Les membres du gouvernement pointent des problèmes d'organisation au sein de l'exécutif.
François Hollande et Jean-Marc Ayrault poursuivent leur descente. L'affaire Leonarda, les reculs successifs sur la fiscalité, la crise de l'écotaxe ont cristallisé le mécontentement des Français. Dans le dernier sondage Paris Match-Ifop, publié mardi, 75 % des personnes interrogées n'approuvent pas l'action du président de la République, soit une hausse de six points par rapport à octobre. Le premier ministre suit la même pente: 69 % n'approuvent pas son action, en augmentation de quatre points.
Les ministres, qui ont bien compris que le scénario du remaniement s'était éloigné, devraient être soulagés. Mais le moral est au plus bas. Certains d'entre eux ne font pas mystère de leurs états d'âme. Tout au plus s'efforcent-ils de les minimiser devant les journalistes. «On est dans une situation pas très simple en ce moment. Moi, je continue comme si de rien n'était», confie l'un d'eux visiblement ravi de pouvoir multiplier les déplacements à l'étranger pour échapper à la sinistrose. «On se sent un peu frustré, admet avec pudeur un autre. On se dit que l'on fait beaucoup de choses, mais on a l'impression que tout ce que l'on fait n'imprime pas. Il y a une frustration entre le travail accompli et la perception qu'en ont les gens.» Un conseiller ministériel ne prend pas autant de précaution. «C'est, dit-il, le bordel total.»
De jour en jour, le doute s'installe dans l'équipe Ayrault. Il gagne même les Hollandais, ce petit cercle de fidèles censé faire barrage à toutes les critiques, censé être un bouclier pour le chef de l'État. La gestion de l'affaire Leonarda, sur laquelle Hollande était monté en première ligne, a suscité beaucoup d'incompréhension, d'incrédulité et d'agacement. «C'était d'un grotesque total. Cela aurait dû être géré par un secrétaire général de préfecture. Il est toujours possible de se taire sur un sujet quand on est président de la République», tranche un membre de cette équipe désormais déboussolée. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, lui, garde la tête froide face à ses collègues: «Il y a toujours un temps où on est dans le doute. Il faut veiller à ne pas alimenter les rumeurs», confiait-il la semaine dernière.
Par professeur Kuing Yamang: Stéphane Bern : "Le signal est très négatif. Je vois autour de moi plein de jeunes qui partent simplement parce qu'on leur dit "Si vous vous tuez à la tâche, cela ira à l'État et pas à vous"
Il poursuit en évoquant le déluge de critiques après l'exil de Gérard Depardieu et la demande de nationalité belge du milliardaire Bernard Arnault :
"J'ai trouvé que c'était indigne de s'attaquer à eux comme ça. Pendant que eux sont dans le collimateur, tous les autres sont partis !"
"Plus vous faites fuir les grosses fortunes plus ce sont les autres qui vont payer. Au bout d'un moment je prefère qu'il y ait des riches comme madame Bettencourt qui restent ici et qui payent tout ce que moi je ne vais pas avoir à sortir de ma poche."
"On donne un mauvais exemple au monde entier. S'il y a des paradis fiscaux, c'est qu'il y a un enfer fiscal."
"Quand vous voyagez dans les autres pays, les gens vraiment nous jugent très durement. Vous êtes obligé de vous défendre quand vous êtes Français."
"Je suis prêt à faire tous les efforts. Mais je pense que au moins ceux qui payent l'impôt, on doit leur dire merci. Ne pas les jeter à la vindicte populaire comme on le fait. Je trouve ça vraiment désagréable et indigne d'un grand pays démocratique."
Casse-tête
Mais Le Foll, qui défend bec et ongles le cap du président, sait-il que la stratégie de François Hollande, consistant à faire de l'inversion de la courbe du chômage en fin d'année l'alpha et l'oméga de sa communication, commence à susciter des réserves à moins de deux mois de l'échéance. «Le président de la République a raison de se baser sur cette courbe. Mais si l'inversion ne se produit pas en fin d'année, nous aurons un mois de janvier très difficile», affirme une ministre. «Janvier sera épouvantable», prédit un autre. «Il faut arrêter de dire aux Français qu'ils doivent attendre et faire preuve de patience. Mon ministre considère qu'il faut remettre du carburant dans la machine et qu'on ne gouverne pas au frein moteur», s'énerve un conseiller.
« Depuis plusieurs semaines, les problèmes viennent d'arbitrages qui ne sont pas pris. Le dysfonctionnement est organisationnel. »
Agacés, inquiets, frustrés, les ministres cherchent des explications à cette séquence désastreuse. «Jusqu'à la fin de l'été, analyse un ministre, les couacs venaient de gens qui avaient des agendas personnels», autrement dit de ministres qui jouaient leur partition politique personnelle. Il ajoute: «Depuis plusieurs semaines, les problèmes viennent d'arbitrages qui ne sont pas pris. Le dysfonctionnement est organisationnel.» Ce ministre illustre ces problèmes de coordination: les équipes de l'Élysée auraient été contraintes d'annuler en catastrophe un déplacement du président prévu chez Bull lundi lorsqu'elles ont compris que le premier ministre se rendait le même jour à Saint-Étienne pour le premier anniversaire du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.
Pierre Fender pris en flagrant délit de mensonge sur le monopole de la Sécu et la possibilité de le quitter.
À écouter certains, travailler avec Matignon, c'est-à-dire avec le cabinet du premier ministre, serait devenu un vrai casse-tête.
«Il y a des sujets sur lesquels Matignon ne tranche pas ou tranche tard», assure l'un d'eux.
Un autre: «L'interministériel ne fonctionne vraiment pas bien. C'est une des clés des problèmes actuels. J'ai d'ailleurs écrit une note au président sur ce sujet.»
Les ministres regrettent les dîners en cercle restreint qu'organisait auparavant le premier ministre et qui n'ont plus cours désormais. «On pouvait parler politique.
On pouvait échanger, discuter le fond des dossiers. Maintenant, on a des assises. On est une trentaine autour de la table et on a trois minutes chacun pour parler», déplore un ancien participant aux dîners d'Ayrault. De là à penser que les dysfonctionnements de Matignon fragilisent Hollande, il n'y a qu'un pas.
«Le président de la République, il a bien sûr sa personnalité, admet un ministre.
Mais, franchement, il y a beaucoup trop de choses qui remontent en arbitrage.»
Par Anne Rovan
Le désarroi s'empare des ministres
Ambiance morose dans les couloirs du palais présidentiel, où les hommes et les femmes de l'ombre, déstabilisés par le mode de fonctionnement de François Hollande, ne cachent pas leur inquiétude.
L'automne est si doux que les arbres du parc de l'Élysée résistent. À l'intérieur du palais, en revanche, l'ambiance est glacée. Les conseillers du président continuent de travailler mais ces sondages qui leur arrivent chaque jour plus mauvais les affectent. «L'ambiance est lourde, pesante», reconnaît un familier du palais.
Devant les journalistes, les collaborateurs de François Hollande continuent de défendre leur président. Pied à pied. Mais avec des élus ou des proches, ils n'hésitent plus à faire part de leur inquiétude. «Comment vas-tu? Mieux que nous, forcément!», riait jaune l'un d'eux, la semaine dernière, devant un ami. «Pardonnez mon retard, nous étions en train de régler les derniers détails de la dissolution», plaisantait, grinçant, un deuxième, en arrivant à un rendez-vous. «C'est dur, injuste», soupire un troisième. Un conseiller ministériel résume, sidéré: «Les conseillers de l'Élysée sont perdus.»
Les hommes et les femmes du président avaient rêvé de ce retour au pouvoir, après dix ans dans l'opposition. Ils avaient rejoint l'Élysée plein d'enthousiasme, avec la volonté de redresser le pays qu'avait tant «malmené Sarkozy», disaient-ils. «Nous allons réparer l'État», leur avait glissé le secrétaire général, Pierre-René Lemas.
Un président à la fois solitaire et accessible (trop ?) qui ne sait pas dire non, entretient le flou et l'ambiguïté, jusqu'au dernier moment, au risque d'« insécuriser » toute la chaîne de commandement.
Dix-sept mois plus tard, ils en ont rabattu. L'état catastrophique des finances publiques et le nécessaire redressement des comptes ne leur laissent aucune marge de manœuvre. Certains, qui avaient applaudi le discours du Bourget, ont dû remiser leurs convictions de gauche, priés de mettre en œuvre une politique sociale-libérale. Et ils sont las des polémiques, qui occultent les réformes. «Bah, ça devrait s'apaiser entre le 24 et le 31 décembre…», ironise un conseiller.
Quant à Hollande, ils ont compris son fonctionnement, et les limites de celui-ci. Un président à la fois solitaire et accessible (trop?) qui ne sait pas dire non, entretient le flou et l'ambiguïté, jusqu'au dernier moment, au risque d'«insécuriser» toute la chaîne de commandement. Ses conseillers travaillent sur une hypothèse qu'ils croient validée au sommet, avant de découvrir que le président a tranché pour une autre, parfois par un SMS envoyé au ministre concerné. «Les conseillers de l'Élysée sont parfois humiliés, constate un député, stupéfait par ce mode de management. Il faut que le président arrête de gouverner par SMS!» Un ministre reconnaît que le dispositif élyséen est à bout de souffle: «Quand Hollande était premier secrétaire du PS, il avait Stéphane Le Foll. Quand François disait “oui”, Stéphane passait derrière pour dire: “Il t'a dit oui, mais c'est non”. Il lui manque quelqu'un qui clarifie.»
Dans les couloirs du palais, beaucoup évoquent avec nostalgie l'époque Jospin, qui s'est pourtant mal terminée: la gauche avait «un chef», la majorité était «organisée, tenue». «C'est à nous de nous adapter à la méthode du président, pas l'inverse!», s'agace un conseiller. Certes. Cela n'empêche par le doute de s'immiscer. «On a toujours dit que Hollande était un bon stratège ; eh bien ce n'est pas Dieu le Père!», lâche un poids lourd hollandais. Un conseiller défend: «Hollande a commencé à 3% (pendant la primaire PS) et il a fini président. Il ne doit rien à personne. Tout à lui-même.»
Par Solenn de Royer
À l'Élysée, le blues des conseillers du chef de l'État
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Source: http://www.lefigaro.fr