Prise la main dans le sac, la majorité entonne le couplet de la moralisation de la politique et s'exonère de toute responsabilité. Philippe Tesson explose de colère.
Après l'affaire Cahuzac, des voix s'élèvent au sein du PS pour demander un référendum sur la moralisation de la vie politique.© Michel Stoupak / citizenside.com
On n'aura pas été étonné que les socialistes, par la voix de leurs dirigeants, en tête desquels le chef de l'État, se dégagent de toute espèce de responsabilité dans l'affaire Cahuzac. "C'est une affaire individuelle, c'est un homme qui a failli", disait dès jeudi François Hollande. Depuis, toute la famille reprend en choeur ce refrain. Ils n'y sont pour rien. On savait depuis longtemps qu'un socialiste n'y est jamais pour rien. Un socialiste est un être immaculé. De nature. Une souillure ne peut pas être socialiste. Un socialiste est innocent, donc, Cahuzac n'est pas socialiste, et donc les socialistes ne sont pas comptables des crimes de Cahuzac, ils en sont victimes. Le Grand Pur Socialiste, le GPS qui gouverne la France, a rendu son jugement : ni lui-même ni son gouvernement n'ont "rien à voir avec l'affaire en question" (sic...).
Le Tout-Paris politique savait plus ou moins que Cahuzac n'était pas un enfant du Bon Dieu. De même, les milieux informés savaient que Jean-Jacques Augier, ami de longue date de Hollande et trésorier de sa campagne électorale, ne tirait pas son immense fortune d'un modeste commerce franchouillard. Seul François Hollande l'ignorait ! Le pauvre homme ! "Je ne connaissais rien des activités de M. Augier", affirme-t-il aujourd'hui. S'il dit vrai, tant de naïveté frise la sottise et signe l'incompétence. Sinon, il ment. C'est sans doute un peu les deux.
Stratégie de la défausse
Donc, le pouvoir a choisi, une fois de plus et comme on s'y attendait, la stratégie de la défausse. Nous avons été abusés, disent-ils, nous allons en tirer la leçon, cela nous donne raison, nous avions bien dit que la République devait être irréprochable, et "Moi, président de la République", je m'étais engagé à ce que sous mon règne elle le devienne. Mais que ne l'a-t-il pas fait depuis dix mois plutôt que de nous divertir avec son "mariage pour tous" ?
Nous allons entrer dans un cycle vertueux. De ce cataclysme que nous venons de vivre et qui n'est pas près de s'apaiser si l'on en croit les rumeurs, Hollande va tenter de faire une aubaine. L'occasion est inespérée. Déjà, on sent souffler un vent moral. Les diacres, les sacristains et les chaisières du parti entonnent les chants de la purification. À leur tête, le chef balayeur, toujours prêt à la croisade, Harlem Désir.
Tarte à la crème
On ne conteste pas ses intentions, mais il ne pouvait pas commencer plus mal, plus maladroitement, plus bêtement. Est-ce malin en effet, est-ce politiquement habile, est-ce opportun d'engager une opération de moralisation en divisant le peuple ? C'est au moment où la gauche est prise la main dans le sac qu'il attaque la droite, faisant une affaire politique d'une cause morale. "La droite, dit-il, ne s'est pas prononcée sur le sujet de la moralisation." N'importe quoi ! La moralisation est la tarte à la crème de toutes les familles politiques depuis la nuit des temps républicains. Tout le monde "se prononce" sur ce sujet, c'est tellement facile. Le problème n'est pas de se prononcer, mais d'agir. La gauche n'a pas davantage agi que la droite, pour preuve ce qu'a fait "Moi, président de la République" depuis dix mois, ou plutôt ce qu'il n'a pas fait. "Nous ne pouvons pas supporter, ajoute Harlem Désir, la surenchère antirépublicaine à laquelle se livre la droite." Où a-t-il vu cela ? Quelle surenchère depuis que l'affaire Cahuzac a éclaté ?
Et pour en arriver à quoi ce préambule agressif et diviseur, alors qu'une chance se présente pour qu'une réflexion collective et non partisane aboutisse à un consensus sur le sujet ? Pour arriver à une proposition stupide, celle d'un référendum dont la question serait : "Est-ce que vous voulez une République exemplaire ?" (sic...).
Génial ! On a envie de répondre non si l'exemple est celui qu'ils donnent : celui de la bêtise, de l'arrogance et du mépris.
Par Philippe Tesson
Source:
Le Point.fr