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« L'État pèse sur l'individu d'un poids chaque jour plus écrasant, plus intolérable. De l'homme qu'il énerve et qu'il abrutit, il ne fait qu'un paquet de chair à impôts. Sa seule mission est de vivre de lui, comme un pou vit de la bête sur laquelle il a posé ses suçoirs. L'État prend à l'homme son argent, misérablement gagné dans ce bagne : le travail ; il lui filoute sa liberté, à toute minute entravée par les lois ; dès sa naissance, il tue ses facultés individuelles, administrativement, ou il les fausse, ce qui revient au même. »
Octave Mirbeau, Préface de La Société mourante et l'anarchie, de Jean Grave, 1893.
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L'anarchie est la reconquête de l'individu, c'est la liberté du développement de l'individu, dans un sens normam et harmonique. On peut la définir d'un mot : l'utilisation spontanée de toutes les énergies humaines, criminellement gaspillées par l'État.
- Préface de La Société mourante et l'anarchie, de Jean Grave, 1893
- Combats politiques (1990), Octave Mirbeau, éd. Séguier, 2003, p. 129
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Surtout, souviens toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et
de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs en son pouvoir de te donner.
Octave MIRBEAU
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Les moutons vont à l'abattoir. Ils ne disent rien, et ils n'espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l'électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.
- « La Grève des électeurs », Le Figaro, 28 novembre 1888
- Combats politiques (1990), Octave Mirbeau, éd. Séguier, 2003, p. 112
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« Les ingénieurs sont une sorte d'État dans l'État, dont l'insolence et la suffisance croissent en raison de leur incapacité. Une caste privilégiée, souveraine, tyrannique, sur laquelle aucun contrôle n'est jamais exercé et qui se permet ce qu'elle veut ! Quand, du fait de leur incurie notoire, ou de leur entêtement systématique, une catastrophe se produit, ce n'est jamais sur eux que pèsent les responsabilités... Ils sont inviolables et sacro-saints. »
Octave Mirbeau, « Questions sociales », Le Journal, 26 novembre 1899.
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On ne soulage pas un peuple qui souffre par des aumônes distribuées de temps en temps, et la charité, si ingénieuse et si dévouée soit-elle, est impuissante contre la misère publique.
- « Le Travail et la charité » dansLa France, 20 février 1885
- Combats politiques (1990), Octave Mirbeau, éd. Séguier, 2003, p. 85
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« On a déformé les fonctions de mon intelligence, comme celles de mon corps, et, à la place de l'homme naturel, instinctif, gonflé de vie, on a substitué l'artificiel fantoche, la mécanique poupée de civilisation, soufflée d'idéal... l'idéal d'où sont nés les banquiers, les prêtres, les escrocs, les débauchés, les assassins et les malheureux. »
Octave Mirbeau, L'Abbé Jules (1888)
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Sur le plan politique, Mirbeau s’est rallié officiellement à l'anarchisme en 1890. Mais, bien avant cette date, il était déjà révolté et réfractaire à toutes les idéologies aliénantes, radicalement libertaire, farouchement individualiste, irréductiblement pacifiste, résolument athée depuis son adolescence17, anticlérical, antireligieux18 et antimilitariste19.
Il s’est battu avec constance contre toutes les forces d’oppression, d’exploitation et d’aliénation : la famille et l’école « éducastratrices » ; l'Église catholique et les croyances religieuses (tout juste bonnes, selon lui, pour les pensionnaires de l’asile de Charenton) ; l’armée, les « âmes de guerre »20 et le bellicisme ; la presse vénale et anesthésiante ; le capitalisme industriel et financier, qui permet aux gangsters et prédateurs des affaires de se partager les richesses du monde ; les conquêtes coloniales, qui transforment des continents entiers en jardins des supplices ; et le système politique bourgeois, qui se prétend abusivement républicain, alors qu’il ne fait qu’assurer la mainmise d’une minorité sur tout le pays, avec la bénédiction des électeurs moutonniers, « plus bêtes que les bêtes » : aussi appelle-t-il ses lecteurs à faire La Grève des électeurs : « Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est d’ailleurs pas en son pouvoir de te donner. [...] Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne disent rien, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit. »21).
Pamphlétaire efficace et d’autant plus redouté, Mirbeau met en œuvre une ironie démystificatrice, un humour noir dérangeant et une rhétorique de l'absurde, dans l'espoir d’obliger certains de ses lecteurs à réagir et à se poser des questions, même s’il ne se fait guère d’illusions sur la majorité de son lectorat. Il recourt volontiers à l’interview imaginaire des puissants de ce monde, afin de mieux dévoiler leur médiocrité et leurs turpitudes. Une anthologie de ses articles a paru sous le titre de Combats politiques22.