L’homme est roi et l’argent à son service.
« Absolument, le revenu de base créerait la possibilité de faire ce qui est nécessaire dans le monde. Les gérants de fortune nous disent
que le gros problème, c’est qu’il y a des masses d’argent, trop d’argent. La situation actuelle est totalement absurde : il y a presque partout en plus des surcapacités de production et un
chômage qui ne fait que croître, alors qu’il y a partout des travaux non exécutés. Il y a donc beaucoup de choses que l’on changer maintenant et d’urgence si l’on ne veut pas sombrer dans une
catastrophe globale.»
Jakob von Uexküll, fondateur du Prix Nobel alternatif, Londres / Stockholm
«A moins de nous montrer tout à fait naïf, il faut admettre qu’à l’avenir le marché du travail ne pourra plus assurer l’intégration sociale de
toute la population. Cependant, en refusant l’alternative du RB, nous sommes obligés de parier sur la croissance économique à n’importe quel prix. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans la
politique aujourd’hui. De l’extrême droite à l’extrême gauche, l’ensemble du monde politique en appelle à grands cris à la croissance économique. Ainsi, nous persistons
dans une approche quantitative des problèmes et nous perdons toute chance de développer de nouveaux modèles d’organisation sociale d’une qualité supérieure.»
Professeur Peter Ulrich Institut d’éthique économique, Université de St Gall
« Soutenir les populations sans poser de conditions ? – à la longue, c’est un principe qui, je pense, devra s’imposer mais il lui faudra affronter les
nombreux droits et privilèges dont nous bénéficions aujourd’hui.»
Klaus Wellershof, économiste en chef d’UBS le plus grand gestionnaire mondial de fortune.
« Pour moi, le temps des signes des nouveaux, c’est l’individualisation absolue de la société. Les hommes ont des buts personnels, des représentations
personnelles et il recherche les moyens des les réaliser. L’argent joue un rôle énorme dans une société caractérisée par la division du travail, autrement dit l’argent comme moyen d’être libre.
C’est à cela que l’on en revient toujours. Mais beaucoup de gens n’arrivent ni à éviter l’esclavage de l’argent, ni à poursuivre leurs réelles aspirations à la liberté. C’est le côté tragique et
aussi ironique de la situation présente. »
Kaus Wellershof, directeur économique d’UBS
Les Suisses n’en finissent pas de nous épater. Alors qu’il y a un an, peu croyaient en cette initiative, le mouvement suisse pour le revenu
de base est en train de prendre de l’élan. Stanislas Jourdan, qui était sur place la semaine dernière, nous raconte.
La presse francophone est désormais unanime : avec plus de 110.000 signatures à 4 mois avant la fin de la campagne, l’initiative fédérale est sur le
point d’aboutir. Selon la constitution suisse, il faut en effet 100.000 signatures pour qu’une initiative citoyenne aboutisse, déclenchant alors une votation sur le projet de loi proposé par les
initiants bâlois et zurichois il y a un an.
Mais les représentants du BIEN-Suisse, qui s’est rallié aux efforts de leurs concitoyens
germanophones pour organiser la récolte en Suisse Romande, ne cessent de le répéter : l’ambition est maintenant d’obtenir plus de 130.000 signatures d’ici début août,
afin de se couvrir du risque qu’un certain nombre de signatures ne soient pas validées par les autorités communales (en raison de doublons et autres données non conformes).
Un référendum d’ici deux ans ?
Si cet objectif est atteint, alors le gouvernement soumettra le projet de loi à une votation populaire, c’est-à-dire un référendum où chaque
électeur suisse sera invité à s’exprimer sur l’idée du revenu de base. En général, cette votation est organisée entre une et quatre années après que les autorités nationales aient officiellement
reconnu le succès de l’initiative.
« Mais rien ne presse » précise Ralph Kundig, membre du comité du BIEN-Suisse, « car si la votation intervient trop tôt,
cela réduit aussi le temps nécessaire à ce que le peuple soit informé et fasse son propre jugement. En fait, le Conseil fédéral et le Parlement sont susceptibles d’accélérer le processus afin de
prendre de court les initiants, sans nous laisser le temps nécessaire de préparer la (coûteuse) campagne précédant la votation » explique-t-il avant de relativiser : « d’un
autre côté, écourter ce délai leur fait courir le risque qu’on surfe sur le capital sympathie de l’initiative Minder. »
Minder, c’est le surnom d’une autre initiative contre les rémunérations abusives qui vient d’être couronnée de succès
lors d’une récente votation.
Autre danger pour le revenu de base : la chancellerie de la confédération a également la possibilité de soumettre un contre-projet, lui
aussi soumis à votation populaire. Cette contre-proposition est souvent moins radicale que celle des initiants, si bien que, dans les rangs des activistes du revenu de base, on l’imagine
déjà proposer un « faux revenu de base », soumis à condition, avec un montant au rabais.
À propos de montant justement, précisons que les 2 500 francs mis en avant par les activistes suisses ne figurent pas dans le texte officiel de
l’initiative, qui se contente de tenter d’inscrire le principe du revenu de base dans la constitution Suisse, comme c’est déjà le cas au Brésil (pdf).
Le succès de l’initiative n’indique en rien que les suisses plébisciteront la proposition de revenu de base. Il faut en effet rappeler que si
les Suisses ont récemment accepté l’initiative Minder, ils en ont aussi rejeté une autre pour une augmentation des congés payés…
A l’inverse de la plupart des autres initiatives fédérales, l’initiative pour un revenu de base inconditionnel n’a obtenu jusque-là qu’un
faible soutien des syndicats et des partis politiques suisses. À l’exception notable du syndicat SYNA, des Verts Vaudois et Valaisans et des Jeunes Verts, plusieurs syndicats se sont exprimés
ouvertement contre le revenu de base, dénonçant une « prime à la paresse » ou encore une hypothétique baisse des salaires en cas
d’instauration du revenu de base. Myret Zaki, célèbre journaliste économique très critique à l’égard de la
finance, dénonce quant à elle « un projet
démagogique qui crée une mentalité de rentier. »
Ces critiques vont-elles dissuader le peuple Suisse de voter pour le revenu de base ? « Malheureusement, les initiants pourraient avoir
raison trop tôt » craint Didier Berberat, Conseiller aux États neuchâtelois interrogé dans un reportage diffusé par la télévision Alpha Canal :
Pourtant, on sous-estime certainement l’impact d’ores et déjà acquis par ce succès, s’il se confirme.
Une première mondiale
Car quel que soit le résultat du vote, l’organisation d’une votation constitue en elle-même un événement historique majeur. Pour la première fois,
un peuple de 8 millions d’habitants va s’exprimer directement à ce sujet, ce qui serait ni plus ni moins qu’une première mondiale pour cette idée vieille de plus de deux siècles.
Concrètement, cela signifie aussi que tous les citoyens en âge de voter recevront dans leur boîte aux lettres des documents informatifs sur
le revenu de base, en amont de la votation. Cela signifie aussi que tous les partis politiques devront prendre position vis-à-vis de l’initiative. Un activiste s’enthousiasme :
On espère ainsi briser pour de bon le tabou (ou la timidité?) qui entoure généralement l’idée du revenu de base dans les milieux
politiques
« Maintenant, on nous prend au sérieux »
Et ce n’est pas tout : « Le regard des médias sur le revenu de base a fortement changé depuis que nous avons passé la barre des cent
mille » constate Anne-Béatrice Duparc, membre du comité du BIEN-Suisse. Pour preuve, cette une du journal de gauche Le Courrier, qui titrait lundi dernier : « Le revenu
de base s’est imposé dans le débat. »
« Maintenant, on nous prend au sérieux » résume Anne-Béatrice. « Tous les suisses ont désormais l’occasion de réfléchir au
fait que le droit à l’existence n’est pas forcément lié à une activité salarié. En soi c’est déjà est une réussite pour notre initiative. »
Certes une bonne partie de la gauche reste à convaincre, mais les soutiens continuent malgré tout d’affluer. Ainsi, M. Guy Mettan, représentant
du parti de centre droite PDC a exprimé son soutien à l’initiative le 21 mai dernier lors d’une conférence à Genève en présence de Philippe Van Parijs, l’un des avocats majeurs de cette cause, et devant un public convaincu.
De bon augure pour l’initiative citoyenne européenne ?
Le succès de l’initiative est-il de bon augure pour l’initiative citoyenne européenne qui est actuellement en cours dans l’Union Européenne ? Hélas, nous avons encore beaucoup à apprendre, non pas sur le revenu de base, mais
plutôt sur la démocratie.
« C’est en fait plus facile en Suisse car ici, signer et faire signer une initiative est un sport national » explique Ralph
Kundig, l’un des champions reconnus dans la discipline.
Et puis, comme les Suisses ne peuvent pas signer par voie électronique, cela force les initiants à aller dans la rue pour récolter des signatures
sur des formulaires papier, créant au passage une vraie visibilité auprès des passants.
L’expérience de l’initiative citoyenne européenne montre à ce stade que récolter les signatures est plus difficile qu’en Suisse car les gens
ne sont pas habitués à ce genre de procédure. Beaucoup pensent signer une simple pétition et manifestent donc leur inquiétude au moment de fournir un numéro d’identité.
Comme le dispositif de l’initiative citoyenne européenne n’est pas connu du grand public, nous devons parallèlement expliquer le principe du revenu
de base, et celui de l’initiative citoyenne européenne.
Quoi qu’il en soit, ces difficultés ne doivent pas nous décourager, car s’il y a bien une leçon à retenir de ce qui se passe aujourd’hui en Suisse,
c’est qu’un groupe de citoyens, aussi petit soit-il, peut accomplir de très grandes choses… s’il ose en relever le défi !
parStanislas Jourdan
Et si la révolution du revenu de base venait de Suisse ?
Source:
et:
« La réalité nous montre toujours plus clairement que le revenu doit être séparé du travail. A mon avis, le RB apporterait aussi une solution pour les
chômeurs car il y a une quantité incroyable de travail, mais il n’y a pas d’argent pour le payer. Le revenu de base serait une façon d’introduire l’argent là où il répond à un besoin et de
libérer les hommes pour qu’ils puissent faire ce pour quoi ils sont doués.»
Renate Ignazio Keller, Projet Favela Monte Azul, Sao Paulo
L’allocation universelle : une voie libérale vers le communisme, par Jacques Marseille
Jacques Marseille, disparu le 4 mars dernier, était un économiste et un historien aussi brillant
qu’iconoclaste. Issu de la gauche marxiste, il était devenu l’un des rares – et probablement le meilleur – défenseur d’un libéralisme authentique dans les
médias hexagonaux.
Dans son ouvrage « L’argent des Français », paru en 2009, il jetait une fois de plus un pavé dans la mare de la pensée
économique unique, en proposant une réforme radicale de notre système social, fondée sur l’« allocation universelle ». Si l’idée avait déjà été avancée en France dans les années 90, notamment
par le philosophe André Gorz, l’économiste Marseille en détaillait le chiffrage, démontrant ainsi qu’elle était parfaitement réalisable.
Nous voulons lui rendre hommage en publiant ici cet extrait, qu’il avait à l’époque choisi de diffuser sur son site
personnel.
« Tant pis pour les paresseux » est bien, en effet, la seule réponse des partisans de l’allocation universelle à ceux qui pensent que tout homme
est obligé de travailler pour avoir le « droit de vivre ». Car s’il faut « contraindre » les salariés français à travailler pour qu’aujourd’hui 15 % d’entre eux gagnent le SMIC, soit 1 000
euros nets par mois, comment construire sur cette « contrainte » une société moins aliénante et moins soumise à la précarité que celle dans laquelle sont aujourd’hui plongés trop d’entre eux ?
En fait, le pari de l’allocation universelle est que l’insertion sociale ne peut se construire sur la contrainte mais sur la confiance placée dans les bénéficiaires de ce nouveau droit.
Une utopie, sans doute, pour tous ceux qui n’accordent aucune confiance aux individus et pensent que seule la contrainte de « gagner son pain à la
sueur de son front » est le meilleur garde-fou contre la paresse. Un pari sur l’intérêt et la nature humaine pour tous ceux qui pensent au contraire qu’un individu préférera toujours cumuler ce
revenu à un autre salaire, surtout quand ce salaire correspondra à un travail qu’il aura plus librement choisi. Dans notre hypothèse, en effet, un couple de smicards toucherait désormais 3 500
euros par mois (deux SMIC à 1 000 euros nets plus deux allocations universelles à 750 euros), au lieu de 2 000 euros aujourd’hui.
Utopie sans doute aussi pour ceux qui pensent qu’une telle somme est incompatible avec l’état des finances de la France. Pari fondé pourtant sur
les comptes, pour ceux qui connaissent le bilan de la protection sociale en France. En 2007, l’ensemble des prestations de protection sociale versées par l’État aux Français a représenté 578
milliards d’euros, soit 29 % du PIB, soit près de 60 % du total des dépenses publiques, soit un peu plus de 9 000 euros par Français. 44,9 % de cette somme sont constitués par les prestations
vieillesse, 35,5 % par les remboursements des dépenses de santé, 9,2 % par les aides à la maternité et à la famille, 6,2 % par les aides à l’emploi, 2,6 % par les aides au logement et l,5 % par
les aides destinées à combattre l’exclusion sociale. Neuf mille euros donc par Français — le même montant que celui ici envisagé — pour des résultats qui ne sont toutefois pas à la hauteur des
sommes engagées.
Si l’on versait une allocation universelle de 750 euros par mois à tous les Français âgés de plus de 18 ans et
375 euros à chaque Français de la naissance à l’âge de 18 ans, cette prestation sociale « révolutionnaire » représenterait 510 milliards d’euros. En échange toutefois, l’instauration de ce
revenu garanti de la naissance à la mort serait accompagnée de la suppression de nombreuses prestations aujourd’hui versées, un dispositif unique, simple à verser et totalement compréhensible,
remplaçant le maquis des innombrables dispositifs de protection sociale existants. Seraient ainsi supprimé l’ensemble des sommes versées pour ne pas résoudre vraiment la question du chômage.
Soit ce qu’on appelle les « dépenses passives », qui comprennent les prestations accordées aux chômeurs et les incitations au retrait d’activité, auxquelles il faut ajouter les « dépenses
actives », qui sont l’ensemble des sommes consacrées à améliorer l’employabilité des salariés et à leur proposer un emploi : 76,5 milliards d’euros en 2006, soit 38 000 euros par chômeur
recensé !
Seraient aussi supprimés les allocations familiales et l’ensemble des aides à la famille, qui représentent 58 milliards d’euros. Chaque ménage
percevrait, en effet, la moitié de l’allocation universelle par enfant jusqu’à l’âge adulte, soit 375 euros par mois. C’est-à-dire bien plus que le montant des allocations familiales
aujourd’hui versées (120 euros par mois au-delà de deux enfants). De la même manière seraient évidemment supprimées l’ensemble des bourses accordées aux lycéens et aux étudiants qui, à partir
de l’âge de 18 ans, percevraient 750 euros par mois, soit bien plus que les bourses étudiantes les plus élevées, qui atteignent aujourd’hui 400 euros par mois. Seraient encore supprimées
l’ensemble des aides au logement, dont le montant atteint aujourd’hui près de 15 milliards d’euros.
Seraient supprimés enfin les droits à la retraite, qui représentent à ce jour près de 180 milliards d’euros. Une véritable révolution dont il faut
ici mesurer l’enjeu. Comme on l’a vu plus haut, notre système de retraite par répartition est condamné à la faillite dans la mesure où le ratio de dépendance démographique — qui désigne le
nombre de personnes à l’âge de la retraite par rapport au nombre de personnes en âge de travailler — va quasiment atteindre 100 cotisants pour 80 retraités en 2050, alors qu’il était de 400
cotisants pour 100 retraités dans les années 1980 et de 1 500 cotisants pour 100 retraités au moment où il est entré dans la loi en 1945. En 2050, l’espérance de vie des hommes à 60 ans serait
de 27,2 ans, contre 20,4 ans en 2000, et celle des femmes de 32,1 ans, contre 25,6 ans en 2000. A législation inchangée, chaque Français ayant travaillé toucherait quasiment autant en pension
de retraite qu’en revenu d’activité. Un moindre mal s’il avait financé lui-même sa retraite. Un scandale s’il fallait faire peser cette charge sur les générations nées après 1970, qui seraient
amenées à supporter la charge des retraites d’une génération qui a bénéficié de carrières longues et a laissé filer une dette dont les intérêts et le capital devront être remboursés par ceux
qui « bénéficient » de contrats précaires et d’un avenir moins assuré.
En attribuant à chacun 750 euros par mois jusqu’à la mort, l’allocation universelle distribuée de la même manière à l’ouvrière qu’au cadre de la
SNCF rétablirait totalement l’équité. Surtout lorsqu’on sait que cette ouvrière se voit aujourd’hui prélever près de 250 euros par mois sur sa rémunération totale pour payer la retraite de ceux
qui vivront plus longtemps qu’elle et qui bénéficient de régimes spéciaux. Imaginons qu’elle place la même somme prélevée de son allocation universelle (250 euros) en placement sécurisé (à 4 %)
pendant quarante ans. Au terme de ces quarante années, elle disposerait d’un capital d’un peu moins de 300 000 euros, dont le rendement à 4 % (soit 1 000 euros par mois) s’ajouterait à son
allocation universelle de 750 euros. Un doublement de sa retraite actuelle ! Une arithmétique simple qui tend à démontrer — c’était le but de l’utopie ici proposée — que l’allocation
universelle permet d’améliorer surtout le sort des pauvres tout en les incitant à travailler pour épargner une partie du « revenu garanti » qui leur serait distribué. Une arithmétique qui
cherche surtout à prouver qu’un système de capitalisation couplé avec un revenu garanti est bien plus équitable que le régime actuel de répartition qui permet avant tout aux Français les plus
protégés de faire financer leur retraite et leur santé par les plus défavorisés.
Dans ce nouveau système serait maintenu le remboursement des dépenses de santé, qui ont atteint 160 milliards d’euros en 2007, et qui resteraient
à la charge de la solidarité nationale. Au total, à périmètre inchangé, les dépenses de protection sociale se monteraient ainsi à 670 milliards d’euros, 16 % de plus qu’aujourd’hui, sans même
prendre en compte l’économie que représenteraient la suppression des bureaucraties tatillonnes fort budgétivores et les gaspillages des sommes qui sont distribuées à tous alors que certains
n’en ont nul besoin. Sans même prendre en compte le surcroît de recettes que représenterait la TVA sur la consommation supplémentaire des ménages bénéficiaires, qu’on peut grossièrement
chiffrer à un peu moins de 100 milliards d’euros.
En somme, distribuer à chaque Français un revenu garanti pendant toute la vie ne coûterait pas beaucoup plus au budget de l’État-providence que le
système actuel qui a réussi l’exploit de dépenser autant pour faire de la France le pays où le sentiment d’insécurité est le plus élevé. Bien loin d’être une méthode grossière et utopique de
lutte contre la pauvreté, l’allocation universelle, dont le coût de distribution est négligeable au regard des dispositifs actuels, apparaît donc comme un moyen d’atteindre toutes les personnes
pauvres à moindre coût.
Aurait-on pour autant résolu le problème des relations troubles entre les Français et l’argent ? Rien n’est moins sûr, sauf qu’à dépense égale, le
pari en vaut certainement la peine. En garantissant tout d’abord qu’un emploi, même faiblement rémunéré, ne supprimerait pas l’allocation de base, elle conforterait, bien mieux qu’aujourd’hui,
l’idée que le travail « paie ». Versée automatiquement à chacun, sans égard pour sa situation familiale et ses ressources, l’allocation universelle revaloriserait en effet paradoxalement le
travail. Certes, pour ses adversaires, elle pourrait encourager la multiplication d’emplois peu rémunérés. Reste que ces derniers ne trouveraient preneurs que s’ils sont suffisamment
enrichissants, formateurs ou susceptibles d’ouvrir des perspectives de carrière. A l’inverse, il est vrai, les emplois repoussants et sans perspectives ne seraient pas favorisés. Faut-il s’en
désoler ?
En offrant par ailleurs un revenu garanti sur lequel s’appuyer, l’allocation universelle faciliterait les va-et-vient, tout au long de
l’existence, entre les plages de travail, les activités familiales et les moments de formation. En offrant une véritable bourse à tous les étudiants, en sécurisant un budget de consommation
minimale, elle rendrait en effet plus facile pour tous le fait de ralentir ou d’interrompre des activités professionnelles afin de faire face à des obligations familiales, d’acquérir une
formation complémentaire ou de se réorienter. Avec bien plus d’efficacité que la formation professionnelle qui engloutit aujourd’hui 24 milliards d’euros pour satisfaire la demande de ceux qui
n’en ont pas réellement besoin. Loin de décourager l’envie de travailler qui est surtout liée, aujourd’hui, aux faibles perspectives d’ascension sociale qu’offre une société fort peu solidaire,
l’allocation universelle serait au contraire susceptible de marier ce qui paraît pour l’instant incompatible : une sécurité indispensable et une flexibilité accrue du travail. Un bénéfice dont
les femmes, qui subissent aujourd’hui plus que les autres salariés le temps partiel et les interruptions de carrière, sortiraient massivement gagnantes.
Enfin, en nourrissant une forme de patriotisme renouvelé autour d’un tel projet national de solidarité, cette allocation faciliterait
l’intégration plus efficace de populations immigrées qui ne pourraient en jouir qu’en devenant citoyens français et qu’en adhérant aux valeurs d’une nation aussi exemplaire. Une véritable
rupture par rapport aux allocations et subventions multiples distribuées sans conditionnalité et qui ne font qu’entretenir de vastes poches de personnes difficilement intégrables dans le
système productif et souvent radicalement hostiles aux valeurs de la patrie qui les héberge et les nourrit.
A tous ceux qui pensent que cette allocation universelle est un fantasme d’excentrique, rappelons que peu de monde, à l’époque de Guizot,
acceptait l’utopie du suffrage universel, les uns parce qu’ils le croyaient révolutionnaire, les autres parce qu’ils considéraient, comme les Constituants de 1789, que seul un homme riche
pouvait avoir une opinion indépendante et que seule la richesse assurait un vote sincère et libre. N’oublions pas toutefois que la Déclaration d’indépendance américaine s’ouvrait en
1776 par ces mots :
« Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux, ils sont dotés par leur créateur de certains droits
inaliénables au nombre desquels figurent la liberté, la vie et la poursuite du bonheur ; les gouvernements sont institués parmi les hommes pour garantir ces droits et ils tirent leurs justes
pouvoirs du consentement des gouvernés.»
Mettre en place demain ce droit inaliénable à la vie pour tous les jeunes Français qui naissent et pour tous les jeunes Français qui atteignent
l’âge de 18 ans coûterait aux finances publiques 11 milliards d’euros la première année, desquels il faudrait défalquer les allocations familiales et les bourses étudiantes. Une telle somme,
qui représente moins de 1 % des dépenses publiques, n’est-elle pas un pari sur l’avenir moins risqué que le financement d’un Revenu de solidarité active qui peine à répondre aux situations de
pauvreté ?
C’est bien le paradoxe de cette allocation qui renvoie à la question d’un droit au revenu, c’est-à-dire d’un droit à la vie. Prestation destinée à
libérer l’individu de la pression marchande, elle se présente aussi comme l’incontournable auxiliaire du marché en permettant aux plus pauvres d’accéder aux « choses » livrées sur le marché.
Prestation accordée sans condition, elle implique le démantèlement de tous les secours et contrôles étatiques. Prestation accordée à tous, elle satisfait en partie l’idéal communiste qui est de
permettre à chacun de vivre en partie « selon ses besoins ». A condition toutefois que chacun reconnaisse en même temps que c’est le progrès historiquement réalisé par les logiques du marché
qui permettrait son instauration. Une voie libérale vers le communisme, en somme !
Extrait de « L’argent des Français », Chapitre 32
Source:
Ici des liens pour et contre:
http://www.paradism.org
http://fr.liberpedia.org/Loi_de_Bitur-Camember
http://www.facebook.com/group.php?gid=440852660023
http://vimeo.com/16999193
http://www.viddler.com/explore/tree2share/videos/23/1096.12/
http://www.facebook.com/frbig
http://revenudebase.free.fr/
http://art-psy.com/misere.html
http://www.lepetitlivrevert.fr/les-projets-et-reflexions-complementaires-dependants-ou-pas-du-revenu-dexistence/
http://www.lepost.fr/article/2011/03/03/2422959_comprendre-le-revenu-d-existence_1_0_1.html
http://www.wikiberal.org/wiki/Géolibertarianisme
http://www.amazon.fr/gp/product/images/2724630483/ref=dp_image_0?ie=UTF8&n=301061&s=books
http://www.youtube.com/watch?v=dN2pK7qHSPY&feature=related
http://nouvellegauche.fr
http://fr.wikipedia.org/wiki/Crédit_social
http://fr.wikipedia.org/wiki/Déficit_de_la_Sécurité_sociale_en_France
http://blogs.mediapart.fr/blog/gerard-foucher/030312/monnaie-dette-chomage-et-pouvoir-dachat-0
Site de l’AIRE ( Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence)
Une clémente économie « Au-delà du revenu d’existence », condensé (pdf) du livre de
Yoland Bresson
Philippe Van Parijs : L’allocation universelle : une idée simple et forte pour le XXIème siècle. (pdf)
Une expérience en Namibie
Le rapport en anglais sur l’expérience namibienne (pdf)
Revenu garanti pour tous : quand la réalité devance l’utopie
Le revenu de base : une noble et belle idée
Le Dividende Universel : valorisation de la couche libre et
non marchande de la société
Quel montant pour le revenu de base ?
Et pourquoi la gauche entière est contre le dit projet: IDEOLOGIQUE
On peut dès lors s’interroger sur le relatif consensus qui entoure le revenu maximum à gauche et sur le rejet dont le revenu inconditionnel fait l’objet au sein
de cette même gauche. En militant pour un revenu maximum tout en négligeant le revenu inconditionnel, les partis de gauche trahissent en fait leur attachement religieux à la "valeur
travail".
Si revenu maximum et revenu inconditionnel s’appuient l’un comme l’autre sur une redistribution verticale des richesses ils se distinguent en fait par le mode
de répartition choisi. Répartition par les salaires d’activité pour l’un, répartition par un salaire social pour l’autre. Or, le choix du mode de répartition est en fait lourd de sens.
En confirmant le rôle du travail comme vecteur privilégié de la répartition des richesses (le travail demeure la source quasi-exclusive de revenu) le revenu
maximum conforte en effet la place exorbitante et la valeur absurde accordée aujourd’hui au travail. À l’inverse, en s’appuyant sur une déconnexion entre revenu et travail, le revenu
inconditionnel appelle une remise en cause du travail dans la société. C’est d’ailleurs l’attachement de la gauche à la "valeur travail" (et au droit du travail qui en découle) qui explique
les plus sérieuses objections opposées au revenu inconditionnel.
Par Baptiste Mylondo, auteur (entre autres) de l’ouvrage "Un revenu
pour tous", membre du Mouvement Utopia, mouvement politique de gauche altermondialiste et écologique,
aborde dans le livre cité la question résumée ici (extrait de la page 52)
À méditer…
Allocation universelle
De Wikiberal:
L'allocation universelle se présente comme un revenu de base versé à tous, d'un montant permettant de vivre, indépendamment du besoin qu'en a
celui qui la reçoit, et sans obligation de travail en contrepartie.
L'idée est ancienne et remonte à Thomas Paine, Jeremy Bentham, voire le De subventione pauperum sive de humanis necessitatibus de l'humaniste judéo-catalan Joan Lluís Vives i March
(1526)...
Même si ce concept n'est pas purement libéral, un certain nombre de libéraux le jugent
préférable aux allocations actuelles (comme le « revenu minimum d'insertion » en France, devenu ensuite « revenu de solidarité active ») qui sont des trappes à pauvreté. En effet, l'allocation universelle n'entraîne pas un phénomène de désincitation au travail, puisqu'elle est versée sans conditions (pour ceux qui ont des revenus suffisants, elle se traduit par une baisse de l'impôtéquivalente). Il est donc toujours avantageux de travailler plutôt que de se contenter de l'allocation. C'est à cette fin qu'un parti comme
Alternative Libérale proposait un revenu d'existence (ou "revenu de liberté") inconditionnel.
Milton Friedman proposait la même chose sous forme d'« impôt négatif ».
Dans certaines propositions libérales, comme celle de Philippe van Parijs, le salaire minimum serait diminué ou supprimé en contrepartie de l'allocation universelle, ce qui permettrait d'abaisser le coût du travail et
de relancer l'emploi. D'autres proposent un "revenu minimum du travail" (RMT) qui viendrait compléter le revenu mensuel de tout salarié en-dessous d'un certain niveau de salaire, avec en
contrepartie la suppression du salaire minimum[1].
Critique libertarienne
Étonnamment, pour certains libéraux l'allocation universelle ne serait pas du vol en raison de son universalité ! Or il s'agit bien d'une redistribution
issue de l'impôt, donc de la coercition, celui qui ne paie pas d'impôt étant assisté par celui qui en paie[2]. Les inconvénients de cette allocation sont les mêmes que pour d'autres
formes d'assistanat, avec des désavantages supplémentaires :
- encouragement à la paresse d'une partie de la population, qui choisira de vivre aux dépens des actifs (et pourra trouver en cas de besoin des compléments de
revenu dans le travail "noir")[3] ; des sondages montrent que
si une telle allocation existait, une proportion importante de la population (30 à 40 %[4]) choisirait de moins travailler ;
- cette population assistée aura tendance à toujours croître, et comme on ne pourra décemment diminuer l'allocation, les impôts devront être augmentés
d'autant ;
- par effet d'aubaine, l'allocation attirera de nombreux nouveaux résidents, pauvres ou riches (ces derniers pourront toujours avoir à l'étranger des revenus ou
une fortune non déclarés[5])
- cette allocation pourrait être conçue, d'un point de vue libéral pragmatique, comme une mesure temporaire avant une suppression complète de l'assistanat (c'est
dans cet esprit que Milton Friedman la défendait, pour éviter l'empilement actuel d'allocations sociales) ; en réalité, sous la pression de la démagogie, elle risque au contraire d'être le début d'un engrenage redistributeur social-démocrate préparé par des libéraux naïfs.
Alain Wolfelsperger juge immorale l'allocation universelle, d'une part
parce que "les laborieux sont injustement exploités par les paresseux", d'autre part parce que cette allocation n'impose en contrepartie aucune obligation aux bénéficiaires :
- Ce qui choque, à cet égard, dans l'AU c'est justement qu'elle exonère explicitement les bénéficiaires de toute obligation de réciprocité et non pas qu'elle est
contraire à on ne sait quelle éthique puritaine du travail. Ce n'est pas la sacralisation du "droit à la paresse" qu'on peut lui reprocher mais la condamnation de facto du principe de
réciprocité (ou de non-exploitation) qu'elle implique. (...) [Le projet d'AU] repose sur une contradiction, pour ainsi dire, constitutionnelle : d'un côté il fait vaguement appel à la
conscience morale des plus favorisés sur cette terre pour accepter les sacrifices qu'implique sa mise en place mais, de l'autre, il conduirait au rejet formel de certains des principes les
mieux universellement inscrits dans cette conscience morale.
EXCELLENT DEBAT A TOUTES ET TOUS
Crédit Photos : CC Stanislas Jourdan