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Chavez!

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Le vrai bilan du Comandante Chávez

 

 

Venezuela. L’émotion réelle du petit peuple de Caracas ne doit pas cacher l’état dans lequel Hugo Chávez laisse son pays. Notamment sa mortelle dépendance à l’égard du pétrole.


Le successeur de Hugo Chávez, vaincu par le cancer le 5 mars à l’âge de 58 ans, est devant un vaste chantier s’il veut réellement assainir l’économie et ranimer un pays laissé en piteux état par les quatorze années de chavisme. Après avoir fait pieusement embaumer le corps du Comandante, comme ceux de Lénine et de Mao Zedong, le nouveau président devra réveiller les Vénézuéliens du songe bolivarien dans lequel les a entretenus “l’enchanteur de Miraflores”, le palais présidentiel de Caracas. Si ce travail n’était pas fait, le Venezuela serait proche de l’effondrement, malgré ses énormes richesses naturelles.


Le bilan laissé par Hugo Chávez est lourd. Sur le plan politique, ses trois mandats présidentiels ont été marqués par un processus de désinstitutionnalisation et de régression de l’État de droit. Le nouveau régime mis en place à Caracas, à partir de son élection, en 1998, puis du vote d’une nouvelle Constitution, en 1999, a renoué avec les pires traditions politiques latino-américaines : le caudillisme et le clientélisme.

 

 

 

 


Après quarante ans de démocratie libérale (1958-1998), la démocratie « participative et protagonique » conçue par Chávez s’apparentait à un « césarisme démocratique ». Le culte de la personnalité, la concentration des pouvoirs, la polarisation de la société, l’hégémonie médiatique, l’anéantissement des syndicats, les diverses atteintes à la liberté d’expression ont transformé l’État en un instrument de domination de la société au service d’une caste militaire corrompue sinon liée au narcotrafic. Conséquence de cette évolution : un déferlement de criminalité qui fait du Venezuela l’un des pays les plus dangereux et les plus violents du monde.


C’est ce qui ressort des récentes déclarations du juge Aponte, ex-magistrat de la Cour suprême de justice, aujourd’hui exilé aux États-Unis, et des documents divulgués par le site WikiLeaks. L’indice de perception de la corruption 2012 de Transparency International situe le Venezuela à la 165e position sur 176, derrière le Zimbabwe (163), au même niveau que Haïti. Cette corruption existait avant Chávez, mais un entrepreneur français présent dans le pays en témoigne : « Quand les dessous-de-table oscillaient auparavant entre 5 et 10 % d’un contrat, ils pouvaient monter jusqu’à 20 % après l’arrivée au pouvoir de Chávez. »


Sur le plan économique, tous les indicateurs sont au rouge, couleur fétiche du Comandante. Le « socialisme du XXIe siècle », qui succéda à partir de 2006 à la « révolution bolivarienne », a achevé de détruire l’appareil productif. Selon le patronat, 30 % des entreprises ont disparu en une décennie dans la grande région industrielle de la Guayana. Les chiffres de la Banque centrale du Venezuela donnent une inflation à plus de 20 %. C’est moins qu’en 2009 (30 %), mais ce chiffre est le plus élevé d’Amérique du Sud, avec un déficit public qui dépasse 16 % du PIB.


Même la production de pétrole a baissé de 20 % ces quinze dernières années, faute d’investissements, alors que le pays possède les plus grandes réserves de brut au monde. C’est la principale ressource d’un État qui en tire 95 % de ses exportations. Comme ailleurs, à l’image de l’Algérie, la rente pétrolière a conduit à l’abandon de pans entiers de l’activité productive nationale, dont l’agriculture : le pays doit maintenant importer 80 % de sa consommation courante.


La redistribution des revenus pétroliers est faite à travers les “missions” sociales, en direction des plus pauvres, dont la situation s’est bien améliorée. La proportion de miséreux dans la population a baissé de 3 points, celle des pauvres de 5 points. Mais cela remonte déjà aux années 2004-2007, grâce à la croissance de cette période.


« Cette politique sociale n’a eu qu’un impact très réduit sur les carences des secteurs les plus pauvres, estime le chercheur vénézuélien Pedro España. Ils n’ont pu profiter de la rente pétrolière sous forme de rémunération du travail parce que les occasions étaient limitées du fait de leur manque de capacités et d’opportunités. » Les couvertures éducative et médicale ont été améliorées pendant quatorze ans, corrigeant les effets d’une démographie galopante, mais leur qualité et leur efficacité à long terme restent encore à prouver.


Le vrai succès des années Chávez est sur le front diplomatique, même si son rêve “bolivarien” de réunir les pays d’Amérique de Sud n’a pas été couronné de succès. Appuyée sur sa “diplomatie du pétrole” et adossée à Cuba (lire notre encadré ci-dessus), sa rhétorique anti-impérialiste a réussi à peser sur la géopolitique latino-américaine, sinon mondiale. Pour lui, la Maison-Blanche incarnait le diable. Il voyait la main des « yanquis » partout.


Cette diplomatie volontariste de confrontation avec les États-Unis aura rangé le Venezuela derrière Kadhafi, Assad, la Corée du Nord, mais sans beaucoup d’effets réels. Le bloc socialiste mené par Caracas est restreint à cinq pays (Venezuela, Cuba, Équateur, Bolivie, Nicaragua), contrarié par la puissance modératrice montante incarnée par le Brésil. Agonisant depuis deux ans entre Caracas et La Havane, le révolutionnaire Hugo Chávez n’incarnait plus vraiment un modèle pour les dirigeants latino-américains ou leur relève, contrairement au pragmatique brésilien Lula da Silva.


De Bogotá, Michaël Rabier

Photo © SIPA 

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