Selon eux, les demandeurs d'emploi peu qualifiés n'ont de réelles chance de rebondir que si les employeurs sont autorisés à les payer en dessous du salaire minimum.
En France, le risque de chômage est très inégalement réparti selon que l’on a ou non un diplôme. Le taux de chômage des salariés qualifiés, ceux qui sont titulaires au minimum du baccalauréat, n’a presque pas bougé avec la crise, aux alentours de 5%. En revanche, les actifs faiblement qualifiés, ceux qui ont un niveau d’études inférieur au baccalauréat, se sont enfoncés : leur taux de chômage est passé de 9% en 2008 à 13% aujourd’hui. Il est illusoire de penser que leur situation s’améliorera avec le retour de la croissance. Les professions faiblement qualifiées sont soumises à une mutation très forte. Les jobs d’ouvrier dans l’industrie ou d’employé de bureau disparaissent au profit d’automates ou de programmes informatiques : c’est le basculement dans la société postindustrielle. Beaucoup de ceux qui occupaient ces fonctions doivent aujourd’hui s’orienter vers d’autres métiers, comme le tourisme, la santé ou, plus généralement, les services à la personne.
Mais pour créer un grand nombre de jobs dans ces secteurs, il faudrait d’abord résoudre la barrière que constitue le niveau du smic, qui est un véritable frein à la création d’emplois. En effet, la productivité des actifs faiblement qualifiés est insuffisante pour que de potentiels employeurs puissent s’offrir leurs services au tarif du smic. Nous avons en France une forte préférence pour l’égalité : collectivement, le pays n’a pas envie de tomber dans le système des minijobs à l’allemande, mal payés, ou de voir se multiplier les working poors comme aux Etats-Unis.
Un moyen de lutter contre le vote FN
Mais, aujourd’hui, le smic n’est plus l’instrument adapté pour lutter contre la pauvreté. A une époque, il servait à redistribuer les revenus de façon intelligente dans l’entreprise, entre les équipes très qualifiées et celles qui l’étaient peu. Cela fonctionnait pendant les Trente Glorieuses, quand cadres et ouvriers cohabitaient dans les mêmes groupes industriels. Aujourd’hui, l’entreprise n’est plus le lieu possible de la redistribution des richesses : les grandes sociétés qui réalisent des profits n’emploient presque plus de salariés peu qualifiés. Il faut donc redistribuer les revenus autrement, par le biais de l’Etat via un impôt négatif ou une baisse de cotisations sociales…
Les responsables, quelle que soit leur couleur politique, doivent saisir la question à bras le corps et cesser de dire que la courbe du chômage s’inversera pour tous de la même manière après la crise. Pour renverser la tendance, il faut aider les actifs dont la productivité est inférieure au coût du smicà rester employables s’ils ont un job, ou à en retrouver un s’ils sont au chômage. Ce faisant, on pourra faire reculer le vote en faveur du Front national, qui est corrélé au taux de chômage.