Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale décrit une stratégie de défense et de sécurité nationale qui repose sur deux fondements essentiels et complémentaires : laFrance préservera sa souveraineté,en se donnant les moyens de l’action et de l’influence ;elle contribuera à la sécurité internationale,en inscrivant ses actions dans une légitimité nationale et internationale.
Alors que le niveau de risque et de violence dans le monde ne régresse pas et que les dépenses d’armement augmentent fortement dans de nombreuses régions, en particulier en Asie,les risques et les menaces auxquels la France doit faire face continuent à se diversifier: menaces de la force, en raison du caractère ambigu du développement de la puissance militaire de certains États, risques de la faiblesse que font peser sur notre propre sécurité l’incapacité de certains États à exercer leurs responsabilités, risques ou menaces amplifiés par la mondialisation: terrorisme, menaces sur nos ressortissants, cybermenaces, crime organisé, dissémination des armes conventionnelles, prolifération des armes de destruction massive et risques de pandémies, de catastrophes technologiques ou naturelles. Face à ces risques et à ces menaces, les opérations militaires dans lesquelles la France a eu à s’engager au cours des dernières années (Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye, Mali...) démontrent que l’action militaire reste une donnée essentielle de sa sécurité.
Pour faire face à ces évolutions,le Livre blanc confirme la pertinence du concept de sécurité nationale.Visant un objectif plus large que la simple protection du territoire et de la population contre des agressions extérieures imputables à des acteurs étatiques, ce concept traduit la nécessité de gérer l’ensemble des risques et des menaces, directs ou indirects, susceptibles d’affecter la vie de la Nation. Le Livre blanc adopte une approche globale reposant sur la combinaison de cinq fonctions stratégiques : la connaissance et l’anticipation, la protection, la prévention, la dissuasion et l’intervention. La protection, la dissuasion et l’intervention sont étroitement complémentaires et structurent l’action des forces de défense et de sécurité nationale. Elles supposent, pour être mises en œuvre, que nous soyons capables de connaître et d’anticiper les risques et les menaces qui pèsent sur nous, alors que des surprises stratégiques sont toujours possibles. Elles requièrent également en amont que nous puissions prévenir les crises qui affecteraient notre environnement.
Notre stratégie de défense et de sécurité nationale ne se conçoit pas en dehors du cadre de l’Alliance Atlantique et de notre engagement dans l’Union européenne.Ces deux organisations complémentaires offrent une palette de réponses qui permettent à la France et à ses Alliés de faire face à un spectre très large de risques et de menaces. La France, qui a repris toute sa place dans le fonctionnement de l’OTAN, promeut une Alliance forte et efficace au service de ses intérêts et de ceux de l’Europe. Elle estime parallèlement que le contexte actuel, dans lequel l’Europe est appelée à assumer une plus grande part de responsabilité pour sa sécurité, rend indispensable une relance pragmatique de la politique de sécurité et de défense européenne. En clarifiant le chemin que la France a décidé d’emprunter pour assurer sa sécurité, le Livre blanc vise à ouvrir avec les membres de l’Union un dialogue approfondi appelant une nouvelle ambition, reposant sur des interdépendances organisées plutôt que subies. La France continuera à soutenir les initiatives européennes en matière de partage et de mutualisation de capacités militaires.
¡Laprotection
La protection du territoire national et de nos concitoyens ainsi que la préservation de la continuité des fonctions essentielles de la Nation sont au cœur de notre stratégie de défense et de sécurité nationale.Les forces armées assurent en permanence la sûreté du territoire, de son espace aérien et de nos approches maritimes. Il incombe par ailleurs aux ministères civils, en coordination avec les collectivités territoriales et les opérateurs publics et privés d’assurer la protection contre les risques et les menaces qui peuvent affecter la vie de nos concitoyens sur le territoire national. En cas de crise majeure, les armées apportent en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile un concours qui pourra impliquer jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes. Le Livre blanc prévoit qu’uncontrat général interministériel,élaboré dès 2013 sous l’autorité du Premier ministre, fixera les capacités civiles nécessaires aux missions relatives à la sécurité nationale. En complément sera conduite par le ministère de l’Intérieur, d’ici 2016, une démarche associant à l’objectif de résilience du pays les collectivités territoriales ainsi que les grands opérateurs d’importance vitale qui ont des responsabilités spécifiques dans la continuité des fonctions essentielles au pays.
S’agissant de laprotection des outre-mer,le dispositif militaire qui y est déployé sera dimensionné sur la base d’une analyse rigoureuse des enjeux de sécurité et de défense propres à chaque territoire concerné. En parallèle, une remontéeen puissance des capacités civiles sera conduite. Afin d’optimiser les capacités disponibles dans les outre-mer, un programme quinquennal d’équipements mutualisés sera élaboré dès 2013.
Outre la menace terroriste dont l’importance n’a pas décru depuis 2008 et qui demeure parmi les menaces les plus probables, le Livre blanc met l’accent sur la fréquence et l’impact potentiel de la menace que constituent les cyberattaques visant nos systèmes d’information. Cette situation nous impose d’augmentertrès significativement le niveau de sécurité et les moyens de défense des systèmes d'information.Pour répondre à ce constat, un effort significatif sera conduit pour développer dans le cyberespace nos capacités à détecter les attaques, à en déterminer l’origine et, lorsque nos intérêts stratégiques sont menacés, à riposter de manière adéquate. Des mesures législatives et réglementaires viendront renforcer les obligations qui incombent aux opérateurs de service et d’infrastructure d’importance vitale pour détecter, notifier et traiter tout incident informatique touchant leurs systèmes sensibles.
¡Ladissuasion
Strictement défensive, la dissuasion nucléaire protège la France contre toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme.Elle écarte toute menace de chantage qui paralyserait sa liberté de décision et d’action. En ce sens, elle est directement liée à notre capacité d’intervention. Une force de dissuasion sans capacités conventionnelles verrait par ailleurs sa crédibilité affectée. Les forces nucléaires comprennent une composante aéroportée et une composante océanique dont les performances, l’adaptabilité et les caractéristiques complémentaires permettent le maintien d’un outil qui, dans un contexte stratégique évolutif, demeure crédible à long terme, tout en restant à un niveau de stricte suffisance.
¡L'intervention
L’intervention extérieure de nos forces s’inscrit dans untriple objectif: assurer la protection de nos ressortissants à l’étranger, défendre nos intérêts stratégiques, comme ceux de nos partenaires et alliés, et exercer nos responsabilités internationales. Dans cette logique, la France entend disposer des capacités militaires lui permettant de s’engager dans leszones prioritairespour sa défense et sa sécurité : la périphérie européenne, le bassin méditerranéen, une partie de l’Afrique - du Sahel à l’Afrique équatoriale -, le Golfe Arabo-Persiqueet l’océan Indien. Ces capacités lui permettent d’apporter sa contribution à la paix et à la sécurité internationales dans d’autres parties du monde.
L’évolution du contexte stratégique pourrait amener notre pays à devoir prendre l’initiative d’opérations, ou à assumer, plus souvent que par le passé, une part substantielle des responsabilités impliquées par la conduite de l’action militaire.La France estime qu’elle contribuera d’autant mieux à une réponse collective qu’elle disposera des capacités d’initiative et d’action autonomes lui permettant aussi d'entraîner et de fédérer l'action de ses alliés et partenaires.La France fait dès lors duprincipe d’autonomie stratégiquele fondement de sa stratégie en matière d’intervention extérieure. Elle disposera des capacités lui conférant une autonomie d’appréciation, de planification et de commandement, ainsi que des capacités critiques qui sont à la base de son autonomie de décision et d’action opérationnelles.
Nos armées doivent pouvoir répondre à la diversité des menaces et des situations de crise. Elles devront pouvoir agir dans des opérations decoercition,dans lesquelles l’objectif de neutralisation de l’appareil politico-militaire adverse impose de disposer de forces de très haut niveau technologique ; elles devront également pouvoir s’engager dans des opérations degestion de crise,qui viseront à restaurer les conditions d’une vie normale et nécessiteront le contrôle dans la durée de larges espaces physiques. Dans des situations intermédiaires ou transitoires, nos forces devront également s’adapter à l’émergence de «menaces hybrides», lorsque certains adversaires de type non-étatique joindront à des modes d’action asymétriques des moyens de niveau étatique ou des capacités de haut niveau technologique.
Pour garantir sa capacité de réaction autonome aux crises,la France disposera en permanence d’un échelon national d’urgencede 5 000 hommes en alerte, permettant de constituer une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes, projetable à 3 000 km de l’hexagone, dans un délai de 7 jours. La France pourra s’appuyer sur des déploiements navals permanents dans une à deux zones maritimes, sur la base des Émirats arabes unis et sur plusieurs implantations en Afrique, dont l’articulation sera adaptée, afin de disposer de capacités réactives et flexibles à même de s’accorder aux réalités et besoins à venir de ce continent et de notre sécurité.
Au titre desmissions non permanentes,les armées seront capables d’êtreengagées simultanément, dans la durée, dans des opérations de gestion de crise sur deux ou trois théâtres distincts,dont un en tant que contributeur majeur. Letotal des forces engagées à ce titre sera constitué de l’équivalent d’une brigade interarmes représentant 6 000 à 7 000 hommes des forces terrestres, avec les forces spéciales, les composantes maritimes et aériennes nécessaires ainsi que les moyens de commandement et de soutien associés. Sous préavis suffisant, après réarticulation de notre dispositif dans les opérations en cours, les armées devront être capables d’êtreengagées en coalition et pour une durée limitée, sur un théâtre d’engagement unique, dans une opération de coercition majeure,dont la France devra pouvoir assurer le commandement. La France pourra engager dans ce cadre jusqu’à deux brigades interarmes représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, des forces spéciales, des composantes maritimes et aériennes, ainsi que les moyens de commandement et de soutien associés.
¡Laconnaissance et l'anticipation
Notre capacité de décision souveraine et d’appréciation autonome des situations, repose sur la fonction connaissance et anticipation, qui recouvre notammentle renseignement, domaine dans lequel notre effort sera accru.Les capacités techniques de recueil et d’exploitation du renseignement seront renforcées tandis que sera systématisé le principe de mutualisation entre services des capacités d’acquisition. Les capacités spatiales de renseignement électromagnétique et de renseignement image seront développées, la France étant disposée à appliquer pour ces capacités une approche reposant sur des interdépendances librement consenties entre partenaires européens. La France se dotera d’une capacité pérenne en matière de drones de moyenne altitude longue endurance (MALE) et de drones tactiques. Compte tenu de l’évolution des menaces, le renseignement intérieur fera l’objet d’une attention particulière. L’accroissement des moyens que la Nation consacre au renseignement s’accompagnera de manière concomitante d’un renforcement des capacités de pilotage stratégique et d’évaluation de l’exécutif sur le renseignement, ainsi que de l’extension du rôle de la délégation parlementaire au renseignement pour permettre au Parlement d’exercer dans ce domaine, conformément à la Constitution, son contrôle sur la politique du Gouvernement.
¡Laprévention
La stratégie de défense et de sécurité nationale repose sur une capacité crédible de prévention et de gestion civilo-militaire des crises, laquelle doit pouvoir s’appuyer surune stratégie etsurune organisation interministérielles consolidées,permettant la mobilisation efficace et coordonnée des moyens des ministères compétents. Cette démarche pilotée par le ministère des Affaires étrangères s’inscrira dans le cadre des efforts de la France visant à améliorer les capacités de gestion de crise de l’Union européenne.
¡Uneffort budgétaire adapté
Alors que la crise financière qui a frappé le monde aurait pu conduire à baisser la garde,la France continuera à consacrer à sa défense un effort financier majeur.Celui-ci s’établira à 364 Md€2013 sur la période 2014-2025, dont 179 Md€2013 pour les années 2014 à 2019, période de la prochaine loi de programmation militaire. Cet engagement permettra de bâtir un modèle d’armée répondant aux besoins de notre stratégie et adapté aux exigences de la défense et de la sécurité nationale, tout en s’inscrivant dans l’objectif du Gouvernement de restaurer l’équilibre des comptes publics et ainsi de préserver notre souveraineté et notre autonomie stratégique.
¡Lemodèle d’armée
La conception de notre modèle d’armée s’articule autour de quatre principes directeurs qui dessinent une stratégie militaire renouvelée :
- le maintien de notreautonomie stratégique,qui impose de disposer des capacités critiques nous permettant de prendre l’initiative des opérations les plus probables ;
- lacohérencedu modèle d’armée avec les scénarios prévisibles d’engagement de nos forces dans les conflits et dans les crises, c’est-à-dire la capacité à faire face aussi bien à des opérations de coercition et d’entrée sur un théâtre de guerre, qu’à des opérations de gestion de crise dans toute la diversité qu’elles peuvent revêtir ;
- ladifférenciationdes forces en fonction des missions de dissuasion, de protection, de coercition ou de gestion de crise. Ce principe nouveau de spécialisation relative, qui vise ainsi à une plus grande efficience des forces dans chaque type de mission, obéit aussi à une logique d’économie et consiste à n’équiper avec les capacités les plus onéreuses que les forces prévues pour affronter des acteurs de niveau étatique ;
- lamutualisationqui conduit à utiliser les capacités rares et critiques au bénéfice de plusieurs missions (protection des approches, dissuasion, intervention extérieure) ou à rechercher auprès de nos partenaires européens une mise en commun des capacités indispensables à l’action.
À l’horizon 2025, les armées françaises disposeront des capacités permettant d’assurer à tout moment, au niveau stratégique, le commandement opérationnel et le contrôle national des forces engagées ; de planifier et de conduire des opérations autonomes ou en tant que Nation-cadre d’une opération. Un effort particulier sera engagé pour développer notamment les capacités de renseignement et de ciblage, les forces spéciales, les capacités de frappes précises dans la profondeur et de combat au contact de l’adversaire, et une capacité autonome à « entrer en premier » sur un théâtre d’opérations de guerre.
Lesforces spécialesse sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. Leurs effectifs et leurs moyens de commandement seront renforcés, comme leur capacité à se coordonner avec les services de renseignement.
Lesforces terrestresoffriront une capacité opérationnelle de l’ordre de 66 000 hommes projetables comprenant notamment 7 brigades interarmes, dont 2 seront aptes à l’entrée en premier et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds. Ces forces disposeront notamment d’environ 200 chars lourds, 250 chars médians, 2 700 véhicules blindés multirôles et de combat, 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères de manœuvre et d’une trentaine de drones tactiques.
Lesforces navalesdisposeront de 4 sous-marins lanceurs d’engins, de 6 sous-marins d’attaque, d’1 porte-avions, de 15 frégates de premier rang, d’une quinzaine de patrouilleurs, de 6 frégates de surveillance, de 3 bâtiments de projection et de commandement, d’avions de patrouille maritime, ainsi que d’une capacité de guerre des mines apte à la protection de nos approches et à la projection en opération extérieure.
S’appuyant sur un centre de commandement et de conduite permanent et interopérable avec nos alliés, lesforces aériennescomprendront notamment 225 avions de combat (air et marine), ainsi qu’une cinquantaine d’avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne, 12 avions ravitailleurs multirôles, 12 drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée.
¡Les femmes et les hommes de la défense et de la sécurité nationale
La défense et la sécurité de la Nation reposent sur des femmes et des hommesaux compétences reconnues, partageant des valeurs communes, qui ont choisi, sous différents statuts, de servir leur pays et leur concitoyens. Suivant les préconisations du précédent Livre blanc, les structures de défense et de sécurité nationale ont, depuis 2008, notablement évolué. Pour le ministère de la Défense, ces évolutions se sont traduites entre 2008 et 2012 par une diminution d’environ 40 000 postes, sur les 54 900 prévus par le Livre blanc de 2008 pour la période 2009-2015. Afin d’adapter les effectifs du ministère de la Défense au nouveau modèle d’armée et aux exigences de la modernisation de l’action publique, de l’ordre de 34 000 postes seront supprimés durant la période 2014-2019 (dont plus de 10 000 au titre de la déflation déjà arrêtée en 2008).
De nouveaux leviers de gestion et de pilotage des réductions d’effectifs seront mis en œuvre pour permettre les évolutions à venir. Ils comporteront un important dispositif rénové pour l’accompagnement social, humain et économique de ces évolutions, incluant un dispositif adapté de reconversion du personnel. Dans ce contexte de réforme, la concertation et le dialogue interne au sein des forces de défense et de sécurité nationale seront développés, notamment grâce à une rénovation des instances de concertation militaire.
¡L’industriede défense et de sécurité
L’industrie de défense estune composante majeure de l’autonomie stratégique de la France.Avec plus de 4 000 entreprises, elle contribue de manière importante à notre économie, à l’innovation scientifique et technologique, comme à la création d’emplois. Dans un contexte marqué par une contraction du marché national et européen et par une concurrence internationale exacerbée, le Livre blanc réaffirme l’impératif de maintien en France d’une industrie de défense parmi les premières mondiales. Celle-ci permet à notre pays de disposer des capacités technologiques indispensables à son autonomie stratégique. Cette politique se développera suivant quatre axes principaux :
- le maintien d’un budget significatif en matière de recherche et de développement ;
- l’accompagnement des efforts de nos entreprises à l’international pour accroître le volume de leurs exportations, dans le cadre strict de nos mécanismes de contrôle et de nos engagements européens et internationaux ;
- l’exploitation systématique de toutes les voies de coopération en matière d’armement. Les progrès récemment réalisés par la France et le Royaume-Uni dans le domaine de l’industrie des missiles illustrent la faisabilité et la pertinence de cette approche. La France est disposée à étendre à d’autres domaines et à d’autres partenaires européens la mise en place de cadres communs pour le soutien d’une base industrielle de défense européenne économiquement viable ;
- le recours à tous les moyens dont dispose l’État, comme actionnaire, comme client et comme prescripteur, pour faciliter les restructurations industrielles qui s’imposent à l’échelle européenne.
Au lendemain de mon élection, j’ai demandé qu’un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale soit établi. J’ai en effet considéré que l’état du monde appelait de nouvelles évolutions stratégiques. Qui ne voit que le contexte a sensiblement changé depuis 2008 ? L’Europe avance sur la voie d’une intégration économique et financière, mais au prix d’une maîtrise sévère des dépenses publiques des principaux pays membres. Les États-Unis s’apprêtent à mettre fin à une décennie d’engagements militaires et revoient leurs priorités, dans un contexte de remise en ordre de leurs finances publiques. Les puissances émergentes, et notamment la Chine, ont commencé un rééquilibrage de leur économie afin de répondre aux besoins de leur classe moyenne. Enfin, le monde arabe est entré dans une nouvelle phase, porteuse d’espoirs mais aussi de risques, comme nous le rappelle la tragédie syrienne. Dans le même temps, les menaces identifiées en 2008 – terrorisme, cybermenace, prolifération nucléaire, pandémies... – se sont amplifiées. La nécessité d’une coordination internationale pour y répondre efficacement s’impose chaque jour davantage.
Cette situation ne prend pas la France au dépourvu. Son histoire n’a en effet jamais cessé d’être mêlée à celle du monde. Par son économie, par ses idées, par sa langue, par ses capacités diplomatiques et militaires, par la place qu’elle occupe au Conseil de sécurité des Nations unies, la France est engagée sur la scène internationale, conformément à ses intérêts et ses valeurs. Elle agit en concertation étroite avec ses partenaires européens comme avec ses alliés, mais garde une capacité d’initiative propre.
Je suis reconnaissant à la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale d’avoir contribué à éclairer nos choix. Pour la première fois, elle comprenait – outre des parlementaires, des représentants de l’État, des experts indépendants – deux Européens, un Allemand et un Britannique. Cette ouverture a un sens.
Le Livre blanc met l’accent sur les trois priorités de notre stratégie de défense : la protection, la dissuasion, l’intervention. Elles se renforcent mutuellement. Elles ne sont pas dissociables. Nous devons veiller à protéger les Français, y compris face aux risques de la cybermenace, garder la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et préciser notre capacité à prendre l’initiative
des actions conformes à nos intérêts et à ceux de la communauté internationale. Il s’agit de veiller à la sécurité de la France en mobilisant les énergies dans un effort national, qui doit lui-même s’inscrire dans le cadre plus large de la construction d’une défense européenne efficace.
Le Livre blanc tient compte de l’évolution de nos moyens de défense dans la contrainte budgétaire que nous connaissons. Une volonté claire est affichée au bénéfice de capacités autonomes et réactives de projection reposant sur des forces bien entrainées, bien équipées et bien renseignées. Elles devront être en mesure d’avoir un impact décisif dans les régions où les menaces sont les plus grandes sur nos intérêts et ceux de nos partenaires et alliés. Elles démontreront que la France est prête à assumer ses responsabilités, comme elle l’a fait au Mali.
Cette mission n’est pas seulement l’affaire de l’État. C’est aussi celle pour partie des collectivités locales et, sur le plan de la protection de leurs intérêts, celle des entreprises. Ce constat a conduit à la mise en place en 2008 du concept de sécurité nationale. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale trace donc une perspective d’avenir pour la défense de la France, qui a maintenant besoin, pour se réaliser, de l’engagement de tous, militaires, personnel des services de renseignement, policiers, gendarmes, diplomates, agents publics, bénévoles, mais aussi simples citoyens, tous acteurs de notre sécurité nationale.
François Hollande