Le jour d’après l’éclatement de la bulle de l’or comment se présenteront-ils ? platine, palladium, gaz, pétrole, du cuivre, du nickel, zinc, fer ?
Sur les près de 500 milliards qui sont investies dans les ressources naturelles via les ETF, les indices ou les termes près de la moitié sont de
l’or, moins de 30% du pétrole, moins de 20% des matières agricoles et le solde en métaux de base.
A New York les investisseurs réduisaient leurs positions en or, pétrole et cuivre la semaine dernière et une question se pose : comment
préparer, le jour d’après l’éclatement de la bulle de l’or, comment se présenteront certaines matières premières face aux investisseurs ?
Le platine et le palladium ont déjà fait l’objet d’une revue de détail dans le billet précédent et les investisseurs se sont déjà bousculés dans le goulot d’étranglement qui marque la sortie de ce marché étroit. L’attention excessive des investisseurs s’explique notamment par une maigre connaissance de ces deux métaux et des leurs fondamentaux chez les sociétés de gestion de portefeuille. Ces dernières conseillent à l’achat sans pour autant bénéficier d’une expérience terrain ou du trading physique en interne, il n’y a pas chez elles de vécu. Par conséquent leurs recommandations sont dangereuses, leurs analyses n’utilisent pas l’altérité et l’essentielle logique de l’intelligence économique qui structure ces marchés. Imparfaites, au pire sous-traitées ces synthèses sont médiatisées au travers d’un prisme biaisé
NICKEL
De nos jours et comme indiqué dans un billet précédent, il n’y a pas 36 méthodes pour être profitable dans l’industrie du nickel.
Cette remarque est d’autant plus actuelle que des mineurs disposent d’un minerai polymétallique riche de nickel mais aussi d’autres métaux. La
valorisation de ces coproduits (platine, palladium, chrome, cuivre par exemple) permettent de compenser des cours du nickel t très bas. De leur coté, les autres mineurs monométalliques de
nickel sont en grand danger car les prix sont dans un tunnel dont ils ne se hâteront de sortir que lorsque de fortes remises en cause du coté des producteurs seront mise en œuvre.
En effet, les grands groupes mondiaux miniers, (Vale, Anglo-American, Rio Tinto, Xstrata-Glencore et BHP), ont déjà remplacé leurs CEO dans le derniers mois pour adopter de nouvelles méthodes audacieuses adaptées à des enjeux inédits. C’est dans cette continuité que le premier producteur de nickel mondial, Norilsk-Nickel remplaçait récemment sa direction générale, mais ce n’est pas le cas dans tous les groupes produisant du nickel. Ces derniers ont en général manqué d’anticipation et une gestion laborieuse recueillait de faibles résultats ; ils renouvelleront leur management pour ne pas s’affaiblir sous le fardeau supplémentaire de la défiance du marché.
PETROLE : baisse
La première particularité du pétrole est son abondance depuis que les Etats-Unis ont la perspective de devenir premier producteur mondial d’ici 5
à 10 ans.
Parfois il semble qu’il n’y a qu’à Paris que l’on ignore la révolution des hydrocarbures de schiste et de ses suites sur l’économie mondiale aussi
bien en terme de fondamentaux des marchés énergétiques, d’effets anticoagulants sur l’industrie, des portées géopolitiques et de la prospective qu’elle permet de créer aussi bien en terme
d’instabilité de toutes natures, de politique énergétique, de renouveau industriel, de défense et de migration économique.
Nous avons là une démonstration que l’urgence entourant les théories du « Pick Oil » était une injure à la science.
Les différents prix des pétroles sont une seconde caractéristique du marché. Ils reflètent autant des différences de qualité que des insuffisances
logistiques pour transporter la production vers les consommateurs. Sur le graphique les deux extrêmes, une cotation nord américaine en bleue à 70$, et en rouge le Brent à 120$, enregistrent un
écart (en rose) de 65$ le baril en décembre 2012 !
Outre-Atlantique les prix divergent sous l’effet de deux éléments :
• L’abondance des hydrocarbures dans les sables bitumeux et le schiste
• les contraintes logistiques et de raffinage spécifiques aux Etats-Unis rigidifiés par les goulots d’étranglement entre le Dakota, le golfe du
Mexique et la cote Est.
Les contraintes logistiques sont en train d’être levées (Keystone XL, Seaway Permian express, ferroviaire), l’allocation des ressources s’optimisent entre le Canada et le Golfe du Mexique et la fragmentation du marché du pétrole va s’intensifie entre les Etats-Unis et le reste du monde. A terme si les prix du pétrole mondial retrouvaient une unité, il s’équilibrerait t probablement aux alentours de 85- 90$ le baril, assez peu éloigné du prix du WTI actuel (courbe noire).
Cet équilibre à 90$ impliquerait cependant que les Etats-Unis exportent leurs surplus en Asie et vers l’Europe, rien n’est moins certain. De telles exportations ruineraient un avantage concurrentiel industriel nord-américain solide et politiquement moins contestable que la valorisation du dollar. En reviendrons-nous à la dualité américaine conventionnelle : interventionnisme contre isolationnisme.
GAZ NATUREL : baisse et/ou hausse
Le gaz naturel semble en avance sur le pétrole au fur et à mesure que la contagion du schiste s’étend dans le monde. Que faire de tout ce gaz
sinon le vendre en GNL au prix nord-américain ?
Effectivement, en euro/MWh, la courbe verte nous indique un prix du gaz sur le marché libre américain plus de 3 fois plus bas que le prix du
marché libre européen (bleu)et cinq fois moins élevé que le prix de référence japonais basé(orange) , jusqu’à il y a peu, intégralement sur les prix du pétrole.
Les acheteurs japonais, en effet, transforment l’ancienne formule de prix rigide et basée sur les seuls prix du pétrole en une nouvelle formule,
véritable cocktail tenant compte des prix du pétrole mais aussi des prix du marché libre américain.
En France le prix du gaz est calculé à partir de deux références : le prix du pétrole et la courbe bleue. Justement, sur le graphique
suivante en euro/MWH, depuis août 2009, le prix du gaz européen augmente entre 270 et 310 points, mais de 120 points au Japon et seulement de 20 points aux Etats-Unis. Cependant le Brent
n’augmente que de 60 points et le WTI d’à peine 40 points.
La référence marché européen est moins chère que la référence pétrole mais augmente plus vite parce que le prix européen est issu d’un marché sans gaz de schiste, étroit, de deuxième main et il n’est pas parfaitement lié au marché mondial. Cette dernière caractéristique est un embarras si ce marché devait assurer des volumes de livraison physique réguliers au consommateur.
L’investisseur préférera sans doute parier via les marchés européens mais le citoyen européen s’interrogera sur la pertinence d’une facture de gaz de plus en plus volatile qui n’arrive pas à bénéficier des opportunités énergétiques d’un marché du gaz pourtant de plus en plus mondialisé.
FER
Depuis que le prix du minerai de fer est coté chaque jour, son prix évolue autour d’un axe moyen de 120$ la tonne avec des extrêmes aux environs de 80$ et 190$. Pour comprendre le marché du minerai de fer il ne faut regarder qu’un seul indicateur : l’immobilier chinois. Mais, permettez moi l’expression, il ne faut s’y mélanger les pinceaux entre les indices de permis de construire, de départ de chantier, de chantier terminé, et de vente de m². Il s’écoulera 3 à 5 ans entre l’étape une et la dernière ; de surcroit les statistiques ont connus une irrégularité voire une opacité dans le passé. Il faut donc savoir de quoi parle-t-on et ceci peut expliquer certains écarts entre les conclusions d’analyses et les prix du minerai de fer.
Un élément est certain. Après la déflation de 2010, le secteur immobilier chinois n’est pas laissé de coté dans le dernier plan gouvernemental. En 2012 l’allocation gouvernementale pour le logement était d’environ 50 milliards d’euros, 6 millions de logement sociaux étaient terminés, près de 6 millions étaient rénovés et la construction de près de 8 millions nouveaux logements sociaux était lancée, entre 2011 et 2015 ce sont 36 millions de nouveaux logements sociaux qui seront construits
Les prix du minerai de fer resteront dynamiques.
CUIVRE
Les mineurs de cuivre sont riches, 99% (ou presque) sont profitables. Ce n’est pas le cas d’autres mineurs (les mineurs de nickel par exemple).
Les prix se maintiendront-ils élevés ?
Oui, hormis les éléments inflationnistes habituels (appauvrissement et profondeur du minerai, énergie, eau, sociaux…), une partie des coûts
miniers sont absorbés par des coproduits (par exemple l’or ou l’argent) et les prix de ces derniers s’orientant à la baisse les cours du cuivre doivent mécaniquement augmenter pour conserver
l’équilibre minier intact. En outre, la demande chinoise d’infrastructures en immobilière ne faiblit pas.
Il n’est pas exclu que les prix du cuivre puissent retoucher voire dépasser de nouveau les 10 000 dollars la tonne
ZINC
Ecouter un message sur le zinc est comme écouter le répondeur automatique de votre opérateur téléphonique, pourtant 4 éléments restent
importants :
• Des stocks de zinc sont prisonniers d’opérations financières liées au contango.
• Le goulot d’étranglement de la capacité d’affinage n’est pas résolu, les capacités chinoise, 45% du potentiel mondial, atteignent
progressivement la limite de la rentabilité.
• De grandes mines de zinc en fin de vie fermeront en 2013 au Canada, en Australie, au Pérou… et seule la Chine (ou presque) augmente sa
production minière de manière substantielle. Elle produit déjà 35% du minerai de zinc mondial mais le premier producteur mondial est une société belge, Nyrstar, dont la production quitte
Glencore pour rejoindre un autre trader.
• La consommation chinoise est quasiment égale à sa production et toute diminution de d’activité minière chinoise ou d’affinage de Pékin (liées
par exemple à l’environnement ou la rentabilité) provoquerait une surtension immédiate sur les opérateurs ex-Chine.
Le zinc reste un joker.
Le jour d’après la bulle de l’or : nickel, pétrole, gaz, fer, cuivre, zinc
Par DIDIER JULIENNE
Source:
Didier Julienne est stratège des ressources naturelles et intervient dans l’industrie et la finance. Antérieurement, dans les métaux stratégiques, il travaillait au trading du métallurgiste européen Comptoir Lyon Alemand Louyot, dans les directions du chimiste américain Engelhard, puis chez le mineur russe Norilsk Nickel. Il est également administrateur de sociétés
Il participe à différents rapports gouvernementaux notamment sur le secret des affaires à la demande du HRIE, et sur la constitution de stocks stratégiques à la demande du CGIET.
Il est diplômé de l’Université d’Aix-Marseille, d’HEC, auditeur de l’INHES, de l’IHEDN, du CHEDE.
Contact : didier.julienne@mailhec.com
Qu’est-ce une doctrine nationale des matières premières. Trois éléments la fondent : l’indépendance énergétique, l’autosuffisance
alimentaire et l’indépendance minérale. "L’absence de l’une de ces indépendances, a-t-il rappelé, empêche tout développement économique durable".
Puis il a défini ce qu’il convient d’entendre par "matière première critique" et "matière première stratégique", précisant que d’un pays à l’autre, les définitions ne sont pas forcément
identiques.
La situation française ? Beaucoup d’obstacles !
En France, et l’intervenant l’a déploré, il n’a pas été établi de liste de matières critiques "matière première pour laquelle les risques industriels liés au déficit de l’offre sont élevés car il n’y a pas de substitution possible, come par exemple le rhodium pour la catalyse automobile". Didier Julienne aénuméré la liste impressionnante des 17 métaux rares utilisés dans les technologies modernes. Il a souligné que la consommation de ces métaux rares est de plus en plus importante, ce qui perturbe l’équilibre atteint jusqu’ici. Jadis on consommait quelques grammes pour un ordinateur, il faut maintenant plusieurs kilos pour une éolienne.
De plus, la France n’a pas développé de prospection de ces métaux rares, n’a aucun projet d’ampleur dans ce domaine, alors que des géants miniers se sont développés dans diverses parties du monde (et, pour l’Europe, particulièrement en Allemagne). Cependant, comme le rappelle l’intervenant, une mine, c’est environ 15.000 emplois créés... Quant à l’abandon des gaz de schiste, c’est plus de 400.000 emplois perdus...
En France, "on ne connait pas l’horizon géologique sous les 100 mètres" a rappelé l’intervenant (alors qu’ailleurs, en Pologne par exemple, il existe des mines à - 2000 m.) Rappelons que les métaux rares proviennent de plusieurs origines, certains étant issus de métaux majeurs. L’extraction est toujours compliquée, et le problème des déchets reste important puisque tout n’est pas recyclable (par exemple les pots catalytiques).
L’un des problèmes français : "On n’écoute plus l’ingénieur énergéticien. Parlent ceux qui ne savent pas.". Ajoutez à cela une administration compliquée, une mauvaise image des mines, une formation des ingénieurs géologues qui préfèrent choisir l’étranger (pas d’avenir, pas d’emplois) et vous aurez des sociétés minières sans dynamisme. Et il faut oser affirmer que les stocks stratégiques ont été en France "liquidés" (dans les années 90).
Et en Allemagne ?
Didier Julienne a rappelé que l’Allemagne tire 80 % de ses ressources énergétiques de son propre sous-sol. Puis il a abordé le scénario de la politique énergétique allemande. Les éoliennes maritimes ? Elles consomment trop de kilowatts, elles utilisent trop de terres rares, on ne peut pas les dépanner par tempêtes d’hiver, bref, elles n’apparaissent pas comme une panacée, mais plutôt comme des techniques immatures et coûteuses. Autrement dit, il apparait meilleur de faire progresser les énergies renouvelables en s’appuyant plus sur le soleil que sur le vent (parce que les éoliennes sont remplies de métaux rares).
Conclusion : la France doit conquérir une indépendance en métaux rares et ouvrir des mines profondes et non polluantes. Elle doit aussi modifier l’image négative des mines (jugées polluantes et sales alors qu’elles sont aujourd’hui "carbo-positives"). La solution de facilité qui consiste à importer plutôt qu’à prospecter ne pourra pas continuer, sauf à devenir un pays dépendant.
En savoir plus : (extrait de la société chimique de France) :
Les terres rares représentent le groupe des lanthanides (éléments de numéros atomiques compris entre 57 et 71, du lanthane au lutétium) auquel
on ajoute, du fait de propriétés chimiques voisines (même colonne de la classification périodique), l’yttrium (Y) et le scandium (Sc). On distingue les terres cériques (lanthane, cérium,
praséodyme et néodyme) des terres yttriques (les autres terres rares). Malgré leur nom, les éléments constituant les terres rares ne sont pas rares. Le plus abondant, le cérium, est plus
répandu dans l’écorce terrestre que le cuivre, le plus rare, le thulium, est 4 fois plus abondant que l’argent. Le prométhium (Pm), radioactif (période de 147Pm = 3,7 ans), n’existe pas à
l’état naturel. Il apparaît comme isotope instable dans les produits de fission de l’uranium. Les teneurs des minerais en scandium sont toujours très faibles : quelques ppm à quelques
dizaines de ppm. Souvent, naturellement, le thorium et l’uranium, radioactifs, sont associés aux terres rares. Minerais : les principaux minerais sont la monazite et la bastnaésite.
Monazite : orthophosphate de terres rares et de thorium, (TR,Th)PO4, c’est le minerai le plus abondant. C’est également le principal minerai de thorium. C’est souvent un sous-produit du
traitement de l’ilménite (minerai de titane), exploitée dans les sables de plages, en Australie, Inde, Brésil, Malaisie… Le minerai est enrichi, à environ 60 %, par séparation magnétique.
Bastnaésite : fluorocarbonate, (TR)FCO3, à forte teneur en terres cériques et, relativement, en europium. Exploitée en Chine (sous-produit d’une mine de fer, à Bayan Obo, Mongolie
Intérieure) et aux États-Unis (Mountain Pass, dans le comté de San Bernardino, en Californie, par la société Molycorp). Aux États-Unis, le minerai de 7 à 10 % de teneur initiale est enrichi à
environ 60 %, par flottation.
Le gisement de terres rares de Bayan Obo dont le minerai est traité à Baotou, est le plus important au monde : ses réserves sont de 600
millions de t de minerai contenant 34 % de fer, 5 % d’oxydes de terres rares et 0,032 % d’oxyde de thorium. 2 mines contenant des terres rares sont exploitées à ciel ouvert. La production
d’acier est 4,9 millions de t/an avec une production annuelle de concentré de terres rares de 100 000 t/an contenant de 49 à 59 % d’oxydes de terres rares.
Autres minerais :
Xénotime : orthophosphate de terres yttriques,
renferme des teneurs d’environ 55 % d’oxydes de terres rares. C’est un sous-produit du traitement de la cassitérite (minerai d’étain) exploitée en Malaisie.
Loparite : niobiotitanate de terres rares présent
en Russie, dans la péninsule de Kola. Les concentrés obtenus titrent environ 32 % de terres rares, surtout cériques.
Minerais phosphatés : l’apatite de Kola, en
Russie, renferme de l’ordre de 1 % de terres rares qui sont récupérées lors de la transformation de cette apatite en engrais phosphaté.
Argiles : appelées minerais ioniques, certaines
argiles exploitées dans le Sud-Est de la Chine (Xunwu, Longnam) renferment environ 0,2 % d’oxydes de terres rares sous forme d’ions adsorbés qui sont récupérés par lixiviation à l’aide de
solutions salines. Elles renferment très peu de cérium, des teneurs élevées en europium et des teneurs très variables en yttrium.