Elu à la présidence de la République, le candidat socialiste entend se donner les moyens de relancer l'économie. Comment ? En appliquant les principes de la théorie keynésienne ou en cassant les rigidités de l'économie française ?
« A long terme, nous serons tous morts », avait écrit John Maynard Keynes dans ses « Essais sur la monnaie et l'économie » publiés en 1931.
Même lui ? Lorsque Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) évoquait mercredi la nécessité de relancer les économies
européennes, faisait-il allusion à un interventionnisme étatique d’inspiration keynésienne ? Evidemment non. Les pays de la zone euro n’en ont tout simplement plus les moyens.
En attendant des jours meilleurs, qui n’arriveront pas tant que l’équilibre, voire l’excédent des finances publiques ne sera pas atteint, la relance
des économies européennes et en particulier de l’économie française ne pourra être impulsée que par des réformes structurelles. Un chemin sur lequel s’est récemment engagé l’Italie depuis
l’accession de Mario Monti à la présidence du conseil. « Oui aux réformes structurelles, non aux éphémères politiques de dépenses », a-t-il déclaré ce jeudi lors d’un colloque organisé à
Bruxelles à l'initiative d'organisations patronales.
« Le débat sur la croissance prend de l’ampleur actuellement. Mais il n’avait jamais disparu, il était simplement moins visible », recadre Herman
Van Rompuy, le président de l’Union européenne, également présent à ce colloque, à ceux qui voient dans la relance keynésienne en Europe l’ultime solution à la crise. « Il n’y a pas de formule
magique. Réformer prend du temps. Et les réformes prennent du temps à produire leurs effets ».
L'exemple italien
Des réformes structurelles ? Mais lesquelles? Mario Monti, le président du conseil italien et membre de la "Commission de Libération de la Croissance » présidée par Attali qui avait formulé en 2008 316 propositions pour libérer la croissance, a les idées claires sur le sujet. Depuis son arrivée au pouvoir, il a fait voter une série de réformes libéralisant l’économie de la Péninsule. Et pas n’importe lesquelles. En ouvrant à la concurrence les professions réglementées (numerus clausus, obtention de brevets professionnels..), qui sont peu ou prou les mêmes qu’en France, c'est-à-dire les taxis, les pharmaciens, les notaires, les coiffeurs, entre autres, en abolissant les tarifs minimum pratiqués par les ordres professionnels, en accordant aux commerçants la liberté de fixer les horaires d’ouverture de leur magasin, y compris le dimanche, Mario Monti a réussi là où Nicolas Sarkozy a échoué : prendre des mesures qui peuvent réellement libérer les énergies et, plus délicat, les faire accepter par l’opinion publique.
Les taxis dans la rue
Certes, plus des deux tiers des propositions de la Commission ont été réalisées. Mais ce n’était peut-être pas les plus dures à lancer. A l’exception des comptables de l’argent public de Bercy, qui pouvait s’opposer avec raison au développement de la biomasse, des cursus en langues étrangères, à l’orientation de la fiscalité vers la protection de l’environnement, à l'augmentation des moyens financiers alloués à l’enseignement supérieur, à la nécessité d'attirer les financements des fonds et des banques vers les PME… ? En revanche, celles qui auraient permis de réellement casser les rigidités de l’économie française n’ont pas été lancées. On se souvient encore de la levée de boucliers des taxis en France lors de la publication du rapport Attali.
A condition que François Hollande, qui souhaite par ailleurs brider le régime de l’auto-entrepreneur
dont la création était suggérée par la commission Attali ait bien compris les discours des responsables européens sur la relance et la croissance, suivra-t-il le même chemin que Mario Monti ?
Parviendra-t-il à convaincre du bien-fondé de libérer la croissance en réformant les structures de l’économie française, une méthode moins coûteuse mais plus dangereuse pour relancer l’économie ?
On en saura plus après le 6 mai si François Hollande, tout fraîchement élu à la présidence de la République, ressuscitera Keynes. Ou s’il le laissera un peu en paix.
Par Fabien Piliu
Hollande donnera-t-il des leçons de libéralisme à Sarkozy ?
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