Les œuvres volumineuses (dix-neuf livres et des milliers d’essais et articles) de H.L. Mencken, l’un des écrivains américains les plus doués
et peut-être le plus grand journaliste et chroniqueur de langue américaine, sont des trésors pratiquement oubliés, imprégnés d’un esprit brillant et d’une sagesse profonde. Les Américains
l’ont relégué à la corbeille comme ils l’ont fait avec la connaissance de leur propre histoire et avec le respect dû à leur propre constitution. Parcourir ses perles sur le gouvernement, la
démocratie, les politiciens et les élections, tout comme le socialisme et le capitalisme, c’est percevoir ce qu’était autrefois l’Amérique et qu’elle ne fait plus que revendiquer aujourd’hui.
« Le gouvernement est un intermédiaire en pillage », nous dit Mencken dans « Préjudices : premières séries (1919) » et aussi, « chaque élection est une sorte de
vente aux enchères anticipée de biens à voler ». Dans ce livre, il ajoute aussi que « l’urgence de sauver l’humanité est presque toujours un faux prétexte avancé pour masquer le désir
pressant de gouverner » et définit le socialiste comme « un homme qui souffre de sa conviction écrasante pour une croyance en quelque chose qui n’est pas
vrai ».
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« La Démocratie est une forme de culte» observe-t-il dans Le Credo Américain : Une contribution vers l’interprétation de l’esprit
national (1920). » « C’est l’adoration des chacals par les jean-foutres ! ». Et plus loin encore, « le socialisme est simplement un capitalisme dégénéré promu par des
capitalistes faillis. Son objet véritable est d’obtenir plus d’argent pour ceux qui le professent ».
Dans le Mercure Américain (24 avril 1924), il a écrit sur l’endoctrinement de la jeunesse par l’Etat :« [La] fausse apparence donne l’impression que le but de l’éducation publique est de donner aux jeunes des connaissances et d’éveiller leur intelligence et, ainsi, de les rendre aptes à
revêtir les devoirs de la citoyenneté de manière éclairée et indépendante. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Le but de l’éducation publique n’est pas d’éclairer du tout, c’est tout
simplement de réduire autant d’individus que possible, au même niveau sécurisant [pour le gouvernement], d’élever et de former une citoyenneté standardisée, de brimer toute dissension et
originalité. Ceci est le but aux Etats-Unis, quelques soient les prétentions des politiciens, des pédagogues et autres imposteurs et c’est le cas partout ailleurs
également. »
Dans le Mercure Américain (27 août 1924) il note: “Le but de la démocratie est de brider tous les esprits libres au harnais
commun. Elle essaie de lisser les plis, de leur ôter leur propre respect de soi, d’en faire de dociles Monsieur Tout-le-Monde. La taille de son succès est à la mesure de ces hommes brisés et
rendus communs. La mesure de la civilisation est à la force avec laquelle ils résistent et survivent. Ainsi, la seule sorte de liberté réelle dans la démocratie est la liberté de ceux qui n’ont
rien de détruire la liberté de ceux qui possèdent quelque chose ». Dans Les Notes sur la démocratie (1926), Mencken élabore ce thème. « La démocratie est basée sur un ensemble de
mensonges si puérils qu’il doit être protégé par un système de tabous bien rigides, car sinon, même les esprits médiocres le mettraient en pièces. Son premier souci est de pénaliser le jeu
libre des idées… l’individu moyen ne veut pas être libre. Il veut être en sécurité ».
Dans son livre « Chrestomathy » (1949), une compilation sommaire de ses écrits, Mencken identifie la
“nature interne” du gouvernement:
« Tout gouvernement, en essence, est une conspiration contre l’homme supérieur; son objet permanent est de l’oppresser et de
l’handicaper. S’il prend la forme d’une organisation aristocratique, alors il cherche à protéger l’homme qui est supérieur par la loi contre l’homme qui est supérieur dans les faits ; si
c’est une organisation démocratique, il cherche à protéger l’homme qui est inférieur dans tous les domaines contre les deux. L’une de ses fonctions primaires est de réglementer les hommes de
force et de les rendre le plus possible semblables et dépendants les uns des autres, de rechercher et combattre l’originalité parmi eux. Tout ce qu’il discerne dans les idées originales,
c’est un changement potentiel et donc une invasion dans ses prérogatives. L’homme le plus dangereux, pour tout gouvernement, c’est l’homme capable de penser par lui-même, sans se soucier des
superstitions et tabous prédominants. Presqu’inévitablement, il en vient à la conclusion que le gouvernement sous lequel il vit est malhonnête, fou et intolérable et donc, comme il est
romantique, il tente de le changer. Et même s’il n’est pas un romantique personnellement, il est tout à fait apte à semer le mécontentement parmi ceux qui le sont... »
Ce qui se cache derrière tout ceci, est, je crois, un sens profond de l’antagonisme fondamental entre le gouvernement et le peuple qu’il
gouverne. Le gouvernement doit être appréhendé non pas comme un comité de citoyens choisi pour se charger du travail commun de toute la population mais comme une corporation séparée et autonome
principalement dévouée à exploiter la population pour le bénéfice de ses propres membres… Quand on vole un citoyen privé, un homme honnête est privé des fruits de son travail et de son
épargne ; quand le gouvernement est volé, la pire chose qui puisse arriver, c’est que certains fripons et flemmards aient moins d’argent pour jouer qu’auparavant. Personne n’a jamais soutenu
la notion qu’ils aient pu gagner cet argent ; pour les hommes les plus intelligents cela semblerait ridicule. Ce sont simplement des chenapans, qui par un accident de la loi, ont le droit
douteux de profiter d’une partie des revenus gagnés par leurs semblables.
Ce gang jouit presque d’une totale immunité. Les pires extorsions, même lorsqu’elles sont directement liées au profit privé, ne comportent
pas de pénalités sous nos lois. Depuis la création de la République, moins d’une douzaine de ses membres ont été légalement démis de leurs fonctions, et seuls quelques obscurs sous-fifres ont été
mis en prison. Le nombre de personnes qui sont emprisonnées à Atlanta et Leavenworth pour s’être révoltées contre les extorsions du gouvernement est dix fois plus grand que le nombre d’officiels
du gouvernement condamnés pour avoir oppressé les contribuables sur leurs propres gains… ils ne sont plus citoyens de ce monde, ce sont seulement des sujets. Ils travaillent jour après jour pour
leur maître, ils sont prêts à mourir pour leur maître sur commande… un beau matin, dans une époque géologique ou deux donc, ils vont arriver à la fin de leur endurance…
Mencken discernait exactement le grand danger qui consiste à supposer gaiement que le bien public motive les
politiciens :
Ces hommes-là, en fait, sont rarement motivés par quelque chose que l’on puisse décrire comme l’esprit public; il n’existe pas plus
d’esprit public parmi eux que parmi les voleurs ou les passants. Leur objectif premier, dernier et perpétuel est de promouvoir leur avantage privé et à cette fin seule, d’exercer les
vastes pouvoirs qui sont entre leurs mains… |
L’une des raisons majeures pour lesquelles les mots “gouvernement” et “tyrannie” sont virtuellement synonymes, Mencken nous l’a montré, c’est
la crédulité des gouvernés : « L’Etat n’est pas la coercition pure. Il dépend de la crédulité de l’homme pratiquement autant que de sa docilité. Son but n’est pas seulement de le faire
obéir mais le convaincre de bien vouloir obéir ». Est-ce que le gouvernement est parfois utile ? Vous voulez rire ! «Un médecin l’est. Mais supposez que ce cher Monsieur le docteur
réclame le droit, chaque fois qu’on l’appelle pour guérir un mal de ventre ou un sifflement d’oreilles, de dévaliser l’argenterie de famille, de se servir de vos brosses à dents et de faire usage
du droit de cuissage sur votre bonne ? »
Mencken ne réservait pas une affection plus grande pour la “caste militaire” que pour
la bureaucratie civile.
La caste militaire n’a pas son origine dans un parti de patriotes mais dans un parti de bandits. Les chefs bandits primitifs sont
finalement devenus des rois. Et le militaire professionnel conserve quelque chose du caractère du bandit. Il peut se battre bravement et sans penser à lui, mais c’est ce que font aussi
les coqs. Il se peut qu’il ne recherche pas de récompense matérielle, mais le chien de chasse non plus. Son attitude générale d’esprit est stupide et anti sociale. Il a un instinct sain
ancré dans les Pères Fondateurs [de la Constitution des Etats-Unis] qui lui ont fait soumettre l’establishment militaire au pouvoir civil. Pour sûr, le pouvoir civil est largement
constitué de canailles politiques mais ils diffèrent dans leur but et leur perspective des militaires…. |
Mencken a dénoncé les faux-jumeaux, le socialisme et la démocratie ; il a ridiculisé les prétentions et idioties des politiciens (civils
et militaires) ; et il a pris son deuil du décès de la République Américaine. Par conséquent, il s’est opposé à l’entrée de l’Amérique dans la première et la seconde guerre mondiale et a
réservé un mépris spécifique à l’exécrable Franklin Roosevelt et à son New Deal catastrophique.
Mencken a été enterré, semble-t-il à cause des principes qu’il a (et bien d’autres) défendus dans les années 1920 et qui sont les mêmes qu’il
a défendus (pratiquement tout seul) jusqu'à sa mort en 1956. Le diabolique Franklin, d’un autre côté, a été « léonifié » précisément parce que les promesses
qu’il avait faites en 1932 – celle de maintenir l’étalon–or, d’équilibrer le budget et de réduire les dépenses salariales du gouvernement –ont été abandonnées en 1933 et son vœu répété en 1940
(« vos garçons n’iront dans aucune guerre à l’étranger ») a été rapidement répudié en 1941. Aujourd’hui la plupart des Américains révoqueraient les principes de Mencken comme
« radicaux », « extrêmes » ou même « hérétiques ». Peu d’entre eux les dénonceraient comme « non-américains » et les néoconservateurs l’injurieraient comme
un « défaitiste » et un « traître ». Comment Mencken répondrait-il à ces épithètes ? Dans une lettre adressée à Upton Sinclair (14 octobre
1917), il a tiré cette salve :
La notion selon laquelle un radical est quelqu’un qui hait son pays est naïve et généralement idiote. Il est, plus
vraisemblablement, celui qui aime son pays plus que le reste d’entre nous et donc, il est plus ennuyé que le reste d’entre nous lorsqu’il le voit débauché. Ce n’est pas un mauvais citoyen qui se détourne du pays : c’est un bon citoyen conduit au désespoir. |
Chris Leithner
Chris Leithner est le directeur de Leithner& Co. PtyLtd. une société d’investissement privée basée à Brisbane, Australie