Les choix du futur
Pour beaucoup de gens (y compris quelques économistes célèbres), le marché est « frappé de myopie ». Et s’il est peut-être en mesure de réaliser un équilibre instantané entre offre et demande, il ne nous dit rien sur les choix qui engagent le long terme.
Dans ces conditions, n’appartient-il pas aux autorités publiques de prendre en charge les grands chantiers du futur, de préparer l’avenir ?
« Gouverner c’est prévoir » disait jadis Pierre Mendès France et, pour lui faire écho, Pierre Massé, Commissaire Général au Plan de 1959 à 1966 déclarait : « Le plan, c’est l’anti-hasard ».
Les entrepreneurs scrutent l’avenir
La thèse de la « myopie du marché » révèle l’ignorance de l’économie naturelle et, en particulier, du rôle que jouent les entrepreneurs.
D’une part, ils laissent croire que les entrepreneurs ont le nez collé sur le guidon et ne voient pas plus loin que le prochain exercice comptable, gérant comme des boutiquiers au jour le jour. En réalité, l’innovation n’est pas un exercice de voyance : elle engage l’entreprise dans une nouvelle aventure, destinée à se prolonger. Les profits à la sauvette n’assurent pas la prospérité de l’entreprise et c’est l’entreprise qui forge elle-même en grande partie son avenir. Il est vrai que la durée de vie des produits se raccourcit, pour de multiples raisons, mais à cela il est possible de répondre par des stratégies de diversification, par une connaissance approfondie des marchés et de leurs tendances. Le phénomène des « start up » a laissé croire que le succès n’est assuré que par des opérations à court terme, alors qu’il est prouvé que la plupart des start up se transforment en entreprises durables, ou entretiennent un flux permanent d’innovations. Les start up répondent ainsi à l’accélération du progrès technique, elle-même stimulée par les changements rapides intervenus dans les choix de consommateurs mieux informés et plus fortunés.
Les choix des entrepreneurs sont responsables
D’autre part, dans le jeu de l’innovation et de l’adaptation, les choix des entrepreneurs sont responsables, parce qu’ils engagent leur entreprise, leur patrimoine et qu’ils ont aussi le souci de conserver les ressources humaines et techniques qui font le succès de leurs affaires.
L’entrepreneur n’est pas un joueur qui prendrait aveuglément des risques, il est l’observateur attentif du marché. C’est lui qui trouve de nouvelles clientèles pour de nouveaux biens ou services. Celui qui trouve garde : ce principe du « finder keeper » peut jouer parce que l’entrepreneur a la propriété du profit qu’il réalise. Les attaques contre le profit et l’entrepreneur conduisent, comme c’est le cas actuellement, à décourager l’esprit d’entreprise et à freiner la croissance.
On peut discuter des erreurs commises par tel ou tel dirigeant, ayant conduit leur affaire et leurs actionnaires à la ruine par leur imprévoyance, mais cela concerne des cas isolés, bien que spectaculaires ou scandaleux, et cela traduit aussi un manque de contrôle sur les dirigeants et un manque de motivation pour les dirigeants. Là encore les interventions et le laxisme des autorités publiques y sont pas pour quelque chose, comme le montrent des histoires aussi retentissantes que Enron, le Crédit Lyonnais ou les Subprimes.
En fait, le seul hasard que les entrepreneurs ne puissent gérer, c’est celui des décisions arbitraires et du laxisme des politiques et des administrations. Paradoxalement, le hasard, c’est le Plan, le hasard c’est l’Etat.
L’avenir tel que le gèrent les gouvernants
La prétention des gouvernants de prévoir l’avenir et de substituer aux entrepreneurs et au marché est une « présomption fatale » (Hayek).
Elle participe de deux erreurs majeures.
La première consiste à croire que les dirigeants sont nantis d’un pouvoir divinatoire surhumain. Nul ne peut se mesurer au hasard, nul ne peut dans le domaine de l’économie comme dans bien d’autres anticiper de façon certaine les évènements et, mieux encore, les comportements. On ne peut pas figer les situations, définir des réactions typiques. C’est évidemment le rêve de tout planificateur, mais on n’a jamais vu une planification centralisée et globale réussir où que ce soit ni en quelque période que ce soit. Et quand la réalité ne se plie pas aux prévisions des planificateurs, ils sont tentés de s’en prendre à la réalité, et quand les hommes démentent le plan, ils finissent par vouloir supprimer les hommes.
L’impuissance des planificateurs est masquée par les titres prestigieux qu’ils ont acquis : ils sont experts en tout, et forment une élite qui finit par oublier, sinon mépriser, le bon peuple. En réalité ces technocrates de haut rang, que l’on trouve dans les cabinets ministériels et à la tête des grandes administrations, ne connaissent rien de la réalité économique. Leur savoir se limite à la vulgate macro-économique keynésienne, ils ont tous été formés dans le même moule, surtout en France où l’ingénieur issu des grandes écoles se croit omniscient et deviendra omnipotent après être passé par l’Ecole Nationale d’Administration et le corps des Inspecteurs des Finances…
L’horizon des gouvernants est électoral
La deuxième erreur consiste à croire que les hommes politiques sont obsédés par les grands projets, par l’intérêt général à long terme. La manière dont se comportent les décideurs publics a été analysée par les économistes de « l’école du Public Choice » où s’est illustré le prix Nobel d’Economie James Buchanan.
En fait, les grands projets n’intéressent les hommes politiques que quand ils les présentent, pour qu’ils portent à jamais leur nom quoi qu’il advienne. Ce qui les concerne par priorité, ce sont les prochaines échéances électorales. Leur souci est de capter des voix en prenant des mesures à effet immédiat, dont précisément les conséquences (le plus souvent néfastes) ne seront connues qu’après les élections. De même se comportent les bureaucrates, attachés au renouvellement de leur budget et à la pérennité de leur poste. Ainsi se comportent les syndicalistes, qui se livrent à la surenchère démagogique et compromettent l’avenir des entreprises et des emplois. Tous ces gens-là savent qu’ils ne récolteront jamais ce qu’ils ont semé, ils sèment donc à tout vent : ils sont obligés de prendre leur bénéfice sur-le-champ, ils travaillent dans le spectaculaire. A long terme, ils comptent sur l’exceptionnelle capacité d’oubli ou de résignation des électeurs, trompés chaque fois par des prévisions fantaisistes, des promesses non tenues. Est-il surprenant que les électeurs acquièrent peu à peu le sentiment que leur vote ne sert pas à grand chose, et surtout pas à préparer l’avenir ?
La myopie n’est donc pas du côté que l’on croit en général.
Il n’est qu’à voir l’incurie qui a accompagné depuis un demi-siècle la gestion des retraites, de l’assurance maladie, la construction scolaire et le recrutement des maîtres, le logement social (un autre défi à l’économie naturelle !), voire la défense nationale et la justice. La seule chose que les gouvernants semblent savoir de l’avenir, c’est qu’on peut rejeter sur les générations futures le poids des erreurs commises aujourd’hui : la dette publique de l’Etat français a dépassé mille neuf cents milliards d’euros.
Source: Libres.org , Aleps par
Information de wikibéral sur la dette publique
La dette publique est constituée du montant total de tous les emprunts de l'État et des autres administrations publiques (collectivités territoriales et protection sociale). La dette intérieure est contractée auprès des agents économiques intérieurs (ménages, entreprises, institutions financières) tandis que la dette extérieure est financée par des intervenants étrangers.
Elle sert à financer (et est accrue par) le déficit budgétaire.
En démocratie, les hommes politiques cherchent à satisfaire d'abord l'électeur médian, et ce par la redistribution, car il faut que cet électeur, dont le revenu est inférieur au revenu moyen[1], obtienne des avantages qui lui coûtent moins que les impôts qu'il paie[2]. Comme il est impossible de prendre à la classe moyenne plus que ce qu'on lui redonne, et comme la spoliation des classes aisées atteint vite ses limites, l'octroi de ces avantages n'est possible que par l'emprunt étatique, ce qui explique l'accroissement ininterrompu de la dette publique dans les démocraties. Les avantages obtenus sont soit pécuniaires (allocations diverses, assistanat, subventions d'associations ou d'entreprises) soit en nature : "gratuité" de la santé, des études, des infrastructures publiques, et autres prétendus "acquis sociaux".
Tout politicien qui refuserait cette pratique perdrait les élections en étant supplanté par des politiciens plus démagogiques que lui sur le marché politique. L'État-providence a ainsi vocation à s'étendre indéfiniment en même temps que la dette publique grossit en contrepartie.
La tâche du politicien consistera à s'attribuer les mérites de la redistribution étatique tout en cachant ou minimisant la réalité de la dette, en entretenant le plus grand flou à son sujet (ainsi ne sont pas compris dans la dette certains engagements de l'état : retraites futures des fonctionnaires, cautions de droit ou de fait, endettement des sociétés détenues par l'État, etc.). Le politicien étant par définition irresponsable, il désignera à la vindicte populaire, lorsque la dette ne sera plus supportable, de nombreux boucs émissaires : le marché, les banques, certains pays étrangers, certaines institutions internationales, etc. Ses boucs émissaires préférés seront évidemment ses créanciers : par un curieux retournement de situation, il les mettra en accusation et dénoncera leur emprise, comme s'il était lui-même totalement hors de cause dans ses problèmes de finances, et comme si l'endettement excessif était une fatalité extérieure dont il n'était pas responsable.
Un des paradoxes de la dette publique en démocratie est précisément son aspect antidémocratique :
- Chacun sait que la dette n’est que de l’impôt différé et que la marque d’une démocratie est que l’impôt est voté par ceux qui vont devoir le payer. Nous collons cependant des impôts énormes (par l’intermédiaire de la dette que nous allons leur laisser) sur nos enfants ou nos petits enfants sans qu’ils aient pu les voter, ce qui est la marque, non pas d’une démocratie, mais d’une démagogie dont le seul but est que la génération actuelle, celle qui vote, ne souffre en aucun cas de ses incontinences. (Charles Gave)
Pour les libertariens (voir par exemple Murray Rothbard, Repudiating the National Debt), l'État ne peut être mis sur le même pied qu'un débiteur privé. Son engagement n'a pas de valeur, puisqu'il ne crée pas de richesse, mais vit de l'argent volé aux contribuables ou de cet impôt caché qu'est l'inflation. Les créditeurs de l'État sont eux-mêmes éthiquement répréhensibles, puisqu'en tant que « receleurs d'impôt » ils seront remboursés grâce à la coercition fiscale. La dette publique ne peut être considérée à l'égale d'un contrat entre propriétaires légitimes. Elle ne fait qu'augmenter le fardeau fiscal. Plutôt que l'augmentation des impôts ou l'inflation, Rothbard propose une solution révolutionnaire : la répudiation de la dette publique. Il n'y a pas de raison que la population paie pour les dettes contractées par les classes dirigeantes ; de plus, cela empêchera les gouvernements, faute de créanciers, de continuer à détourner des ressources privées pour les gaspiller dans les projets étatiques. La répudiation de la dette est donc un moyen radical de diminuer l'emprise de l'état sur la société civile, en lui "coupant les vivres". Rothbard propose aussi de traiter l'État comme une entreprise en faillite et de vendre tous ses biens.