Courants qui se tirent la bourre, fausses cartes d’adhérents, élections suspectes et trafics d’influence : le Mouvement des jeunes socialistes n’a rien à envier à son aîné.
Euhhh !!!
Quand on entre à Solférino, il y a un couloir sur la gauche au fond duquel on trouve deux petites salles. C’est là que le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) tient ses quartiers : une salle pour les permanents, une autre pour que le trésorier puisse “centraliser” les adhésions. Le MJS a beau être une organisation de jeunesse autonome depuis 1993, quand il s’agit de recompter le nombre exact d’adhérents par fédération, c’est dans l’antre du PS que ça se passe.
“Le MJS est peut-être autonome, mais pas indépendant, faut pas déconner, sourit un cadre du mouvement. Et puis quand tu fais des crasses, tu les fais à la maison, pas à Pétaouchnok.”
Alors que s’ouvre le congrès de Saint-Etienne (du 15 au 17 novembre), les jeunes socialistes sont tendus. Ce congrès signe le départ de Thierry Marchal-Beck, l’actuel président, après un seul mandat de deux ans. Pour le remplacer et désigner un nouveau bureau national, trois motions s’affrontent. La motion majoritaire, Transformer à gauche (TàG), dont est issu Marchal-Beck. Le MJS étant une caisse de résonance du PS, on retrouve des courants similaires à ceux des aînés. Mais TàG, une coalition qui va de Benoît Hamon, le président historique du MJS, à Emmanuel Maurel en passant par Henri Emmanuelli, place le MJS très à gauche par rapport au Parti socialiste. Il y a ensuite les motions minoritaires : celle de la Fabrique du changement (FdC) – proche d’Arnaud Montebourg, Martine Aubry, et Laurent Fabius – et celle d’Agir en jeune socialiste (AJS), qui représente le courant de François Hollande, Lionel Jospin, Pierre Moscovici – une sensibilité majoritaire au PS, à la droite du MJS. Alors que les jeunes socialistes sont appelés à voter, on murmure que Laura Slimani, la candidate TàG, remportera la mise. “Elle a été parachutée, souffle un militant d’Ille-et-Vilaine. Elle a travaillé à peine six mois comme attachée parlementaire pour le député de Seine-Saint-Denis, Razzy Hammadi (ex-président du MJS, de 2005 à 2007 – ndlr), et comme par hasard, elle s’est retrouvée au bureau national du MJS.” Un autre insiste : “Thierry Marchal-Beck avait choisi Juliette Perchepied pour prendre sa suite, mais Razzy a préféré appuyer Laura Slimani.” La jeune femme dément. “Je comprends pourquoi on me prête des liens avec Razzy Hammadi, j’ai en effet travaillé quatre, cinq mois pour lui. Mais j’ai eu un parcours classique au sein du MJS, commencé en Garonne comme militante il y a trois ans.”
Tumblr et coups tordus
Les militants restent sceptiques. Il suffit de jeter un oeil au tumblr MJS Mi Amor, un exutoire de 132 pages où se côtoient moqueries et rumeurs sordides. Exemple : “Quand l’ancien président apprend ses tours à la ‘future présidente”, illustré d’un gif d’Angela Merkel pointant du doigt Poutine. Ou encore : “Quand on entend TàG défendre ses amendements…”, suivi d’un gif Boardwalk Empire où Steve Buscemi explique : “Première règle en politique, fiston : ne laisse jamais la vérité se mettre en travers d’une bonne histoire.” Bref, plus qu’un bac à sable, MJS Mi Amor est une source inépuisable sur les coups tordus au sein du mouvement.
Par professeur Kuing Yamang: Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais.
Vu sur:
http://www.enquete-debat.fr/archives/...
Pour la cuvée 2013, les fédérations d’Isère, du Vaucluse, des Alpes-Maritimes et de Haute-Garonne, toutes aux couleurs de TàG, sauf la dernière, tenue par la Fabrique, ont connu des irrégularités à chaque étape de la préparation du congrès. Le processus commence par la centralisation des cartes d’adhérents (le 30 septembre), qui permet de déterminer le nombre d’électeurs par section. Ces derniers se prononcent, sur les trois motions en compétition. Chaque courant obtient un nombre de délégués proportionnel aux résultats, qui, le jour du congrès, éliront le nouveau président. “C’est pire que l’URSS”, se marre un militant parisien.
Des fraudes interviennent à chaque échelon. Concrètement, ça donne des des animateurs fédéraux qui “oublient” de prévenir les courants minoritaires lors des votes (à Nice), ou qui communiquent sur une autre boucle de mail que celle des informations générales (à Grenoble). Dans un mail confidentiel que nous avons vu, une militante du Vaucluse s’inquiète de l’organisation d’une deuxième assemblée générale surprise où TàG pourrait “bourrer les urnes”. “C’est jamais propre un congrès, explique un cadre.Mais la question n’est pas de savoir s’il y a eu des crasses, mais plutôt si ces crasses peuvent vraiment changer le résultat. Le but, c’est que ce soit assez crade pour gagner, mais pas assez pour lancer une polémique nationale.” Une ligne jaune aux contours flous qui n’a pas été franchie… sauf en Seine-Saint-Denis.
Ils choisissent ce pays pour fuir le chômage et l'avenir bien sombre qui les attend en France.
L'eldorado australien, c'est maintenant.
Dans les tranchées du congrès de Reims de 2008
Le sort de la fédération du 93 s’est joué à Solférino, dans la petite salle au fond du couloir. Le 30 septembre, l’animateur fédéral, Raphaël Perrin, centralise ses cartes. Aux 70 déjà déposées en juin, il en ajoute 167. Un nombre impressionnant. Il les paie, c’est-à-dire qu’il donne les cotisations de 15 euros versées par ses 167 camarades, en billets de 50 euros. Refus du trésorier, Mehdi Dardouri. “Billets de 10 ou de 20, mais c’est tout.” Perrin propose un chèque. Dardouri persiste : “C’est non.” On dit à Perrin d’attendre. Il fulmine. A 22 heures, Laura Slimani refuse encore les cartes. “C’est politique.”, aurait-elle dit. A 23 h 50, on apprend à Perrin que 60 cartes venant du 93 ont été déposées à Solférino, remises par l’attaché parlementaire de Razzy Hammadi, Lucas Tidadini. Un procédé inhabituel : lorsqu’on adhère à une fédération, l’usage veut que les cartes passent par les mains de l’animateur fédéral local. Rarement, voire jamais, par Solférino. Perrin est furieux. Pourquoi le bras droit d’Hammadi jette-t-il 60 cartes dans le jeu au dernier moment, alors que les siennes sont rejetées ? Le bureau national prend l’animateur fédéral à part. “On va arranger ça.” Les tractations commencent. Curieusement, Raphaël Perrin fait partie de TàG, tout comme le bureau national du MJS. Mais s’il est dans la majorité, pourquoi cherche-t-on à le déstabiliser ?
Les Français ont un problème avec le libéralisme, toute mesure qui ne va pas dans le sens d'un contrôle total par l'État est mal vue.
Non l'État ne sait pas mieux que les individus comment dépenser leur argent, mais c'est difficile à comprendre dans le pays le plus socialiste de l'OCDE.
Casting : Nicolas Doze et Bruno Vanryb.
Il faut chercher la réponse dans les tranchées du congrès de Reims de 2008. Auparavant, on trouve deux courants à la gauche du Parti socialiste : Nouvelle Gauche (NG), avec Benoît Hamon et Razzy Hammadi, et Alternative socialiste (AS), avec Henri Emmanuelli et Pouria Amirshahi. NG et AS fusionnent pour faire naître Un monde d’avance (UMA) et mieux peser sur le congrès. UMA engrange 18,5 % des voix, ce qui confère un poids à la gauche du parti. Au MJS, ils fusionnent aussi pour devenir TàG. Très vite, des frustrations émergent au sein de ce front commun. Au congrès de Toulouse en 2012, des déçus d’UMA montent Maintenant la gauche (MLG), emmené par Marie-Noëlle Lienemann, Emmanuel Maurel et Jérôme Guedj. On l’appelle aussi la “motion 3″. Raphaël Perrin est MLG. Razzy Hammadi est NG.
60 fausses cartes
Le micmac des cartes ne serait qu’une tentative de reprise de la fédération du 93 par l’ancien président du MJS. “Il y a eu tricherie”, pour l’attaché parlementaire d’Hammadi, Lucas Tidadini. Les 60 cartes sont fausses : elles sont au nom de personnes réelles qui ne se sont jamais inscrites au MJS. Hammadi aurait payé de sa poche 900 euros pour changer le rapport de force au sein de la fédé ? “Razzy n’a rien à voir là-dedans”, assure Lucas Tidadini. Hammadi dément. “Je ne suis pas au courant et je n’ai pas à commenter ces histoires”, se défausse Hammadi avant de blâmer son attaché parlementaire. “Lucas est autonome. C’est peut-être mon assistant mais il a sa propre sensibilité. Il est majeur et vacciné.”
Candidat à la mairie de Montreuil, Razzy Hammadi aurait pourtant toutes les raisons de vouloir contrôler le MJS. Quasiment inexistante il y a trois ans, la fédé est passée de 15 à 320 adhérents au moment où, dans le sillage de l’élection de François Hollande, des personnalités locales ont investi des postes prestigieux (Claude Bartolone à la présidence de l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux à celle du groupe socialiste, Elisabeth Guigou à la commission des Affaires étrangères) ou devenus députés, comme Mathieu Hanotin et Razzy Hammadi. “Razzy n’a pas le même ancrage local que les autres, analyse Antoine Evennou. Parachuté à Montreuil en 2008, il souffre d’un déficit de crédibilité vis-à-vis des autres élus, qu’il comble en contrôlant le MJS pour peser dans le rapport de force au sein du département. Razzy n’a pas pris part à la vie de la fédération socialiste du 93, il n’a jamais assisté aux réunions : le MJS est sa force.”
“Comment ça d’en haut ? C’est moi, en haut !”
Les jours qui ont suivi ont été agités. Emmanuel Maurel, MLG comme Raphaël Perrin, découvre l’entourloupe. Il appelle Guillaume Balas, conseiller régional d’Ile-de-France et chef de file d’Un monde d’avance (UMA), garant du front commun. Balas tombe des nues, appelle Laura Slimani. “Balas la défonce : ‘C’est quoi ce bordel ?”, rapporte un membre bien informé du bureau national. Laura se justifie : “C’est pas moi, c’est des ordres qui viennent d’en haut.” “Comment ça d’en haut ? C’est moi, en haut !”, la tâcle Balas. Elle se met à pleurer et finit par lâcher que c’était Hammadi.
Selon le récit de ce cadre, corroboré par d’autres témoignages mais démenti par Laura Slimani, Guillaume Balas a ensuite appelé Razzy Hammadi, qui “décide de lâcher l’affaire”. Un autre cadre croit savoir que Claude Bartolone, figure tutélaire des élus de Seine-Saint-Denis, est intervenu : “Ça ne vaut pas le coup”, aurait-il dit à son lieutenant Hammadi.
Cet épisode dure une semaine, durant laquelle un nouvel acteur entre en jeu. Face au bazar NG/MLG, le courant Alternative socialiste (AS) se frotte les mains. Ce mélodrame interne au courant majoritaire va lui permettre d’infiltrer l’air de rien la fédération du 93.
Un accordédifiant
L’accord conclu le 10 octobre après moult réunions de l’état-major du MJS est édifiant. Il stipule noir sur blanc que sur les dix membres de la direction du MJS 93, quatre devront être issus d’AS. “En fait, la direction du MJS savait depuis juin que Razzy allait faire de fausses cartes, AS a simplement saisi l’opportunité, analyse un cadre du mouvement. Ils ont laissé Razzy se faire prendre la main dans le sac. Il passe pour un con, Raphaël Perrin perd la main sur sa fédération, et AS implante ses mecs. Qui gagne ? AS.”
Robert est stagiaire à Libertarien TV, ça lui permet une formation pour conquérir le web et une reconversion positive.
Il a des choses à dire.
L’accord signé entre Raphaël Perrin et le trésorier, Mehdi Dardouri, stipule que le silence sera gardé sur ces tractations “au vu de la situation exceptionnelle”. Mieux encore, “le présent accord suppose le respect d’un accord oral préalable sur la composition du corps électoral du congrès 2013″. L’accord préalable, c’est celui passé entre Emmanuel Maurel et Guillaume Balas. Ni l’un ni l’autre n’ont voulu répondre à nos sollicitations.
“La crispation au sein du MJS vient des cadres nationaux : quand il y a des gens qui se détestent en haut, en bas ils t’imposent des trucs pas rationnels, analyse un membre du bureau national. En réalité, l’histoire du 93 ça aurait dû prendre 30 secondes. Mais ils se détestent. C’est à celui qui aura la plus grosse queue.” Il continue : “Aujourd’hui, on laisse le MJS à Razzy pour ne pas qu’il scissionne UMA. Razzy, mine de rien, c’est une grosse figure avec de l’influence et du réseau.”
Raphaël Perrin : “Aujourd’hui, la question du MJS du 93 est réglée. Evidemment, je n’étais pas content, mais c’est ça la politique. Il faut en passer par là pour transformer le réel. Ce qui fait de nous une force, c’est la réalité de notre action, pas ces bisbilles.”