En 1789, la motion de La Fayette est la première présentée à l’Assemblée constituante en vue du projet de Déclaration des droits de l’homme. Le héros de l’indépendance américaine soumet un texte inspiré de la Déclaration américaine de 1776. Ce sera l’un des trois retenus par l’Assemblée, le 18 août, pour élaborer le projet définitif.
La nature a fait les hommes libres et égaux ; les distinctions nécessaires de l'ordre social ne sont fondées que sur l'utilité générale.
Tout homme naît avec des droits inaliénables et imprescriptibles ; telles sont la liberté de toutes ses opinions, le soin de son honneur et de sa vie ; le droit de propriété, la disposition entière de sa personne, de son industrie, de toutes ses facultés ; la communication de ses pensées par tous les moyens possibles, la recherche du bien-être et la résistance à l'oppression.
L'exercice des droits naturels n'a de bornes que celles qui en assurent la jouissance aux autres membres de la société.
Nul homme ne peut être soumis qu'à des lois consenties par lui ou ses représentants, antérieurement promulguées et appliquées.
Le principe de toute souveraineté réside dans la nation.
Nul corps, nul individu ne peut avoir une autorité qui n'en émane expressément.
Tout gouvernement a pour unique but le bien commun. Cet intérêt exige que les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, soient distincts et définis, et que leur organisation assure la représentation libre des citoyens, la responsabilité des agents et l'impartialité des juges.
Les lois doivent être claires, précises, uniformes pour tous les citoyens.
Les subsides doivent être librement consentis et proportionnellement répartis.
Et comme l'introduction des abus et le droit des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, il doit être possible à la nation d'avoir, dans certains cas, une convocation extraordinaire de députés, dont le seul objet soit d'examiner et corriger, s'il est nécessaire, les vices de la constitution.
Des droits naturels à l’ensemble des droits de l’homme en société
La motion de La Fayette s’inspire du préambule de la Déclaration d’indépendance américaine du 4 juillet 1776, dont l’auteur, Thomas Jefferson, est
alors ministre plénipotentiaire des Etats-Unis à Paris. La Fayette lui lit les articles de sa motion avant de la présenter.
Jefferson avait puisé son inspiration dans le Traité sur le gouvernement civil du philosophe anglais John Locke, paru en 1690 ; en
découlent les principes exprimés dans le Préambule américain : l’égalité des hommes dans l’état de nature, les droits inaliénables de la vie et de la liberté, le consentement des gouvernés, la
résistance à l’oppression et le droit de renverser un gouvernement ; à la référence à la propriété, Jefferson substituait celle de la poursuite du bonheur. Ces idées se retrouvent toutes sous la
plume de La Fayette, qui remplace le mot bonheur par « bien-être ».
Mais la Déclaration de 1776 tendait à régler le problème anglo-américain en se fondant sur les droits naturels, alors que La Fayette aborde aussi
les droits de l’homme en société. A la liberté individuelle s’ajoute celle de l’opinion, celle de la « communication des pensées par tous les moyens possibles », c’est-à-dire parler, écrire et
imprimer librement, comme l’expose la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Une autre adjonction est celle du droit de propriété, exprimé par Locke. La séparation des
pouvoirs appliquée dans la constitution américaine avait été définie par Montesquieu. La théorie de la souveraineté de la nation, empruntée à Jean-Jacques Rousseau, figure presque à l’identique
dans le texte de La Fayette et à l’article 3 de la Déclaration du 26 août 1789. Celle-ci définit encore la loi comme expression de la volonté générale, et revendique la présomption d’innocence et
l’institution d’une force publique.
L’article premier de la Déclaration de 1793 ne reprend pas la formule fameuse de 1789 – « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits
». Il édicte que le but de la société est le bonheur commun et met en avant le rôle du gouvernement, alors que toutes les mesures prises au même moment conduisent à l’arbitraire et bientôt à la
Terreur. La Déclaration de 1793 ne remet pas en question le droit de propriété et pose, à l’article 17, le principe de la liberté d’entreprendre. De la Constitution de 1791, les conventionnels
reprennent en outre les droits de pétition, de réunion, de liberté des cultes ainsi que le droit à l’assistance et à l’instruction. Par rapport au contexte de 1793, la formulation de ces
principes apparaît tragiquement idéaliste.
La Déclaration de l’an III reproduira en grande partie le texte de 1789 auquel elle ajoutera l’expression des devoirs de l’homme et du citoyen après
celle de ses droits, et interdira en outre l’esclavage.