centrale à qui l’on reproche continuellement de ne pas faire une politique
monétaire plus expansionniste pour diminuer le chômage peut facilement
accepter un changement de politique pour conserver une bonne image dans
l’opinion et auprès d’un gouvernement. N’est-il d’ailleurs pas significatif
que la grande crise récente ait été provoquée par les politiques monétaires
déstabilisatrices d’autorités monétaires indépendantes? Et quand on voit les
dommages considérables que peut provoquer une politique monétaire mal
conçue, on peut légitimement se demander s’il est raisonnable de laisser à un
homme, ou à un petit groupe d’hommes indépendants, cet extraordinaire
pouvoir de nuisance incontrôlé.
Comme nous l’avons vu, la politique monétaire – si elle existe – ne devrait
avoir qu’un seul but:
permettre à la monnaie d’être aussi bonne que possible, c’est-à-dire de
maintenir son pouvoir d’achat autant que possible.
Et comme nous l’avons également vu, l’idéal consisterait en fait à ne pas
produire d’encaisses monétaires nominales supplémentaires, c’est-à-dire à ne
pas faire de politique monétaire. Il est évident qu’un tel changement dans les
habitudes de pensée et d’action n’est sans doute pas facile à faire admettre.
Mais il doit constituer le point de référence de toute réflexion.
Ceci dit, même si l’on est convaincu de cet objectif, il reste à faire le nécessaire
pour qu’il puisse être atteint ou, tout au moins, pour qu’on puisse s’en
rapprocher. De ce point de vue, l’indépendance de la banque centrale n’est pas
suffisante. Mais il existe bien des moyens de la contrôler pour empêcher que
les autorités monétaires abusent de leur liberté d’action. Traditionnellement,
l’obligation de maintenir la convertibilité de la monnaie en termes d’un avoir
extérieur – par exemple l’or – est censée jouer ce rôle. Mais on a vu aussi
dans l’Histoire que les autorités monétaires publiques pouvaient facilement
s’affranchir de cette contrainte. Telle est la signification d’une dévaluation.
Il en allait tout autrement dans les systèmes monétaires du XVIII ou du XIX
siècle au cours desquels les garanties de convertibilité en or n’étaient
pas données par une organisation publique, mais par des banques privées.
Il s’agissait alors d’un engagement contractuel entre un banquier capitaliste
et ses clients, et dans ce monde civilisé de la sphère privée, un contrat se
respecte. L’incitation à décider une expansion monétaire excessive est ainsi
bridée efficacement. Ceci signifie en tout cas que le plus important ne consiste
pas à savoir s’il faut ou non revenir à un étalon-or, mais consiste à définir
un contexte institutionnel tel que la garantie de convertibilité soit respectée.
Nous sommes, pour notre part, persuadés que le retour à des systèmes de
production monétaire privés reposant sur des garanties de convertibilité
serait la méthode la plus efficace pour permettre aux individus de détenir des
monnaies de qualité. Mais nous savons aussi qu’il est sans doute prématuré
d’envisager un tel retour.
Que peut-on alors imaginer our le moment?
On peut limiter la tentation de créer de la monnaie, soit par des règles de
gestion monétaire obligatoires, soit par la concurrence, puisque celle-ci
incite les producteurs à faire mieux que les autres, c’est-à-dire à faire des
productions de bonne qualité.
Nous avons déjà eu l’occasion, ci-dessus, d’évoquer les règles monétaires.
Celles-ci doivent être définies de manière cohérente et efficace – ce que
nous avons essayé de préciser – mais aussi être assorties de sanctions. De
ce point de vue, on peut imaginer toutes sortes de solutions:
imposer des amendes aux autorités monétaires qui ne respectent pas la
règle qu’on leur a imposée, licencier le gouverneur de banque centrale
qui n’aurait pas atteint les objectifs fixés ou même – comme cela a été
proposé – faire varier son salaire (nominal) en sens inverse du taux
d’inflation ou du taux de création monétaire.
Mais il n’est sans doute pas de règle plus contraignante (et donc efficace)
que celle qui consiste à subir la concurrence d’autrui. Même sans accepter la
concurrence entre des monnaies produites par des émetteurs privés, on peut
accroître le degré de concurrence dans les systèmes monétaires existants.
Il conviendrait, pour cela, de supprimer le cours forcé, c’est-à-dire de
permettre aux citoyens d’un pays (ou aux membres d’une zone monétaire
telle que l’eurozone) de détenir et d’utiliser les monnaies qu’ils préfèrent.
Ceci impliquerait d’ailleurs la liberté de payer ses impôts dans la monnaie
que l’on veut, faute de quoi la monnaie nationale (ou la monnaie de la zone
monétaire) conserverait nécessairement une place privilégiée à l’abri de toute
concurrence.