Un coup d’œil dans le passé montre clairement les éléments sur lesquels se fonde le succès du modèle suisse : premièrement, la sécurité du droit, liée à une grande fiabilité des politiques économique, financière et fiscale.
Deuxièmement, la protection constitutionnelle de la liberté d’entreprise et de la propriété. Troisièmement, l’indépendance intangible de la politique monétaire de la Banque nationale. Quatrièmement, la grande souplesse du droit du travail et des sociétés anonymes. Cinquièmement, des marchés ouverts.
Sixièmement, un système de formation dual et des hautes écoles compétitives. Et enfin, septièmement, la démocratie directe et le partenariat social. L’essentiel reste toutefois la capacité d’aborder les mutations en temps utile et de manière constructive.
Avec un taux d’exportation de près de 55 % du produit intérieur brut et une contribution des sociétés multinationales de 30 % à la création de valeur, la Suisse est plus que tout autre pays européen tributaire de ces éléments. Plus de 500 multinationales ont un siège international ou régional dans notre pays.
Nous sommes redevables à un entrepreneuriat dynamique et cosmopolite du fait que notre pays occupe une place de pointe en matière de compétitivité et que plus de 220 000 emplois ont pu être créés au cours des cinq dernières années, soit 7 % de l’ensemble du marché du travail. Ces chiffres devraient nous conforter dans l’idée que nous saurons aussi affronter les mutations à venir.
Alors que des vents contraires soufflent en Europe, ce n’est pas le moment de fragiliser nos atouts. Il convient au contraire de les renforcer. Il faut se garder de réduire la liberté d’entreprise garantie, la primauté de la concurrence ou les droits de propriété en raison d’un activisme politique à court terme.
L’exhortation de Jeanne Hersch, dans les années 1980, à ne pas perdre la capacité de supporter la liberté reste toujours d’actualité au regard de la présente vague de réglementation.
Dans le contexte de la perte de confiance vis-à-vis de l’euro, il n’y a pas dans les circonstances actuelles d’alternative à la sauvegarde du cours plancher.
Compte tenu de son mandat constitutionnel et de la nécessité d’éviter des conflits d’intérêts, la Banque nationale ne peut, malgré les grandes quantités de réserves de devises accumulées, jouer de surcroît le rôle d’un fonds d’investissement.
Suite au blocage de la libéralisation multilatérale du commerce et de l’érosion de l’Europe, il y a lieu de poursuivre de manière ciblée la politique de libre-échange menée jusqu’ici avec succès avec des pays extra-européens. Là aussi s’applique le principe selon lequel la qualité prime sur la quantité. Le cas échéant, il faudra notamment veiller à ce que ni la protection de la propriété intellectuelle ni nos intérêts dans les marchés publics n’en pâtissent. Il n’est pas non plus acceptable que les fruits susceptibles d’être récoltés par notre économie soient mis en péril en Suisse par des intérêts particuliers. Je n’appelle pas ici à un sacrifice de l’agriculture. Mais il ne faut pas balayer les opportunités d’exporter des aliments de qualité élevée. Plutôt que nous complaire à opposer l’agriculture à l’industrie, nous devons viser une réussite économique globale. La vision stratégique ne doit pas être brouillée par des velléités d’isolement à courte vue.
Enfin, le tandem science et économie est indispensable pour sauvegarder notre position de pointe en matière d’innovation. La promotion nécessaire des disciplines MINT ne doit pas être cantonnée au niveau universitaire, mais doit débuter au niveau de la scolarité obligatoire. C’est pourquoi il est demandé aux cantons, dans le cadre du plan scolaire 21, de ne pas différer davantage une meilleure prise en compte des sciences naturelles et des mathématiques. Nonobstant la souveraineté des cantons en matière d’enseignement, la Confédération est tenue, si nécessaire, d’exercer l’influence nécessaire.
Dans la perspective de la mise en œuvre de la nouvelle politique énergétique, la garantie de la sécurité d’approvisionnement à des prix compétitifs est un facteur-clé, qu’il convient de ne pas perdre de vue. L’économie n’entend pas faire obstruction. Elle ne négligera aucun effort pour contribuer à la faisabilité de ce grand projet. En revanche, s’il implique une réforme fiscale écologique en solitaire, celle-ci sera politiquement et économiquement mort-née. Elle aurait notamment pour effet d’affecter lourdement la place économique, raison pour laquelle nous ne lui accorderons pas notre soutien. La perspective évoquée à ce propos d’un double dividende est illusoire. Il est clair à mes yeux que le succès passe par l’innovation technologique, des incitations et l’intensification de la recherche et du développement.
Par Gerold Bührer
Source: http://www.monde-economique.ch