Depuis des mois, le Brésil n’arrive pas à faire baisser la tension sociale et la hausse de la criminalité. En pleine Coupe du monde, deux voix de la littérature brésilienne s’elèvent à partir d’Alger et nous racontent les problèmes du plus vaste pays d’Amérique du Sud. Loin du foot, les réalités au Brésil sont inquiétantes. Que se passe-t-il au Brésil ?
Le déroulement de la 20e Coupe du monde de football est accompagné de contestations sociales et de critiques politiques dans cette nation émergente de 200 millions d’habitants. Le Brésil ? C’est la 7e puissance économique dans le monde, une surface de 8 511 965 km2, le plus grand pays d’Amérique du Sud dont les frontières se partagent avec dix pays, y compris la France ! (pour la Guyane). Le Brésil est le seul pays lusophone (d’expression portaugaise) du sous- continent américain. Le Brésil, c’est également le café, la samba, la forêt d’Amazonie, le puma, le jaguar, le perroquet, le poisson pirarucu (le plus grand d’eau douce du monde), les avions Embraer, la danse de la Capoeira, la plage de Copacabana, 240 chaînes de télévision, 2000 radios, les grillades du Churrasco, le maillot b..., le carnaval de Rio, la bossa nova et, bien sûr, le football. Le Brésil est cinq fois champion du monde de football depuis 1958. Invités au 7e Festival international de la littérature et du livre de jeunesse d’Alger (Feliv), qui s’achève aujourd’hui, deux écrivains brésiliens sont venus parler de la balle ronde, de la littérature, mais d’autres choses aussi. Rodrigo Ciriaco, 32 ans, vit à Sao Paulo, plus grande ville du Brésil. Il enseigne dans une école publique, écrit le slam, poésie urbaine, fait du théâtre et publie des nouvelles. Des textes au ton vivace et réaliste comme Pochette surprise, édité dans le recueil Le football au Brésil, onze histoires d’une passion, paru aux éditions Anacaona en France et au Brésil. «Moi aussi, j’ai voulu être joueur de foot, rêve de gamin. Tombeur comme Pelé, dribbleur comme Garrincha, culotté comme Maradona, élégant comme Socrates... des idoles plein la tête», écrit-il. Rogerio Pereira, 41 ans, habite à Curitiba, troisième ville du Brésil, où il dirige une bibliothèque publique. Rogerio Pereira, qui vient de publier son premier roman au Brésil, est fondateur de Rascunho, une revue littéraire de référence dans le pays. Il est mécontent. Comme la plupart des Brésiliens qui ne sont pas satisfaits. D’où les manifestations visibles de colère avant et durant le Mondial 2014. «Le Brésil a été champion du monde de football, a des superclubs, des stars, des passionnés de foot. Cela n’empêche pas les Brésiliens d’avoir la sensation que quelque chose cloche. Ce n’est pas comme autrefois où le foot était un outil d’aliénation du peuple que les politiques utilisaient. Aujourd’hui, on se rend compte que les Brésiliens ont un sens critique aigu», nous dit-il autour d’un café dans le salon du Feliv, à l’esplanade Riad El Feth. «Il y a sept ans, lorsque le Brésil a été désigné comme pays d’accueil de la Coupe du monde 2014, ce fut un grand moment de joie. Depuis les années 1950, le Brésil avait ce désir fort d’organiser le Mondial pour pouvoir gagner la Coupe chez lui. L’autre joie de la désignation du Brésil pour le Mondial 2014, c’était l’héritage de la Coupe. Comme pour les Jeux olympiques, ce genre d’événements sportifs permet un développement des villes, des infrastructures, de la mobilité urbaine, des transports... Les Brésiliens se sont dit, c’est une opportunité pour un pays qui a un développement anarchique de pouvoir enfin tout organiser ou réorganiser», reprend Rodrigo Ciriaco.
Morts sur chantier
Pour Rogerio Pereira, le gouvernement brésilien s’est montré particulièrement incompétent pour gérer le processus de préparation de la Coupe du monde. «Nous avons vu que les travaux étaient en retard, d’autres ne sont même pas finis. Il y a de la surfacturation partout. Et des ouvriers sont morts sur les chantiers», estime-t-il. Rodrigo Ciriaco est également déçu : «On se rend compte que tout se fait au dernier moment, que le planning est mauvais, ce qui est très brésilien. C’est déplorable. L’héritage n’est donc pas à la hauteur des espérances. Beaucoup de projets ont été revus à la baisse ne rapportant donc pas tous les bénéfices qui étaient attendus. La Coupe du monde évoque pour moi aussi la question de l’impunité, de la corruption, du mauvais usage de l’argent public. C’est simple : le Brésil a de l’argent, mais qui ne va pas là où il devrait aller. Sur le chemin, il existe des trous où l’argent se perd. L’idée est réapparue grâce à la Coupe du monde. Le débat a pris une proportion plus grande.» Selon lui, le Parti des travailleurs (PT, gauche) de la présidente Dilma Roussef, est quelque part à l’origine de la corruption au Brésil. «Mais le PT, au pouvoir depuis dix ans, n’est pas le seul responsable, c’est tout un système. Les gens ont été quelque peu loins en sifflant la présidente Dilma Roussef au stade (lors du match d’ouverture du Mondial 2014 le 12 juin). Il y a un respect à préserver pour les institutions», dit-il. Pour Rogerio Pereira, le processus de préparation de la phase finale de la Coupe du monde a été problématique, mais les bénéfices économiques pour les Brésiliens sont évidents. «Le nombre de touristes a sensiblement augmenté. Les Brésiliens vont également bénéficier des infrastructures construites pour cette manifestation. Certains stades ne vont pas se remplir. Je cite l’exemple de l’Amazonie où il n’existe pas de tradition footballistique. Donc, les Brésiliens savent bien qu’il existe des bénéfices, mais quel en est le prix ? Pourquoi le gouvernement a-t-il été capable de libérer de l’argent pour l’organisation de la Coupe du monde et ne l’a pas été pour l’éducation ou la santé ? Combien de routes ou d’écoles aurions-nous pu construire avec l’argent qui a été affecté aux stades ? Les priorités des Brésiliens sont reléguées au deuxième plan par le gouvernement. Aujourd’hui, les Brésiliens estiment que l’éducation et la santé ont plus d’importance qu’une Coupe du monde de foot qui dure un mois», proteste-t-il.
Contradiction permanente
Les Brésiliens veulent, selon Rogerio Pereira, montrer à travers ces manifestations sociales qu’ils aiment le foot, mais ne se laissent pas faire, n’oublient pas que des inégalités existent. «Les Brésiliens ont la capacité d’organiser la Coupe du monde et ont également la capacité de faire une meilleure nation. Le Brésil est le pays de la contradiction permanente. D’un côté, c’est un pays richissime, vaste, mais qui a d’énormes fragilités avec sa périphérie des villes. A Sao Paulo, il y a des rues de millionnaires et des quartiers complètement pauvres. Les poches de pauvreté côtoient celles de la richesse», relève-t-il précisant qu’il faut rompre le cliché Brésil = foot.
Pochettes-surprises
Alors une question : dire que le Brésil est une puissance émergente relève-t-il du marketing ? Pour les deux écrivains, cette question est souvent abordée par les milieux intellectuels brésiliens. Parfois, le débat est abordé sous forme de blague : quelle est donc la définition du Brésil ? «Il est vrai que le Brésil est une puissance agricole, industrielle et technologique. C’est un pays qui fabrique des avions et des automobiles. Une puissance économique qui importe et qui exporte. En interne, c’est aussi un pays inégal, pauvre et avec des analphabètes. Il y a des problèmes sociaux absurdes. L’éducation est un désastre. Mes parents sont totalement analphabètes», s’indigne Rogerio Pereira. Il rappelle que Rodrigo Ciriaco enseigne sans grands moyens dans une école d’Etat à Saô Paulo. «Tous ces problèmes structurels ont une influence sur la société. La santé, c’est une honte dans tous les Etats du Brésil et surtout dans le Nordeste où vit un quart des Brésiliens», dit-il. Le Nordeste, qui regroupe neuf Etats dont Bahia, Sergipe, Ceara et Rio Grande Do Norte, connaît actuellement de graves problèmes économiques malgré ses puits de pétrole et ses terres fertiles. Rodrigo Ciriaco n’est pas sûr que le Brésil va emporter sa sixième Coupe du monde de football le soir du 13 juillet 2014, même si le désir en est très fort. Pour lui, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Argentine sont des favoris. «Le résultat importe peu. L’essentiel est que grâce à la Coupe du monde, nous avons entamé un processus historique. Les Brésiliens se posent des questions politiques. Les consciences se sont éveillées. Il n’y a plus de recul possible. Le débat va se poursuivre après la Coupe du monde, d’autant que nous avons une élection présidentielle l’automne prochain. Il faut s’attendre à des pochettes-surprises. On ne peut rien prévoir pour l’instant. Curieusement, les politiques brésiliens ne s’associent plus au football comme auparavant. Ils ne cherchent plus à récupérer les victoires en football. Ils ont tout simplement peur qu’on critique leur utilisation du foot», conclut Rodrigo Ciriaco.
La littérature périphérique
La littérature marginale est un mouvement d’écriture périphérique brésilien né au début des années 2000. «Le chef de fil de ce mouvement est Ferrez qui est notamment publié par les éditions Anacaona», précise Paula Anacaona, directrice de ces éditions. Ferrez est célèbre par son roman urbain Manuel pratique de la haine sur les violences dans les favelas au Brésil. «Ferrez a lancé ces dernières années les Sarau. Il s’agit de rassemblements populaires hebdomadaires durant lesquels les gens viennent lire des textes qu’ils ont eux-mêmes écrits comme la poésie, les nouvelles. Parfois, il y a du théâtre ou de la danse. C’est quelque chose d’interactif. Ces créations sont souvent en marge du marché éditorial classique. Parfois, ce sont des prisonniers ou des personnes en marge de la société qui écrivent. D’où l’appellation de littérature marginale», explique Rodrigo Ciriaco, lui-même impliqué dans le mouvement à Sao Paulo. Il rappelle que le Brésil a connu plusieurs mouvements littéraires comme «Les modernistes» (les années 1930) ou «La poésie concrète». Les auteurs qui écrivent sur les favelas sont souvent classés dans le courant de la littérature marginale. «Et de plus en plus d’auteurs s’intéressent aux favelas et à ses problèmes aujourd’hui. Le terme “marginal“ n’est plus négatif comme auparavant», constate-t-il.
Le foot n’aliène plus les Brésiliens
Source, journal ou site Internet : El Watan
Date : 20 juin 2014
Auteur : Fayçal Métaoui
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