Derrière le glamour, les paillettes et la magie du cinéma, le Festival de Cannes est aussi une entreprise. "Le budget du Festival représente environ 20 millions d’euros dont la moitié provient de fonds publics", explique l'organisation sur son site internet.
Et sans argent, pas de fête. C'est ce qui s'est passé en 1948 et 1950, où le festival a tout bonnement été annulé faute de financement suffisant.
Mais aujourd'hui les fonds sont là. Le ministère de la Culture (Centre National de la Cinématographie) alloue un peu plus de 3 millions d'euros. La Ville de Cannes est également un gros contributeur. La précédente édition du festival lui a coûté quelque 5,3 millions d'euros dont 2,1 millions d'euros de subventions. Le reste correspond à des achats d'espace et des prestations assurées par la ville. Sans compter la mise à disposition de la luxueuse Villa Domergue, les réceptions presse et toute la logistique urbaine. D’autres collectivités territoriales comme le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d'Azur et le Conseil Général des Alpes Maritimes sont également mises à contribution.
Le président du festival, se plaint toutefois de voir les subventions s'évaporer. Comme celle de 72.000 euros que le ministère des Affaires étrangères a supprimée en raison du "contexte budgétaire" et de la priorité donnée au "soutien à la production et à la diffusion des cinémas du Sud".
"Le financement (public) est complété par les apports d'un certain nombre de groupements professionnels, partenaires institutionnels et de sociétés privées, partenaires officiels du Festival", peut-on lire sur le site officiel.
La liste des partenaires officiels est longue: de la chaîne de télévision Canal+, à la compagnie aérienne Air France en passant par la maison d'horlogerie-joaillerie Chopard, le coiffeur Jacques Dessange, Kodak, Orange, Nestlé et Renault.
Le montant des droits donnés au festival par les partenaires est un secret bien gardé par les clauses des contrats de droit privé. Mais l'investissement financier pour obtenir cette "mention dorée de partenaire officiel" ainsi que pour être présent au festival est conséquent.
Canal + débourse "6 millions d'euros pour descendre à Cannes". La chaîne du cinéma depuis 15 ans diffuse en exclusivité, en clair et en direct la cérémonie d'ouverture ainsi que le palmarès. Et une couverture quasi exhaustive de la quinzaine. Ce partenariat, renouvelé jusqu'en 2011 permet à la chaîne de bénéficier de l'aura du Festival et Cannes bénéficie ainsi d'une tribune de premier choix. Canal+ finance le cinéma et trouve son intérêt à le promouvoir.
Tous les partenaires sont mis à contribution. La maison Chopard réalise, elle, La Palme d'Or, les mini palmes et la caméra d'Or. Kodak dote le Prix de la Caméra d'Or de 50.000 euros en pellicules prises de vues.
Mais la crise atteint aussi les paillettes de la Croisette. Même si Gilles Jacob assure que les partenaires privés du festival sont au complet cette année. "La fréquentation risque d'enregistrer une érosion légère pour la première fois depuis plusieurs années", reconnaît-il.
Il est sûrement de moins bon ton de faire couler le champagne à flot en cette année de crise. Le magazine Vanity Fair a par exemple tout simplement annulé sa traditionnelle fête.
Renault qui accompagne le festival depuis 26 ans a pour sa part "réduit fortement son budget" en renonçant à une campagne publicitaire, en réduisant de 30% le nombre de ses invités et en ne prêtant plus de voitures aux partenaires du Festival. Renault va tout de même fournir une flotte d'une centaine de véhicules (70 Vel Satis, 30 Espace, 10 Kangoo be bop).
Ces voitures sont destinées à assurer le transport des acteurs et des personnalités jusqu'en bas des marches du Palais du Festival. Elles sont fabriquées spécifiquement 9 mois avant à l'usine de Sandouville. Ces dernières bénéficient de petits aménagements particuliers comme les petits fanons à l'avant des véhicules.
"Le Festival de Cannes est l'événement le plus médiatique au monde juste après les Jeux olympiques" ce qui offre une vitrine incroyable à l'automobiliste et en plus "certaines stars redemandent nos voitures par la suite", explique le service de presse Renault.
Coiffeur officiel du festival depuis plus de 20 ans, Jacques Dessange a, lui, aussi réduit son budget de 10% à 15%. Cette année, seuls 15 coiffeurs, contre une vingtaine en 2008, seront présents sur la terrasse, partagée avec L'Oréal au 7e étage de l'hôtel Martinez, pour magnifier la chevelure de la présidente du jury Isabelle Huppert, des membres du jury, des ambassadrices L'Oréal et "des acteurs et actrices qui n'ont pas leur propre coiffeur", explique le service de presse Dessange.
Cette miseà disposition de coiffeurs se fait en contrepartie de l'utilisation exclusive de la mention partenaire officiel du Festival de Cannes. Le coiffeur qui réalise 45% de son chiffre d'affaires à l'export attache une grande importance à l'image du cinéma.
LE FINANCEMENT
Le budget du Festival représente environ 20 millions d’euros dont la moitié provient de fonds publics par l'intermédiaire du Ministère de la Culture
(Centre National de la Cinématographie), de la Ville de Cannes et d’autres collectivités territoriales (le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d'Azur et le Conseil Général des Alpes Maritimes).
Le financement est complété par les apports d'un certain nombre de groupements professionnels, partenaires institutionnels et de sociétés privées, partenaires officiels du Festival.
LES FILMS
Un comparatif du nombre de longs et courts métrages présentés dans les différentes sections du Festival depuis 1994. Notez que les films projetés au Marché ont plus
que doublés depuis cette date tandis que le Festival s’est volontairement tenu au même nombre au fil des ans.
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LA COUVERTURE MEDIATIQUE
Une présentation en chiffres et par types de supports de la couverture médiatique du Festival depuis 1966. Remarquez que le nombre de journalistes présents à Cannes
a été multiplié par 5 en 40 ans.
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LES ACCREDITATIONS
Combien de professionnels sont accrédités chaque année à Cannes ? D’où viennent-ils ? Quel est la catégorie professionnelle la plus représentée ? Des réponses en
chiffres.
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Le Festival de Cannes, édition 2013, déroule son tapis rouge du 15 au 26 mai. La SOFICA (Société de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel) de BNP Paribas Banque Privée a participé au financement de cinq films sélectionnés pour ce rendez-vous incontournable du cinéma international : un concourt à la Palme d’Or, trois autres figurent dans la sélection Un Certain Regard et un autre est à l’affiche de la section parallèle, La quinzaine des réalisateurs.
> En Sélection Officielle : « Grigris » de Mahamat-Saleh Haroun.
> En sélection Un Certain Regard : « Les Salauds » de Claire Denis, « Grand Central » de Rebecca Zlotowski et « L’inconnu du lac » de Alain Guiraudie.
> En sélection La Quinzaine des Réalisateurs : « Tip Top » de Serge Bozon
Acteur incontournable de l'économie du cinéma en France, BNP Paribas contribue au financement de la production cinématographique française depuis plus de 20 ans.
La polémique sur le financement du cinéma s'invite à Cannes
Le débat sur le financement des films en France, déconnecté de la réalité économique pour certains, est relancé par le réalisateur de The Artist. De quoi animer le 66e Festival de Cannes.
C’est un comble ! Michel Hazanavicius n’est ni patron de start-up ni libéral façon Financial Times. Mais sa récente tribune dans Le Monde n’a pas fini d’agiter les festivaliers à Cannes. Sous le titre "Cinéma : jusqu’ici tout va bien", il dresse l’inventaire des maux à venir, en germe pour qui sait ouvrir les yeux. Au détour de son article, cette remarque fera sursauter les habitués de l’impitoyable loi du marché : "Nous sommes dans une industrie où le succès public n’est plus une condition pour gagner de l’argent."
Allons bon ! Grandi dans une famille de militants CFDT, remarqué pour ses pastiches OSS 117, l’oscarisé Hazanavicius pour The Artist a été poussé par ses pairs à la tête de l’ARP (société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs), ce puissant lobby du cinéma créé par Claude Berri. En proclamant haut et fort que, tout de même, il y a au royaume du septième art des choses qui ne tournent pas rond, sa voix porte.
Un petit film coûté 100 fois plus cher qu'un album
C’est le second électrochoc après celui provoqué, fin décembre, par l’un des principaux distributeurs de la place, Vincent Maraval : "Toute la profession sait pertinemment, mais tente de garder [le] secret : le cinéma français repose sur une économie de plus en plus subventionnée." Un sacré outing aux yeux du grand public qui imaginait, benoîtement, que cinéma et prise de risque étaient indissociables.
Toutes les apparences accréditent pourtant l’idée d’un libéralisme triomphant. "Le film, dès sa fabrication, est une économie de prototype coûteux, rappelle Laurent Vallet, directeur général de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic). Avec 20.000 euros, dans la musique, vous produisez, voire distribuez, un album. Un petit film, c’est 100 fois plus cher."
Quant à l’exploitation en salles, elle tourne au jeu de massacre. Pas un mercredi où un film serait seul au monde, attendu par un public captif. Au contraire, 550 longs-métrages, toutes nationalités confondues, sortent chaque année ! Et les Américains préemptent de 45 à 50% des entrées. Ajoutez, enfin, la diffusion frénétique de films par les télévisions : 7.000 par an, selon une estimation interne de Canal+. Pour résister à cette concurrence sauvage, permettre à des petits d’exister avec un risque minimisé, les pouvoirs publics ont peaufiné un système protecteur, chef-d’œuvre de sophistication.
La fragilité permanente de cette industrie
Dans la vraie vie, nul entrepreneur ne peut se lancer sans fonds pro-pres. Eh bien, dans le cinéma, c’est possible. C’est même une clé d’explication majeure, rarement relevée. "Il suffit de 1.000 euros, note Anne Flamant, directeur à Neuflize OBC, la banque spécialisée du secteur. Il y a quelques années, obtenir sa carte de producteur supposait un capital minimum de 45.000 euros. Ce n’est plus le cas." Un héritage de Mai-68, comme le raconte René Bonnell, ancien patron du cinéma à Canal+, dans son livre Mon cinéma : "La Société des réalisateurs de films obtient [alors] plusieurs mesures en faveur des créateurs : possibilité pour les réalisateurs de créer leur propre société de production avec un capital divisé par trois."
A titre individuel, cette fragilité devrait être transitoire, puisque chaque film enrichit le catalogue, et les passages à la télévision assurent des rentrées régulières. Dans les faits, certains producteurs, plutôt que de consolider leur structure, préfèrent vendre leur catalogue au fur et à mesure, prendre leurs gains et repartir de zéro, ou presque.
L'Etat défend les petits contre les gros
Du coup, les sociétés pullulent de manière déraisonnable. Audiens, qui gère les retraites complémentaires du secteur, recense 2. 071 producteurs cotisants en 2012 sur l’ensemble du territoire, 60% de plus qu’en 2001 ! Dans l’intervalle, la quantité de films s’est accrue de 37%. Ce qui signifie que beaucoup vivotent, ressassent un seul projet, parfois pendant des années. Les entreprises pérennes, réellement actives, tournent autour de 200. "A mettre en regard des 200 films français qui sortent par an, ce qui induit une extrême fragilité industrielle, dit un dirigeant de chaîne de télévision. Beaucoup de producteurs tournent des scénarios pas assez travaillés, car ils n’ont pas les reins assez solides pour attendre. Cela se paie à l’arrivée. S’ils étaient deux fois moins nombreux, ils seraient capables de gérer l’échec et de prendre plus de risques."
Soutenant une politique culturelle qui considère que la diversité du cinéma contribue au rayonnement français, les pouvoirs publics ont toujours défendu les petits contre les gros. Ainsi, le producteur ne mise pas son propre argent, mais fait le tour des guichets pour préfinancer le film et se payer sur la préparation. A l’instar d’un promoteur immobilier. Le guichet des télévisions est particulièrement fréquenté : celles-ci ont l’obligation de dépenser dans le -septième art une somme indexée sur leur chiffre d’affaires. Cette contrainte les rend peu regardantes sur la rentabilité. Pour France Télévisions, voir un de ses films sélectionné à Cannes ou décrocher un césar compte au moins autant que le retour sur investissement. Et tant mieux s’il y a une divine surprise comme Des hommes et des dieux : 468 % de rentabilité !
"Le problème du cinéma, c’est qu’on baigne dans l’argent"
Ces entrelacs de soutiens publics, crédit d’impôt, niche fiscale des Sofica, financements privés des télévisions, quotas en tout genre, garantie de l’Ifcic qui supprime l’éventualité de faillite personnelle faisaient s’interroger André Rousselet, ancien patron de Canal+: "Ce souci d’aider le cinéma n’engendre-t-il pas un système iatrogène ?" Traduction : le médicament ne tuerait-il pas le malade ? Un distributeur s’étrangle : "Le problème du cinéma, c’est qu’on baigne dans l’argent, le niveau de risque est nul !" La réalité est un peu plus subtile.
Vulnérable, le producteur l’est, en effet, pendant les phases de développement. D’autant qu’il est en général engagé sur plusieurs projets en parallèle. "Les droits d’adaptation d’un livre coûtent en moyenne 100.000 euros, et peuvent dépasser 300 .000 pour un best-seller", explique Anne Flamant. "Si, de surcroît, un scénariste de renom a réécrit plusieurs versions de l’histoire, l’addition peut, dans certains cas, atteindre jusqu’à 2 millions d’euros", assure Laurent Vallet.
Menace de dérapage décuplée
Deuxième danger: ne pas tenir les coûts. Le producteur est – juridiquement – celui qui prend le risque de bonne fin. En clair, il doit mener le film à son terme et le livrer. Qu’il trébuche, et les financiers prendront d’autorité les commandes, les sortiront, lui et le réalisateur, de la salle de montage, pour les remplacer par un directeur de production à leur main. Bien sûr, le financement d" imprévus" figure toujours au budget.
Précaution bien utile dans le cas d’Astérix et Obélix au service de Sa Majesté, car le réalisateur a été malade durant deux semaines et la faillite d’une des sociétés prestataires a obligé à refaire les effets numériques. Mais dès qu’un tournage a lieu à l’étranger – c’est le cas de Jimmy P., le film d’Arnaud Desplechin en compétition à Cannes, filmé dans le Montana –, la menace de dérapage est décuplée. Sans même parler de cas atypiques comme L’Ecume des jours, "a priori inadaptable, juge un distributeur, admiratif. Tournage long, costumes, effets spéciaux, imaginaire de Michel Gondry, c’est le genre de projet qui peut dépasser dans tous les sens…"
De fait, plutôt que de brider la créativité de Gondry, le producteur Luc Bossi a géré l’inflation du budget originel. Il raconte dans l’hebdomadaire professionnel Ecran totalêtre allé "chercher le financement complémentaire durant le tournage. Ce qui a été une assez grosse source de stress". Résultat de ses efforts : 1,2 million d’euros qui "ont “sauvé” le film".
Le cas d'Astérix est emblématique
Chaque mercredi, quand tombent les premiers chiffres de fréquentation, le plus stressé n’est pas le producteur, mais le distributeur qui, lui, a misé du "vrai argent". En clair, il a payé toute la promotion (bandes-annonces, affiches…) et un minimum garanti, sorte d’à-valoir qu’il récupérera sur les recettes… à condition que celles-ci existent. En cas de flop, la perte sèche est garantie. "Nous sommes aujourd’hui les plus exposés en termes de risques et les moins protégés de tous les -métiers du cinéma", dit Stéphane Célérier, PDG de Mars (La vérité si je mens ! 3, Polisse…).
Le cas d’Astérix est emblématique. Il n’a réuni que 3,8 millions de spectateurs, or son point mort se situait à 5,5 millions. Le producteur n’a pas été affecté : grâce à l’attente que suscitait le film, il avait très bien couvert, en amont, le budget de 61,2 millions d’euros. Pour le distributeur Wild Bunch, c’est une autre histoire. Il a parié 27 millions et le Gaulois lui laisse une ardoise de 4,5 à 5 millions.
C’est que le cinéma est facétieux. A priori, Danièle Thompson, réalisatrice chevronnée qui sortait de deux gros succès, filait vers un troisième. Las ! Des gens qui s’embrassent, sorti le 10 avril, avec Kad Merad et Monica Bellucci, n’a pas remporté de succès critique ("Il va falloir se lever de bonne heure pour faire pire", a écrit L’Express) et restera un des flops retentissants de l’année. Quant à Turf, de Fabien Onteniente, valorisé par la présence des comiques bankable Alain Chabat et Edouard Baer, il n’a fait galoper que 380.000 spectateurs. Pour 21 millions d’euros de budget ! A ce niveau, les termes "accident industriel" sont un euphémisme.
Véronique Groussard
Trop peu de femmes dans la sélection du festival de Cannes, dans les commissions de financement et sur les plateaux télé. Vous reprendrez bien un peu de parité ?
Par Baptiste Créteur.
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