Le 4 octobre 1958, la Constitution voulue par le général de Gaulle et adoptée par référendum le 28 septembre est promulguée : la Ve République est née. Cinquante ans plus tard, (2008) elle a fait la preuve de sa faculté d’adaptation. Son acquis majeur aura été de doter le pays d’une stabilité gouvernementale que les aléas de l’histoire et de la vie politique n’ont pas entamée.
Le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République est promulguée. Le 28 septembre, les Français l’avaient massivement approuvée par référendum et avaient par ce vote plébiscité le retour au pouvoir du général de Gaulle cinq mois auparavant.
La page de la IVe République est tournée. Elle n’a pourtant pas démérité : reconstruction du pays, autonomie puis indépendance du Maroc et de la Tunisie, processus d’émancipation des colonies d’Afrique noire ; la tâche accomplie a été importante, portée par une haute administration de grande qualité. Mais pour les Français le régime est aussi synonyme de vie chère et de difficultés économiques et financières, de gouvernements qui se succèdent au gré des combinaisons politiques et surtout d’un conflit algérien qui s’enlise. C’est d’Alger que viendra le coup de grâce.
L’appel à de Gaulle devient inéluctable. Il pose ses conditions : les pleins pouvoirs pendant six mois. Sa priorité : doter la France d’une Constitution qui permette aux pouvoirs publics d’assumer leurs missions. Fin août 1958, c’est chose faite.
Cinquante ans après sa promulgation, l’objectif a été atteint. Même si le texte constitutionnel a été remanié et modifié afin de l’adapter à son environnement, il a fait preuve d’une capacité remarquable à résister aux situations les plus critiques. Il a surtout instauré une stabilité des pouvoirs et de l’action politique dans la longue durée tout en préservant les acquis de la démocratie.
Professeur des universités, Université de Bordeaux-Institut d’études politiques, Pascal Jan a dirigé l’ouvrage "La Constitution de la Ve République, réflexions pour un cinquantenaire", paru en septembre 2008 dans la collection Les Études de La Documentation française.
Entretien réalisé en septembre 2008.
Quelles sont les principales innovations contenues dans le texte constitutionnel du 4 octobre 1958 ? Marque-t-il une rupture avec l’histoire institutionnelle française ?
La Constitution de la Ve République, élaborée sur les ruines de la Constitution de 1946, est un texte novateur à plusieurs titres. Contrairement aux textes constitutionnels antérieurs, la Constitution de 1958 affiche clairement son souci d'instaurer un exécutif fort et stable dans le cadre d'un régime démocratique. Cette orientation passe notamment par un parlementarisme rationnalisé rigoureux (limitation matérielle de la loi, contrôle de constitutionnalité des règlements des assemblées parlementaires, ordre du jour des assemblées maîtrisé par le gouvernement, compétences accrues du chef de l'État...). Le texte constitutionnel approuvé largement par référendum rétablit par ailleurs la place du peuple à travers la procédure référendaire, laquelle était très discréditée depuis l'épisode du Prince-président et du coup d'État de 1851. Le choix d'élire le chef de l'État au suffrage universel direct en 1962 parachève cette « révolution » des mentalités initiée par le mouvement de la réforme de l'État (Tardieu, Blum, Capitant, Carré de Malberg...). Sous ces aspects, nombreux sont ceux qui ont estimé que la rupture avec la tradition constitutionnelle était réalisée. En fait, la réponse est trop brutale. L'histoire constitutionnelle française avant 1958 est tourmentée et marquée par la navigation permanente des régimes entre autorité et instabilité. La Constitution de 1958 a ceci de spécifique qu'elle associe stabilité et autorité du pouvoir exécutif dans le cadre d'un régime parlementaire et dans le respect des principes démocratiques.
Dans l’ouvrage que vous avez dirigé, Anne Levade écrit que « La Constitution de 1958 a été conçue par ses pères comme un retour aux fondamentaux, manifestant, à l’évidence, une volonté de continuité ». Pouvez-illustrer ce propos ?
Les fondamentaux sont de nature diverses. Mais il est incontestable que la Constitution de 1958 a été rédigée pour assurer la stabilité du régime et permettre aux pouvoirs politiques de gouverner conformément aux intérêts de la nation et avec son soutien. La volonté affichée par le général de Gaulle et Michel Debré est bien celle de permettre aux autorités de l'État de mener les politiques publiques conformément aux vœux de la nation. In fine, à travers la restauration de l'exécutif, c'est la restauration de l'État qui est poursuivie en 1958, celle là même continuellement invoquée par les constituants depuis plus d'un siècle. Cela passe par exemple par l'affirmation de la subordination de l'administration au gouvernement. Faire du Président de la République le garant politique de la Constitution et de l'intégrité du territoire entre dans ce schéma initial à l'instant évoqué. De ce point de vue, il y a bien volonté de continuité avec ce que représente et ce que doit représenter la France sur la scène internationale.
Le texte constitutionnel de 1958 a subi de profondes transformations, à commencer par l’élection du Président de la République au suffrage universel adoptée en 1962. D’autres réformes importantes l’ont complété ou modifié, lesquelles ? Qu’elles en ont été les conséquences ?
La réforme de 1962 est importante en elle-même. C'est une évidence. Mais il importe de ne jamais oublier que ses conséquences sur le renforcement considérable du Président de la République au sein de la Ve République tiennent au soutien que le chef de l'État trouve dans une majorité à l'Assemblée nationale. Hormis cette réforme essentielle, on peut évoquer en premier lieu la réforme de la saisine du Conseil constitutionnel en 1974. En permettant à une minorité de députés ou de sénateurs de contester la constitutionnalité d'une loi avant sa promulgation, la modification de l'article 61 de la Constitution va conduire à des évolutions majeures : transformation du Conseil constitutionnel en une juridiction protectrice des droits fondamentaux, renforcement de l'État de droit, émergence d'une opposition lisible et audible. L'admission de l'exception d'inconstitutionnalité en 2008, en autorisant les justiciables à défendre leurs droits et libertés devant les tribunaux ordinaires, est le prolongement naturel et attendu de l'extension de la saisine aux parlementaires. Autres réformes décisives : les révisions en rapport avec la construction européenne. Le choix de transférer des compétences à l'Union européenne a profondément modifié les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir parlementaire sans compter le bouleversement du système juridique placé sous influence irréversible du droit communautaire et européen (loi soumise au respect des règlements et des directives communautaires notamment). Parmi les révisions majeures mais aux conséquences difficilement mesurables encore, il y a lieu de mentionner le quinquennat et la révision de mars 2003 relative à la décentralisation et aux collectivités territoriales. Enfin, la récente réforme de juillet 2008 est importante par le nombre de dispositions concernées mais reste incertaine dans sa portée, tant s'agissant du renforcement des compétences de contrôle du Parlement que de l'élargissement des droits du citoyen.
En 2008, la Constitution fête son cinquantième anniversaire, âge respectable en France pour une loi fondamentale, et ce malgré les obstacles et les soubresauts qui n’ont pas manqué dans la vie publique nationale et internationale. Comment expliquer cette « résistance » que même les alternances politiques ou les périodes de cohabitation n’ont pas entamée ?
Incontestablement, la « résistance » du texte constitutionnel en dépit des crises politiques, sociales, des cohabitations, des soubresauts de la politique internationale tient à la stabilité des institutions, gouvernement en tête. Les mécanismes du parlementarisme rationalisé ont produit l'effet attendu. Le gouvernement n'a plus à craindre des alliances politiques conjoncturelles. Il dispose des moyens d'aller de l'avant, de surmonter des oppositions ou une absence de majorité claire sur ses projets lesquels traduisent depuis 1965 des options défendues par le Président de la République devant le peuple français (sauf cohabitation). La stabilité est également la conséquence d'un mode de scrutin législatif stable et clair, qui assure une majorité absolue le plus souvent, tout en clarifiant l'offre politique. Mais la stabilité ne serait rien sans l'adaptabilité du texte constitutionnel. Outre quelques conventions constitutionnelles, les acteurs politiques ont su interpréter les dispositions constitutionnelles sans paralyser le système décisionnel. Surtout, de nouveaux acteurs ont émergé qui ont facilité les phases de transition politique et ont fortement contribué à une évolution paisible de la société et des principes qui l'encadrent. Il s'agit des juges constitutionnels, administratifs et judiciaires. Tous ont une pris part prépondérante dans l'affirmation et le développement de l'État de droit, lequel constitue le cadre obligé des principales actions politiques et de la réalisation des politiques publiques.
Le 21 juillet 2008, le Congrès a adopté une importante réforme constitutionnelle puisque plus de 30 articles du texte ont été complétés ou modifiés. Quelles sont les principales innovations de cette réforme ? Quelles conséquences peuvent-elles avoir sur le fonctionnement des pouvoirs publics ?
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 s'inscrit dans la suite des propositions émises par le Comité Balladur. Elle en reprend de nombreuses suggestions. Cette révision voulue par le chef de l'État et adoptée à une voix près au Congrès du Parlement a pour ambition de revaloriser le rôle des assemblées parlementaires. Ainsi, le Parlement maîtrise désormais à égalité avec le gouvernement son ordre du jour ; les textes mis en discussion publique sont ceux issus des commissions parlementaires et non le texte initial du gouvernement ; la constitution de deux commissions permanentes supplémentaires ; la confirmation de l'association des représentants de la nation aux décisions communautaires ; l'association renforcée du Parlement aux décisions engageant les forces armées ; la faculté reconnue à une minorité de parlementaires de proposer un référendum avec le soutien d'un certain nombre de citoyens… Au chapitre des droits de ces derniers, la possibilité pour les justiciables de défendre leurs droits fondamentaux devant les tribunaux ordinaires était une réforme réclamée de longue date et attendue. Il n'est pas certain que ses effets soient à la hauteur des attentes, les juges administratifs et ordinaires ayant développé depuis près de 20 ans une jurisprudence palliant très largement l'absence d'un contrôle de constitutionnalité de la loi promulguée. Moins médiatiques sont les dispositions qui accordent aux citoyens le droit de contester les juges selon des modalités qu'il reste à préciser ou encore la création d'un Défenseur des droits qui regroupe un ensemble de compétences d'autorités aujourd'hui dispersées.
Il est beaucoup trop tôt pour tirer toutes les conséquences de cette révision. Il est cependant certain que les améliorations et les avancées vont dépendre très largement de l'investissement des acteurs concernés, parlementaires en tête. Le cumul des mandats demeurant, il est peu probable que le Parlement sorte véritablement renforcé de cet épisode constitutionnel sauf à s'en tenir à la seule lecture du texte constitutionnel. Quant aux citoyens, les conditions mises à leur intervention détermineront l'effectivité de leurs droits nouveaux.
Éviter la guerre civile
Depuis le 13 mai 1958 et l’insurrection algéroise, la crise de régime latente depuis des mois éclate au grand jour. À Alger comme à Paris, on se tourne vers le général de Gaulle qui, depuis le début des années 1950, s’est retiré de la vie politique et se consacre à la rédaction de ses mémoires.
> Consulter le dossier d’actualité « Il y a 50 ans, le retour du général de Gaulle (mai-juin 1958) »
Le 1er juin 1958, l’Assemblée nationale investit le général de Gaulle à la présidence du Conseil d’une IVe République à bout de souffle. Trois jours auparavant, René Coty, Président de la République, s’était tourné « vers le plus illustre des Français » qui, dès le 15 mai, c’était déclaré « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». Ce 1er juin, le général de Gaulle en pénétrant dans l’hémicycle du Palais Bourbon retrouve les parlementaires dont les stratégies politiques l’avaient acculé à la démission en janvier 1946.
Il y avait urgence : les officiers d’Algérie, soutenus par la population européenne de ces départements français d’outre-Méditerranée, sont déterminés à marcher sur la capitale pour exiger un pouvoir qui pérennise l’Algérie française. La Corse était déjà passée sous le contrôle des parachutistes venus d’Alger.
Georges Bidault, ancien président du Conseil national de la Résistance, un des leaders du parti démocrate chrétien, le Mouvement républicain populaire, met en garde ses collègues parlementaires : « entre la Seine et vous, il n’y a que lui. C’est le dernier parapluie contre les sauterelles ». Les parachutistes d’Alger semblaient plus que jamais déterminés à s’emparer de la capitale et des organes du pouvoir.
Charles de Gaulle, en position de force, pose ses conditions : aux députés, il demande pour son gouvernement les pleins pouvoirs pour une durée de six mois « afin d’être en mesure d’agir dans les conditions d’efficacité, de rapidité, de responsabilité que les circonstances exigent » (voir les « Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution », volume 1). Il s’agit de restaurer l’autorité de l’État, rétablir le calme en Algérie, remettre de l’ordre dans les finances publiques. Il s’agit surtout dans la pensée du général de Gaulle, afin de faire œuvre durable, de remédier au mal principal qu’il dénonce depuis 1946 : « la confusion et l’impuissance des pouvoirs ». Il sollicite pour cela le mandat d’élaborer et de présenter au pays par la voie du référendum les changements institutionnels qu’il estime indispensables et qu’il n’avait pu faire aboutir au lendemain de la Libération.
L’Assemblée lui accorde la confiance par 329 voix contre 224. Il devient Président du Conseil, le dernier d’un régime qu’il n’a cessé de combattre. Parmi les opposants, le Parti communiste, des personnalités de la droite extrême, une minorité de socialistes et de radicaux, des hommes du centre gauche à l’image de Pierre Mendès France et de François Mitterrand. Ces deux derniers sont convaincus de la nécessité d’une réforme des institutions de la IVe République, mais récusent les conditions dans lesquelles le Général a opéré son retour. Pierre Mendès France déclare le 1er juin à l’Assemblée nationale : « je ne puis admettre de donner un vote contraint par l’insurrection et la menace d’un coup de force militaire ».
Une nécessité : composer avec les hommes de la IVe République
Appelé par les hommes de la IVe République, le général de Gaulle doit composer avec eux. Raillant depuis la Libération « les petits partis qui cuisent leur petite soupe au coin de leur petit feu » (discours de Vincennes du 5 octobre 1947), il s’entoure des responsables des formations qui ont animé les coalitions gouvernementales depuis 1947. Il devient Président du Conseil d’un gouvernement dans lequel siège Guy Mollet (SFIO), Pierre Pflimlin (MRP), Louis Jacquinot (modéré) et Antoine Pinay (indépendant). Les « vrais » gaullistes sont une poignée : André Malraux qui, innovation, est chargé des Affaires culturelles et surtout Michel Debré, sénateur d’Indre-et-Loire, garde des Sceaux, ministre de la Justice, à qui est confié l’animation et l’impulsion des travaux constitutionnels.
N’ayant pu accéder au pouvoir malgré les succès électoraux du RPF en 1947-1951, Charles de Gaulle est maintenant au cœur du régime avec l’assentiment de ceux qui ont servi la IVe République et qui ont, comme lui, mesuré dans l’exercice gouvernemental, mais sans pouvoir y remédier, les faiblesses inhérentes à la Constitution de 1946.
Une condition : respecter la légalité
C’est un impératif pour le général de Gaulle. Sa stature historique, son caractère et ses discours ont souvent effrayé les hommes du système qu’il a pourtant contribué à rétablir après le désastre de 1940.
Suspect aux yeux des Alliés pendant la guerre, Charles de Gaulle est suspect aux yeux des partis politiques traditionnels. Généraux et régime républicain, de Bonaparte à Boulanger et Pétain, ne sont guère conciliables en France. Un pouvoir exécutif fort limitant la toute puissance du Parlement apparaît comme une hérésie à une classe politique pour laquelle la République reste basée sur la primauté de la représentation nationale, qui pourtant n’a guère brillé à plusieurs reprises aux moments les plus sombres.
Profondément marqué par les atermoiements du pouvoir politique durant les années 1930 et par le désastre de 1940, Charles de Gaulle refuse les divisions partisanes, facteur selon lui d’impuissance, mais néanmoins inhérentes à toute démocratie parlementaire. D’où cette suspicion à son encontre de vouloir porter atteinte aux libertés républicaines.
En 1958, les circonstances de son retour à l’occasion d’un putsch militaire à Alger, qu’il ne fomente pas, qu’il ne désavoue pas, mais dont il sait se servir, ne sont alors guère en sa faveur et facilitent des réactions hostiles à son égard. On lui oppose certains slogans : « vive la République » ou « à bas le fascisme ». Quand un journaliste réputé du Monde lui demande s’il ne représente pas un danger pour les libertés, sa réponse en forme de boutade est connue : « Croit-on qu’à 67 ans, je vais commencer une carrière de dictateur ? ».
Afin de combattre ces craintes, le plus grand soin sera mis à la procédure de révision de la Constitution du 27 octobre 1946 qui aboutira, dans la légalité, à un changement de régime.
Charles de Gaulle va pouvoir à cette occasion réaliser les grandes lignes déjà exposées en juin 1946 dans son discours de Bayeux. « Je n’ai pas fondé une nouvelle République, j’ai simplement donné des fondations à la République qui n’en avait jamais eu », confiera-t-il à Alain Peyrefitte.
La loi constitutionnelle du 3 juin 1958
En mai 1955, l’Assemblée nationale avait voté une résolution déclarant qu’il y avait lieu de réviser plusieurs articles de la Constitution, dont l’article 90 (« De la révision »), résolution adoptée en juillet de la même année par le Conseil de la République (appellation du Sénat sous la IVe République). Ces résolutions sont concrétisées le 3 juin 1958 par le vote de la loi constitutionnelle portant dérogation transitoire aux dispositions de l’article 90 de la Constitution qui dispose que « la Constitution sera révisée par le Gouvernement investi le 1er juin 1958 » (voir le Document d’études« Constitution française du 4 octobre 1958 »). L’article 90 originel était inapplicable du fait des circonstances du moment.
La loi du 3 juin encadre la révision en posant certains principes :
- seul le suffrage universel est la source du pouvoir ;
- le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être séparés ;
- le gouvernement doit être responsable devant le Parlement ;
- l’indépendance du pouvoir judiciaire doit être garanti, de même que l’exercice des libertés publiques définies par le Préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l’Homme.
Elle explicite les conditions de rédaction de la révision constitutionnelle et dispose que le projet de loi du gouvernement doit recueillir l’avis d’un Comité consultatif. Arrêté en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’État, le projet devra être soumis à référendum.
Une procédure rapide est enclenchée : commencés à la mi-juin 1958, les travaux constitutionnels aboutissent fin août à la rédaction d’un texte définitif présenté officiellement le 4 septembre aux Français, qui l’adoptent par référendum le 28 septembre par plus de 80 % de « oui ».
Les travaux constitutionnels
Leur calendrier est le suivant :
- début juin-fin juillet 1958 : délibérations du gouvernement et de ses experts afin de rédiger un avant projet ;
- fin juillet-14 août : examen du texte par le Comité consultatif constitutionnel ;
- 27-28 août : l’avant projet est soumis au Conseil d’État par Michel Debré, Garde des Sceaux (lire son discours dans le Document d’études« Constitution française du 4 octobre 1958 ») ;
- 3 septembre : le projet de Constitution est adopté par le Conseil des ministres.
Les travaux constitutionnels sont guidés par les conceptions que le Général a présentées dès la Libération : « Sur ce sujet, dont tout dépend, j’ai depuis douze ans fixé et publié l’essentiel » (Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, le renouveau, Plon, 1970).
Plusieurs cellules de travail bâtissent l’avant-projet : à Matignon, Charles de Gaulle et ses principaux ministres dont Guy Mollet, Pierre Pflimlin, Louis Jacquinot, Félix Houphouët-Boigny, épaulés par René Cassin, Georges Pompidou, directeur de cabinet du Général, Raymond Janot...
Au ministère de la Justice, Michel Debré entouré de membres du Conseil d’État et de constitutionnalistes.
Un projet est mis au point et soumis au Comité consultatif constitutionnel à partir du 29 juillet. Le Comité, présidé par Paul Reynaud, est composé de 39 membres : 26 parlementaires désignés par les commissions compétentes des deux assemblées et 13 personnalités désignées par le gouvernement.
> Voir sa composition dans le tome II des « Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution »).
Les discussions portèrent sur l’incompatibilité entre une fonction ministérielle et un mandat parlementaire, sur l’étendue du collège destiné à élire le Chef de l’État, sur le futur article 16 (pouvoirs exceptionnels en cas de crise). Le Comité entendit les explications du général de Gaulle sur les points les plus innovants : rôle du Président, du Premier ministre, du Parlement.
Le 4 septembre 1958
Date anniversaire de la proclamation de la République en 1870, c’est le 4 septembre que le général de Gaulle présente aux Français, place de la République à Paris, le projet de Constitution que le Conseil des ministres a adopté la veille et qui leur sera soumis à référendum le 28 septembre.
La mise en scène est grandiose. La statue de la République est drapée d’un immense V tricolore. Le V de la victoire de 1945, le V de la nouvelle République à venir, la cinquième. Au pied de la tribune deux rangées de gardes républicains répondent au même schéma. Arrivé à la tribune, Charles de Gaulle, en civil, marque un temps et dans un geste qui deviendra récurrent, lève les bras et les écarte.
Avant lui, Jean Berthoin, ministre de l’Éducation nationale avait rendu hommage à la République et aux grands républicains. Puis André Malraux : « Quand j’ai dit (...) que certains voulaient la République sans le général de Gaulle et d’autres le général sans la République, la France, elle, voulait la République avec le général de Gaulle (...) Ici Paris. Honneur et patrie. Une fois de plus au rendez-vous de la République et au rendez-vous de l’histoire, vous allez entendre le général de Gaulle ».
> Lire un extrait du discours du général de Gaulle dans le dossier d’actualité « Il y a 50 ans, le retour du général de Gaulle (mai-juin 1958) »
Le référendum du 28 septembre 1958
Voix | % des inscrits | % des votants | % des suffrages exprimés | |
Inscrits | 47 249 142 | - | - | - |
Abstentions | 9 151 288 | 19,37 | - | - |
Votants | 38 097 853 | 80,63 | - | - |
Nuls | 418 297 | - | 1,10 | - |
Suffrages exprimés | 37 679 556 | - | 98,99 | - |
OUI | 31 123 483 | 65,87 | 81,69 | 82,60 |
NON | 6 556 073 | 13,88 | 17,21 | 17,40 |
© Assemblée nationale.