par Annika Breidthardt et Julien Ponthus
BRUXELLES (Reuters) - Les ministres des Finances de la zone euro ont annoncé samedi dix milliards d'euros d'aide pour Chypre mais ont brisé un tabou pour leur cinquième plan de sauvetage national en mettant à contribution les déposants des banques de l'île.
Chypre est le cinquième pays après la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne à se tourner vers la zone euro pour obtenir une aide financière dans le contexte de la crise de la dette souveraine qui a commencé en 2010.
Au terme d'une réunion de plus de dix heures à Bruxelles, les dirigeants européens qui étaient entourés de ceux de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, ont validé une ponction de 9,9% sur les dépôts bancaires supérieurs à 100.000 euros et de 6,75% en deçà.
"Dans la mesure où c'est une contribution à la stabilité financière de Chypre, il paraît équitable de demander une contribution à tous les déposants", a commenté lors d'une conférence de presse le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem.
Le Néerlandais a précisé que cette ponction représentait environ 5,8 milliards euros. Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a indiqué que les autorités chypriotes avaient déjà pris les devants en procédant au gel des sommes visées.
"Les autorités ont commencé la mise en oeuvre dès ce soir (vendredi)", a-t-il indiqué, une mesure qui prévient une panique bancaire et une fuite des capitaux du pays.
Ce précédent pourrait avoir de lourdes conséquences si d'autres plans de sauvetage devaient encore intervenir dans la zone euro car il inciterait les épargnants à retirer leur argent de leur banque pour le mettre à l'abri hors des frontières nationales.
"L'Eurogroupe a fait ce qu'il avait à faire", a sobrement commenté à sa sortie de l'Eurogroupe le ministre français des Finances, Pierre Moscovici.
Grâce à cette mesure exceptionnelle mais controversée, le montant du plan d'aide est bien en deçà des 17 milliards d'euros préalablement envisagés et se situe dans l'hypothèse basse de la fourchette de 10 à 13 milliards d'euros évoquée par Jeroen Dijsselbloem cette semaine.
Pour de nombreux responsables de l'Union, il aurait été invraisemblable d'espérer que Chypre parvienne à rembourser un jour une masse de dettes supplémentaires de 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de sa richesse nationale annuelle.
D'autres mesures moins spectaculaires comme la hausse du taux d'imposition des sociétés, qui passe de 10% à 12,5%, ont aussi été adoptées. Chypre pourrait aussi lancer un programme de privatisations.
Fortement exposée à la crise grecque, Chypre a sollicité en juin 2012 une aide pour recapitaliser ses banques et financer ses dépenses publiques.
Un accord n'avait cependant pas pu être scellé avec le précédent gouvernement et les négociations se sont intensifiées avec l'accession au pouvoir des conservateurs.
POSSIBLE CONTRIBUTION RUSSE
Pour certains dirigeants européens comme le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, les difficultés de Chypre résultent de la trop grande place prise par son système bancaire, par ailleurs soupçonné de pratiques de blanchiment, dont les actifs représentent huit fois le PIB.
Chypre avait déjà fait un geste envers les dirigeants de l'Union européenne en acceptant un audit indépendant sur la manière dont ses banques appliquent les lois anti-blanchiment.
La mise à contribution des déposants des banques chypriotes s'expliquerait aussi par la volonté de faire payer certains hommes d'affaires britanniques ou russes suspectés d'y blanchir de l'argent.
Au vu de ses intérêts financiers dans la stabilité de l'île, la Russie pourrait contribuer à alléger le fardeau de la dette chypriote en aménageant les termes d'un prêt de 2,5 milliards d'euros.
"Mon sentiment est que le gouvernement russe est prêt à faire une contribution en rallongeant la maturité du prêt et en réduisant les intérêts", a précisé le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires Olli Rehn.
La patronne du FMI Christine Lagarde a également dit que son institution pourrait participer au plan européen.
"Le montant exact n'est pas encore spécifié, cela prendra du temps", a-t-elle dit.
Avec Jan Strupczewski, Robin Emmot et John O'Donnel, édité par Danielle Rouquié
Source:Reuters
Chypre : un sauvetage exceptionnel pour un centre financier off-shore
Pour la première fois, la zone euro dessine un plan de sauvetage qui met à contribution les déposants bancaires. Une mesure exceptionnelle pour éviter un domino de faillite bancaire d'une île dont la prospérité s'est bâtie sur des services financiers disproportionnés
Ce matin, les chypriotes se réveilleront appauvris. Inutiles pour eux de se précipiter sur leurs banques, celles-ci sont fermées et auront prélevées toutes les sommes nécessaires d'ici leur réouverture prévue mardi matin. Alors les déposants pourront vérifier que leur épargne a subi un prélèvement exceptionnel de 6,75% pour les montants inférieurs à 100.000 euros et de 9,9% au-delà. Ce prélèvement devrait rapporter 5,8 milliards d'euros à l'Etat chypriote. Alors les Européens avanceront les 10 milliards d'euros nécessaires pour recapitaliser les banques chypriotes et leur éviter la faillite et pour financer les besoins budgétaires de l'île pendant trois ans.
« Nous n'avions pas le choix », a expliqué le Commissaire aux affaires économiques Olli Rehn au petit matin pour expliquer pourquoi les ministres des finances de la zone euro ont choisi un prélèvement exceptionnel sur les dépôts bancaires à Chypre. « S'il avait fallu procéder à un bail-in classique, c'est-à-dire à la conversion forcée de dettes bancaires en capital, la charge aurait été insupportable et mal répartie. Avec ce prélèvement exceptionnel, nous instaurons une contribution proportionnée entre les résidents et les non-résidents pour sauver le système bancaire chypriote », explique-t-il.
La directrice du FMI a aussi souligné que jamais les Européens n'auraient pu financer les montants réclamés par Chypre, estimés dans un premier temps à 17 milliards, sauf à faire grimper la dette publique de l'île à des niveaux stratosphériques. Alors le FMI n'aurait pas pu participer au programme d'aide comme il l'a fait dans tous les autres programmes d'aide, à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal. Or, sans la présence du FMI, le ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble n'aurait pas obtenu le vote des députés pour aider Chypre. « Pour le FMI, il fallait s'assurer que la dette soit pérenne et qu'elle soit pleinement financée », a rappelé Christine Lagarde. Ce sera le cas : avec un prêt de seulement 10 milliards d'euros, l'endettement de Chypre à l'horizon 2020 pourra être contenu à 100% du PIB. « Il fallait aussi que la répartition de la charge soit équitable et que le secteur bancaire, actuellement hypertrophié, soit réduit au fil du temps », a-t-elle expliqué. « Les conditions sont remplies et le Fmi participera au financement de Chypre ».
Un programme sur mesure
Les créanciers de l'Eurogroupe ont donc une nouvelle fois dessiné un programme sur mesure, qui pour la première fois, met à contribution les déposants des banques. Pour un centre financier off-shore, c'est la solution la plus « équitable », disent-ils. Sans cette contribution exceptionnelle, tout le poids du plan aurait reposé sur les épaules des contribuables chypriotes, qui comme les Islandais en 2008, sont bien trop peu nombreux pour porter seuls la responsabilité d'un secteur bancaire qui représente sept fois le PIB de l'île. Avec cette contribution, la base fiscale du sauvetage de Chypre est élargie aux déposants non-résidents, qui pèsent pour ....lesquels représentent près de 40% des dépôts à Chypre.
Pour l'île, dont la richesse a été bâtie sur les services financiers, cette décision est certes terrifiante. Mais mieux vaut une taxe exceptionnelle que la faillite complète des banques. Enfin, si la plupart des services financiers rendus sont bien « légaux », chacun sait que cette légalité couvre souvent de l'argent tiré de trafics douteux.
Les députés allemands ont promis qu'ils ne voteront pas un cinquième plan d'aide européen pour des services financiers déconnectés de l'épargne des « travailleurs » chypriotes. Hier soir, Georg Assmussen de la Banque centrale européenne, a donc insisté sur le caractère « systémique » du sauvetage de Chypre. Un message destiné directement aux députés allemands qui ont remis en cause la nécessité de sauver Chypre, en mettant en doute le danger que cela représenterait pour la zone euro.
Le Parti Libertarien s’insurge contre cette obscénité fiscale !
La Belgique étant membre de la zone euro, le Premier Ministre Elio Di Rupo et le Ministre des Finances Koen Geens assument la responsabilité des décisions prises à l’Eurogroupe.
Le Parti Libertarien exige des explications publiques quant à la décision prise ce week-end.
Le Parti Libertarien exige également l’assurance par tous les partis politiques que de telles mesures ne seront jamais prises en Belgique.
Enfin, le Parti Libertarien souhaite que s’ouvre dès à présent un grand débat national sur l’annulation de la dette publique avant que celle-ci ne serve de prétexte à la mise sous tutelle de nos institutions démocratiques et à la mise à mort des épargnants.