La Cour des comptes rend public, mardi 9 avril 2013, un rapport sur les faiblesses de l’Etat actionnaire d’entreprises industrielles de défense.
En l'absence d'autres outils régaliens, la présence de l’Etat au capital des entreprises industrielles de défense est aujourd’hui indispensable. Le bilan de l’Etat actionnaire est dans l’ensemble positif : il a su accompagner la modernisation de l’outil industriel français de défense. Cependant, l’Etat a fait preuve, à de nombreuses occasions, de faiblesses. La Cour estime qu’il ne doit plus agir au coup par coup mais adopter une stratégie d’ensemble. Elle formule à cet effet 5 recommandations.
Les faiblesses de l’État actionnaire d’entreprises
industrielles de défense (PDF, 718,05 kB)
La conclusion:
L’État en position de premier actionnaire, seul ou de concert avec des partenaires industriels français ou étrangers, a accompagné la modernisation de l’outil industriel de défense français, le plaçant parmi les meilleurs mondiaux du secteur :
• il a transformé un ancien monopole (les poudres et explosifs) et d’anciens arsenaux (de la marine et de l’armée de terre) en entreprises commerciales, rendant possibles des partenariats industriels ;
• il a également participé, en tant qu’actionnaire de référence, au développement national et international des groupes THALES, Safran et EADS.
Mais l’État actionnaire a fait preuve, à de nombreuses occasions, de faiblesses :
• il s’est parfois mis en risque de perdre le contrôle d’activités industrielles qui sont au cœur de la défense nationale – risque, par exemple, pour EADS, d’un désengagement inopiné
du groupe Lagardère, lourdement endetté ; risque d’une OPA non sollicitée sur Safran, dont 90 % de l’activité est civile
• il a accepté de diluer son pouvoir sans obtenir de ses partenaires de réelles contreparties
:
- d’une part en termes de niveau de présence au capital : par exemple la participation de l’État
dans Dassault-Aviation, montée à 46,5 % en 1981, est aujourd’hui logée dans EADS, qu’il ne contrôle qu’à 15 % (et 12 % à partir de 2013) ; par ailleurs, Aérospatiale a été apportée à Lagardère, puis à EADS, pour n’obtenir, en fin de compte, qu’une participation de 15 % dans le groupe international, cela sans même que l’État obtienne d’être directement représenté au conseil d’administration ;
- d’autre part, dans l’exercice de ses droits à proportion de sa position au capital : par exemple, la substitution de Dassault-Aviation à Alcatel au capital de THALES se traduit, en fait sinon en droit, par une sensible limitation de son rôle d’actionnaire de référence, alors que l’État demeure le premier actionnaire de ce groupe ; de même, il n’a pas pu, juridiquement, exercer les droits de vote double que, lors de la fusion Sagem-SNECMA, il escomptait détenir à terme dans Safran ;
• il a du mal à arbitrer entre des intérêts parfois contradictoires :
- intérêts du client et intérêts du fournisseur en tant qu’actionnaires de ces entreprises ;
- intérêts patrimoniaux, pas nécessairement cohérents, à court ou moyen terme, avec les intérêts
stratégiques de politique industrielle de défense ;
• il s’est parfois montré incapable de faire appliquer ses décisions par les responsables des entreprises qu’il contrôlait, par exemple :
- échec du projet d’échanges d’actifs entre THALES et Safran dans l’optronique et l’avionique ;
- durée très longue des regroupements dans le secteur de la propulsion solide (« Herakles » -
13 ans entre la décision initiale et la finalisation).
Une alternative ou un complément au contrôle actionnarial public serait la mise en place, en
concertation avec les partenaires européens, d’un dispositif équivalent à l’amendement Exon-Florio américain. L’État pourrait utilement poursuivre cet objectif. Il lui faut, en toute hypothèse, corriger les faiblesses constatées ces trente dernières années dans l’exercice de ses prérogatives d’actionnaires.
Les évolutions les plus récentes sont encourageantes.
L’accord du 5 décembre 2012 qui réorganise le pacte d’actionnaires d’EADS règle à la fois le problème de la sortie du groupe Lagardère et celui de la représentation directe de l’État au conseil d’administration du groupe, tout en offrant à l’État un droit de préemption sur la participation de 46,5% dans Dassault-Aviation au cas où EADS souhaiterait la céder.
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