L’entrepreneuriat social, forme d’entrepreneuriat qui vise à concilier viabilité économique et impact social, fait l’objet d’un intérêt croissant de la part des décideurs politiquescomme du grand public.
L’augmentation des créations d’entreprises sociales, l’éclosion de chaires dédiées à cette thématique dans les écoles de commerce, la multiplication des incubateurs d’entreprises sociales, l’organisation de conférences et séminaires portant sur l’émergence de ce phénomène soulignent la vivacité de cet intérêt.
Tous les secteurs de l’économie ou presque, des plus traditionnels aux plus novateurs, sont concernés par cette vague entrepreneuriale, perçue comme pourvoyeuse d’emplois pour la plupart non délocalisables, donc comme un outil efficace, parmi d’autres, pour lutter contre le chômage. Ainsi, l’entrepreneuriat social représente une force économique à potentiel élevé, qui montre des signes de croissance rapide.
Ces entités à la croisée du privé « classique » et du tiers secteur traditionnel séduisent par leur finalité sociale et leur dynamisme découlant de leur modèle économique hybride. Ce phénomène ne doit pourtant pas occulter que les contours de l’entrepreneuriat social restent flous et que les défis auxquels les entreprises sociales doivent faire face sont légion.
Plusieurs interrogations demeurent.
- Quel devrait être le rôle de l’État pour accompagner ces entreprises ?
- Comment faciliter l’accès au financement de ces entités souvent associées à la non-lucrativité donc à la « nonrentabilité » ?
- Quels instruments développer pour rapprocher le milieu des entreprises classiques de celui de l’entrepreneuriat social ?
L’affirmation de l’entrepreneuriat social est à la croisée d’enjeux fondamentaux : évolution du rôle de l’État-providence, croissance des déficits publics, nouvelles attentes des consommateurs, poids des contraintes environnementales, importance de l’innovation, etc.
Constatant à la fois l’attractivité de ce mode d’entrepreneuriat et les nombreuses questions qu’il pose, le Centre d’analyse stratégique et l’Organisation de coopération et de développement économique ont souhaité proposer des analyses et créer le débat sur ce sujet. Le présent ouvrage vise donc à fournir des éléments de perspective sur l’entrepreneuriat social, en présentant le contexte dans lequel il évolue, ses acteurs, ses difficultés mais aussi ses succès, et retracer les discussions auxquelles il donne lieu.
La première section rassemble des contributions de nature théorique et analytique. Le cadre communautaire est présenté par Laszlo Andor, commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion. Les contributions d’Antonella Noya, analyste senior des politiques publiques à l’OCDE, et de Caroline Lensing-Hebben, chargée de mission au Centre d’analyse stratégique, sont consacrées à la définition de l’entrepreneuriat social mais exposent également les conditions de son développement ainsi que les grands enjeux auxquels il est confronté. Amandine Barthélémy et Romain Slitine, experts associés auprès de l’ESSEC, entendent souligner la capacité de l’entrepreneuriat social, via ses acteurs et ses méthodes, à changer l’économie dans son ensemble.
Dans la seconde section sont repris les principaux débats et interventions d’un colloque du 6 mars 2012 co-organisé par le Centre d’analyse stratégique et leprogramme LEED (Développement économique et création d’emplois locaux) de l’OCDE. Ce colloque intitulé « Quelle place pour l’entrepreneuriat social en France ? » s’est déroulé au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie1. Il a réuni des acteurs politiques, sociaux, économiques pour débattre du périmètre de ce secteur,de ses conditions de développement et de ses difficultés.
La conclusion que Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé de l’Économie sociale et de la Consommation, a souhaitéapporter à cet ouvrage, replace le débat sur l’entrepreneuriat social au sein de celui,plus vaste, de l’économie sociale en France, tout en présentant les actions du gouvernement français en faveur de ce pan de l’économie.
En annexe, on trouvera une estimation du poids du secteur par le cabinet McKinsey, ainsi que deux illustrations de ces entreprises sociales : neuf fiches réalisées parMcKinsey et un recueil de bonnes pratiques qui rassemble trente cas témoignant des réussites et de la diversité du secteur.
Cet ouvrage, nous l’espérons, permettra au lecteur de prendre la mesure du potentiel mais aussi des défis de ce nouveau mode d’innovation économique et social qu’estl’entrepreneuriat social.
plus ancien:
- Les rapports 2012
- Les rapports 2011
- Les rapports 2010
- Les rapports 2009
- Les rapports 2008
- Les rapports 2007
- Les rapports 2006
Source:
« Une entreprise sociale est une société dont les objectifs sont essentiellement sociaux, dont les surplus sont réinvestis dans la société ou la communauté pour poursuivre ces objectifs plutôt que satisfaire un besoin de maximiser les profits pour des actionnaires et des propriétaires. »
Définitions de l'entreprenariat social par les organisations actives dans ce domaine
Ashoka« Les entrepreneurs sociaux semblent souvent possédés par leurs idées, sacrifiant leur vie pour changer l’orientation de leur domaine. Ils sont autant des visionnaires que des réalistes fondamentaux, préoccupés avant toute chose par la mise en œuvre pratique de leur vision. Les entrepreneurs sociaux sont des agents de changement pour le secteur social. C’est leur mission qui les stimule, et ils sont déterminés à atteindre des résultats et à conserver la responsabilité financière des communautés dont ils sont au service. Les entrepreneurs sociaux apportent des transformations systémiques en affrontant non seulement le problème auquel ils sont directement confronté, mais aussi la cause de ce problème. De plus, les entrepreneurs sociaux sont généralement plus efficaces que les OGN internationales pour s’attaquer aux causes premières, car ils sont mieux intégrés dans les sociétés qu’ils servent et connaissent les besoins spécifiques de leurs bénéficiaires. »
Echoing Green« L’entreprenariat social est le travail des entrepreneurs sociaux. Nous pensons que les entrepreneurs sociaux sont ces individus exceptionnels qui osent rêver et assumer la responsabilité d’une idée novatrice qui n’a pas encore été testée, visant un changement social positif, et qui changent leur rêve en réalité. C’est la combinaison entre une créativité révolutionnaire et une mise à exécution inébranlable qui permet aux entrepreneurs sociaux de laisser un impact durable sur les problèmes les plus difficiles consiste en une combinaison. »
Public Innovators« L’entreprenariat social est défini ici comme étant la pratique visant à répondre aux insuffisances du marché avec des innovations transformatrices et financièrement durables afin de résoudre des problèmes sociaux. Ces trois composants essentiels se résument comme suit : 1) réponse aux insuffisances du marché ; 2) innovation transformatrice ; et 3) durabilité financière. »
Schwab Foundation« Un entrepreneur social est un type d’entrepreneur qui se base sur
l’innovation pour améliorer le monde par des solutions que peut offrir le marché. Les entrepreneurs sociaux utilisent leurs compétences et leur créativité afin d’essayer de résoudre un
problème social urgent dans le but d’avoir un impact positif. »
« Les entrepreneurs sociaux guident une innovation et une transformation sociales dans différents domaines, dont l’éducation, la santé,
l’environnement et le développement d’entreprises. Ils poursuivent leur objectif de réduire la pauvreté par un zèle d’entrepreneur, des méthodes empruntées au domaine des affaires, et le
courage d’innover et de surpasser les pratiques traditionnelles. Un entrepreneur social, à l’instar d’un entrepreneur en affaires, construit des organisations solides et durables, érigées
soit en tant que sociétés ou organisations à but non lucratif. »
Définitions de l'entreprenariat social par ceux qui travaillent dans ce domaine
Canning, Lisa: « Je pense que les meilleurs innovateurs sociaux sont prêts à ne pas payer uniquement le prix de travailler constamment sans s’enrichir, mais aussi le prix de leurs convictions afin de créer réellement les changements qu’ils souhaitent. En d’autres termes, ils changeront plusieurs fois d’avis. Selon moi, l’artiste, en tant qu’entrepreneur social, est presque l’expression la plus naturelle qui existe de l’entreprenariat. L’entrepreneur social et l’artiste ont comme point commun leurs origines philosophiques. Les deux désirent, presque comme une religion, répandre « la bonne parole » à travers l’intégrité, la réflexion judicieuse et la détermination selon laquelle l’artiste crée de manière naturelle par sa nature intuitive, sa créativité »
Dees, J. Gregory: « Les entrepreneurs sociaux sont favorables au changement, axés sur les opportunités, innovants, plein de ressources, et créateurs de valeur. Ils perçoivent les ressources existantes et trouvent le moyen de les mobiliser ou de les transférer dans des domaines de meilleurs productivité et rendement. Ils trouvent un moyen de créer de la valeur. »
Drayton, Bill: « Les entrepreneurs sociaux entrevoient un avenir à des endroits où les autres ne le perçoivent pas. Ils voient les résultats finaux à un niveau mondial avant même d’avoir commencé quoi que ce soit. L’entreprenariat social, c’est transformer les problèmes en opportunités. Ce n’est pas uniquement avoir de grandes idées, mais aussi savoir comment les mettre en œuvre. »
Westley, Frances : « L’innovation sociale est une affaire complexe. Ces problèmes ne sont pas de simples problèmes. On ne peut les résoudre de manière déterministe, rationnelle, ni directe. Donc, si vous pénétrez dans ce monde… il y a certaines règles et meneurs à connaître. Mais il s’agit plus de les sentir et de vous aligner avec eux que de les laisser faire ou de changer le système de manière trop délibérée… »