La réforme attendue de la "banque du pape", l’Institut pour les oeuvres de religion(IOR), semble s’accélérer. Lundi 1er juillet, le directeur général, Paolo Cipriani, et son adjoint,Massimo Tulli ont annoncé leur démission "dans l’intérêt de la banque et du Saint-Siège".
"Bien que nous soyons reconnaissants des résultats obtenus, il est clair aujourd'hui que nousavons besoin d'une nouvelle direction pour accélérer le rythme de ce processus detransformation",
a diplomatiquement indiqué le président de la banque, le juriste allemandErnst von Freyberg, nommé en février par Benoît XVI. Mais cette "démission" porteclairement la marque du pape François, pour qui les errements de cette institution constituentun contre-témoignage dans son entreprise de promotion d’une "Eglise pauvre pour lespauvres".
Blanchiment d'argent et écoutes téléphoniques
Ce nouvel épisode intervient quelques jours après l’arrestation d’un prélat romain, détenteurde plusieurs comptes à l’IOR, le comptable Nunzio Scarano mis en cause pour corruption etblanchiment
d’argent. C’est dans ce contexte que le pape a annoncé, le 26 juin, la créationd’une commission pour enquêter sur le fonctionnement de la
banque. Les cinq enquêteurs,parmi lesquels le cardinal français Jean-Louis Tauran, auront accès aux documentshabituellement couverts par le secret, a précisé le pape, qui souhaite "ajuster la [banque] etses
activités aux exigences du temps et aux principes de l'Evangile". Il avait quelques joursauparavant procédé à la nomination de Mgr Battista
Ricca, un homme de confiance, au postede "prélat" de l'IOR, une sorte de numéro deux qui a droit de regard absolu. Il y a un an, surfond de querelles internes, le président de la banque, Ettore Gotti Tedeschi, qui avait étédémis de ses fonctions pour "incompétence". M. Cipriani, lui, avait déjà fait l’objet d’uneenquête en
2010 pour violation de la loi anti-blanchiment. Mais aucune charge n’avait étéretenue contre lui et Benoît XVI l'avait maintenu à son poste.
Selon des écoutes téléphoniquesmenées dans l’enquête toujours en cours, le directeur général et son adjoint étaient en contactrégulier avec M. Scarano pour discuter de retraits et de dépôts de sommes importantes sur des
comptes d’IOR. En juin, M. Cipriani estimait encore dans un entretien au journal italien IlGiornale l’importance de l’IOR pour garantir "l’indépendance de l’Eglise" en matièrefinancière.
Un prélat du Saint-Siège a été arrêté vendredi par la police italienne dans le cadre d'une enquête plus vaste sur la banque du Vatican (IOR). Il a rejeté lundi les accusations de blanchiment d'argent et de corruption pesant sur lui.
Mgr Nunzio Scarano, 61 ans, prêtre, « a réaffirmé avec force sa moralité et sa disponibilité vis-à-vis des autorités judiciaires italiennes à tout moment », ont indiqué ses avocats, cités par la presse italienne. « Il s'est défendu et nous avons demandé son assignation à domicile dans un lieu où il puisse célébrer la messe », ont précisé Francesco Caroleo Grimaldi, Silverio Sica et Luca Paternostro à l'issue de l'entretien de trois heures de leur client avec la juge Barbara Callari.
20 millions d'euros
Nunzio Scarano travaillait à l'époque à l'Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA), l'organisme qui gère les biens du Saint-Siège. Selon le Parquet, lui et deux autres personnes - un sous-officier membre des services de contre-espionnage italiens et un intermédiaire financier - ont tenté de rapatrier à partir de la Suisse 20 millions d'euros en espèces, "fruit d'une fraude fiscale".
Remettre de l'ordre
Cette affaire n'est qu'un des aspects d'une enquête beaucoup plus vaste, ouverte en septembre 2010, sur le fonctionnement de l'Institut pour les oeuvres de religion (IOR).
Le pape Benoît XVI, puis son successeur François ont décidé de remettre de l'ordre dans l'IOR, nommant successivement de nouveaux responsables et instaurant des contrôles de plus en plus sévères sur cet institut tristement célèbre dans la péninsule en raison de son implication dans plusieurs scandales retentissants.
L'IOR gère 19 000 comptes appartenant en majorité au clergé catholique.
Sept tentatives de recyclage d'argent sale en 2013
Depuis plusieurs années, l’IOR est soumis à la pression des organismes internationaux delutte
anti-blanchiment pour se mettre en conformité avec la réglementation. En 2012, le Saint-Siège a décelé six tentatives de recyclage d'argent
sale au Vatican ; et, alors que les contrôlessont désormais plus systématiques, on en dénombre sept sur les six premiers mois de
l’année2013. L’IOR a été fondé en 1942 par le pape Pie XII pour gérer les avoirs des oeuvresreligieuses. La banque héberge aujourd’hui 18 900 comptes, principalement ceux de religieuxet religieusesà travers le monde, mais aussi ceux d’employés du Vatican ou de diplomatesauprès du Saint-Siège, pour un montant de quelque 7 milliards
d'euros. L'image de l'IOR a éténotamment ternie par son implication dans la banqueroute du Banco Ambrosiano, dont leprésident, Roberto Calvi, avait été retrouvé pendu en juin 1982 au pont de Blackfriars àLondres.
Le ménage continue à la banque du Vatican
Source, journal ou site Internet : Le Monde
Date : 2 juillet 2013
Auteur : Stéphanie Le Bars