Depuis le XIXe siècle, le positionnement politique se divise en deux groupes : la droite et la gauche, avec des variations plus au moins radicales aux deux extrêmes.
Un bipartisme con-génital
Une grille de lecture aussi simpliste n’est pas capable de rendre compte correctement de la diversité des débats et des positionnements idéologiques. Le problème principal de l’axe gauche-droite est qu’il ne laisse aucune place à la pensée libérale, celle-ci ne pouvant être rangée ni avec l’égalitarisme de la gauche, ni avec le nationalisme de la droite.
David Nolan, expert en sciences politiques, ancien élève du Massachussetts Institute of Technology (MIT) a eu l’idée de créer un diagramme (voir ci-dessus) qui ajoute à l’axe gauche-droite un deuxième axe liberté-contrainte qui va de l’étatisme (point zéro) au « libertarianisme », dont nous parlerons plus bas.
Ce diagramme représente les « libertés économiques » (faible niveau des impôts, marché libre, services privés) sur l’axe des abscisses, et les « libertés personnelles » (liberté de circulation, d’opinion, libre disposition de soi) sur l’axe des ordonnées. Plus on s’éloigne du point zéro, plus le positionnement idéologique est favorable à certaines libertés.
Sur l’axe liberté-contrainte, on voit alors apparaître trois groupes et non plus deux : étatiste, sociaux-démocrates (centristes) et libertariens.
1° Ainsi, les étatistes, qu’ils soient socialistes ou conservateurs, de gauche ou de droite, sont hostiles à toutes les formes de libertés, économiques ou personnelles. Ils pensent que la liberté n’est possible que dans et par l’État.
2° Le centre est à mi-chemin entre ces deux axes pour les deux types de libertés. C’est là qu’on trouve la majeure partie des électeurs : le gros des troupes de l’UMP et du PS : ce sont les sociaux-démocrates. Ils diffèrent assez peu entre eux, certain sont plus à gauche, d’autres plus à droite.
En effet, la droite est plus favorable à certaines libertés économiques comme les réductions d’impôts ou la liberté d’entreprendre mais hostiles aux libertés civiles. Les conservateurs pensent que l’État doit contrôler les mœurs et créer une société vertueuse par en-haut, par la contrainte de la loi.
De son côté, la gauche socialiste inverse cette tendance. Elle est favorable à certaines libertés civiles mais veut que l’État régule les échanges économiques et contrôle les entreprises privées par la loi.
En son temps, l’économiste et député Frédéric Bastiat disait qu’il votait « tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite, selon le projet de loi discuté. » Cela ne voulait pas dire qu’il était centriste ou social-démocrate. Bastiat était fermement opposé à tout étatisme, à tout dirigisme quel qu’il soit. Il était favorable à un maximum de libertés économiques et de libertés personnelles compatibles avec le respect d’autrui, car il considérait que l’ordre social pouvait émerger d’en bas, par l’initiative privée, la coopération sociale et la responsabilité individuelle, avec un minimum de lois.
3° Les libertariens, comme Ron Paul aux États-Unis, sont aujourd’hui sont les seuls héritiers de Frédéric Bastiat. Ils ne sont ni « de gauche » ni de « droite » ni même une combinaison des deux. Ils pensent que chacun a le droit de décider pour lui-même ce qui est meilleur pour lui et d’agir selon ses préférences, tant qu’il respecte le droit des autres à faire de même. Le contraire du libertarianisme (en Amérique du Nord le mot liberalism étant devenu synonyme d’étatisme, le terme libertarianism s’est imposé) ce n’est ni la gauche, ni la droite, c’est l’étatisme, le dirigisme ou le collectivisme. (En complément, voir mon article : Qui sont les libertariens ? Sur Ron Paul voir aussi ici, ici et ici)
La ligne de clivage qui séparait jadis la droite et la gauche s’est donc déplacée. Ou passe-t-elle désormais ?
Le véritable axe est désormais celui qui oppose les défenseurs de la liberté aux défenseurs de l’État, ceux qui font confiance dans la capacité des individus à s’organiser par eux-mêmes de façon responsable et ceux qui veulent un État-nounou pour les rassurer, les protéger et les consoler.
Voici un test en français, inspiré de David Nolan et Christian Michel, qui permet de se situer sur ce nouvel échiquier :
Chaque fois que vous êtes d’accord avec l’une des propositions suivantes, encerclez les lettres C ou E. Si vous êtes opposé à la proposition, encerclez la lettre N. N’inscrivez rien si vous n’avez pas d’opinion.
Libertés civiles | |
• La solidarité ne peut être que volontaire, sinon ce n’est plus de la solidarité : c’est de la coercition pour les uns et de l’assistanat pour les autres. Il faut remplacer les aides sociales par la charité privée. | C N |
• Les adultes devraient pouvoir lire et visionner tout ce qui leur plaît, selon leur morale, sans aucune censure, que ces ouvrages soient conformes ou pas aux opinions couramment admises sur la religion, les races, la politique ou la sexualité. | C N |
• Chacun devrait avoir le droit de créer son école et de choisir ses méthodes d’enseignement ainsi que ses professeurs, sans devoir demander aucune permission de l’État. | C N |
• Le rôle de l’État n’est pas de rendre les gens vertueux mais d’empêcher les agressions contre les personnes et leurs biens. La vente d’organes, de services sexuels ou de drogues à des adultes consentants n’impliquant aucune agression ne doit en aucun cas être interdite et punie. | C N |
• Chacun devrait avoir le droit de s’installer et de travailler, sans formalité, dans le pays où il trouve un emploi. Les étrangers qui ont un contrat de travail en France devraient pouvoir y résider légalement. | C N |
• Le mariage est une des décisions les plus privées que nous puissions prendre. Pour quelle raison serait-elle donc soumise au législateur ? Les couples devraient décider entre eux quelle forme donner à leur union, à l’éducation de leurs enfants, à la disposition de leurs biens pendant et après le mariage, et ce contrat devrait être leur seule loi. | C N |
• L’Etat ne devrait jamais censurer internet, ni interdire les propos jugés choquants. Le rôle de la loi est de protéger la liberté d’expression, même quand les idées exprimées déplaisent à telle ou telle catégorie d’individus. Il faut supprimer lois dites « mémorielles » (loi Gayssot, Halde etc…). | C N |
• Certains lieux, comme les bars à cigare ou à narguilé devraient pouvoir rester fumeurs si leurs propriétaires le souhaitent. | C N |
• L’État ne doit faire aucune différence entre les citoyens sur la base du sexe, de la religion ou de l’origine ethnique. Cela implique la fin de tous les dispositifs de discrimination positive, la fin des quotas dans les entreprises, la disparition des lois sur la parité homme/femme et la suppression des ZEP. | C N |
• Tous ceux qui ont dépassé l’âge d’avoir un tuteur devraient décider seuls de boucler ou pas leur ceinture de sécurité dans leur automobile. | C N |
Libertés économiques | |
• Chacun devrait pouvoir travailler le jour, la nuit, le dimanche, si elle/il y consent. | E N |
• La Constitution proclame que tous les citoyens sont égaux devant la loi. La puissance publique ne devrait donc pas faire des lois privilégiant ou défavorisant une classe de citoyens par rapport à d’autres (« aides » aux agriculteurs, à certaines industries, personnel à statut, quotas réservés aux jeunes, aux femmes, etc.) | E N |
• Il n’existe pas plus de « profit exagéré » que de perte exagérée. Chacun a le droit de gagner autant qu’il peut – tant qu’il ne vole personne –, de conserver cet argent, d’en faire don de son vivant ou à sa mort, et il a aussi le droit de le perdre, sans protectionnisme ni subventions de l’État. | E N |
• Si les parties sont d’accord sur un certain prix pour acheter ou louer un produit, un immeuble, un service, un travail, la puissance publique n’est pas mieux placée qu’elles pour leur dicter un autre prix ou interdire la transaction. | E N |
• Chacun devrait avoir le droit de construire, modifier, détruire sa maison, sans autre restriction que les accords qu’il aurait pu passerait avec ses voisins. | E N |
• Chacun devrait avoir le droit d’acheter les produits et les services qu’il/elle désire (surtout s’ils viennent des pays les plus pauvres qui ont le plus besoin de vendre aux consommateurs les plus riches). Envoyons tous les douaniers à l’école apprendre un métier utile ! | E N |
• L’injustice de l’héritage n’est pas dans le don (en quoi serait-il injuste de donner son bien ?), mais dans le fait que le donateur, selon le code civil, n’a pas le choix du bénéficiaire ; les enfants reçoivent obligatoirement les biens du défunt. Supprimons l’héritage. Faisons place au don: qu’une personne ait le droit de donner son bien à qui elle veut, de son vivant ou à sa mort, à un amant, une institution charitable, un musée, ou, pourquoi pas, à ses enfants. | E N |
• Tous les monopoles : courrier, énergie, taxis, transports, licences de téléphonie mobile, sont des privilèges cachés accordés par l’Etat à certains groupes. Il en va de même du numerus clausus des pharmaciens, des notaires et des médecins, des subventions aux médias et aux associations. Il faut les supprimer. | E N |
• Chacun devrait pouvoir choisir l’âge et les modalités de financement de sa retraite. Chacun devrait pouvoir choisir librement son assurance santé. Certains services publics ou « biens publics », comme l’éducation ou la « sécurité sociale », doivent être privatisés et ouverts à la concurrence. | E N |
• La bureaucratie croît sans cesse. Le seul frein à cette prolifération cancéreuse est l’assèchement des ressources de l’État. Ceux qui pratiquent l’évasion fiscale et l’économie souterraine sont les vrais bienfaiteurs du pays en privant la bureaucratie des moyens de mettre en place de nouvelles réglementations arbitraires et vexatoires et d’appliquer efficacement celles qui existent. | E N |
Question de rattrapage (si vous avez décidément répondu souvent N aux questions ci-dessus): |
La réalité est qu’il n’existe pas de conflit entre la droite et la gauche. Car dans un vrai régime de liberté, tous ceux qui souhaitent vivre selon les valeurs de la gauche ont pleinement le droit de le faire. Ils ont le droit de renoncer à leur héritage, de mettre en commun les moyens de production qu’ils possèdent, de verser leur salaire au Parti, (à charge pour celui-ci de distribuer ces sommes aux déshérités de la société et de subventionner les entreprises « créatrices d’emploi » et les activités culturelles favorites des dirigeants…). De même, dans ce véritable régime de liberté, ceux qui croient aux valeurs de la droite, ont l’entière liberté de s’y tenir, de travailler dur, d’épargner, d’élever leurs enfants dans la tradition familiale et nationale, de ne rien lire ni visionner qui soit contraire aux bonnes mœurs, de ne pas employer de travailleur immigré… La question est pourquoi les uns cherchent-ils à imposer aux autres leur style de vie ? Pourquoi les socialistes ne sont-ils pas socialistes entre eux ? Et, de même, pourquoi les conservateurs ne laissent-ils pas ceux qui le souhaitent adopter d’autres valeurs ? Le conflit n’est donc pas entre la droite et la gauche, il est entre la liberté et la violence. Nos ancêtres se sont battus pour obtenir la séparation de l’Église et de l’État, et avec raison. La croyance religieuse est une manifestation de pure subjectivité, elle ne saurait donc légitimer une contrainte sur autrui. Mais la politique aussi est une affaire d’opinion, et on ne voit pas quelle raison objective nous permettrait d’imposer nos choix politiques à ceux qui ne les partagent pas, que ce soit par le vote ou par n’importe quel autre moyen. Séparons donc la politique de l’État, comme nous avons séparé l’Église de l’État. Arrêtons de vouloir forcer autrui à vivre comme nous. | |
Encerclez à la fois E et C si vous êtes d’accord avec la proposition. | E C |
TOTALISEZ LE NOMBRE DE LETTRES QUE VOUS AVEZ ENCERCLÉES, C, N OU E. |
Total de C | Total de N | Total de E |
________ | ________ | ________ |
• Comptez 10 points par lettre C que vous avez encerlée, et 0 si vous avez encerlé N. Portez votre score en ordonnée sur la partie gauche de l’échiquier. Depuis ce point, tracez dans l’échiquier une ligne horizontale. • Comptez ensuite 10 points par lettre E que vous avez encerlée, et 0 si vous avez encerlé N. Portez votre score en abscisse au bas de l’échiquier. Depuis ce point, tracez dans l’échiquier une ligne verticale. • Votre position dans l’échiquier politique est au croisement des deux lignes que vous avez tracées. (Votre total peut être supérieur à 100, grâce à la question subsidiaire. En ce cas, félicitations!)
Voir aussi en anglais le World’s Smallest Political Quiz (ici en français)
- Les droits appartiennent aux individus, pas à des groupes ; ils découlent de notre nature et ne peuvent être ni accordés ni supprimés par le gouvernement.
- Toutes les associations pacifiques et volontaires de nature économique ou sociale sont autorisées ; le consentement est la base de l’ordre économique et social.
- Tout bien justement acquis est la propriété privée d’individus ou de groupes volontairement constitués, et cette propriété ne peut être arbitrairement supprimée par les gouvernements.
- Le gouvernement ne peut redistribuer les avoirs privés ni consentir des privilèges particuliers à tout individu ou groupe.
- Les individus sont responsables de leurs actes ; le gouvernement ne peut et ne doit pas nous protéger de nous-mêmes.
- Le gouvernement ne doit pas s’arroger de monopole sur l’argent d’un peuple et il ne doit jamais s’adonner à la fausse monnaie, même au nom de la stabilité macroéconomique.
- Les guerres d’agression, même si elles sont qualifiées de préventives, et même si elles ne concernent que des relations commerciales, sont interdites.
- Le pouvoir législatif du jury, c’est à dire le droit des jurés de juger la loi aussi bien que les faits, est un droit du peuple et la norme des tribunaux.
- Toutes formes de servitude involontaire sont interdites, pas seulement l’esclavage mais aussi la conscription, l’association forcée et la distribution imposée de subsides.
- Le gouvernement doit respecter la loi qu’il demande aux autres de respecter et par conséquent il ne doit jamais faire usage de la force pour inciter à des comportements, manipuler des arrangements sociaux, gérer l’économie, ou dire à d’autres pays comment ils devraient se comporter.
Par
Damien Theillierprofesseur de philosophie et président de l'Institut Coppet.
et Christian Michel
Test politique : existe-t-il un autre choix que la droite ou la gauche ?
- NICOMAQUE, Le blog de philo d'un prof de philo
- Articles dans Contrepoints
- Articles dans Le Québécois libre
David Nolan
né le 23 novembre 1943 et décédé le 21 novembre 2010, était un auteur libertarien américain. C'est l'un des fondateurs du Parti libertarien américain, en 1971, suite à la réunion dans son salon. David Nolan est né à Washington, D.C. et passe sa jeunesse dans le Maryland. Il découvre le libertarianisme par la lecture d'ouvrages de Robert Heinlein, auteur de science-fiction, puis, ultérieurement, par la lecture d'Atlas Shrugged d'Ayn Rand. Il entre au Massachusetts Institute of Technology pour y obtenir un master en architecture, mais finira finalement par décrocher un bachelor en sciences politiques en 1966. Il était candidat libertarien dans le 8e district de l'Arizona aux élections de 2006, où il a remporté 2% des votes.
Il est le créateur en 1970, du célèbre diagramme de Nolan qui remet en cause la vision traditionnelle de l'horizon politique s'étalant de la droite à la gauche. Il est aussi à l'initiative du World's Smallest Political Quiz, créé par Marshall Fritz et repris notamment sur le réseau social Facebook.
Publications
- 2010, "People Everywhere Just Got To Be Free", In: Marc Guttman, dir., Why Liberty, Apple Valley: Cobden press, pp71-74
Liens externes
Le diagramme de Nolan est un échiquier politique qui permet de se représenter sur une échelle du positionnement de partis ou mouvements politiques. Il a été élaboré par le libertarienDavid Nolan.
Ce diagramme montre les « libertés économiques » (comme le niveau des impôts, le marché libre et la libre entreprise) sur l'axe des abscisses, et les « libertés individuelles » (liberté de circulation, laïcité, libre possession de son corps qui regroupe la légalisation des drogues, l'avortement, l'euthanasie,...) sur l'axe des ordonnées.
Ceci place l'aile gauche en haut à gauche de ce diagramme, l'aile droite en bas à droite, les libertariens en haut à droite, et en bas à gauche les totalitaristes (d'extrême-gauche comme d'extrême droite). Ces derniers furent regroupés par Nolan sous l'appellation de populistes pour leur tendance à s'appuyer sur le « petit peuple », toutefois cela ne recoupe pas l'usage récent du terme populiste pour désigner des programmes économiquement très libéraux. L'axe droite/gauche est donc représenté par une diagonale traversant le diagramme du coin supérieur gauche au coin inférieur droit.
Il faut noter que Friedrich Hayek dans son "Postscript" de La Constitution de la liberté décrit l'esquisse d'un schéma qui pourrait préfigurer le diagramme de Nolan : « si nous voulons faire un schéma, il serait plus approprié de disposer [conservateurs, socialistes et libéraux] en triangle, les conservateurs occupant l'un des angles, les socialistes tirant vers un second et les libéraux vers un troisième. » [1]
Notes et références
- ↑Friedrich Hayek,La constitution de la liberté, Paris, Litec, 1994, p.395
Fascisme, libéralisme, marxisme
Qu’est-ce qui structure le plus mon discours : ce dont je parle ou ce que je suis ?
On a vu que, à l’intérieur d’un parti politique, l’engagement provoquait un changement structurel profond dans le discours des militants (Voir "Engagez-vous qu’ils disaient"). Que se passe-t-il si on compare deux partis opposés sur « l’échiquier politique » ?
Dans une étude initiée par Claude Fronty (1989) [1], 76 membres du Rassemblement Pour la République (19 non-reponsables, 19 responsables) et du Parti Socialiste (18 non-reponsables, 20 responsables) ont été rencontrés pour des entretiens libres sur les thèmes : “si vous aviez à parler du (fascisme / libéralisme / marxisme), qu’en diriez-vous ?”.
Deux hypothèses alternatives peuvent être évoquées ici :
- hypothèse focalisée sur l’objet : le fascisme, le libéralisme et la marxisme sont des « choses » tellement différentes, que les discours produits doivent être très différents. On attendrait une structuration par les thèmes ;
- hypothèse focalisée sur le sujet : les personnes, préalablement positionnées politiquement, devraient investir les objets pour marquer leurs relations d’appartenance / non-appartenance. On attendrait une structuration par le parti et l’engagement politiques.
L’analyse factorielle des correspondances lexicales montre une importance minime de l’objet de représentation, par rapport au groupe d’appartenance (facteur horizontal) et au niveau d’engagement (facteur vertical).
Plus précisément, l’examen des quatre modalités de la variable croisant le parti et l’engagement permet de retrouver un « effet Guttman », qui ordonne les sujets sur une parabole renvoyant à des distributions lexicales hiérarchisées, depuis la gauche « engagée » jusqu’à la droite « engagée », en passant par les niveaux de moindre engagement.
AFC lexicale du corpus “fascisme, libéralisme, marxisme”
Deux commentaires s’imposent :
D’une part, la définition de ces objets, très
conceptuels et finalement relativement consensuels, ne recouvre sans doute pas (ou plus) de réels clivages politiques ;
D’autre part, la situation interactive a rendu
saillantes les insertions groupales et dynamiques identitaires qui mobilisent des équipements cognitifs susceptibles d’investir les objets pour faire jouer des rapports sociaux de coopération
et de compétition internes et externes.
Dit plus simplement, si on interroge quelqu’un en lui demandant « comment parleriez-vous du fascisme ? », il répondra (ainsi que nous l’avons observé : Hitler, Mussolini, guerre, Espagne, Italie, Allemagne, nazisme, époque, racisme … Quel est le statut de cette réponse ? Représentation collective ? Représentation sociale ? Noyau de la représentation ? Nous n’avons pas ici les moyens d’en juger.
Par contre, le fait est que nous lui signifiions implicitement : « j’interroge des personnes de gauche et de droite sur le fascisme ; C’est votre parti qui m’a donné vos coordonnées. Comment en parleriez-vous ? ».
Ainsi, le sujet a tendance à répondre en fonction des attentes qu’il décèle dans le statut qui lui est signifié [2]. Et c’est confirmé par l’examen des plus fortes contributions aux facteurs, qui permet de voir quelles sont les formes lexicales (les mots) qui structurent les discours des sujets de droite (RPR) et de gauche (PS). On peut interpréter ces discours en fonction de notre étude sur les traits caractéristiques des pensées de droite et de gauche [voir Droite ? Gauche ? Sommes-nous condamnés à ne voir que la moitié du Monde ?).
Que dit le RPR ? (L'ex UMP)
On retrouve une forte dimension psychologisante dans la mise en scène de personnesgens, ils, sont, personne, femmes, quelqu un, personnes, hommes, famille, fonctionnaire, de-gaulle, pinochet, parents, humain, allemands, hitler, tout le monde
Le mode discursif est celui du dialogue
vous, avez, votre, êtes
du récit
quand, étaient, partout, régime, ans, guerre, 44, pays, disait, mois, maintenant, ensuite
et de l’affirmation
ne, sûr, fallu, parce que, ainsi, dû, naturellement, bien sûr, sûrement, puisque, faut, souvent, tous, chaque, plupart, à peu près
Les thèmes de prédilection :
communisme, absence, atrocités, RPR, tolérance, situation, possibilité, enseignement, chose, bonheur, constitution, dimanche, profession, propagande, anarchie, dieu, droit, impôts, états, terrorisme, nazisme, problème, démocratie, Russie
Les verbes privilégiés comportent beaucoup de verbes d’action surtout à l’infinitif
prospérer, sortir, citer, manger, entreprendre, profiter, travailler, évoluer, mettre
mais également
arrivés, terminé, étouffe, créé
et de verbes déclaratifs ou auxiliaires
estime, commence, pousse, puisse, vont, connais, passe, avoir, ai
Les adjectifs sont assez rares :
facile, libérale, totalitaire, pareil, bon, dangereux
Que dit le PS ?
La confirmation d’une lecture plus sociologisante est rendue par l’absence de pronoms (à l’exception de son). Le mode discursif est celui de l’argumentationet, effectivement, voilà, par, du, une, au contraire, notamment, enfin, aussi, pas du tout, en particulier, autant, actuellement, quoi, cette, d’abord, d’accord, depuis, avant, à travers, certain, car, plutôt, trop, entre, dirais, sais, puis, très, plus, dans, en
Les thèmes de prédilection sont plus abstraits
siècle, pratique, idéal, reagan, culture, lutte, nombre, parti communiste, violence, théorie, plan, concept, discours, image, classe, capitalisme, solution, Amérique, chèques, images, jean, perversion, application, forces, notion, doctrine, années, formation, principes, classes, place, Europe, marxisme, pc, notions, raison, mode, solidarité, excès, profit, éléments, système, théories, homme, droite, libéralisme, forme
Les verbes sont souvent déclaratifs
crois, oublie, connaît, peux, comprenez, entend, voudrait
ou statifs
ayant, peut, existait, permis, aurait, habitue, représente
On note beaucoup d’adjectifs
sociales, économiques, grands, économique, 30, divers, séduisante, vide, politiques, socialiste, libéraliste, pure, rapidement, arabe, individuelle, libéraux, soviétique, séduisant, démocratique, historique
On valide donc l’idée que l’appartenance à une pensée idéologique structure davantage le discours que l’objet même dont on parle. Le fait que les sujets plus engagés se retrouvent aux extrémités du premier facteur et que les sujets moins engagés occupent une position intermédiaire renverrait alors à l’apprentissage de normes de discours au long de l’engagement politique (Voir "Engagez-vous qu’ils disaient") : « L’idéologie est ainsi à la société ce que le pensée symbolique est à l’individu : plus exactement, elle est une pensée symbolique mais plus conceptualisée que la pensée mythique propre au sociomorphisme primitif » (Piaget, 1951).
[1] Traducteur de Cassirer (« La Philosophie des formes symboliques, tome 3 : La Phénoménologie de la connaissance » de Ernst Cassirer & Claude Fronty, Éditions de Minuit, 1972) et auteur de « Existe-t-il encore des idéologies » (Édition du Grep Midi-Pyrénées, 1993)
[2] Il est à noter que ce discours fait l’objet d’attentes normatives, et qu’essayer d’en fournir un autre n’est pas une entreprise aisée et devra recourir à la modalisation (Marchand, 1998 :119).
Les autres articles de cette rubrique :
Étatisme
L'étatisme désigne la doctrine et pratiques politiques par lesquelles l'État intervient (voir interventionnisme) et s’impose, en tant qu'appareil de coercition, dans l'ensemble de la vieéconomique et sociale d'un territoire donné. Même si l'interventionnisme est la pratique la plus courante de l'étatisme, l'octroi de privilèges ou de faux droits relève également de l'étatisme, de même l'absence d'intervention là où la justice l'imposerait pour rétablir le droit.
« L'étatisme assigne à l'État le devoir de guider les citoyens et de les tenir en tutelle », a écrit Ludwig von Mises en 1944 dans Omnipotent Government, où il explique la "nouvelle mentalité" qui inspire la subordination complète de l'individu à l'État.
On parle ainsi de « système » étatique pour les pays où ces pratiques deviennent la dominante de l'organisation économique et sociale.
Libertarien
Le libertarianisme (ou "libertarisme") est une philosophie politique tendant à favoriser au maximum la liberté individuelle, que celle-ci soit conçue comme un droit naturel ou comme le résultat du principe de non-agression. De ce fait, ses partisans, les libertariens, s'opposent à l'étatisme en tant que système fondé sur la coercition, au profit d'une coopération libre et volontaire entre individus.