Elles se sont fondues dans le royaume et dans la “grande nation”, puis transformées en régions dont le nombre pourrait être divisé par deux.
La province, le mot qui puise son origine à la même source gallo-romaine que la France, est peut-être l’un des plus beaux de la langue française. Pascal et Balzac, l’un avec ses Provinciales, l’autre avec ses Scènes de la vie de province l’ont à jamais attaché, non plus seulement à notre histoire, mais à notre littérature et, il faut bien le dire, à ce qu’il est aujourd’hui interdit d’appeler notre génie national. La province, c’est tout à la fois une certaine poésie, des préjugés mais aussi une multitude d’arts de vivre et surtout de mystérieuses frontières intérieures dessinées par les siècles.
Longtemps, nos provinces furent frondeuses et c’est avec beaucoup de mauvaise grâce qu’elles acceptèrent peu à peu de se fondre dans le royaume puis dans la “grande nation”. On se souvient de la puissance des ducs de Normandie, de l’âpre résistance du Languedoc à la croisade franque, des velléités sécessionnistes de l’Aquitaine pendant la guerre de Cent Ans, de la défense acharnée de ses privilèges par une Bretagne quasi indépendante ou encore de la révolte vendéenne. Aussi patients que brutaux, les Capétiens vinrent à bout de tous ces séparatismes et la Révolution acheva le travail en rayant d’un trait de plume les “anciennes” provinces pour les remplacer par le morcellement inoffensif et aujourd’hui bien encombrant de la départementalisation.
Pourtant, au moment même où notre vieux pays absolutiste et jacobin décidait — voici près d’un demi-siècle — de se décentraliser, les provinces longtemps niées par la géographie républicaine décidèrent, alors qu’elles pouvaient renaître, de se transformer en régions. Le mot est affreux, mais son petit côté technocratique rassurait Paris et enchantait les nouveaux édiles, heureux de pouvoir faire dessiner des “logos” absurdes à prix d’or et construire des palais de région tous plus prétentieux les uns que les autres.
Il y a quelques jours, à l’occasion de son discours de politique générale, le nouveau premier ministre annonçait, devant une Assemblée restée bouche bée, la suppression de la moitié des régions françaises à l’horizon 2017. Sans se poser la question de savoir ce qu’allaient devenir tous ces beaux palais de région et les innombrables fonctionnaires territoriaux qui les peuplent, la question de la nouvelle carte régionale a immédiatement agité le landerneau. Comment redessiner la France ?
La solution est pourtant toute trouvée, il suffit de reprendre grosso modo en les simplifiant un peu les limites de juridiction des anciens parlements de province pour se faire une idée à peu près juste de la géographie administrative de demain.
Ironie du sort ou de l’Histoire, celui qui en appelait depuis la tribune de l’Assemblée nationale à la France de Valmy aura amorcé la résurrection de celle de Louis XIV…
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