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La privatisation du renseignement comme une omission déclarée?

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Quelles avancées pour le respect des libertés individuelles dans le rapport parlementaire sur les services de renseignement ? À dire vrai, pas beaucoup...

 

Le rapport présenté au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale par son président, le député socialiste Jean- Jacques Urvoas, définit un nouveau cadre pour les services français. Il est aussi marqué par quelques lacunes, parfois gênantes. Axé sur le cadre juridique du fonctionnement des services de renseignement, le rapport Urvoas prône, entre autres, des innovations majeures, qui posent bien des questions. Notamment pour la garantie des libertés individuelles.

 

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Nouveaux moyens techniques

La première concerne la possibilité pour les services de renseignement de recourir à certains moyens et méthodes autorisés à la police judiciaire, celle-ci sous le contrôle des magistrats. Il s'agit notamment des infiltrations (de groupes suspects), de la sonorisation clandestine de locaux ou de véhicules, de l'installation de caméras dans des lieux privatifs, y compris les véhicules qui pourraient de surcroît être équipés de balises, etc. En fait, chacun sait que les services ont déjà recours à ces techniques, mais hors de toute légalité.

La commission craint qu'à défaut de légiférer rapidement sur ces points la France puisse de nouveau se faire étriller par la Cour européenne des droits de l'homme, comme ce fut déjà le cas dans l'affaire Christophe Vetter, dont le jugement condamnant l'État français a été publié le 31 mai 2005 . Jean-Jacques Urvoas réclame également la possibilité pour les services de renseignement de recourir à l'interconnexion des fichiers informatiques, évolution jugée "fondamentale". Et le rapport de préciser : "À l'heure où les nouvelles technologies facilitent grandement les entreprises terroristes, il semble contre-productif de se priver d'un tel outil dont l'exploitation peut aisément s'effectuer si des précautions sont prises en matière de contrôle de l'accès et de l'utilisation de ces fichiers, dans le respect des droits et des libertés." Analyse très contestable, évoquant une pratique à haut risque sur laquelle la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) se montre à juste titre particulièrement vigilante. Mais la commission répond qu'il n'y a pas d'inquiétude à concevoir dès lors qu'une nouvelle structure de contrôle des services, la CCAR (commission de contrôle des activités de renseignement) sera précisément chargée de superviser la légalité de ces nouvelles pratiques. Qui ne fonctionnent pourtant dans le respect des libertés individuelles que dans un seul pays : celui des Bisounours !


Privatisation oubliée

Un aspect pourtant très important est ignoré - à notre humble avis, à tort - par le rapport Urvoas. Il s'agit de ce phénomène explosant depuis l'essor de la société de l'information : la privatisation du renseignement. Justement, depuis qu'il est devenu si facile d'accéder aux fichiers que détiennent en propre les services ou des entreprises privées (opérateurs internet, fournisseurs d'accès, entreprises de télécommunications, moteurs de recherche, services de mails, entre autres), la tentation est forte pour ceux qui détiennent légalement ces informations de les revendre aux sociétés privées de renseignement. Quoi qu'en disent le gouvernement et les services, quelles que soient les précautions prises, le phénomène est massif, extraordinairement juteux, et repose sur la relation consanguine entre anciens des services passés au privé et collègues toujours en fonction. Cette pratique est particulièrement inquiétante et a fait l'objet de très nombreuses dérives dont on ne connaît que celles, très rares, passées devant la justice. Mais le rapport Urvoas n'en dit malheureusement pas un mot, alors que le phénomène ne fait que croître et qu'empirer !

 

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Que décidera le gouvernement ?

À ce stade, le rapport Urvoas ne doit pas faire l'objet d'une proposition de loi. Le député du Finistère préférerait de très loin que le gouvernement s'en empare et fasse passer tout ou partie de ses idées dans un projet de loi présenté au Conseil des ministres. Lors de la présentation du document en conférence de presse, il a fait part de sa confiance sur ce point, tout en estimant qu'un calendrier législatif chargé ne permettrait pas que le gouvernement soit saisi avant 2015. Se hâter lentement n'est pas un signe d'absence de volonté, mais il est clair que le gouvernement a d'autres priorités. Déjà auteur d'une proposition de loi avortée et passée inaperçue, sauf des lecteurs du Point, Jean-Jacques Urvoas n'avait pas obtenu de François Hollande qu'elle soit présentée au début de 2012. Le président de la République voit - certes sans hostilité - le même plat repasser, alors qu'il a endossé en matière de renseignement les institutions rénovées laissées par Nicolas Sarkozy. François Hollande donne à ce stade l'impression de s'en accommoder parfaitement, et nous verrons bien s'il donne suite, ou pas, aux propositions de Jean-Jacques Urvoas.


Des socialistes très actifs

Une chose est sûre : jamais, depuis l'origine de la Ve République, des parlementaires n'ont montré autant d'intérêt pour les affaires de renseignement. D'abord dans l'équipe de Dominique Strauss-Kahn, puis dans celle de François Hollande, la préparation de l'élection présidentielle avait permis à une poignée de parlementaires, de hauts fonctionnaires et d'anciens cadres dirigeants des services de renseignement de plancher sur une réorganisation institutionnelle des services. Ces réflexions pas toujours très bien coordonnées aboutissent aujourd'hui à une vraie prise en charge parlementaire des problématiques liées au renseignement. Il est d'ailleurs utile de constater que le rapport de la commission des Lois a été approuvé à l'unanimité de ses membres, démontrant ainsi que les réformes sont demandées par-delà les divergences politiques. Jusqu'à présent située très loin en queue de peloton international sur l'intégration de cette communauté spécialisée dans la pratique institutionnelle de la démocratie, la France pourrait bien être en train de changer d'époque. Pour l'instant, rien n'est joué, mais une étape a été franchie. Attendons les suivantes...

 

ENJEUX DE LA DEFENSE - DOCTRINE - CONCEPTS - MISSIONS

 Renseignement : les lacunes du rapportUrvoas

Source, journal ou site Internet : Le Point
Date 19 mai 2013

Auteurs : Jean Guisnel


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Un renseignement est une information estimée pour sa valeur et sa pertinence. Le renseignement se définit ainsi par opposition à la donnée (qui se réfère à la précision de l'information), ou d'un fait (constatation objective). Le renseignement se définit aussi par son usage : c'est une information délivrée (à un gouvernement ou une institution) pour guider des prises de décisions et des actions.

Par extension, le renseignement est l'ensemble des activités dédiées au traitement des renseignements (orientation, recherche, analyse, diffusion). Pour les non spécialistes et la littérature de fiction, toutes ces activités sont généralement désignées sous le terme péjoratif « espionnage », en les définissant de manière dépréciative, imaginaire ou réductrice sous le seul angle de la collecte clandestine d'informations secrètes ou privées1. Pour les spécialistes, l'espionnage définit néanmoins certaines actions de renseignement : celles de l'ennemi.

Par extension, le renseignement est enfin l'ensemble des organismes qui se consacrent à ces activités. Dans ce sens, le renseignement désigne notamment les services gouvernementaux de renseignement ou bien les unités militaires spécialisées2.

 


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