement exclue par les traités.

L’évolution du cadre institutionnel vers le fédéral

Le traité de Maastricht, en faisant cohabiter trois piliers, le premier communautaire à tendance fédérale (comprenant les acquis de la CEE, de l’Acte unique et de l’Union économique et monétaire) et les deuxième (politique étrangère et de sécurité commune) et troisième (coopération policière et judiciaire en matière pénale, ex-JAI) de nature intergouvernementale, donnait à l’UE une nature hybride. Le traité de Lisbonne l’a fait évoluer en supprimant les piliers, le caractère intergouvernemental n’étant conservé que pour un nombre limité de domaines comme la PESC (politique étrangère et de sécurité commune).

Et les régions ?

Elles profitent incontestablement de la construction européenne pour s’affirmer face à leur tutelle étatique, en prenant souvent Bruxelles comme interlocuteur, sans passer par leur pouvoir national. Elles tentent souvent de se regrouper entre elles de part et d’autres des frontières pour faire valoir leurs intérêts propres (régions de l’arc Atlantique, Catalogne française et espagnole, régions de l’axe central de l’UE, dit "banane bleue"…). La création du Comité des régions par le traité de Maastricht a confirmé cette tendance à dépasser le cadre étatique et à créer un lien direct entre régions et Union européenne. Ce Comité doit obligatoirement être consulté par le Conseil des ministres et par la Commission dès qu’une décision peut concerner les collectivités locales.

Les raisons de cette complexité

Si l’Europe peine à trancher pour un modèle plutôt que pour un autre, c’est parce que s’affrontent dans la construction européenne deux légitimités, celle des États et celle de l’Union. Il s’agit de préserver à la fois les intérêts des États qui restent les acteurs principaux de la construction européenne et continuent de veiller jalousement sur leur souveraineté, et l’intérêt général de l’Union et de ses peuples.

Les États souhaitent la poursuite de l’aventure européenne parce qu’elle leur donne plus de poids économique et politique, mais nombre d’entre eux demeurent attachés à leur souveraineté et à leurs spécificités. Il faut donc sans cesse trouver un équilibre entre ces deux objectifs. Pour l’instant, il a pu être préservé tant bien que mal, avec des phases d’avancée et de stagnation. Mais le prix de cet équilibre est la complexité du système institutionnel difficilement compréhensible par les citoyens. Rapprocher l’Europe des citoyens passe donc en partie par une simplification de ce système.

Le traité de Lisbonne, adopté par les chefs d’État et de gouvernement le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009, va dans le sens de cette simplification. Il ne tranche cependant pas encore l’épineuse question du modèle. Avec une présidence fixe pour le Conseil européen, les Vingt-sept prennent le risque de renforcer cette institution de nature intergouvernementale face à une Commission affaiblie par la montée en puissance du Parlement, élément de démocratisation, celle-ci allant dans le sens d’un renforcement du fédéralisme.

Le texte adopté ne résout donc pas la question de la nature du projet européen qui restera longtemps sans doute un système à mi-chemin entre confédération et fédération, ce qui en fait un modèle unique au monde.

http://www.vie-publique.fr/

L’UE, entre fédération et confédération
L’UE, entre fédération et confédération

Subsidiarité

De Wikiberal
 

La subsidiarité peut se définir comme la hiérarchisation des pouvoirs au sein d'une société en fonction des compétences propres à chacun des éléments constitutifs de cette dernière.

Le principe de subsidiaritéénonce le souhait que les compétences des groupements d’ordre supérieur doivent se limiter aux tâches que les groupements d’ordre inférieur ne peuvent faire par eux-mêmes. Les décisions devraient donc être prises à l'échelon le plus adapté (si possible au niveau de l'individu), de façon à permettre la résolution la plus rapide et la plus efficace des problèmes.

Le contraire du principe de subsidiarité est la centralisation, qu'elle soit le fait d'une autorité centrale coercitive, ou que les groupements d’ordre inférieur (individus, communes, cantons, régions...) cèdent leur droit à l'entité supérieure, en échange de subventions : on n'accepte pas aisément une atteinte à sa propre souveraineté - à moins de recevoir de l'argent en compensation !

La subsidiarité rejoint l'idée fédérale et s'oppose au modèle jacobin centralisateur de l'État-nation.

  • Conception remontante de la subsidiarité : la collectivité de base doit transférer à la collectivité dite supérieure les pouvoirs qu'elle n'est pas à même de gérer efficacement.
  • Conception descendante de la subsidiarité : la collectivité de base doit conserver toutes les compétences qu'elle est capable de gérer efficacement.

Un exemple : la Suisse

La Suisse, qui est une confédération, offre un exemple de système fédératif à trois niveaux particulièrement souple et adapté à des populations historiquement de cultures, langues et religions différentes :

  • un gouvernement fédéral s'occupe de la politiqueétrangère, de la défense nationale, des chemins de fer fédéraux, de la monnaie ; il lève un impôt fédéral ;
  • chaque canton (il y en a 26) gère l'éducation et mène sa politique économique et sociale ; il a son propre parlement, sa constitution, son drapeau ; il lève un impôt cantonal ; l'armée est cantonale mais contrôlée et financée par l'État fédéral ; la concurrence fiscale entre cantons est âpre, certains étant considérés comme de véritables paradis fiscaux (Zoug, Schwyz) ;
  • chaque commune a son conseil municipal élu et lève un impôt communal.

Ce système qui fonctionne ainsi depuis plusieurs siècles (bien que l'État fédéral, lui, ne date que du XIXe siècle) fait preuve d'une grande stabilité, ce qui fait que la Suisse regarde avec méfiance des « constructions » technocratiques telles que l'Union européenne :

«Nous voulons que chaque citoyen porte une responsabilité politique et refusons que quelques rares fonctionnaires politiques ou diplomates décident du sort de la grande majorité des citoyens. La foi dans la toute-puissance de l'État a malheureusement une longue tradition et continue à marquer de son sceau la pensée de politiciens européens, chez les socialistes de tous les partis. C'est pourquoi nous souhaitons ne pas nous intégrer à l'UE et à ses instances, quelles que soient les sympathies que nous puissions avoir pour ces pays et les habitants de ce continent. L'idée d'une UE organisée de manière centralisée et bureaucratique «du haut vers le bas» plaît aux socialistes et socio-démocrates. Le mot magique dangereux est en l'occurrence «l'harmonisation». Les socialistes souhaitent que la politique et l'administration décident de tout à un niveau le plus élevé possible et qu'ils décident par conséquent partout de la même façon. Ils souhaitent adhérer au plus vite à l'UE. Nous souhaitons en revanche que les décisions soient prises à un niveau le plus bas possible. C'est pourquoi nous nous battons pour une Suisse qui reste fidèle à elle-même et à ses valeurs que sont la liberté, l'indépendance, la démocratie directe et le fédéralisme. »

Christoph Blocher

Un principe juridique international

La subsidiarité est un principe juridique international. En effet, la notion de subsidiarité avait été, en tout premier lieu, il y a plusieurs siècles, un principe juridique envisagé par l’Église Catholique (ou le Vatican) pour améliorer le fonctionnement de l’Église, visant à une décentralisation opérationnelle, tout en maintenant une certaine hiérarchie, voire une centralisation structurelle.

Ce principe de subsidiarité a été introduit en 1992 dans le Traité de Maastricht, puis, notamment, dans la Constitution Européenne, en 2005 et enfin dans le Traité de Lisbonne (élaboré en raison de l'échec de la Constitution Européenne, mais qui en reprend les principales orientations). Cette subsidiarité n'était plus de nature religieuse, mais est devenue politique, économique et administrative, au travers des Directives Européennes. Ces Directives, dans n'importe quel domaine, énoncent le principe de subsidiarité de la façon suivante :

Les compétences des États de l'Union Européenne ne sont pas remises en cause, dès lors que ces États respectent le Droit Communautaire et de façon réciproque le Droit Communautaire doit être la règle, à condition qu'il soit tenu compte des compétences des États, dans la transposition des principes européens dans les Droits nationaux.

Mais cette subsidiarité peut être source de confusion entre les conceptions européennes et celles nationales. Par exemple, dans le domaine de l'Abrogation du monopole de la Sécurité Sociale, la notion de "régime légal" revêt une double connotation (en Europe, le "régime légal" désigne le domaine très restreint des assurances sociales purement étatiques, en France, le "régime légal" concerne les caisses privées alimentées par des cotisations dites obligatoires).

Subsidiarité européenne

L’Union Européenne définit ainsi la subsidiarité : « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

Cette définition est une définition différente, et même contraire à la définition traditionnelle de la subsidiarité.


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