Chypre* a trouvé dans la nuit de dimanche à lundi 25 mars un accord avec ses bailleurs de fonds internationaux pour éviter la faillite et la sortie de la zone euro, au prix de lourdes pertes pour les créanciers de la première banque du pays et la fermeture pure et simple de la deuxième.
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100.000 : C’est, en euros, la somme autour de laquelle tout se joue. L’accord prévoit la fermeture de Laïki, la deuxième banque du pays. Les détenteurs d’actions, d’obligations et les dépôts au-dessus de 100.000 euros seront durement frappés. En revanche, les dépôts inférieurs à cette somme seront préservés. Du côté de Bank of Cyprus, le premier établissement du pays qui compte beaucoup de déposants russes, la banque ne disparaîtra pas. En revanche, les déposants au-dessus de 100.000 euros vont eux aussi subir des pertes importantes.
30% : C’est la décote des valeurs pour les dépôts supérieurs à 100.000 euros de la Bank of Cyprus, selon les termes de l’accord conclu par Chypre avec les bailleurs de fonds européens, a annoncé lundi le porte-parole du gouvernement chypriote Christos Stylianides.
4,2 : C’est, en milliard d’euros, ce que pourrait rapporter le démantèlement de Laïki afin de compléter le plan de sauvetage international. Le parlement chypriote avait rejeté la semaine dernière un précédent accord, qui prévoyait de ponctionner les dépôts dans les banques chypriotes à hauteur de 6,75% en dessous de 100.000 euros et de 9,9% au-delà, afin de lever au total 5,8 milliards d’euros.
10 : C’est le nombre de jours depuis lequelle les banques chypriotes sont fermées pour éviter la fuite des capitaux. Elles pourraient ne pas rouvrir mardi comme prévu. La décision sera prise « dès que possible », a indiqué le ministre des Finances Michalis Sarris. En attendant, les clients des deux plus grandes banques doivent composer avec une nouvelle limitation des retraits aux distributeurs à 120 euros par jour à la Bank of Cyprus, et 100 euros à la Laiki, selon l’agence CNA.
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L’affaire de Chypre nous rappelle un principe simple : dans une zone d’état de droit, il n’y a pas de place pour une collectivité ne le respectant pas. Et comme on ne peut pas admettre une zone de non-droit dans Marseille, on ne peut pas l’accepter non plus à Chypre. Comme il n’est pas question d’exclure de la nation les quartiers nord de Marseille, la seule chose à y faire et d’y faire respecter la loi. Par contre, pour Chypre, l’exclusion est possible, et doit être envisagée.
Même si la crise de Chypre a été gérée en dépit du bon sens par un Eurogroupe à la dérive, et même s’il est vraisemblable qu’on va trouver les 15 milliards nécessaires pour colmater les brèches d’un système bancaire totalement pourri, on ne peut durablement admettre, dans une zone partageant une monnaie tentant de devenir une des plus sérieuses du monde, la présence d’une des places financières les plus opaques de la planète : Ou Chypre devient un payséthiquement irréprochable. Ou Chypre n’a plus sa place dans la zone euro.
Pour certains, la sortie de Chypre n’est pas envisageable parce que cela conduirait à son effondrement, à la ruine de tous les Chypriotes, au transfert des avoirs de ses banques vers la partie turque de l’ile et vers d’autres paradis fiscaux encore moins fréquentables ; et transformerait Chypre en un porte- avion pour des puissances criminelles.
Pour moi, le risque mérite d’être couru : laisser durablement une telle machine de blanchiment de l’argent sale prospérer à l’intérieur de la zone euro, c’est la gangrener de l’intérieur. Elle attirerait de plus en plus de capitaux infréquentables, qui y gagneraient une respectabilité, tout en ruinant celle de l’euro. Les banques chypriotes étant de plus en plus liées à celles du reste de la zone, celles-ci devraient fermer les yeux sur la nature de plus en plus contestable de leurs déposants. Dans un monde où l’économie criminelle prend, et prendra, des proportions de plus en plus vertigineuses, l’euro deviendrait la monnaie des mafias et ne pourrait jamais devenir un instrument d’échange mondiaux. Il faut donc imposer à Chypre, en échange de la solidarité de la zone, les règles les plus strictes en matière de transparence bancaire, qui sont exigées, et appliquées, par les banques françaises, en France.
Tout cela était prévisible depuis des années. Au moins depuis que la Grèce a échangé avec l’Allemagne l’entrée dans l’Union de Chypre contre celle de la Pologne. Et plus encore depuis que le défaut des banques grecques sur leurs obligations privées a particulièrement pénalisé les banques chypriotes. On a préféré ne rien faire et attendre la dernière minute, venue avec l’élection présidentielle chypriote.
Il faut donc en tirer une leçon plus large encore et cesser d’attendre le dernier moment pour régler les problèmes devenus insolubles. En matière d’éthique financière en Europe, les problèmes sont connus et nombreux. Il faut oser les aborder au plus tôt :
- Eliminer les autres paradis fiscaux et bancaires : Malte, la Slovénie ; et au-delà, se poser la question du Luxembourg, dont le statut bancaire et fiscal nuira un jour gravement à la crédibilité de l’euro. Et ne pas faire entrer dans l’eurozone la Lettonie, au système bancaire encore tres obscur.
- Solvabiliser les banques de la zone, aujourd’hui encore trop souvent financées de facon tres instable et obscure.
- Gérer l’introduction, éthiquement justifiée, de la taxe sur les transactions financières d’une facon telle que les marchés n’étouffent pas en réponse la liquidité des entreprises, provoquant un nouveau crash majeur.
- Cesser de mentir à tous, en laissant croire que la création monétaire suffira à recréer de la croissance et à éliminer la dette. La planche à billets n’est pas éthique ; elle ne fait que transférer les actifs les moins surs dans les bilans des banques centrales et prépare l’inflation, impôt sur les plus pauvres.
- Éviter le risque de contagion de la crise chypriote aux systèmes bancaires italiens et espagnols. L’Italie, notamment, subit depuis plusieurs mois une baisse préoccupante de l’investissement privé et du crédit bancaire.
Pour faire tout cela et rendre éthique la finance, il faudra bien plus qu’une réunion d’un Eurogroupe disqualifié. Cela implique des choix philosophiques et géostratégiques majeurs. Qui osera les faire ?