Pour André Orléan, économiste et historien des bulles spéculatives,
les krachs "sont la conséquence directe de la financiarisation et de la dérégulation."
Mouvements erratiques des actions, chute de l'or, recul desmarchés émergents, bulle sur quelques obligations d'Etat... Cette situation d'extrême nervosité sur tous les marchés - et non pas quelques-uns - est-elle inédite dans l'histoire?
Non. Dans les situations de forte incertitude, les investisseurs se replient fréquemment sur lesactifs réputés sans risque, quitte à les faire mécaniquement monter au-delà du raisonnable. Aujourd'hui, majoritairement, ce sont quelques emprunts d'Etat, en l'occurrence ceux émis par l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et dans une certaine mesure la France, qui profitent de ce flight to quality alimenté par le déluge de liquidités que les banquiers centraux déversent sur les marchés financiers. Cette situation est fort risquée. Plus la période est troublée, plus les marchés réagissent de façon binaire, rejetant tous les titres à l'exception des plus sûrs. Cette absence de discrimination dans les risques n'est en rien une nouveauté. Déjà, en 1931, la faillite de la banque autrichienne Kreditanstalt provoqua une ruée... sur les banques allemandes. La question fut alors soulevée de savoir si les créanciers américains faisaient bien la différence entre l'Autriche et l'Allemagne. De même, en 1994, le krach des emprunts mexicains se propage à l'Argentine, dont l'économie est pourtant dans une situation très différente. Ces phénomènes de contagion psychologique donnent aux actifs un "faux prix", trop élevé pour les produits les plus sûrs, trop bas pour les autres. Franchement, l'emprunt italien est-il vraiment huit ou dix fois plus risqué que l'emprunt allemand, quand il y a cinq ans il fallait croire que ces deux pays se valaient sur les marchés ?
"Le marché boursier est un vote et non une juste évaluation", disait l'économiste Benjamin Graham.
Les marchés boursiers nous condamneraient alors à passer d'une bulle spéculative à l'autre, sans répit...
Les successions de bulles et de krachs depuis trente ans, mais plus particulièrement depuis 2000, sont la conséquence directe de la financiarisation et de la dérégulation. L'ère du capitalisme fordien (1945-1970), quant à lui, ne connaît ni crise bancaire ni crise financière : les marchés étaient moins puissants, plus régulés, et les banques finançaient directement l'économie. La financiarisation de l'économie, qui commence au début des années 80, repose sur l'idée qu'en matière financière il faut laisser faire la concurrence. Or ce précepte fonctionne à peu près bien partout, sauf... en Bourse.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce paradoxe?
Sur les marchés ordinaires - ceux des automobiles, des chaises de bureau, des ordinateurs -, quand le prix augmente, la demande décroît. Par ce simple mécanisme, la libre-concurrence fait son oeuvre et réalise à peu près l'équilibre entre l'offre et la demande. Elle empêche que les prix montent à des niveaux absurdes. Or, sur les marchés financiers, la hausse des prix ne provoque pas nécessairement la fuite des capitaux. Tout au contraire, un titre
dont le prix augmente peut parfaitement attirer de nouveaux investisseurs, qui y voient le signe de hausses futures. C'est de cette manière que les bulles se forment. Sur les marchés des biens ordinaires, la logique est tout autre : la hausse des prix produit immédiatement des forces de rappel, parce que les consommateurs refuseront ces marchandises devenues trop chères.
L'univers très mimétique des marchés financiers produirait donc par nature des bulles et des krachs?
Absolument. C'est inhérent à la finance dérégulée. Elle nous condamne à l'instabilité. D'ailleurs, quand les Néerlandais inventent les
grands marchés, au XVIIe siècle, les bulles font immédiatement leur apparition, comme celle sur les bulbes de tulipe, en 1636 et 1637.(VoirBourse sur wikibéral)
Mais pourtant, depuis la faillite de Lehman Brothers (Ce n'est pas la faillite de Lehman Brothers, mais le soutien à Bear Sterns qui a tout déclenchéParVincent Bénard)
, de sommets du G20 en normes de Bâle, de déclarations du FMI en directives européennes, le pouvoir politique multiplie les tentatives pour réguler ce système incontrôlable...
Le problème, avec le diagnostic du G20, c'est qu'il entretient l'idée fausse selon laquelle les marchés financiers seraient la bonne solution pour allouer le capital à l'échelle planétaire. Pour le G20, la crise ne résulte pas des mécanismes financiers eux-mêmes, mais de l'opacité des produits. Il suffirait de rétablir la transparence et tout irait mieux. Erreur. La transparence ne va pas empêcher les bulles d'apparaître. Il n'est que de penser à la bulle Internet, qui a pu se développer dans la plus parfaite transparence des produits et des mécanismes. Celle-ci peut même, en rassurant les marchés, favoriser la spéculation.
Mais alors, que proposez-vous?
De définanciariser l'économie. Si on se place dans le court terme, nous aurions dû couper nettement les banques en deux, avec, d'un côté, les établissements de crédit qui distribuent des prêts et des produits d'épargne, et, de l'autre, les activités financières. Cela aurait été un premier pas. Nos sociétés n'ont pas encore pris toute la mesure des risques que la spéculation nous fait courir.
« La finance dérégulée nouscondamne aux kraks »
Source, journal ou site Internet : Lexpansion.com
Date : 3 septembre 2013
Auteur : Franck Dedieu
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Spéculation
La spéculation, souvent utilisée avec une connotation péjorative, est l'activité humaine consistant dans l'étude et recherche abstraite, métaphysique ou théorique. C'est aussi une mise en miroir (latin speculum), reflet du futur dans le miroir du présent. Dans le domaine économique, la spéculation consiste à prendre aujourd'hui des décisions économiques sur la base d'un état économique futur et hypothétique : l'anticipation d'un changement imminent du prix en vigueur.
Dans l'opinion courante, les spéculateurs seraient des profiteurs tenaces et ingénieux, sur une simple opération boursière ils seraient capables de faire d’insolents profits leur permettant de prendre le contrôle de plus en plus d’entreprises. Les marchés boursiers aussi sont critiqués par les Français : la sphère boursière serait déconnectée de la sphère économique réelle. Elle forcerait les entreprises à des politiques à court terme visant à faire monter le prix de l’action au détriment de l’emploi. Aussi, pour corriger ces dérives, il serait nécessaire d’inventer de nouveaux types d’impôts concernant les transactions financières.
Le problème avec cette vision simpliste c’est qu’elle est totalement fausse et dénote une totale incompréhension de la fonction des marchés boursiers et des spéculateurs.
A quoi sert la Bourse ?
Imaginez que vous ayez l’idée d’un nouveau produit/service. Vous pensez que cela peut intéresser les gens mais vous n’en êtes pas certain. Vous n’êtes même pas certain d’arriver à réaliser techniquement votre produit. Par conséquent, et c’est le rôle d’un entrepreneur, vous devez prendre un risque si vous décidez de créer une entreprise pour réaliser votre vision. Mais, le risque est peut-être trop élevé pour vous. Si vous décidez de ne pas le prendre, alors ce seront des emplois en moins. Ce qu’il faudrait, c’est un mécanisme d’assurance permettant de partager le risque avec d’autres, ces autres ne devant pas être obligés de mettre tous leurs œufs dans le même panier. Mais si les assurances fonctionnent, c’est qu’on peut estimer certains risques : le risque d’être cambriolé, par exemple, peut être estimé par statistique selon le quartier où vous habitez, l’étage, etc. Mais comment estimer le risque d’une nouvelle aventure industrielle ? Comment estimer un futur qui dépend de si nombreux facteurs et qui est si complexe ?
Le rôle des marchés financiers est de fournir des mécanismes d’assurances et d’estimation statistique. Sans ces marchés, de nombreux risques ne seraient pas pris, de nombreux emplois ne seraient pas créés.
Une action représente un risque : en achetant une action vous partagez un risque avec l’entreprise. Cette action représente une promesse de gains futurs, mais le futur est incertain.
En ayant la possibilité de vendre votre action, vous pouvez vous débarrasser d’un risque que vous estimez trop grand. En achetant des actions diverses, vous évitez de mettre tous vos œufs dans le même panier.
Le prix de l’action est l’estimateur statistique qui permet d’estimer le risque pris. En effet, quelle autre méthode utiliser ? Le prix agrège les décisions, les modèles, les suppositions de tous les acteurs qui interviennent sur le marché. C’est une sorte de moyenne (sophistiquée) et remise à jour en temps réel. Il est alors normal que le prix d’une action puisse sembler subjectif, irrationnel, imprévisible : c’est un estimateur des risques futurs. Le futur est incertain et les humains ne sont pas devins. Il n’est pas possible de faire mieux pour estimer le futur que de prendre en compte toutes les tentatives d’estimation et les agréger en un tout qui reflète l’information globale : le prix.
Chaque intervenant aura son modèle, sa façon d’estimer le futur : en vendant ou achetant, il traduit dans les faits les conclusions de ses estimations qui sont alors intégrées dans le prix global. Cette vision des prix comme estimateur statistique n’est pas nouvelle mais est peu comprise par l’homme de la rue. On peut trouver plus de détails à ce sujet dans cet excellent article de Philippe Némo.
Imaginer que le prix d’une action est forcément minoré par la valeur des usines, du mobilier d’une entreprise ou qu’il existe un prix naturel est une erreur. Imaginer qu’il y a des critères objectifs qui permettraient de déterminer le prix d’une action c’est imaginer qu’il existe des méthodes objectives pour prédire le futur. Si, parfois, en apparence, il existe une valeur objective (un fondamental) c’est parce que les intervenants utilisent des modèles de prédiction proches. Le fondamental ne traduit que l’existence d’un noyau commun dans les modèles de prédictions ; de biais et d’hypothèses majoritaires chez ces intervenants.
Produits financiers
Dans cette optique d’assurance contre les risques, il devient plus facile de comprendre la raison d’être de produits financiers comme swap, options, etc.
Imaginez que vous vouliez acheter de l’acier pour votre produit. Vous construisez un budget en vous fondant sur le prix de l’acier aujourd’hui. Mais vous ne pourrez acheter cet acier que dans un mois. Il se peut qu’à ce moment là le prix de cet acier soit très différent et beaucoup plus élevé, ce qui serait catastrophique pour vous. Vous voulez donc vous assurer contre une hausse du prix de l’acier. Vous achetez donc une option vous permettant d’acheter (mais ne vous obligeant pas à le faire) une certaine quantité d’acier à un prix fixe défini par l’option. Le prix de l’option est la mesure du risque concernant la hausse du prix de l’acier (à ne pas confondre avec le prix de l’acier que vous permet d’acheter cette option).
Si dans un mois le prix de l’acier a baissé, alors vous achetez votre acier sur le marché. Si le prix a monté alors vous décidez d’exercer votre option et vous pouvez acheter votre acier à un prix inférieur à celui du marché. Cela signifie donc que quelqu’un doit, pour honorer le contrat représenté par cette option, vendre cet acier à un prix inférieur à celui du marché. En vendant cette option, quelqu’un a parié sur la baisse des prix de l’acier alors que vous, en l’achetant, vous avez parié sur la hausse des prix. Dans cet exemple, il y a un gagnant et un perdant. Attention à ne pas généraliser : la finance n’est pas un jeu à somme nulle.
D’autres produits financiers permettront de s’assurer contre une baisse des prix, contre un changement des prix, contre une variation des taux de change, des taux d’intérêts, etc. Il existe de très nombreux produits financiers car il existe différents types de risques et différents niveaux de risques.
On trouve par exemple, des options permettant de s’assurer contre la baisse d’un prix, des marchés à terme permettant de s’assurer contre une variation du prix, des swap combinant une protection contre une hausse sur un produit et une baisse sur un autre, etc.
Sur le rôle du spéculateur
Le principal intérêt du spéculateur est d'anticiper et de profiter des fluctuations de l'état futur du marché, même si cette connaissance de l'avenir reste imparfaite et particulièrement difficile. Il existe, en gros, deux types d'actes jugés spéculatifs : un qui consiste à acheter une "marchandise" à bas prix aujourd'hui, et la revendre lorsque les prix seront assez élevés demain, permettant de dégager un bénéfice. Un deuxième acte est illustré par la vente de titres à une date ultérieure, par le moyen d'un emprunt auprès d'un courtier, contre versement d'un intérêt ou redevance, si la valeur du titre baisse un bénéfice est aussi dégagé. La "vente à découvert" (« short sale ») a tellement mauvaise presse qu'elle est très réglementée voir interdite dans certains pays.
Il existe différents types de spéculateurs : le suiveur de tendance, le scalpeur, le spéculateur de long terme (swinger), le spéculateur de court terme (day trader), le contrarian, etc. Le spéculateur contrarian est celui qui va à contre-courant. Il parie sur une baisse quand tout le monde parie sur une hausse. Cela implique de sa part une vigilance sur les points de retournements du cycle et un "money management" très sérieux. Car, le plus souvent, le spéculateur de court terme (excepté le scalpeur) va perdre. Mais, ces pertes sont minimes. Un bon trader sait couper ses pertes et il laisse courir ses gains. Donc, un spéculateur qui réussit est celui qui ne gagne pas souvent mais lorsqu'il le fait, il établit un ratio de gain élevé de 1 pour 2, voire de 1 pour 3. Sa marge bénéficiaire provient de la bonne gestion de son capital (equity). Le public, impressionné par les réussites en bourse, se focalise souvent sur la publicité des gros gains à l'image de la réception du premier prix d'une loterie. Mais, ce public oublie que pour chaque gros gain, il y a de nombreuses petites pertes. Personne ne plaint le spéculateur perdant, ruiné ou décédé, mais tout le monde crie haro sur le gagnant !
Le profit fait, par ce type de spéculateur, est le prix de l'incertitude, c'est à dire une récompense pour avoir osé prendre des risques que personne ne voulait prendre dans un avenir incertain. Puisque l'avenir est inconnu, aucune probabilité ne peut être calculée sur une chance de réussite proportionnelle à l'ensemble des résultats finaux possibles, c'est la raison pour laquelle les économistes parlent d'incertitude et non de risque dans ce cas là.
La spéculation est bénéfique car cela permet de corriger des estimations qui sont incorrectes et qui résultent d’un comportement moutonnier. Quand de nombreux intervenants se contentent de façon hasardeuse, pour estimer le futur, du seul prix de marché et agissent uniquement en fonction de l’évolution de ce prix, alors les fluctuations ont tendance à être amplifiées. Le prix monte, alors la masse achète, ce qui provoque une hausse du prix. Le spéculateur permet de stabiliser les fluctuations.
Le spéculateur permet aussi, en prenant des risques que personne n'ose prendre, d’assurer certaines aventures industrielles qui n’auraient pas pu avoir lieu autrement.
John Maynard Keynes, considéré par certains libéraux, comme leur ennemi n°1, fut un grand spéculateur. Dans les années 1930, il fit fortune en spéculant sur la bourse de Londres. A l'époque, Londres était déjà une grande place financière mondiale[1] Dans ses analyses boursières, John Maynard Keynes ne s'appuyait cependant pas sur ses théories économiques mais sur la théorie de la psychologie des foules. Il avait une attitude assez cynique vis à vis du peuple qui se traduit par cet extrait, dans son livre de la "théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie", publié en 1936.
- "La plupart des investisseurs et spéculateurs professionnels s'occupent moins de faire des prévisions précises à long terme que de prévoir peu de temps avant le grand public les changements à venir de la base conventionnelle d'évaluation. En fait, l'objet inavoué de l'investissement éclairé est de voler le départ, comme le disent si bien les américains, d'être plus malins que le public et de passer la pièce fausse ou dépréciée au voisin."[2]
L'argument de sa réussite est assez scandaleux sur le plan éthique. On ne peut pas lui faire le reproche qu'il est fondamental pour le spéculateur ou l'investisseur de trouver un co-échangiste (à la hausse ou à la baisse) selon les cas afin de réaliser un bénéfice. Le profit du spéculateur provient du fait qu'il a la possibilité de trouver sur le marché, à deux reprises, des co-échangeurs qui ont une évaluation subjective différente de la sienne. Cependant, il est choquant de présenter le spéculateur comme un "voleur" (de départ, donc un tricheur puisqu'il ne respecte pas les règles communes qui sont nécessaires dans une compétition (Il est anormal, dans une compétition sportive, par exemple qu'un sprinter démarre avant le signal du starter). Mais, il y a aussi une vision assez perfide et assez hautaine, vis à vis du grand public, sans doute moins bien informé que les traders professionnels. Le message que nous fait passer John Maynard Keynes est que le succès des traders professionnels provient de l'infortune de quelques "gogos" amateurs qui osent s'aventurer sur les marchés financiers, et qui, moins bien informés, perdent tout leur argent.
Pour les libéraux, un marché financier juste est un marché où les bigs players (banques centrales, institutions financières) n'influencent pas les cours à leur profit au détriment de la masse. Dans un sens libéral, un spéculateur est un co-échangeur, qui souhaite obtenir des flux de revenus futurs sans avoir à l'esprit qu'il s'agit là d'un jeu à somme nulle où ses gains représentent des pertes de son co-échangeur. L'accès aux marchés financiers doit être le plus souple et ouvert possible, comme sur le FOREX, avec une accessibilité en fonction des moyens modestes de chacun. La réussite du spéculateur n'est pas orientée vers la perte de quelqu'un d'autre mais par une imagination de son propre futur gain.
Les problèmes
Soyons réalistes : il y a des problèmes mais bien plus complexes que les attaques simplistes contre la spéculation.
Pour comprendre ces problèmes, il faut comprendre que le capitalisme est en train de subir une mutation.
Différents types de capitalismes
Il y a trois modèles de capitalismes : le capitalisme anglo-saxon, le capitalisme rhénan (avec la variante française) et la nouvelle forme de capitalisme qui est en train d’apparaître dans le monde globalisé actuel.
La caricature du modèle anglo-saxon c’est le self-made man qui finit par introduire son entreprise en bourse afin de pouvoir se lancer dans de nouvelles aventures. C’est un dirigeant-actionnaire et fondateur de l’entreprise. Mais, si sa gestion devient mauvaise, le futur de son entreprise devient incertain. Investir dans son entreprise devient risqué. Le prix de l’action chute. Les actions peuvent alors être rachetées par un concurrent (OPA dite hostile). Ces actions qui étaient alors diffuses entre des centaines de petits actionnaires peuvent se concentrer entre les mains d’un concurrent qui aura alors assez de voix pour licencier le dirigeant-actionnaire-fondateur qui reste alors juste actionnaire non principal. Autrement dit : une mauvaise gestion est sanctionnée par le marché.
Les actionnaires ne sont pas réellement propriétaires de l’entreprise (qui étant une personne morale est propriétaire d’elle-même - ce n’est pas vrai pour d’autres organisations que les sociétés comme par exemple les copropriétés). Ils ne sont pas non plus les dirigeants puisqu’en général le dirigeant doit rendre des comptes aux actionnaires. Mais, les actionnaires détiennent un pouvoir économique via leurs actions. Ils ont accepté de partager certains risques, de financer une aventure industrielle. Il est normal qu’ils aient un droit de regard et de contrôle représenté par leurs actions. Ils peuvent sanctionner une politique qu’ils trouvent trop risquée ou pas assez. Les relations entre actionnaires et dirigeants sont un sujet à part entière que je traiterai peut-être dans un autre texte : comment inciter le dirigeant à prendre des risques (sans lesquels il n’y a pas de croissance économique) et comment éviter qu’il en prenne trop ?
Le second modèle de capitalisme est le capitalisme rhénan : les actionnaires d’une entreprise sont des pairs, d’autres actionnaires-dirigeants d’autres entreprises (et en général des banques). L’actionnariat est plus concentré. La variante française est que nombre de ces pairs sont maintenant issus de la haute fonction publique. Ici encore, les actionnaires effectuent un contrôle a posteriori : une fois que la mauvaise gestion a été constatée.
La troisième forme de capitalisme est celle où ce sont les salariés qui sont principalement les actionnaires par l’intermédiaire d’institutions financières comme les fonds de pension. C’est vers ce nouveau modèle que le capitalisme converge. Pourquoi ?
Fonds de pensions
Le processus de mondialisation financière et de libéralisation des flux de capitaux est une conséquence des États providences. L’État-providence est une chimère qui ne peut subsister qu’en s’endettant. Or, ces dettes sont des risques : le risque de ne pas être remboursé. Les Etats providences ont donc besoin de recourir aux marchés financiers pour financer leurs déficits. Parallèlement, les classes moyennes (principalement les baby-boomers) de ces États, éduquées dans l’illusion de l’absence de risque, demandent un accroissement du ratio gain/risques pour leur épargne et leurs retraites.
C’est pourquoi la finance s’est globalisée et c’est pourquoi les institutions comme les fonds de pension recherchent des placements à fort ratio gain/risque pour leurs clients. Ces fonds n’ont pas le contrôle des entreprises mais ils détiennent suffisamment de voix pour que leur influence soit non négligeable.
La conséquence est que les fonds de pension vont, pour assurer la rentabilité des investissements, comparer constamment les entreprises entre elles et investir toujours dans les plus rentables. Le système financier étant globalisé, cette comparaison est effectuée sur un plan mondial. En outre, les flux de capitaux peuvent voyager rapidement d’un point à l’autre de la planète pour aller toujours là où les investissements sont les plus rentables.
Pour faire ces comparaisons, ces institutions financières ont besoin d’information. Leur influence est suffisamment grande pour pouvoir imposer des règles a priori : transparence, visibilité de la stratégie, etc. Les entreprises sont constamment notées par ces institutions. Ces notations ont une influence sur les autres actionnaires. Ainsi, la grande mutation du capitalisme moderne est d’imposer un contrôle a priori, et non plus a posteriori, dont le but est de pouvoir détecter les entreprises à haute rentabilité et sanctionner les gestions qui ne sont pas assez rentables.
Cela va accélérer le processus de destruction créatrice : les entreprises qui sont mal gérées disparaissent et on investit dans celles qui sont prometteuses, ce qui stimule l’activité économique en permettant la réalisation de nouveaux projets industriels.
Mais, les hommes ne sont pas aussi mobiles que les capitaux. Ils restent relativement bloqués dans leurs États et leur règlementations. Par conséquent, si leurs emplois sont délocalisables, soit ils restent compétitifs par rapport au reste du monde, soit ils perdent leurs emplois.
L’ironie de la situation est que ce sont les salariés-actionnaires (via les fonds de pension) qui contrôlent une grande partie des entreprises et qui sont à l’origine de la demande de rentabilité forte. Ce sont eux aussi qui veulent les États-providence. Mais ce sont aussi les premiers à souffrir de ces demandes.
Court termisme
Ces institutions financières ne sont pas fondamentalement court-termistes (désolé pour cet affreux néologisme). Contrairement à un politique qui ne vise que la prochaine élection, les fonds de pension, par exemple, ont la responsabilité de la retraite de leurs clients ce qui oblige à des visions long terme. Mais, en raison d’une dissymétrie d’information entre le dirigeant d’une entreprise et ses actionnaires, il peut arriver que le dirigeant pratique des politiques court terme visant à faire monter l’action et satisfaire ainsi les demandes de rentabilité des actionnaires. Ce n’est pas une demande des actionnaires. Si l’information était meilleure, nulle doute que ce genre de gestion court-terme ferait chuter le prix de l’action qui, ne l’oublions pas, représente un risque et une promesse de revenus futurs donc une vision long terme. Une politique court-termiste est une politique très risquée qui peut tuer l’entreprise et cela n’intéresse pas les institutions comme les fonds de pensions.
Conclusion
La finance et les spéculateurs jouent un rôle très bénéfique. La globalisation, la recherche de rentabilité, le contrôle financier a priori des entreprises résulte d’une demande des populations occidentales : le refus des risques qui se traduit par les États providence et la recherche d’investissements à fort ratio gain/risque. Ce n’est pas un problème inhérent aux marchés financiers. La conséquence tragique de cette illusion consistant à croire que l’on peut s’affranchir des risques est d’en créer de nouveaux : le chômage, les délocalisations, des emplois fragiles et stressants puisque la pression sur les salariés, pour qu’ils soient compétitifs, est forte.
Vouloir se prémunir contre ces nouveaux risques en demandant plus d'État, plus de règlementations c’est persévérer dans l’illusion et accroître les problèmes au lieu de les résoudre.
Aussi, la prochaine fois que vous entendrez un bobo critiquer les spéculateurs et se plaindre qu’en raison de la spéculation boursière un petit nombre de maîtres du monde est en train de prendre le contrôle de toutes les entreprises, vous saurez quoi répondre. Je ne plaisante pas … cela m’est arrivé d’entendre ça.
Autres regards libéraux
Les libéraux rappellent que la spéculation a pour effet principal de réduire les écarts entre les évaluations d'un même bien par des acteurs différents. Par exemple, spéculer sur la pénurie d'un bien consiste à acheter ce bien aujourd'hui pour le revendre demain plus cher, ce qui a pour effet de pousser à la hausse le prix actuel du bien, et donc de pousser à une augmentation de la production, et d'augmenter les quantités disponibles dans le futur, donc d'en baisser le prix tout en atténuant la pénurie prévue. Autrement dit, toute spéculation tend à éliminer les motifs mêmes de cette spéculation. C'est la notion à la base même de la théorie financière moderne avec l'absence d'arbitrages. Cette analyse ne repose nullement sur l'hypothèse du marché « pur et parfait », les mécanismes décrits pouvant jouer sans que le système atteigne jamais l'équilibre.
Philippe Manière va plus loin dans la défense de la spéculation d'un point de vue libéral, en écrivant dans L'aveuglement français que le spéculateur ne peut gagner que s'il y a des faiblesses déjà existantes dans l'économie du pays qu'il ne fait que révéler. Autrement formulé, l'action du spéculateur (sur les monnaies dans l'exemple cité) n'est pas un déséquilibre du marché mais au contraire un rééquilibrage du cours à sa juste valeur. Et Manière de rappeler que Soros perdit presque autant d'argent en misant à tort contre le franc en 1992 qu'il n'en gagna en misant à raison contre la livre[3].
Le spéculateur ne fait que mettre à jour les failles (ou les forces) d'une économie : s'il gagne, c'est que l'économie lui a donné raison ; s'il perd, tant pis pour lui (c'est son argent). Mais une telle évidence est trop simple pour le politicien, qui cherche à renverser les responsabilités : pour lui, le vrai coupable n'est pas le surendetté, mais son créancier ; pas la mauvaise politique, mais celui qui se permet de spéculer sur ses résultats prévisibles ; pas la dépense étatique, mais l'austérité et la rigueur. Le spéculateur est le bouc émissaire parfait, tout comme l'était le "financier juif" dans les années 1930 : il est sans visage, supposément très riche, et il a l'impertinence de révéler nos erreurs et notre impéritie, voire de parier contre nos intérêts.
Existe-t-il une "mauvaise" spéculation ?
Les manipulations de marchés, le "shadow banking", la vente à découvert, etc. favorisent une forme de spéculation. Ce n'est que dans la mesure où de telles pratiques visent à tromper les autres investisseurs qu'elles ont un caractère frauduleux et c'est aux organisateurs des marchés de les interdire a priori par contrat et aux juges de les punir a posteriori. Autrement, il appartient aux autres investisseurs, qui n'en sont pas moins des spéculateurs, de ne pas se laisser tromper.
La cause principale d'une spéculation malsaine est la création monétaire ex nihilo, issue de l'action de la banque centrale, qui engendre des "bulles spéculatives" et des distorsions artificielles sur les marchés :
- Les banques centrales sont des gardiens pyromanes qui alimentent le feu de la spéculation par leur politique monétaire. (Philippe Simonnot)
FOREX
Le marché des changes, qui est généralement connu sous le nom de « Forex » ou « FX » (Foreign Exchange), est le plus grand marchéfinancier au monde. Par rapport au "maigre" volume quotidien de 22,4 milliards de dollars du New York Stock Exchange, le marché des changes semble absolument énorme avec son volume de 5 trillions (5 milliards de milliards) de dollars de devises échangées chaque jour.
Pour beaucoup d'anti-libéraux, le monde de la finance est un monde de personnes sans scrupule qui s'enrichissent grassement. Dans le langage éculé de la pensée marxiste, les financiers représentent la nouvelle classe dominante des riches dont il faut réduire l'importance. Or, cette pensée anti-capitaliste déborde le cadre idéologique marxiste pour envahir les esprits de leurs opposants et amis protectionnistes.
Pourtant, celui ou celle qui participe au FOREX directement ou indirectement n'est pas seulement un trader professionnel. Quiconque voyage dans un pays avec une autre devise que la sienne est amené à effectuer du change soit à l'aéroport, soit dans un comptoir d'une banque. Le touriste est un trader quelque soit sa richesse initiale. Il participe au marché des changes, c'est-à-dire qu'il ou elle échange une devise contre une autre. Mais les critiques adressées au marché du FOREX sont faussement liées à la pratique de la spéculation.
Les traders sur le Forex utilisent principalement trois types d'analyses plus ou moins distinctes :
- L'analyse fondamentale
- L'analyse technique
- L'analyse chartiste
Les devises sont échangées par paires, c'est-à-dire que l'on échange une monnaie avec une autre. En général, l'analyse fondamentale consiste à comparer le taux de change d'une monnaie par rapport aux autres monnaies comme étant le reflet de l'état de santé économique de ce pays, par rapport aux économies d'autres pays. Si, par exemple, l'économie japonaise est considérée en piteuse situation, le taux de change du yen va se déprécier par rapport à des devises aux économies considérées comme plus fortes. Puisque que l'analyse fondamentale consiste à regarder la valeur intrinsèque de l'investissement, son application sur le Forex implique l'observation des conditions économiques qui affectent l'évaluation de la monnaie d'une nation. Plusieurs facteurs principaux jouent un rôle dans le mouvement de la monnaie.
L'analyse technique se base sur des indicateurs issus de formules mathématiques plus ou moins complexes. La moyenne mobile est sans doute l'indicateur technique le plus ancien, le plus simple et le plus utilisé par les traders. Mais, à côté de la moyenne mobile, il y a des milliers d'autres indicateurs plus ou moins sophistiqués. La recherche du Graal pour les traders est de trouver le ou les indicateurs techniques leur assurant le succès. Malheureusement, faute d'une épistémologie et d'une méthodologie rigoureuse sur la théorie des prix et une théorie des marchés, l'activité des traders se transforme quelquefois et, pour beaucoup souvent, en catastrophe financière.
Depuis le XVIIe siècle, le Japon a développé une très grande connaissance de l'évolution des prix sur les marchés. Les chandeliers japonais sont reconnus comme une technique de visualisation des échanges agrégés (prix d'ouverture, prix de clôture, prix le plus haut, prix le plus bas) sur une période donnée (ouverture et fermeture du marché). C'est une technique de reconnaissance de formes des bougies qui permet d'induire les pensées optimistes ou pessimistes des traders. D'où l'anticipation de l'évolution des prix en fonction de chandelles clés (de retournement, de continuation, etc.). De façon distincte mais analogue, un mouvement chartiste s'est développé aux États-Unis au début du XXe siècle. La croissance de la bourse de New York s'est accompagnée d'une industrie journalistique d'analyse des cours. Cette analyse s'est avant tout effectuée par l'attention portée aux graphiques des cours et aux formes particulières que peuvent prendre les cours dans des situations particulières (ligne de support[1], ligne de résistance[2], avec leurs corollaires : rebonds et cassures, les points pivots[3], etc.)
- 2Les outils de l'École autrichienne permettent-ils de trader avec succès sur le Forex ?
- 3Les profits réalisés sur le FOREX sont-ils justifiés ?
- 4Notes et références
- 5Bibliographie