De Malthus à Keynes
Les XIX° et XX° siècles ont été obnubilés par l’idée de « la crise » (titre de l’ouvrage publié par Malthus en 1792). La crise serait une désorganisation régulière et inéluctable de l’économie naturelle, fonctionnant suivant les seules lois du marché. Elle se marquerait par la surproduction, l’effondrement des prix, les faillites, le chômage. La crise frapperait périodiquement toute économie, elle atteindrait tous les secteurs sans exception.
Que faire ? Malthus avait eu le cynisme de dire qu’il valait mieux ne rien faire et laisser mourir les pauvres dans les rues plutôt que de s’en remettre à l’Etat, parce qu’il y aurait encore plus de pauvres.
Mais il y a mieux à faire : un siècle et demi plus tard, Keynes a été moins pessimiste que son maître. Il a présenté la crise comme inhérente à l’économie de marché, capable de secréter un « équilibre de sous-emploi », mais dont on pouvait sortir par une habile politique de dépenses publiques destinées à relancer les entreprises. Il s’agit bien entendu d’un artifice, mais nécessité fait loi : quand la crise est là, une bonne injection de dépenses gouvernementales remplit les carnets de commande et permet l’embauche des chômeurs.
La crise, fruit de l’économie artificielle
Dès le début du XIX° siècle, Jean Baptiste Say montrait l’impossibilité d’une crise générale et durable, tout en reconnaissant l’existence de crises partielles et passagères liées aux ajustements structurels. Quelques années plus tard, Coquelin, observant que la crise n’avait pas atteint les pays de « banques libres », mettait en accusation les banques centrales accordant sans précaution des crédits quand tout allait bien et coupant les vivres sans ménagement quand tout allait mal. Un banquier ordinaire est responsable des crédits qu’il accorde, il est donc porté à plus de vigilance et de connaissance de la vie des entreprises ou des ménages qu’il soutient. En revanche, une Banque Centrale peut distribuer des « faux droits », c’est à dire émettre une monnaie qui n’a aucune contrepartie réelle. Elle n’a de compte à rendre à personne, elle dispose d’un monopole incontrôlé.
Les interventions artificielles sur le marché du travail ont aussi leur poids. Au sortir de la première guerre mondiale, quand le spectre du chômage massif apparaît en Angleterre, Jacques Rueff met en cause le système de la « dole », cette indemnité versée aux chômeurs qui prolonge indûment la période de chômage, renchérit le coût du travail et ruine des milliers d’entrepreneurs.
La Grande Dépression de 1929 a été provoquée par les erreurs de la FED et du Président Hoover et aggravée (et non résolue, comme on le dit) par le New Deal de Roosevelt, une poussée d’étatisme et de nationalisme sans précédent aux Etats Unis. Mais dans ces années 1930, les socialistes croyaient tenir enfin leur revanche sur le capitalisme terrassé par « la crise ».
L’artifice de l’inflation
Après la deuxième guerre mondiale, l’idée du réglage permanent de la croissance par les interventions de l’Etat, voire par la planification, a repris de la vigueur notamment dans l’esprit des gouvernants et de tous ceux qui ont intérêt à l’extension du secteur public : bureaucrates, syndicalistes, corporatistes, etc. Il a fallu attendre les chocs pétroliers des années 1970 pour commencer à douter sérieusement des capacités de l’Etat dans ce domaine.
A l’époque, le chômage et l’inflation se sont mis à grimper parallèlement, donc on ne pouvait plus prétendre lutter contre le chômage en relançant l’économie par des dépenses publiques ou privées massives financées par l’inflation. En termes techniques, on a dit que la « courbe de Phillips » s’était inversée. Cette courbe, d’une logique au demeurant douteuse, voulait prouver que plus l’inflation était forte, plus le chômage se réduisait. Milton Friedman et les monétaristes ont dégonflé la baudruche.
Dans les années qui ont suivi, les gouvernements se sont vu interdire les manipulations monétaires et l’inflation a disparu. Quant au chômage, il s’est résorbé naturellement par l’application d’une « politique de l’offre » consistant à rendre aux entrepreneurs, et de façon plus large à tous les entreprenants, l’envie et les moyens de se remettre en chantier. Cela fut fait notamment avec la « Reaganomics » : baisse des impôts et de leur progressivité, liberté du marché du travail.
Revanche des Keynésiens et retour à l’Etat
Il a fallu les deux secousses, de 2001 d’abord (la peur d’une catastrophe économique fait douter les Américains traumatisés par l’attentat des Twin Towers et aboutit à une politique inconsciente d’émission du dollar par la FED), puis de 2008 après la crise des subprimes, pour que la hantise de la crise habite à nouveau les esprits et inspire des politiques keynésiennes de relance de l’économie à grands coups d’injections monétaires et de déficits budgétaires, les unes autorisant les autres. C’est le refrain que nous ont servi non seulement les hommes politiques du monde entier (les réunions du G 20 à partir de 2009 ont été édifiantes) mais aussi la majorité des économistes, notamment ceux du FMI.
En fait la relance a eu pour effet le plus évident d’alourdir dramatiquement la dette publique. Au prétexte qu’on ne pouvait pas sérieusement couper dans les dépenses publiques, restait soit à augmenter les impôts soit à les financer par une inflation ouverte. Comme l’augmentation des impôts a atteint un tel niveau que les effets Laffer se multiplient et que la croissance en est stoppée, la solution de l’inflation s’imposera tôt ou tard. Quelle régulation !
Paralysie de l’économie naturelle
Aujourd’hui, non seulement ces artifices pour sortir d’une crise artificielle sont vains, mais ils empêchent les principes de l’économie naturelle de fonctionner avec leur pleine efficacité. Ces principes naturels ne disparaissent pas avec la crise, puisqu’ils sont inscrits dans la nature des hommes et des choses. Mais ils sont viciés par l’économie artificielle.
Dans une économie naturelle, la crise macro-économique, frappant des millions de chômeurs et tous les secteurs d’activité, est impensable. En effet, l’ajustement est permanent entre l’offre et la demande, les entreprises s’adaptant sans cesse aux indications micro-économiques du marché qui émet les signaux suffisants pour découvrir pénuries et excédents : les prix et les profits. Or les prix sont exprimés en monnaie et tout artifice monétaire vient fausser les anticipations des producteurs et des consommateurs. Parallèlement, la confiscation des profits freine l’innovation et l’adaptation. De la sorte, les déséquilibres qui apparaissent normalement dans une économie en évolution permanente ne sont pas redressés, mais aggravés. Les ressources des entreprises et des ménages ne sont plus là où elles devraient être : c’est le « malinvestissement » (Hayek) et la « malconsommation », l’argent étant gaspillé à des emplois inutiles ou non désirés et faisant défaut là où il en est besoin.
Une économie solide ne peut être construite sur les sables mouvants de la politique.
La stabilité monétaire, la maîtrise des dépenses publiques, la déréglementation et le libre échange sont donc les moyens naturels d’éviter la « crise » et, quand elle se produit pour des raisons exogènes (chocs politiques notamment), de la digérer rapidement, sans dommage durable.
Hélas la logique de la classe politique n’est pas celle de l’économie naturelle : puisqu’ils dirigent la police, la défense et la justice, pourquoi pas l’économie ?
Source: Libres.org , Aleps par
Information de wikibéral sur le keynésianisme
Le multiplicateur keynésien ou multiplicateur d'investissement est une théorie de Kahn reprise par John Maynard Keynes selon laquelle l'investissement public a un effet démultiplié sur l'activité économique et sur l'emploi. Plus précisément, les keynésiens le définissent comme le rapport entre une variation des dépenses publiques et la variation consécutive du revenu global. C'est l'un des soubassements idéologiques des politiques de relance financées par l'emprunt.
Si l'investissement a en effet un multiplicateur, apparent, il est erroné de croire qu'encourager l'investissement public de manière artificielle permettra d'avoir des effets positifs, comme l'ont montré de très nombreux économistes.