Rêve et réalité
Qualifier les échanges capitalistes de "volontaires" ne nous aide pas dans les débats avec nos adversaires.
Car il est vrai que je *ne veux pas* travailler pour 1.000 euros par mois, le salaire que je veux vraiment est 10.000 euros par mois. Je *ne veux pas* aller à l'hôpital, je veux être toujours en bonne santé.
Les échanges capitalistes ne sont pas volontaires.
Mais ils sont libres.
On ne peut estimer juste pour soi ce que l'on estime injuste pour les autres
Il faut un effort d'abstraction pour accepter d'abord la réciprocité - si je peux exiger et obtenir le salaire que je souhaite, mon boulanger peut-il exiger en retour et obtenir le prix du pain à la tête du client ?
Et ensuite comprendre la différence entre un échange libre et un échange contraint.
Elle est à repérer dans la relation entre les parties.
Si je suis obligé de prendre un emploi, est-ce l'entreprise de qui je le sollicite qui me place dans cette situation, ou est-elle au contraire ma planche de salut dans un environnement économique qui nous est commun ?
Si je suis malade, est-ce la direction de l'hôpital qui a répandu des germes pour augmenter sa clientèle, ou suis-je victime d'une maladie qui n'épargnerait pas non plus le personnel soignant, mais auquel, entre temps, je suis bien content de me confier ?
Lorsque les hommes de l'État dirigent l'économie, ils sont à la fois coupables du chômage, dont ils se préservent, et dispensateurs de l'emploi.
Nous ne sommes donc pas libres devant eux.
Mais je suis parfaitement libre devant Nike, même lorsque Nike est le seul employeur de mon village indonésien, parce que Nike n'y a pas causé la pauvreté.
Nike vient au contraire offrir, au moins à quelques personnes, la possibilité d'améliorer leur condition.
Comme l'hôpital,
Nike prend avantage d'une situation dont les gens ne veulent pas, mais dont Nike n'est pas plus responsable que le dépanneur n'est de la panne, et les sauveteurs du naufrage.
Pour reconnaître si nous sommes libres, il faut identifier ce qui nous contraint
J'ai le choix entre donner ma bourse et perdre la vie, mais ce choix n'est pas libre puisque les deux termes sont signifiés par le même individu (le voleur).
Mais c'est bien un libre choix que de mourir de faim ou travailler pour Nike, si Nike n'est pas responsable de la disette et n'a pas les moyens de remplir mon assiette autrement qu'en m'offrant un emploi.
Nous sommes libres par rapport à toute personne qui ne nous contraint pas.
Il faut ensuite, comme tous les penseurs libéraux nous y invitent, distinguer la liberté de la capacité.
Je suis parfaitement libre de vivre jusqu'à 130 ans et d'acheter une Bentley, personne ne l'interdit, mais en-ai je la capacité?
Réclamer cette capacité revient à faire une pétition contre la nature, c'est le travail de la science et de la technique que d'y répondre, ou imposer ma volonté aux autres humains, ce qui est le but de toute action politique.
Christian MICHEL, le 1er août 2003