La démocratie est la réponse moderne et prétendument universelle à la question historique de la légitimation du pouvoir. Pourquoi dois-je soumettre ma volonté à celle d'un autre? Qu'a-t-il de plus que moi que je lui obéisse?
Une bonne raison est qu'il est plus fort que moi. Il est armé et je ne le suis pas. Mais si c'est la seule raison, il ne va pas jouir longtemps de cette supériorité. J'exécuterai ses ordres avec la plus grande mauvaise volonté, les sabotant au besoin, et au premier relâchement de sa surveillance, je le tuerai ou m'évaderai.
Les croyances qui fondent le consentement
Ces arguments légitiment le pouvoir par son origine. Celui qui nous gouverne a mandat pour le faire en vertu de ce qui l'élève à cette fonction: l'onction divine, l'adoption (comme chez les empereurs romains), l'élection, les marques de compétence et les concours (le mandarinat, l'énarchie...), le tirage au sort (en Grèce antique pour nombre de fonctions), etc. |
Paradoxalement, en se déclarant propriétaire et répartisseur légitime des propriétés, chaque gouvernement, même le plus soviétique, manifeste l'existence universelle de ce droit de propriété. Tout appartient à quelqu'un, toute chose a son propriétaire.
Certes, la satisfaction que nous obtenons sur le marché n'est pas l'expression de notre volonté. Les critiques du marché confondent les notions de liberté et de volonté. Je ne veux pas travailler pour 1500 euros par mois. En réalité, je veux un salaire de 1 million. Mais personne ne me l'offre. Et puisque je ne saurais violer la liberté de quelqu'un d'autre en l'obligeant à me payer 1 million par mois, je me rabats sur la meilleure offre disponible, qui est 1500 euros. Pour un être mature (c'est même la définition de la maturité), la satisfaction n'est pas mesurée par référence à sa volonté/illusion/chimère, mais par rapport à la réalité. 1500 euros étaient plus satisfaisants que toutes les autres offres reçues, c'est donc celle-là que j'ai choisie. Librement. Il m'appartient de transformer la réalité pour que l'an prochain, je vaille plus cher.
Tout appartient à quelqu'un
Peut-on appliquer ce critère de la satisfaction unanime au gouvernement de la Cité? Il n'aurait plus alors qu'une seule fonction, seule susceptible de réunir l'unanimité: protéger la propriété de chacun. Par définition, protéger la propriété implique que nul ne pourra en être privé totalement ou partiellement, sous quelque prétexte que ce soit, y compris donc du fait du souverain. (La protéger implique aussi, bien sûr, que nous pouvons la donner ou la mettre en commun – volontairement – comme le font les familles, quelques institutions religieuses, les rares communistes sincères...)
Quel gouvernement peut inscrire dans son programme qu'il ne respectera pas la propriété? Ils expliquent tous qu'ils vont prendre à certains pour donner à d'autres; ou qu'ils vont accaparer des propriétés pour en réserver la jouissance à certains plutôt qu'à d'autres. En d'autres termes, ils vont créer des discriminations, des mécontents. D'emblée, ils déclarent que l'unanimité n'est pas leur but. Mais paradoxalement, en se déclarant propriétaire et répartisseur légitime des propriétés, chaque gouvernement, même le plus soviétique, manifeste l'existence universelle de ce droit de propriété. Tout appartient à quelqu'un, toute chose a son propriétaire.
Comme nous sommes tous propriétaires – au moins de notre corps, et de ce que nous produisons grâce à lui –, le respect de la propriété peut fonder un gouvernement cherchant un soutien unanime. Sa légitimité ne serait plus son origine (ancrage dans le passé), mais son programme (tourné vers l'avenir). Non pas d'où il provient (critère aristocratique), mais ses réalisations (critère capitaliste). Ce gouvernement ne ferait pas la volonté de tout le monde (pas celle des voleurs), mais il apporterait une satisfaction unanime (si je ne peux plus voler les autres, j'ai au moins la satisfaction de ne l'être pas moi-même).
Ainsi naîtrait une société d'hommes libres.
Gouvernement
Le gouvernement est l'ensemble des personnes et des services chargés de diriger un État, donc de décider et de faire entreprendre les actions nécessaires à la gestion de l'État. Dans une hypothèse de séparation des pouvoirs, le pouvoir qu'il exerce est le pouvoir exécutif.
Le premier devoir du gouvernement est de protéger les gens, pas de régenter leur vie.
Parfois, il est dit qu’on ne peut pas faire confiance en l’auto-gouvernement de l’homme par lui-même. Peut-on, alors, lui faire confiance pour le gouvernement des autres ?
Etre gouverné : c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, règlementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n’ont ni le titre, ni la science, ni la vertu (…). Être gouverné, c’est être à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, côté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C’est, sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de la plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! (…) O personnalité humaine ! Se peut il que pendant soixante siècles tu aies croupi dans cette abjection ?
N'importe quel groupe de scélérats, pourvu qu'ils aient assez d'argent pour l'entreprendre, peuvent décider qu'ils ont sont un "gouvernement" ; car, pourvu qu'ils aient de l'argent, ils peuvent engager des soldats, et utiliser ces soldats pour extorquer davantage d'argent, et ainsi contraindre tout le monde à obéir à leurs volontés. César a dit à propos de la guerre que l'argent lui permettait d'engager des soldats et les soldats d'extorquer de l'argent : il en va de même pour le gouvernement.
Le but d'un homme d'État n'est pas de supprimer les sources de son pouvoir, mais bien au contraire de les augmenter et de les concentrer dans les mains de quelques-uns.
Au nom du principe de la propriété, au nom du droit que je possède de me pourvoir moi-même de sécurité, ou d'en acheter à qui bon me semble, je demande des gouvernements libres. C'est-à-dire, des gouvernements dont je puisse, au gré de ma volonté individuelle, accepter ou refuser les services.
Il n'y a pas, dans le monde, un seul établissement de l'industrie de la sécurité, un seul gouvernement, qui ne soit basé sur le monopole ou sur le communisme. (...) Partout, la production de la sécurité a commencé par être organisée en monopole, et partout, de nos jours, elle tend à s'organiser en communisme.
De grand coeur, j'accepte la devise : "Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins" et j'aimerais la voir suivie de manière plus rapide et plus systématique. Poussée à fond, elle se ramène à ceci auquel je crois également: "que le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout" et lorsque les hommes y seront préparés, ce sera le genre de gouvernement qu'ils auront.
Gouverne le mieux qui gouverne le moins
Aucun gouvernement, de son propre mouvement, ne laissera sa faiblesse s'accroître, car cela reviendrait à acquiescer à sa propre disparition. Les gouvernements, quelle que soit leur prétention du contraire, essaient de se préserver en rabaissant l'individu. Le gouvernement lui-même, en réalité, peut être raisonnablement défini comme une conspiration contre l'individu. Sa finalité unique et permanente, quelle que soit la forme qu'elle prenne, est de le handicaper suffisamment pour se maintenir lui-même.
Moi, j’ai les mains sales... Et puis après ? Est-ce que tu t’imagines qu’on peut gouverner innocemment?...
L'alliance des mots la plus menteuse : un gouvernement qui donne la liberté.