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Pascal Salin – Que peut-on demander à la politique monétaire ?

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Par cette publication, la Fondation pour l’innovation politique espère contribuer à éclairer le débat sur la politique monétaire en rappelant les enjeux fondamentaux, trop souvent oubliés. Il est essentiel de garder présent à l’esprit le rôle de la monnaie et le fonctionnement des systèmes monétaires avant de pouvoir définir une politique monétaire. L’auteur de cette nouvelle note est un économiste connu de tous, Pascal Salin, professeur honoraire d’économie à l’Université Paris-Dauphine. Pascal Salin fut aussi président de la Société du Mont-Pèlerin, fondée par Friedrich A. Von Hayek, premier président d’une prestigieuse série qui compta notamment Milton Friedman.

La monnaie fascine et l’on pourrait presque dire que les débats la concernant sont éternels. Ils sont en tout cas omniprésents à notre époque, et l’attention des financiers, aussi bien que du grand public et des hommes politiques, est continuellement focalisée, par exemple, sur ce qu’on appelle « la crise de l’euro », sur la politique monétaire américaine et le « quantitative easing », ou celle de la Banque centrale européenne (BCE) et sa politique à l’égard de la dette souveraine. Nombreux, en particulier, sont ceux qui réclament une politique monétaire active pour atténuer les cycles économiques ou pour aider à la reprise économique après une crise. Il est donc essentiel d’analyser, de manière rigoureuse, le rôle de la monnaie, le fonctionnement des systèmes monétaires et les prescriptions de politique monétaire.

PROPOSITIONS
 
L’une des plus graves erreurs de notre époque vient du fait qu’on attribue à la
politique monétaire – et plus généralement à toutes les manipulations
monétaires, par exemple les dévaluations – la capacité d’influencer
positivement l’activité économique et de permettre la stabilisation macro-
économique. On devrait pourtant être alerté par le fait que jamais dans
l’Histoire il n’y a eu autant d’inflation et de crises monétaires que depuis que
la politique monétaire existe, c’est-à-dire, essentiellement, depuis le début
du XX siècle. Alors que, au cours de la plus grande partie de l’Histoire de
l’humanité, les fluctuations économiques ont eu des causes réelles (mauvaises
récoltes, guerres, épidémies), les crises modernes sont d’origine monétaire.
La prétention des autorités monétaires à prendre en charge la stabilisation
économique parait alors d’autant plus dérisoire.
 
Certes, on dira probablement que la politique monétaire peut apporter les
bienfaits qu’on attend d’elle généralement, mais à condition d’améliorer les
règles de gestion monétaire. C’est ainsi qu’on a souvent proposé ou décidé
de rendre la banque centrale indépendante (c’est le cas de la BCE). On
entend par là que les dirigeants de la banque centrale ne dépendent pas du
pouvoir politique. Certes, l’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique est
souhaitable, car on a eu trop d’exemples dans le passé de gouvernements qui
décidaient d’importants déficits budgétaires et qui créaient de la monnaie
pour alléger le poids réel de leur endettement. Mais l’indépendance n’est
pas suffisante car on peut être indépendant pour faire de bonnes choses ou
de mauvaises choses. Tout dépend de la compétence des décideurs, de leurs
préjugés éventuels, de l’attention qu’ils portent éventuellement à l’opinion
publique et/ou au pouvoir politique. Ainsi, un gouverneur de banque
centrale à qui l’on reproche continuellement de ne pas faire une politique
monétaire plus expansionniste pour diminuer le chômage peut facilement
accepter un changement de politique pour conserver une bonne image dans
l’opinion et auprès d’un gouvernement. N’est-il d’ailleurs pas significatif
que la grande crise récente ait été provoquée par les politiques monétaires
déstabilisatrices d’autorités monétaires indépendantes? Et quand on voit les
dommages considérables que peut provoquer une politique monétaire mal
conçue, on peut légitimement se demander s’il est raisonnable de laisser à un
homme, ou à un petit groupe d’hommes indépendants, cet extraordinaire
pouvoir de nuisance incontrôlé.
 
Comme nous l’avons vu, la politique monétaire – si elle existe – ne devrait
avoir qu’un seul but:
permettre à la monnaie d’être aussi bonne que possible, c’est-à-dire de
maintenir son pouvoir d’achat autant que possible.
Et comme nous l’avons également vu, l’idéal consisterait en fait à ne pas
produire d’encaisses monétaires nominales supplémentaires, c’est-à-dire à ne
pas faire de politique monétaire. Il est évident qu’un tel changement dans les
habitudes de pensée et d’action n’est sans doute pas facile à faire admettre.
Mais il doit constituer le point de référence de toute réflexion.
Ceci dit, même si l’on est convaincu de cet objectif, il reste à faire le nécessaire
pour qu’il puisse être atteint ou, tout au moins, pour qu’on puisse s’en
rapprocher. De ce point de vue, l’indépendance de la banque centrale n’est pas
suffisante. Mais il existe bien des moyens de la contrôler pour empêcher que
les autorités monétaires abusent de leur liberté d’action. Traditionnellement,
l’obligation de maintenir la convertibilité de la monnaie en termes d’un avoir
extérieur – par exemple l’or – est censée jouer ce rôle. Mais on a vu aussi
dans l’Histoire que les autorités monétaires publiques pouvaient facilement
s’affranchir de cette contrainte. Telle est la signification d’une dévaluation.
Il en allait tout autrement dans les systèmes monétaires du XVIII ou du XIX
siècle au cours desquels les garanties de convertibilité en or n’étaient
pas données par une organisation publique, mais par des banques privées.
Il s’agissait alors d’un engagement contractuel entre un banquier capitaliste
et ses clients, et dans ce monde civilisé de la sphère privée, un contrat se
respecte. L’incitation à décider une expansion monétaire excessive est ainsi
bridée efficacement. Ceci signifie en tout cas que le plus important ne consiste
pas à savoir s’il faut ou non revenir à un étalon-or, mais consiste à définir
un contexte institutionnel tel que la garantie de convertibilité soit respectée.
Nous sommes, pour notre part, persuadés que le retour à des systèmes de
production monétaire privés reposant sur des garanties de convertibilité
serait la méthode la plus efficace pour permettre aux individus de détenir des
monnaies de qualité. Mais nous savons aussi qu’il est sans doute prématuré
d’envisager un tel retour.
 
Que peut-on alors imaginer our le moment?
On peut limiter la tentation de créer de la monnaie, soit par des règles de
gestion monétaire obligatoires, soit par la concurrence, puisque celle-ci
incite les producteurs à faire mieux que les autres, c’est-à-dire à faire des
productions de bonne qualité.
Nous avons déjà eu l’occasion, ci-dessus, d’évoquer les règles monétaires.
Celles-ci doivent être définies de manière cohérente et efficace – ce que
nous avons essayé de préciser – mais aussi être assorties de sanctions. De
ce point de vue, on peut imaginer toutes sortes de solutions:
imposer des amendes aux autorités monétaires qui ne respectent pas la
règle qu’on leur a imposée, licencier le gouverneur de banque centrale
qui n’aurait pas atteint les objectifs fixés ou même – comme cela a été
proposé – faire varier son salaire (nominal) en sens inverse du taux
d’inflation ou du taux de création monétaire.
 
Mais il n’est sans doute pas de règle plus contraignante (et donc efficace)
que celle qui consiste à subir la concurrence d’autrui. Même sans accepter la
concurrence entre des monnaies produites par des émetteurs privés, on peut
accroître le degré de concurrence dans les systèmes monétaires existants.
Il conviendrait, pour cela, de supprimer le cours forcé, c’est-à-dire de
permettre aux citoyens d’un pays (ou aux membres d’une zone monétaire
telle que l’eurozone) de détenir et d’utiliser les monnaies qu’ils préfèrent.
Ceci impliquerait d’ailleurs la liberté de payer ses impôts dans la monnaie
que l’on veut, faute de quoi la monnaie nationale (ou la monnaie de la zone
monétaire) conserverait nécessairement une place privilégiée à l’abri de toute
concurrence.
Pascal Salin – Que peut-on demander à la politique monétaire ?

38 pages, 3€ | Mai 2014 | ISBN : 978-2-36408-0560


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