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Libéralisme, argent et corruption par Jacques Garello

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« L'argent est devenu honorable. C'est notre unique noblesse. Et nous n'avons détruit les autres que pour mettre à la place cette noblesse la plus oppressive la plus insolente et la plus puissante de toutes. »

Le sale argent, l’argent sale 

La condamnation morale de l’argent est aussi vieille que l’argent lui-même. « Aucun homme ne peut servir deux maîtres : car toujours il haïra l'un et aimera l'autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon. (§ Matthieu 6:24). ». Ici argent signifie possession, culte de la richesse, matérialisme, et autres vices qui se proposent aux choix de l’homme libre. Il aura fallu le 20ème siècle pour que la condamnation de l’argent devienne aussi condamnation du capitalisme et du libéralisme, comme chez Anatole France « L'argent est devenu honorable. C'est notre unique noblesse. Et nous n'avons détruit les autres que pour mettre à la place cette noblesse la plus oppressive la plus insolente et la plus puissante de toutes. » Le lien est évident : le libéralisme économique qui imprègne le capitalisme débouche sur la croissance, c'est-à-dire la multiplication des richesses. Si les richesses sont immorales, libéralisme et capitalisme le sont aussi.

Cette condamnation s’est alourdie avec la pratique de l’argent sale. Un film récent porte ce titre, avec pour sous-titre : poison de la finance. C’est le commerce de l’argent lui-même (la finance) qui devient suspect parce qu’il abrite des mouvements d’argent de source illégale et immorale, comme la drogue ou la corruption. Par extension, la corruption devient un attribut du libéralisme. Dans le film en question, la corruption est associée à la mondialisation : plus de frontière pour la mafia (commentaire habituel après la tuerie de Dusseldorf le 15 août dernier). La corruption est aussi au cœur de la lutte contre les paradis fiscaux, ouverte depuis quelques années.

 

La corruption dans la vie économique

Il ne fait aucun doute qu’un certain nombre de scandales défraient la chronique économique chaque jour. Hier on apprenait que des joueurs de handball perdaient des matchs pour gagner des paris. Cet hiver, la Barclays Bank a été amenée à s’excuser (et son directeur à démissionner) parce que certains de ses « traders » avaient trafique le taux Libor (taux d’intérêt pratiqué à Londres qui guide un grand nombre de taux dans le monde), les malversations portant sur quelque 5.000 milliards de dollars. Il y a huit ans, la société Enron a volé ses salariés en dilapidant l’argent de leurs retraites. Et le système « Madoff » a ruiné des centaines de milliers de personnes : les fonds confiés à ce financier véreux avaient une rentabilité élevée parce qu’ils étaient remboursés sur les sommes nouvelles collectées mais il n’y avait aucune réserve ni aucun actif chez Madoff (« la chaîne de Ponzi »). Toutes ces malversations sont évidemment une tare dans un système de liberté économique, mais elles sont inévitables compte tenu de la nature humaine. C’est la rançon de toute liberté : des gens malhonnêtes peuvent en abuser et léser les autres. Ce n’est pas le libéralisme économique qui est en cause, c’est la nature humaine « Si tous les hommes étaient des anges, le gouvernement ne serait pas nécessaire », disait James Madison, l’un des pères fondateurs de la démocratie américaine. Madison exprimait ainsi la nécessaire intervention de l’Etat pour garantir la liberté et la sécurité. Ce rôle subsidiaire d’un Etat gendarme, chargé d’utiliser la force publique pour moraliser les immoraux, les malhonnêtes et les voleurs, est-il correctement assumé aujourd’hui ?

 

La « mesure » de la corruption

En fait, la corruption telle qu’on l’observe aujourd’hui échappe à la vigilance des Etats. Mieux : elle prend source et appui dans le pouvoir politique. C’en est au point que les définitions officielles de la corruption associent corruption et pouvoir politique : « la corruption consiste en l’abus d'un pouvoir reçu en délégation à des fins privées » dit Transparency International. Le Conseil de l’Europe est encore plus précis, en parlant de « l'utilisation et l'abus du pouvoir public à des fins privées ».

Les affaires les plus connues de corruption tournent autour du pouvoir politique, du financement des partis, de l’enrichissement personnel des gouvernants et chefs d’Etat. En France, cette année les ventes d’armes au Pakistan (attentat de Karachi) et le financement de la campagne de 2007 (Bettencourt) ont tenu la vedette. Mais la situation dans notre pays n’est pas la pire. Transparency International publie chaque année un « indice de perception de la corruption ». Dans les 178 pays étudiés, les trois quarts sont « perçus » comme gravement corrompus. Les 10 pays les moins corrompus sont le Danemark, la Nouvelle Zélande, Singapour, la Suède, le Canada, les Pays Bas, l’Australie, la Suisse et la Norvège et en queue de classement on trouve la Somalie, la Birmanie, l’Afghanistan, l’Irak, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Soudan, le Tchad, le Burundi et la Guinée. La Russie est un haut lieu de la corruption (154ème). Les Etats-Unis sont en 22ème position et la France en 25ème.

 

 « Tout pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument »

Quand le gendarme devient voleur

La géographie de la corruption démontre une forte corrélation entre dictature politique et corruption. Ce sont les pays où le pouvoir de l’Etat est le plus fort, le plus concentré, qui sont les plus atteints. Lord Acton est l’auteur de la célèbre formule : « Tout pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ».

Même dans les démocraties occidentales, l’Etat Providence est la source d’une corruption permanente et généralisée. Quand le secteur public représente une moitié de l’activité nationale, les marchés publics sont déterminants pour les entreprises. Quand la réglementation rend difficile voire arbitraire l’exercice d’une profession, les démarches, les pressions occultes et les enveloppes se multiplient. La loi Royer sur l’implantation des grandes surfaces a été pendant longtemps la première source de financement des partis politiques français. Quand le marché est bloqué par les administrations et quand les pénuries apparaissent, le marché noir se développe. Quand il faut l’accord d’un fonctionnaire pour les actes de la vie courante, le bakchich est de droit. Et s’il n’y avait pas d’enfers fiscaux, il n’y aurait pas de paradis fiscaux.

On ne peut pas non plus sous-estimer l’importance du favoritisme, du népotisme et du communautarisme. Dans beaucoup de pays, appartenir à un clan, avoir des relations, sont des modes d’enrichissement plus efficaces que l’entreprise, le mérite ou le travail. Aux Etats-Unis, l’administration fédérale, surtout depuis Barack Obama, se trouve entre les mains de personnes avec lesquelles et entre lesquelles on peut faire du business. La corruption est le fruit de ce que l’on appelle «  crowny capitalism », un système qui assoit le succès des affaires sur les relations que les dirigeants d’entreprises entretiennent avec le gouvernement. Hélas ceux qui à juste titre méprisent et dénoncent la corruption se trompent souvent d’adresse : ce n’est pas le libéralisme qui est en cause mais, une fois de plus, le poids de l’Etat, allant parfois jusqu’à la dictature politique, qui est aussi dictature de l’argent.

 


Source: Libres.org , Aleps


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