S'agit-il encore pour nos leaders politiques de "gagner" les élections sur la base d'un programme, ou de recueillir le fruit du rejet de l'autre candidat ?
Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid commençait la révolution tunisienne qui a conduit Ben Ali à quitter le pouvoir. D'autres peuples ont repris à leur tour le slogan "Dégage !" devenu le symbole de ces révoltes. Les années 2010 resteront probablement marquées par une image qui semble se propager de pays en pays et où, invariablement, le peuple en colère se rassemble sans discontinuer sur une place emblématique, comme la place Tahrir au Caire (place de la Libération), pour exprimer sa colère qui se focalise sur le chef de l'État à travers ce cri simple et radical qui résume tous les slogans.
Après le Printemps arabe, on a vu apparaître la même image sur toutes les chaînes d'information en continu, celle d'un envoyé spécial filmé
devant la foule, rassemblée sur une place, jour et nuit, jusqu'à la démission, la fuite, du chef de l'État invité à "dégager". Dans d'autres cas, c'est la guerre civile et les massacres qu'il
déclenche lorsqu'il a les moyens de ne pas "dégager", comme en Syrie. Récemment, ce fut la Turquie, l'Ukraine, la Thaïlande, pays où cela avait commencé avant
même la Tunisie, en 2010. On imagine que peut-être d'autres images similaires montrant la colère du peuple restent cachées, censurées par les régimes les plus autoritaires et les plus fermés à la
communication.
opposant ukrainien torturé
La France a connu dans son histoire bien des révoltes populaires dont les slogans et les pratiques n'ont rien à envier en matière de violence à ces "printemps" des peuples. Inaugurées par le régicide (à l'époque, un déicide) en 1789, les révoltes du peuple français, singulièrement parisien, sont devenues des références pour tous les autres peuples : 1830, 1848, 1870, etc. jusqu'au très "postmoderne" Mai 68.
Emballage publicitaire
Depuis, la France a basculé dans cette démocratie postmoderne où la révolte ne relève plus que de symboles, de paroles, de taxe et de syntaxe, d'images qui circulent sur le Net avant d'échouer dans le gyro-broyeur des médias et surtout de la télévision. Ainsi, l'opération "Hollande, dégage" du dimanche 26 janvier 2014 ne parvient pas à être le moins du monde crédible. Elle se présente comme un emballage publicitaire d'une multitude de mouvements aussi hétéroclites que surannés. Même quand le peuple est très en colère, il n'aime pas trop qu'on se paye sa tête.
Par contre, cette stupéfiante intervention du jeune député Guillaume Larrivé qui a déclenché une bronca à l'Assemblée peut être considérée comme un symptôme. Dans une ambiance digne de la nouvelle émission de Laurent Ruquier, une sorte de Charles Consigny parlementaire réussit à choquer notre impassible Jean-Marc Ayrault. Il est vrai que le député UMP de l'Yonne s'était lâché, reprochant à François Hollande d'avoir été élu "par défaut" et uniquement par "antisarkozysme",
"qu'attendez-vous, demande-t-il au Premier ministre, pour vous en aller ?
Que le président annonce, par un communiqué, qu'il met un terme à votre vie commune ?"
C'était d'un tel mauvais goût que même dans L'Émission pour tous on aurait coupé au montage.
Par prof Kuing Yamang:
Une nouvelle idée circule à l'Assemblée nationale : faire disparaitre la déductibilité de la CSG.
Christian Eckert est le cerveau de cette bande de tyrans fiscaux.
Pourtant, la question soulevée ne manque pas d'intérêt, même si ce n'était ni le lieu ni le moment de la poser.
Ne constate-t-on pas une certaine dérive dans les démocraties postmodernes à jouer avec un "Dégage" imaginaire ?
Nos élus le sont-ils par l'adhésion du peuple à un programme dont il se doute de plus en plus qu'il ne pourra pas être appliqué, ou par le rejet viscéral de celui qui a incarné le pouvoir et son échec à améliorer la vie des gens ?
Dans ces démocraties-là, s'agit-il encore pour les leaders politiques de "gagner" les élections sur la base d'un programme, ou de recueillir le fruit du rejet de l'autre candidat ?
S'agit-il encore de gagner, ou d'aider l'autre à perdre et donc à "dégager" en douceur ?
Par Nathalie Rheims
"Dégage !", par Nathalie Rheims
Source:
Les travailleurs frontaliers manifestent contre l'obligation de l'affilier à la Sécurité sociale française.
Dès que les gens ont le choix, ils fuient la Sécu pour s'assurer dans le privé.