Réunies en colloque à l'Assemblée nationale, les têtes de pont de l'intelligence économique ont délivré un message clair : il est nécessaire de construire une stratégie à long terme pour pouvoir passer d'une action défensive à une action offensive, pour faire en sorte de créer des différentiels de compétitivité en notre faveur, et donc, pour que la France ne perde pas de terrain dans le jeu des puissances mondiales, à défaut d'en gagner. La France pourrait payer le prix fort de son défaut de stratégie à long terme : ne plus s’appartenir. Car les autres pays ne l’attendent pas pour avancer et gagner du terrain, y compris sur le territoire français.
C’est le constat malheureux, mais pas (encore) irréversible, auxquels sont arrivés plusieurs intervenants au colloque dédié à l’intelligence économique, qui s’est tenu mardi
Un positionnement défensif
"Quand on n’a pas de stratégie, on se contente de copier les autres : le modèle japonais dans les années 1980, le modèle chinois dans les années 1990, le modèle allemand aujourd’hui. La question aujourd’hui c’est : où voulons-nous que la France soit dans 20 ans ? Lorsqu’on ne pense pas à la stratégie, on ne peut faire que panser. On se rétracte et on fait du sécuritaire, estimant que les ennemis sont à l’extérieur", affirme Jean-Louis Levet, économiste et conseiller auprès de Louis Gallois, Commissaire général à l’investissement. Ce positionnement défensif de la France a d’ailleurs été déploré à plusieurs reprises. Et pour cause : "la tentation sécuritaire nous amène trop souvent à privilégier le défensif, qui nous paraît exempt du moindre risque. Or on ne peut pas gagner la guerre en étant défensif. Pour écraser l’adversaire, il faut l’attaquer", déclare Alain Juillet, ancien Haut responsable à l’intelligence économique et président de l’Académie de l’intelligence économique.
Aux grands maux les grands remèdes
Les différents intervenants ont multiplié les diagnostics et les remèdes. Alain Rousset, député PS et président de l’Association des régions de France, affirme ainsi que "nous avons d’énormes difficultés quant à la maturation de nos technologies. Il faudrait transformer les dépôts de brevets en produits. Car nous sommes en train de nous faire cannibaliser nos technologies". Préserver les intérêts stratégiques français en évitant par exemple le rachat de certaines entreprises, identifier les segments de croissance future, transformer la masse d’informations recueillies par les différents corps publics en informations à valeur ajoutée, ont également fait partie des différentes problématiques soulevées. "Nous devons soutenir la compétitivité de nos entreprises dans un monde fait de concurrence déloyale et créer des différentiels de compétitivité en notre faveur", déclare Boris Vallaud, conseiller auprès d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif. Plusieurs experts ont également insisté sur la nécessité de jouer collectif et de "chasser en meute". "Nous n’avons pas développé de stratégie assez offensive pour emmener les petites entreprises derrière les grands groupes. Il faudrait une stratégie nationale d’influence", ajoute Boris Vallaud.
Influence et contre-influence
Claude Revel, spécialiste du droit des affaires et des problématiques d’influence, est justement chargée par Nicole Bricq de réaliser un rapport sur l’influence française au sein des instances de normalisation internationales. "La concurrence internationale concerne aussi les règles du jeu, qui sont, en France, à 90% d’origine européenne, et en Europe, à 50% d’origine étrangère", remarque Claude Revel. Un point de vue que défend sans détours Alain Juillet : "La problématique, c’est que le combat se déroule à armes égales entre nos entreprises et celles d’autres pays. Sinon, la distorsion de concurrence est telle que nous ne pouvons que perdre. Et la concurrence n’est possible que dans l’équité. Le rôle de l’influence et de la contre-influence, c’est de maintenir l’équilibre et d’éviter la désinformation".
"Saisir ce qui commence"
La nécessité de construire une stratégie à long terme n’a pas non plus été démentie.
"On ne travaille pas assez sur la prospective, alors que c’est ce qui détermine ce que l’on doit
« Sans une pensée stratégique, on nepeut faire que panser »
Source, journal ou site Internet : La tribune
Date 15 décembre 2012
Auteurs : Laura Fort