Les Britanniques ont toujours défendu les libertés sur le continent. Sachons écouter aujourd’hui le message qu’ils envoient à l’Europe.
Lors des dernières négociations budgétaires européennes, la presse française, avec son objectivité coutumière, a présenté le Royaume-Uni comme le héraut d’une Europe a minima. Rien n’est plus faux et plus superficiel. On peut être en désaccord avec l’agenda des Britanniques pour l’Union, mais on ne peut leur dénier une vraie vision. Contre la bureaucratie bruxelloise, ils se font les porte-parole d’une Europe des libertés.
Il faut relire la lettre signée il y a un an par David Cameron et onze autres leaders européens, défendant la compétitivité européenne via un marché unique renforcé, des régulations allégées et un marché du travail plus flexible. Naturellement, la France n’en était pas signataire.
Il faut écouter dans le détail le discours sur l’Europe de David Cameron le mois dernier. Le premier ministre britannique y définit sa conception d’une Europe ouverte sur le monde, en pointe sur le commerce international et osant simplifier un droit du travail devenu trop complexe. Loin de se mettre à l’écart du continent (on se rappelle le joli titre du Times de Londres en 1957 :
« Heavy fog in Channel, Continent cut off »), il veut faire de son pays une « force de réforme économique libérale » pour l’Union.
Que souhaiter de mieux aujourd’hui ?
En ce sens, la conception britannique de l’Europe est la plus proche de celle des pères fondateurs : une « union sans cesse plus étroite entre les peuples » atteinte non par des superstructures politiques cruellement dépourvues de légitimité, mais par la facilitation des échanges entre les hommes, les biens et les idées. Cameron est sans doute le plus fervent défenseur du marché unique parmi les leaders européens. Il veut le compléter et le parfaire, notamment en ce qui concerne les services, l’énergie et le numérique. Au sens britannique, marché unique n’est pas synonyme d’harmonisation, mais de mise en concurrence : plutôt que de créer en amont des normes artificielles, mieux vaut laisser les différents produits, les différentes méthodes, les différentes politiques publiques se confronter dans un espace ouvert et régulé.
Voilà comment faire participer les “peuples” tant vantés par le traité de Rome. L’Europe ne palliera pas son déficit démocratique par une redéfinition du mode de scrutin des élections européennes ou une nouvelle réforme de la gouvernance de la Commission. Le marché unique, c’est l’accomplissement de l’idéal de Benjamin Constant :
« Les individus transplantent au loin leurs trésors ; ils portent avec eux toutes les jouissances de la vie privée ; le commerce a rapproché les nations, et leur a donné des moeurs et des habitudes à peu près pareilles ; les chefs peuvent être ennemis ; les peuples sont compatriotes. »
De même, comment ne pas admirer que la présidence britannique du G8, qui a commencé en janvier, ait fait de la conclusion d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union une priorité absolue ? Potentiellement, un tel accord pourrait créer 2 millions d’emplois et engendrer un point de croissance supplémentaire à travers toute l’Union. Les Britanniques préfèrent créer de la richesse par le commerce que gérer de la dépense par la bureaucratie : est-ce là une Europe a minima ?
Enfin, David Cameron a dénoncé avec force l’étranglement des entreprises par la paperasse. La libération des forces entrepreneuriales ne serait-elle pas un but tout aussi noble que l’asservissement des budgets nationaux à on ne sait quelle instance communautaire ?
Dans son discours au Parlement européen, François Hollande a déploré que
« l’Europe doute d’elle-même, doute de ses choix » et « mette trop peu de temps à réfléchir à ses orientations et à son architecture d’ensemble ».
Prenons-le au mot. Le Royaume-Uni nous propose une architecture d’ensemble, plus souple mais non moins légitime que le modèle centralisateur français.
Source: